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Pinot simple flic (1984)Marche à l'ombre (1984)

Comédies françaises Années 80

Les Ripoux (1984) par Phil DLM


LES RIPOUX (1984)

Résumé :

Suite à l'incarcération de son coéquipier, l'inspecteur René Boisrond, policier parisien de terrain, modèle en apparence mais corrompu en sous-main, doit travailler avec François Lesbuche, un débutant fraîchement débarqué de sa province. René espère convertir François à ses pratiques délictueuses, mais le jeunot s'avère incorruptible. Heureusement, Simone, la compagne de René, une prostituée sur le retour, va suggérer de piéger le jeune et beau François avec Natacha, une de ses congénères, qui est une créature de rêve...

Critique :

Ce film marque un tournant dans la carrière de Claude Zidi. Jusqu'alors considéré comme un vulgaire réalisateur de comédies de seconde zone, Zidi va acquérir une notoriété nouvelle avec ce film particulièrement réussi. Il semble que l'on avait surtout retenu le Zidi des Charlots, alors qu'il avait tout de même mis en scène Louis de Funès à deux reprises, sous l'égide du producteur Christian Fechner. Succès populaire incontestable, mais succès critique également, et au sein de la profession, Les Ripoux est un de ces petits chefs-d’œuvre de comédie comme les Français ont su longtemps en créer.

Les affaires de corruption dans le monde de la police, qui se sont multipliées au cours des années 70 et 80, constituaient un vivier idéal de scénarios pour le cinéma et les séries, du moins en ce qui concerne les histoires policières. Il n'était pas évident qu'elles s'avèrent efficaces dans une comédie.

L'idée géniale a été de montrer des « Ripoux » sympathiques. A priori, quoi de plus repoussant et d'antipathique qu'un policier corrompu ? Qui aurait l'idée de faire d'un tel personnage une vedette de film comique ?

Il fallait oser, et Zidi et Didier Kaminka, coauteurs du scénario, ont osé. Le choix des acteurs a été prépondérant, et notamment celui de Philippe Noiret pour le rôle de l'inspecteur principal René Boisrond. Qui mieux que lui aurait pu rendre ce personnage aussi attachant ? Le jeu bien connu de Noiret, son aura, sa bonhomie légendaire, lui ont permis de composer un flic de quartier connaissant remarquablement bien le terrain, et sachant profiter de toutes les opportunités pour arrondir ses fins de mois et… jouer aux courses, sa véritable passion.

On peut trouver assez incohérent qu'un policier qui a gagné autant d'argent aux courses et par taxation sans vergogne de tous les petits voyous et commerçants « pas nets » de son quartier, soit réduit à vivre dans un taudis avec une prostituée en fin de carrière qui semble aussi désargentée que lui, mais là n'est pas l'essentiel.

Ce qui a permis le succès du film est non seulement l'originalité et la solidité du scénario, mais aussi et surtout la formidable interprétation. Car le maître Noiret, qui trouve là un des plus beaux rôles de sa carrière, est entouré d'un groupe de comédiens tous très performants, à commencer par Thierry Lhermitte.

On sait depuis le début des années 80 que les acteurs venus du café-théâtre, que ce soit du Café de la Gare ou du Splendid, s'avèrent tous d'excellents comédiens, et Lhermitte le démontre ici dans ce rôle à facettes successives diamétralement opposées. Au contraire de René, dont le personnage est stable du début à la fin, l'inspecteur stagiaire François Lesbuche va connaître une évolution spectaculaire. Thierry Lhermitte est tout aussi convaincant dans la première partie en timide inspecteur débutant à cheval sur l'honnêteté, et qui potasse le Code pénal en vue de devenir commissaire, que dans la seconde partie en policier devenu plus ripoux que son mentor, totalement cynique et sans scrupules.

Comment Lesbuche a-t-il pu changer à  ce point, et du jour au lendemain ? Tout simplement à cause d'une femme. Sur les conseils de Simone, sa compagne, René va arranger une rencontre prétendument fortuite entre la belle Natacha, prostituée de luxe, et son poulain récalcitrant. Le résultat ne se fait pas attendre : c'est le coup de foudre, et un coup de foudre réciproque.

