La Soif de l'or (1993) par Sébastien Raymond Résumé Alors qu’il est sur le point de divorcer, un avare invétéré a amassé des lingots d’or qu’il veut faire passer en Suisse. Il doit développer des trésors de filouterie pour y parvenir sans que sa future ex-épouse ne lui ravisse sa fortune. Critique : Gérard Oury a mal vieilli. Ce cinéaste majeur de la comédie française, à l’oeil acéré, à la réalisation souvent impeccable, nous livre là, en fin de carrière, un film plutôt moche, au scénario triste de banalité. Malheureusement, on doit en plus se coltiner la mauvaise période de Christian Clavier, celle où il perd la maîtrise de son image et de son jeu, quand il croit être devenu Louis de Funès. La soif de l’or accumule les mauvaises idées et représente un des moments les plus tristes dans la filmographie de ces deux grands artistes du cinéma français. La seule chose qui tienne à peu près la route dans ce film, c’est le rythme qui reste à peu près potable, assez vif sans être essoufflant, avec une bonne dynamique de comédie et quelques temps de respiration salutaires. L’histoire est éculée. Molière est déjà passé par là et a fait beaucoup mieux. L’idée peut être excitante : prendre Harpagon et au lieu de le laisser s’exciter dans une unité de lieu, l’obliger à partir en grande vadrouille, sur la route vers la Suisse pour sauver sa fortune en péril, comme de bien entendu. Hélas, l’idée s’alimente de gags mollassons, sans réelle surprise, ni ruptures aptes à réveiller l’attention, à susciter un vrai rire. L’humour y est bas de plafond. En général, l’humour sur le porte-monnaie ne me touche guère. Sur ce film-là, je n’ai pas le sentiment que l’histoire innove une seule seconde. La caricature de la pingrerie que nous propose le couple Christian Clavier / Tsilla Chelton est si exagérée que leurs personnages semblent quasi irréels. Les scénaristes en ont sans doute conscience. Il y a une scène pour montrer que le personnage de Clavier n’est pas aussi fou de pognon que ça : il accompagne un gamin perdu en voiture pour éviter de le laisser seul avec le conducteur très louche. Cependant, cela ne suffit pas. L’accumulation reprend de plus belle. Les acteurs sont au diapason de cette sorte d'urgence et et d’outrance. Catherine Jacob et Philippe Khorsand forment un couple tout aussi avides, cyniques et excessifs en tout. Mais ce n’est rien en regard de l’hystérie du personnage de Christian Clavier. Quant aux personnages satellites, comme Bernard Haller ou Marine Delterme, ils sont presque transparents. La faute à un scénario trop médiocre et déséquilibré, sans aspérité. Si bien que pour conclure, je dirais avec tristesse que je me suis ennuyé. Anecdotes :
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La Cité de la peur (1994) par Sébastien Raymond Résumé Un tueur en série sévit d’une drôle de manière dans le milieu du cinéma : il tue les projectionnistes d’un film tout pourri, Red is dead. L’affaire fait tellement de bruit à Cannes, lors du Festival, que le nanar sans envergure défraie la chronique et s’assure même un succès conséquent. Odile Deray, sa productrice profite de cette publicité, mais prend un garde du corps pour protéger sa vedette de l’instant, Simon Jérémi, star vomissante. Et le serial killeuuur rôde toujours... Critique : Désormais un classique de la comédie française fin de siècle, ce film se revoit sans cesse avec toujours autant de plaisir. C’est un petit peu le plaisir d’une génération et l’on peut s’interroger sur sa capacité à traverser les âges. Calquée sur la comédie ZAZ, faite de pastiches, de détournements, de calembours faisandés, de grossièretés en tout genre et surtout des absurdités les plus énormes possible, elle met en scène pour la première fois le trio "survivant" des Nuls (mais Bruno Carette n'est pas non plus oublié avec un insert de Misou-Mizou en hommage). D'une certaine manière, la culture américaine est souvent à l'honneur. Les Nuls, comme la France, en sont imprégnés. Les codes filmiques lorgnent du côté de du cinéma hollywoodien : les clins d'œil, les parodies de films policiers, horrifiques ou même