Présentation Le Hobbit
Fiche technique Musique : Howard Shore Scénario : Peter Jackson, Guillermo del Toro, Fran Walsh et Philippa Boyens, d'après J. R. R. Tolkien Réalisation : Peter Jackson Quelques notes sur le roman Publié le 21 septembre 1937, Le Hobbit aurait commencé à être rédigé vers 1929. A la base, ce récit vise uniquement à distraire les enfants de JRR Tolkien. Dans une première version, le chef des Nains s’appelle « Gandalf » avant que ce nom soit attribué au magicien précédemment dénommé « Bladorthin ». Le dragon a lui aussi changé plusieurs fois de nom, commençant par « Pryfftan » avant de se voir appeler « Smaug » ; ce qui est pour Tolkien « une mauvaise blague de philologue » puisque ce nom signifie « glisser ». A l’origine, c’est Bilbon qui devait tuer le monstre mais, jugeant cela peu crédible, l’auteur attribue cet acte à l’archer Bard. Le roman reste alors inachevé un moment avant d’être complété par le passage de la bataille des cinq armées. Terminé à l’été 1936, remis à l’éditeur en octobre, le roman, lu avec enthousiasme par le fils de l’éditeur Unwin, est finalement publié après d’ultimes corrections par l’auteur. L’ouvrage est un immense succès. En 2008, il a été publié à cent millions d’exemplaires. Il a été traduit en français pour la première fois en 1969 (nouvelle traduction, 2012). Le tournage A l'instar du Seigneur des anneaux, Bilbo le Hobbit avait déjà été adapté en film d'animation en 1977. Orson Bean y doublait le héros, tandis que la voix de Gandalf était assurée par le réalisateur John Huston. Évoqué depuis la sortie du Retour du roi, dernier volet de la trilogie du Seigneur des Anneaux, Le Hobbit a mis plus de temps que prévu à se monter. Initialement proposé à Sam Raimi, le projet a ensuite atterri entre les mains de Guillermo del Toro, qui a dû faire face à la grève des scénaristes (début 2008), aux problèmes financiers de la MGM et à divers reports avant de jeter l'éponge, en juin 2010, forçant Peter Jackson à prendre lui-même les choses en main. Le grand favori pour incarner Bilbon a longtemps été James McAvoy. Puis on a parlé de Daniel Radcliffe, David Tennant, Shia LaBeouf, Erryn Arkin ou Tobey Maguire, mais le rôle est finalement revenu à Martin Freeman. L’acteur a pourtant dû refuser la proposition, dans un premier temps, pour cause de conflit d'emploi du temps avec le tournage de la série Sherlock. Mais la production a fini par trouver un arrangement pour que le comédien puisse faire les deux. Si Andy Serkis a dû réenfiler la combinaison inhérente à la performance capture, pour faire revivre Gollum, l'acteur a également expérimenté l'autre côté de la technique, en tant que réalisateur de la seconde équipe. La superviseuse des prothèses Tami Lane s'est occupée du maquillage de tous les acteurs, le procédé étant plus ou moins important selon que l'on parle d'un nain, d'un gobelin ou d'un hobbit : "Les idées ont d'abord été testées sur ordinateur sur des photographies des acteurs. Une fois la sélection achevée et les modèles perfectionnés, on crée des moules qui servent à la fabrication manuelle des masques en silicone", explique-t-elle. Le temps moyen pour appliquer une prothèse représente environ une heure et quart. Avant Le Hobbit, Martin Freeman (Bilbon) et Benedict Cumberbatch (la voix de Smaug) se connaissaient déjà, puisqu'ils sont les héros de la série Sherlock pour la BBC depuis 2010. Il en va de même pour Orlando Bloom (Legolas) et Luke Evans (Bard l'archer) qui s'étaient côtoyés sur le tournage des Trois Mousquetaires. Débutées le 21 mars 2011, les prises de vues des deux volets du Hobbit se sont achevées le 6 juillet 2012, après 266 jours de tournage, soit 8 de moins qu'il n'en avait fallu à Peter Jackson pour mettre en boîte les trois épisodes du Seigneur des Anneaux. Les acteurs Ian Holm et Christopher Lee ont tourné leurs scènes à Londres