Lorsque François apprend la vérité, il a beau être furieux d'être tombé dans le piège, il n'en doit pas mois admettre la réalité : comme le dit René, les seuls émoluments de François ne peuvent lui permettre que d'épouser une petite provinciale comme lui, qui se contentera d'une vie modeste dans un F3. Mais l'escorte de luxe Natacha ne vient pas d'Epinal et les F3, elle ne supporterait pas…

La partie féminine de la distribution est assurée par le duo Régine-Grace de Capitani. Régine s'avère tout bonnement parfaite dans le rôle de Simone. Connue pour ses personnages assez hauts-en-couleurs de femmes vulgaires, Régine trouve ici le ton juste et produit une interprétation nuancée et attachante. Quant à Grace de Capitani, son joli minois et son corps parfait étaient nécessaires pour l'interprétation de la prostituée chic Natacha, mais elle a su y ajouter une composition à la fois sexy, enjouée et spontanée, presque naïve, sans jamais tomber dans la vulgarité.

Passons maintenant aux policiers. Le choix de Julien Guiomar pour le rôle du commissaire Bloret, le chef de François et René, fut particulièrement judicieux. Ce n'était pas une première pour Guiomar, que l'on avait déjà vu en chef de la brigade criminelle dans Inspecteur la Bavure, de Claude Zidi aussi, avec Coluche et Depardieu.

Guiomar fait du Guiomar, et sa façon de jouer, caractérisée par un mélange de jovialité et de cynisme, est idéale pour un rôle de commissaire de police. Ici, le personnage se montre plus naïf que dans Inspecteur la Bavure puisqu'à aucun moment, il ne soupçonne François et René d'agissements frauduleux. C'est donc la jovialité qui l'emporte sur le cynisme, rendant le personnage d'autant plus attachant.

Claude Brosset est tout aussi convaincant dans le rôle plus réduit de Vidal, le chef de la Brigade spéciale d'intervention, ceux que René surnomme « Les Cow-boys ». Vidal est un prétentieux qui se montre désobligeant avec François et René, invités sans ménagement à aller au bistrot, « comme d'habitude », pendant que ses hommes et lui appréhenderont les trafiquants de drogue.

Ce mépris affiché va inciter François à réaliser le « gros coup », contre l'avis de René, mais François saura le persuader… par la manière forte. Comme le fait remarquer Simone, « l'élève dépasse le maître ».

Quelques acteurs se détachent également dans les petits rôles, à commencer par Pierre Frag, le premier coéquipier de René, qui va payer à sa place et se retrouver en prison. On remarque la présence discrète de Jacques Santi en inspecteur de la police des polices, contraint de s'arranger avec François et René, suite à une habile combine de ce dernier pour se débarrasser de ce gêneur et de son acolyte.

Michel Crémades joue le pick-pocket arrêté par François, mais libéré par René en raison des directives internes destinées à limiter les statistiques de la délinquance. Ticky Holgado interprète un prévenu violent, estomaqué par la bagarre qui survient entre René et François, lorsque ce dernier découvre les magouilles de son coéquipier avec Natacha dans le but de le corrompre. Et Jacques Frantz, spécialiste des rôles de flics musclés et de petites frappes, est lui aussi parfaitement à l'aise dans le personnage de Franck, le souteneur violent de Natacha

Passionnant de bout en bout et merveilleusement interprété, Les Ripoux se savoure avec délice, y compris pour son final certes peu réaliste et qu'on peut juger théâtral, mais tellement émouvant… Une petite larme à l’œil en guise de conclusion, après avoir pleuré de rire pendant une heure et demie.

Anecdotes :

  • Le film a frôlé les 6 millions d'entrées en France, ce qui constitue un succès populaire incontestable, et d'ailleurs tout à fait mérité.

  • Claude Zidi a obtenu le César du meilleur film et celui du meilleur réalisateur en 1985. On regrettera la défaite de Philippe Noiret pour le César de meilleur acteur, mais il est vrai qu'il avait affaire à forte partie avec Alain Delon, récompensé pour Notre Histoire, de Bertrand Blier.

  • Les décors du Paris de Montmartre et du XVIIIème arrondissement sont omniprésents. La Butte Montmartre, avec ses escaliers qui n'en finissent pas et où l'inspecteur Boisrond s'essouffle en tentant de fuir ses congénères intègres, c'est tout le charme du Paris populaire, qui renforce l'aspect authentique et attachant du film.

  • Aucune des deux suites, Ripoux contre Ripoux et Ripoux 3, n'a pu se hisser à la hauteur de l'original, ni même arriver à sa cheville. Les Ripoux ne pouvait être qu'un film unique et intemporel, chercher à retrouver le même esprit dans une ou plusieurs suites relevait de la gageure.

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