romantiques pullulent. Et c’est là peut-être que le bât pourrait blesser : il faut avoir une certaine dose de culture populaire, une culture plus accessible à ceux qui l’ont vécu quand elle était d’actualité. Ce substrat américain laisse pleine place à l'humour franchouille : les jeux de mots vont bon train tandis que les parodies de pub rappellent que les Nuls sont bien issus du creuset télévisuel français. Certains gags comme "Loulou, oui c'est moi" passeront à l'as pour les étrangers ou pour les plus jeunes. Oui, comédie potache, mais comédie bâtie sur une culture populaire très française. Beaucoup de gags peuvent donc passer inaperçus pour les jeunes générations qui n'ont pas biberonné aux Objectifs Nuls ou Les Nuls l'émission, qui ne connaissent pas l'univers culturel des années 80/90 (publicités, JTs régionaux, etc.). Par conséquent, La cité de la peur est aussi un document qui reste marqué par son temps. On ne va pas s'attarder sur le scénario qui n'est qu'un bon prétexte à la rigolade en ribambelle de gags, de caméos de nombreux comédiens, français pour la plupart. Cependant, il ne faut pas non plus oublier le plus fondamental dans la réussite et la longévité d’un film : malgré tout, il n’en demeure pas moins évident que cette histoire a un bon équilibre, bien maîtrisé, très agréable à suivre. Pas d'ennui possible grâce au rythme toujours trépidant. C’est sûrement ces grandes qualités qui font le succès renouvelé au delà de l’aspect générationnel. Sans compter que les comédiens sont bons également. Il est plus qu’évident que toute la distribution est ravie d’être là, de participer à ce scénario plein d’originalité, et au ton moderne. Les Nuls sont sans doute ceux qui ont le plus renouvelé l’humour français dans les années 90 et 2000. Et les acteurs s’en donnent ici à coeur joie. Mais je voudrais tout de même souligner qu’Alain Chabat fait la plus forte impression. Je viens juste de voir coup sur coup deux films avec Alain Chabat et cet homme est un très bon acteur, au jeu singulier, à nul autre pareil, très comique, physiquement comique. Et c'est donc un film désormais incontournable car indémodable, malgré son empreinte chronologique profonde. J'adore ! Définitivement, j'adore! Anecdotes :
Séquences cultes : Course-poursuite Serial Killer Quand je suis content, je vomis |
La Crise (1992) par Sébastien Raymond Résumé Mauvaise journée pour Victor qui vient de perdre sa femme et son boulot ! Cherchant une oreille attentive à ses malheurs il erre entre amis et membres de sa famille qui semblent tous plus ou moins sourds à ses lamentations. Dans sa quête il rencontre Michou, un sans domicile fixe particulièrement collant. Critique : Autant j’avais un très bon souvenir de Trois hommes et un couffin, autant je redoutais la revoyure de La crise. Et ça n’a pas loupé : je n’ai pas pris de plaisir à revoir ce film. Surtout, la première partie qui est une vraie torture avec une hystérie collective sans répit chez tous les personnages qui hurlent, chouinent, vomissent leur bile à une vitesse hallucinante. C’est quasiment insupportable. Tout le monde se plaint, gueule sans jamais écouter les autres : l’incommunication dans son acception la plus évidente. S’il y a bien quelque chose que je ne supporte pas de voir au cinéma, c’est bien ça, l’incommunicabilité. C’est bien pour cela par exemple que je ne peux regarder un film du spécialiste du genre, Michelangelo Antonioni, sans avoir envie de décéder. Mais ici, c’est peut-être pire, parce qu’en plus de cette incapacité à dialoguer se fait dans un bruit, une sorte de capharnaüm de cris, de pleurs, de jérémiades qui ne cesse de casser les oreilles. On espère un moment pour respirer un tantinet, une petite pause entre les scènes, mais en vain. Dans la deuxième partie, enfin, progressivement, la pression descend un chouïa et les personnages daignent enfin s’entendre un petit peu. Pour moi c’est déjà trop tard, je déteste le film en bloc et ne peux plus m’y attacher. Il faudrait pour cela que le scénario soit un peu étayé, par quelque argument intelligent. A défaut, on se coltine un film à idéologie