aux Studios Pinewood, pour des raisons de santé. En effet, les comédiens de 81 ans (pour Holm) et 90 ans (pour Lee) ne se sentaient pas la force d'aller jusqu'en Nouvelle-Zélande pour le tournage. Comparant les 13 nains du film à une équipe de rugby, la scénariste Frances Walsh a estimé qu’il fallait équilibrer un peu toute cette énergie masculine, en ajoutant un personnage féminin inédit : celui de Tauriel, incarné par l'actrice Evangeline Lilly. "C’est une décision qui vous oblige à ne pas vous comporter en fan de Tolkien mais en scénariste", a-t-elle déclaré. Dans la précédente trilogie, le réalisateur Peter Jackson avait utilisé un procédé de "perspective forcée" afin de donner l'illusion que certains personnages étaient plus grands que d'autres. Néanmoins, pour Le Hobbit, la 3D rend désormais ce dispositif désuet. La production s'est donc largement servie de doublures, mais aussi du "Slave Motion Control". Ce procédé consiste à construire deux décors où se déroule l'action : le premier dimensionné pour les acteurs principaux, et le second créé sur fond vert pour les personnages plus petits ou plus grands apparaissant dans la même scène. Les comédiens peuvent ainsi jouer la séquence dans les deux décors simultanément, tandis que les caméras filment chaque décor de manière parfaitement synchronisée. La première photo de La Désolation de Smaug a été dévoilée en décembre 2012, mais quelques heures après le premier cliché de Le Hobbit : la Bataille des Cinq Armées, qui est pourtant le troisième et dernier volet de la trilogie. Legolas est plus âgé que Thranduil, son père ! En effet, Orlando Bloom, qui récupère son costume d’elfe qu’il avait abandonné à l’issue du Seigneur des Anneaux, est plus vieux que Lee Pace qui incarne son père, le roi des elfes de la Forêt Noire. Le premier accuse 36 ans contre 34 à son cadet de paternel ! Plusieurs membres du film ont la particularité d’avoir joué dans une adaptation de Sherlock Holmes. Si Benedict Cumberbatch triomphe à la télévision dans les habits du célèbre détective donnant la réplique à Martin Freeman, qui officie en qualité du Dr. Watson dans Sherlock, Stephen Fry a également participé à une aventure du héros de Sir Arthur Conan Doyle. L’acteur britannique était ainsi Mycroft, le frère de Sherlock, aux côtés de Robert Downey Jr. dans Sherlock Holmes – Jeu d’Ombres. De son côté, Ian McKellen alias Gandalf incarnera lui aussi l'exécrable mais génial détective dans l'adaptation du roman Mr Holmes. Le mercredi 11 décembre 2013, alors que La Désolation de Smaug est sur le point de sortir aux Etats-Unis, les frères Bob et Harvey Weinstein déposent une plainte contre Warner Bros. S'estimant spoliés par le studio, ils réclament 75 millions de dollars de dommages et intérêts. Propriétaires des droits jusqu'en 1998, les deux producteurs exigent ainsi de recevoir une partie des profits des volets 2 et 3 du Hobbit. De son côté le studio met en avant une clause du contrat de cession signé à la fin des années 90 stipulant que les Weinstein n'ont droit qu'à un pourcentage sur le premier volet. Pour réaliser la trilogie du Hobbit, Peter Jackson s'est servi des annexes écrites par J.R.R. Tolkien, qu'il rédigea après avoir achevé son livre. Comme l'explique la productrice Fran Walsh : "Il faut dire qu'il avait besoin d'enrichir cet univers et d'en révéler davantage, ce qui nous a permis de donner plus d'ampleur au récit à travers ces trois films, tout en restant fidèle aux intentions de l'auteur." Lors des batailles du film, des milliers de soldats s'affrontent sans merci. En réalité, seuls douze cascadeurs ont réalisé ces scènes de combats, puis ont été multipliés par ordinateur. Casting Martin Freeman/Bilbon Sacquet : acteur britannique, il débute au théâtre. Au cinéma, il a joué dans Love Actually (2003), H2G2, le guide du voyageur galactique (2005), La Ronde de nuit (2007), Petits meurtres à l’anglaise (2010), Le dernier pub avant la fin du monde (2013), Captain America : Civil War (2016). A la télévision, on l’a vu dans Casualty (1998), The Office (2001-2003), Fargo (2014) mais c’est son rôle de John Watson dans Sherlock (2010-2016) qui lui a donné la notoriété. Richard Armitage/Thorin : acteur britannique, il débute au théâtre et a été membre de la Royal Shakespeare Company. Si le rôle de Thorin lui a donné une certaine notoriété, il a relativement peu joué au cinéma (Captain America ; First Avenger, 2011 ; Alice de l’autre côté du miroir, 2016) et surtout pour la télévision : Casulaty (2001), North and South (2004), Robin des Bois (2006-2009), Miss Marple (2007), MI-5 (2008-2010), Hannibal (2015). Ken Stott/Balin : acteur britannique né en Ecosse, il entre à la Royal Shakespeare Company dans les années 1970. Trouvant peu de rôle au théâtre, il s’oriente vers la télévision. On a pu le voir dans Taggart (1988), Messiah (2001-2005). Il joue aussi au cinéma : Petits meurtres entre amis (1994), La guerre selon Charlie Wilson (2007), Le Monde de Narnia-Le prince Caspian (2008), Un jour (2011). Evangeline Lilly/ Tauriel : actrice canadienne, c’est la série Lost (2005-2010) qui lui apporte la célébrité. On a pu la voir au cinéma dans Real Steel (2011), Ant-Man (2015). Benedict Cumberbach/Smaug et le Nécromancien (en VO) : acteur britannique, il débute au théâtre et recevra un Oliver Award pour sa double interprétation de Frankenstein (2011) qu’il jouait avec Jonny Lee Miller. Après de nombreux rôles secondaires, il accède à la célébrité avec la série Sherlock (2010-2017). On le voit ainsi dans les films La Taupe (2011), Star trek Into Darkness (2013), Imitation Game (2014), Doctor Strange (2016). L’acteur serait apparenté au roi Richard III. Il a été anobli commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique en 2015. Sylvester McCoy/Radagast : acteur britannique né Percy Ken-Smith, il débute au théâtre. En 1987, il devient le septième acteur à incarner le Docteur dans Docteur Who (1987-1989), le dernier de la première série. S’il joue essentiellement au théâtre, on a aussi pu le voir dans la série Casualty (2001, 2008). Luke Evans/Bard : acteur britannique d’origine galloise, il débute au théâtre. Sa carrière cinématographique compte notamment Le Choc des Titans (2010), Tamara Drewe (2010), Les Trois Mousquetaires (2011), Fast and Furious 6 (2013), Dracula Untold (2014), Fast and Furious 7 (2015), La Belle et la Bête (2017), Fast and Furious 8 (2017) Stephen Fry/Le Maître de Lacville : acteur britannique, il s’est fait connaître avec le duo comique Fry & Laurie en compagnie d’Hugh Laurie, rencontré dans une compagnie de théâtre amateur de Cambridge. Au cinéma, il joue dans Un poisson nommé Wanda (1989), Oscar Wilde (1997), Gosford Park (2001), Vpour vendetta (2005), Eichmann (2007), Sherlock Homes-Jeu d’ombre (2011). Sa carrière à la télévision n’est pas moins riche : Blackradder (1986-1988), A bit of Fry and Laurie (1989-1995), Jeeves and Wooster (1990-1993, avec Hugh Laurie), Bones (2007, 2009, 2017), 24 heures chrono : Live another day (2014). Lee Pace/Thranduil : acteur américain, on l’a vu au cinéma dans Raisons d’Etat (2006), Twilight : chapitre IV (2012), Les Gardiens de la Galaxie (2014). Il a également joué à la télévision : Puishing Daisies (2007-2008), Halt and Catch Fire (depuis 2014). Ian McKellen, Hugo Weaving, Christopher Lee, Andy Serkis et Cate Blanchett reprennent leurs rôles du Seigneur des anneaux. |