douteuse, très basse de plafond. Quand un film fait l’apologie con-con de la pensée magique (homéopathie par exemple), il se place forcément à un niveau intellectuel assez indigent. Par conséquent, lorsqu’il se hasarde à porter un regard sur la société, et d’en tirer un discours politique, on n’est pas vraiment rassuré. La crise fait dans l’à peu près, dans la philosophie de comptoir, un ramassis d’idées reçues, jamais approfondies, d’un simplisme putassier assez navrant. Non, évidemment, la deuxième partie ne pouvait me rabibocher avec un film trop pauvre intellectuellement. C’est bien dommage car il y a là pléthore de très bons comédiens. On voit que Coline Serreau les adore. On pourrait même croire qu’elle a écrit certaines scènes pour les entendre les dire avec leur sensibilité, leur classe, leur percussion, leur puissance. Je pense ici à quelques belles scènes, notamment de Maria Pacôme (ou comment revendiquer sa liberté de femme), ou bien à la fabuleuse Michèle Laroque (ou comment dépeindre la cupidité d’une toubib) ou bien avec Patrick Timsit (ou comment incarner l’univers déclassé des pauvres). Sur ces trois grandes scènes qui ne manquent pas d’éclat par la forme, le fond reste lamentablement collé au plus bas, désastreux, inabouti, figé et limité. Le casting de rêve frustrant en somme. Anecdotes :
Séquences cultes : Je m'installe 70 malades par jour, pire qu'une pute à Barbès ! Je n'en ai vraiment rien à foutre ! |
Une époque formidable... (1991) par Sébastien Raymond Résumé Berthier perd son boulot. Très vite en même temps que l’estime de soi, il perd sa femme, sa famille, son foyer. Dans sa chute sensationnelle, il tombe sur un groupe de sans domicile fixe qui vont l’aider à se retrouver, tant bien que mal. Critique : Je me rappelle que ce film eut un joli succès à sa sortie, autant en termes de box-office que de saluts critiques. Déjà avec Pinot simple flic, Gérard Jugnot avait signé une comédie aux teintes assez sombres. Sans pour autant aller jusqu’à évoquer la comédie italienne, subversive et politique, Une époque formidable n’est pas sans mordant. Cette satire ose un pari risqué : faire rire avec le déclassement social, l’un des périls les plus angoissants dans nos sociétés post-modernes consuméristes. Déjà dans les années 90, fortement imprégnées les sociétés subissaient le phénomène : le terme de « sinistrose » faisait la une des pages politiques, économiques et sociales de la presse. Malgré quelques maladresses du scénario quand il en rajoute sur le pathétique ou le mélodrame que subissent certains personnages, le film parvient tout de même à maintenir un bon équilibre entre la gravité de la situation et une bonne dose d’humour pour tenter d’alléger le ton général. Servis par de très bons acteurs, les dialogues ont parfois une belle touche « Splendid », de la percussion dans la punchline. Gérard Jugnot arrive sur ce film là en particulier à tirer de cet humour un certain lyrisme qui n’est pas sans poésie. Outre la performance de Gérard Jugnot lui-même, très sobre, avec un personnage courageux mais très fragilisé par son échec professionnel, avec un orgueil et une pudeur intacts, je retiendrais des comédiens avant tout la prestation de Ticky Holgado, tout en gouaille généreuse, personnage fort sympathique et émouvant et ensuite celle de Richard Bohringer. Dans un premier temps mystérieux, voire ambigu, toujours dans une sorte de retenue, dans un deuxième laissant se développer un je ne sais quoi d’élégance et qui fait preuve d’une belle aisance. Attention de ne pas oublier celle plus attendrissante encore de Victoria Abril. La comédienne espagnole parvient dans un rôle secondaire à faire la démonstration d’une grande maîtrise, tout en simplicité mais efficace. En dépit d’une ou deux séquences un poil trop criardes sous des effets larmoyants ou trop faciles, Une époque formidable réussit tout de même à garder un agréable équilibre en proposant un film intelligent et touchant. Anecdotes :
Séquences cultes : Mets des guillemets quand tu parles aux dames ! J'y suis tous les jours dehors Dans la Gestapo on disait ça aussi |