Présentation Tolkien et la terre du milieu I Vie de JRR Tolkien John Ronald Reuel Tolkien naît le 3 janvier 1892 à Bloemfontein (Etat Libre d’Orange, aujourd’hui en Afrique du Sud). Son père y est pour son travail dans la banque Llyod’s dont il dirige la succursale locale. John est le prénom du grand-père et Reuel le second prénom du père. On ignore d’où vient « Ronald ». En 1895, il revient en Angleterre avec sa mère Mabel et son frère Hilary (né en 1894) à cause de sa santé dégradé. Son père décède d’une hémorrage en 1896. En 1900, sa mère se convertit au catholicisme, religion considéré comme « étrangère » voire « antianglaise ». Sa famille et celle de son ex-mari lui retire tout appui financier et réprouve publiquement sa conversion. Tolkien restera toute sa vie fidèle au catholicisme. En 1903, une bourse lui permet d’étudier à King Edward, institut privé bien coté à Birmingham. Sa mère meurt en 1904 et ses enfants sont confiés à une tante et soutenu par le père Francis Xavier Morgan. C’est lui qui les installe ensuite chez une dame Faulkner à Birmingham. Tolkien y rencontre Edith Bratt, sa future épouse. Il décroche une bourse vers 1910 pour le collège d’Exeter à Oxford. Il adore l’endroit. En 1913, il demande et obtient la main d’Edith, qui se convertit au catholicisme en 1914. En 1915, il obtient son diplôme avec la mention « très honorable ». Le mariage a lieu le 22 mars 1916. Le couple aura quatre enfants : John Francis Reuel (1917-2003, ordonné prêtre en 1946), Michael Hilary Reuel (1920-1984), Christopher (en 1924) et Priscilla (en 1929). Démobilisé en 1918, il s’installe à Oxford et travaille comme assistant lexicographe. Il collabore à la première édition de l’Oxford English Dictionnary. En 1920, il devient professeur à l’université de Leeds puis directeur du département d’anglais et professeur titulaire (1922). En 1925, il est élu professeur d’anglo-saxon à Oxford. C’est un professeur apprécié de ses élèves, bon conférencier mais il parle vite et fait cours en fumant la pipe ! Quand il ne travaille pas c’est un grand lecteur et un amateur de jardinage. En 1926, il rencontre Clive Staples Lewis, plus connu sous l’abréviation C.S. Lewis, futur auteur des Chroniques de Narnia. Erudit, écrivain chrétien (membre de l’Eglise d’Angleterre), professeur d’anglais à l’Université d’Oxford, il rejoint le club fondé par Tolkien des Coalbiters (groupe de professeur parlant de leurs lectures). En 1937, Tolkien publie Le Hobbit qui est un grand succès. L’éditeur refuse en revanche les textes du Silmarillon. Le public réclame une suite des aventures de hobbits. Tolkien imagine un parent de Bilbon d’abord appelé Bingo puis Frodo(n, en français). En 1945, il devient professeur de langue et littérature anglaise, spécialisé en anglo-saxon. Le Seigneur des Anneaux paraît en 1954-1955. Tolkien prend sa retraite de l’Université en 1959. Par la suite, il se montre plutôt partisan du concile Vatican II (1962-1965). En 1962, il publie Les aventures de Tom Bombadil. Il participe à la traduction de la Bible de Jérusalem (1966). Son épouse meurt le 29 novembre 1971 à 82 ans. Sur sa tombe, il fait graver « Luthien », personnage du Silmarillon, la plus jolie jeune fille ayant jamais marché en Terre du Milieu. En 1972, il est anobli commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique. Il décède le 2 septembre 1973 des suites d’un ulcère hémorragique. Il est enterré aux côtés de son épouse et la tombe porte désormais la mention « Beren » l’amant de Luthien. II L’œuvre de Tolkien Il se passionne pour les langues nordiques, s’intéresse au finnois (qu’il essaye d’apprendre) et achète des volumes en gallois médiéval. Passionné par la forme et la sonorité des mots depuis que sa mère lui avait donné ses premières leçons de latin. Il se met à inventer son propre langage, d’abord néogothique puis, influencé par le finnois, il crée le quenya. Le sindarin, autre langue elfique, est d’inspiration galloise. Ses idées étaient antidémocratiques et antirépublicaines. Traditionnaliste, adepte d’Edmund Burke pour qui toutes les inventions modernes méritent d’être dénoncées et qui dénonçait la volonté de la Révolution française de faire table rase du passé. Tolkien était attaché à la monarchie et à la religion catholique. Il avait une vision platonicienne de la démocratie (La démocratie est un « facteur d’anarchie qui risque de mener à la tyrannie d’un Orc »). Chez Tolkien, le roi est le garant de l’équilibre du monde, celui qui maintient la cohérence de la société. Tolkien a célébré les valeurs féodales, patriarcales et médiévales mais il était surtout un homme à l’imaginaire somptueux qui s’est inspiré du Moyen Age parce que c’est une époque propice à la récupération iconographique. Dans le Seigneur des anneaux, il n’y a ni Dieu ni lieu de culte. Gandalf est un magicien, pas un prêtre. La pensée raciale de Tolkien est très politiquement incorrecte. Les méchants sont basanés ou olivâtres, louchent, ont de longs bras qui traînent le long des jambes. Les bons, en général, ont le regard clair, l’œil bleu anglais et ils sont grands, blonds ou aux cheveux noirs. Cependant, il rejetait la théorie racial aryenne comme intellectuellement absurde et moralement répugnante. Il en voulait à Hitler d’avoir perverti les idéaux nordiques. Il s’est aussi montré hostile à l’apartheid. A la mort de son père Christopher Tolkien, désigné exécuteur testamentaire, va s’atteler à la mise en ordre de l’œuvre inlassablement travaillé depuis vingt ans. Il fait ainsi paraître Le Silmarillon (1977), Contes et légendes inachevés (1980), Histoire de la Terre du Milieu (12 volumes, 1983-1996. Seuls les cinq premiers ont été traduits en français), Les enfants de Hurin (2007) et La légende de Sigurd et Gudrun (2009). Le cycle de « La Tour Sombre » de Stephen King est un hommage à Tolkien. III Naissance et développement de la Terre du Milieu Le monde de Tolkien est un monde in illo tempore c’est-à-dire situé dans un ailleurs antérieur et meilleur. Son succès vient du fait qu’il a su traduire la nostalgie de l’origine en un temps où tout s’accélérait. Pour Tolkien, la fantasy incarne l’art narratif par excellence. Une histoire réussie doit offrir au lecteur un « monde secondaire » qui le plonge dans une « croyance secondaire » qui produit le véritable enchantement. Le Seigneur des Anneaux a été écrit pour l’essentiel durant la Seconde guerre mondiale. Plein d’action et d’aventure, il est aussi porteur d’un message pacifiste. Frodon repousse le pouvoir jusqu’à devenir un saint (il ne connaît d’ailleurs pas une mort terrestre. A l’instar d’Arthur, il part sur un bateau au pays des immortels). Le livre renverse la quête traditionnelle car le but n’est pas de s’emparer de l’anneau de pouvoir mais de le détruire. Dans sa correspondance, Tolkien a affirmé que son ambition était d’atteindre le statut de mythologie ancrée dans le sol national anglais. Il considérait comme un manque l’absence de toute mythologie proprement anglaise c’est-à-dire une mythologie exprimée dans une mangue nationale et faisant référence à un territoire identifiable. Et l’Angleterre n’est pas la Grande-Bretagne. Le pays de Rohan évoque un pays médiéval « anglo-saxon ». La Comté serait une Angleterre rêvée par Tolkien hors mécanisation et industrialisation. [Les Elfes] sont faits par l’homme à son image (…) mais sans les limites dont il sent le plus durement le poids. Ils sont immortels (…) [citation de Tolkien]. Les Elfes de Tolkien sont inspirés des Tuatha De Danann des légendes celtes d’Irlande. Comme eux, ils sont immortels mais ils peuvent être tués. Tolkien adopte la tradition celte ; un immortel ne peut survivre dans le monde des mortels : il n’y reste qu’au prix d’un amoindrissement de sa puissance. En dernier ressort, soit il reste, soit il part pour un autre univers immortel. Tolkien a su créer une civilisation originale et une langue modelé sur le gallois. « Imaginer la mythologie me plaît (…) » dit Tolkien, « Dès mon plus jeune âge, j’ai été affligé par la pauvreté, sur ce plan, de mon pays que j’aime tant. Il ne possédait pas d’histoire propre (…) présentant la qualité que je désirais (…). ». Il a ajouté : « J’avais dans l’esprit l’idée de constituer un corps de légendes plus ou moins liées, d’une grande ampleur, d’un caractère universel et de l’élever à la hauteur d’un conte de fées romantique (…) que je pourrais dédier, tout simplement, « A l’Angleterre. A mon pays ». IV L’Anneau Unique et les anneaux de pouvoir Les anneaux de pouvoir sont le sujet les plus connus de l’œuvre de Tolkien et les plus importants. Ils apparaissent à la fin du Deuxième Age pour disparaître à l’aube du Quatrième après la destruction de l’Anneau Unique. Créés par les Elfes, ils servent à les lier à leur temps, à retarder le passage du temps, à ralentir le déclin. Le rôle primordial des anneaux est celui de l’attachement. Le principe d’attachement est aussi celui du maître et de l’esclave. Sauron initie les Elfes à la fabrication des anneaux et reste à leurs côtés pour imprégner les anneaux de sa volonté. Le terme « de pouvoir » est donc ambivalent. L’Unique apparaît dans Le Hobbit où Bilbo semble le découvrir par hasard chez Gollum. C’est un simple objet magique sans lien avec le Seigneur du Mal ni même avec le Nécromancien auquel le récit fait rapidement allusion. Le don d’invisibilité demeure une caractéristique dans Le Seigneur des anneaux, il permet d’accéder à l’invisible (mode des esprits). Il affaiblit son porteur dans le monde réel. L’anneau est alors une extension du seigneur des Ténèbres. L’anneau symbolise la Tentation : il suscite la convoitise. C’est un aimant maléfique qui attire les créatures à Sauron. Il est la propriété inaliénable de celui-ci. Il recèle l’essentiel des forces de Sauron. Il corrompt plus ou moins celui qui le porte (Isildur, Gollum, Bilbo). Les êtres indifférents à l’Unique sont rares : Gandalf, Elrond, Galadriel (aucun ne passe l’anneau au doigt car tous ont renoncé au pouvoir). Merry et Pippin ou Faramir échappent aussi à l’anneau car ils sont dépourvus d’ambitions. L’anneau est donc autant un agent extérieur de corruption qu’un catalyseur de pulsions internes. Tolkien n’aimait pas que l’on compare « son » anneau avec celui des Nibelungen. Celui-ci est gage de leur puissance, une liaison de la volonté humaine et de la nature et donc domination de la première sur la seconde tout en asservissant l’homme au désir de la puissance. Siegfried et Brunehield jettent cet anneau dans le fleuve en signe de renoncement à la puissance. V Les Hobbits « Hobbit » est un néologisme de l’anglais moderne basé sur « hole » et « rabbit soit « trou de lapin » Selon Tolkien, « les Hobbits sont simplement des Anglais de la campagne rapetissés pour indiquer l’étroitesse habituelle de leur imagination – ce qui n’est pas un manque de courage ni de puissance latente » Les Hobbits sont la création la plus connue de Tolkien qui se reconnaissait en eux : amour des jardins, des cultures non mécanisées, des arbres, fumeurs de pipes et mangeurs de champignons cueillis dans les champs. Une société simple se contentant de pain, immobile, dépourvu d’administration. Les Hobbits aiment les bonnes choses car ils peuvent s’en passer en cas de besoin. En Sam Gamegie, Tolkien avait voulu dépeindre l’humble et héroïque soldat de la guerre des tranchées. Sam ne renonce jamais, toujours prêts à se battre pour sauver ou accompagner son maître. Sa volonté de vivre prime tout. Meriadoc « Merry » Brandebouc est d’abord un personnage comique au caractère enjoué. Il joue un rôle important quoiqu’involontaire. Désireux de servir, il est bien accueilli par Theoden (Les Deux Tours) qui en fait un écuyer. Il est à la fois héroïque et humble. Eomer le fera chevalier et il sera ensuite maître du Pays de Bouc. La plus grande force des Hobbits est leur gentillesse fondamentale. L’humanité est leur essence même et leur âme est pure. |