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Merci la vieMon homme

Saga Bertrand Blier

Un, deux, trois soleil (1993)


UN, DEUX, TROIS SOLEIL

classe 4

Résumé :

Victorine, une jeune fille des quartiers Nord de Marseille, grandit dans un univers de violence où elle est considérée comme une proie sexuelle par des voyous sans aucun sentiment. Un jour, elle rencontre Petit Paul, qui lui donne de la tendresse, mais son amoureux est abattu lors d'un cambriolage. Inconsolable, Victorine finit par épouser un homme gentil mais qu'elle n'aime pas, car elle n'arrive pas à oublier Petit Paul.

unechance 7

Critique :

Le déclin continue avec ce film très moyen, si éloigné du cinéma populaire de qualité du Blier des années 70 et 80. En ces années 90, on parle beaucoup des problèmes des banlieues populaires, où sévissent la misère et la violence. Le cinéaste a sans doute été inspiré par l'actualité et plante ses caméras dans les quartiers Nord de Marseille qui, bien que faisant partie intégrante de la ville, constituent de fait une sorte de banlieue populaire à grande échelle, peuplée en majorité d'une population d'origine immigrée.

A mi-chemin entre la comédie sociale et le surréalisme, ce Un, deux, trois, soleil ne laissera pas un souvenir impérissable. Bertrand Blier, qui devient de plus en plus une caricature de lui-même, produit un film incohérent, qui part dans tous les sens : Petit Paul (Olivier Martinez) et le père de Victorine (Marcello Mastroianni) meurent mais reviennent discuter avec les vivants...

Il faut donc se résigner à ce que l'auteur des Valseuses, de Buffet Froid et de Tenue de Soirée produise désormais des films peu captivants, seulement sauvés par quelques bonnes séquences, lorsqu'il retrouve par bribes son inspiration d'avant, ou à l'occasion de dialogues truculents, moins systématiques que sur ses premiers films, mais bel et bien présents.

Ce qui manque aussi, c'est l'innovation, le ton impertinent des débuts. Alors que Les Valseuses contribuaient à révolutionner le cinéma et les mœurs, dans Un, deux, trois, soleil, Blier se contente de relayer le point de vue politiquement correct des élites parisiennes sur les banlieues. Sur un tel sujet, j'attendais plus d'audace de sa part, une vision plus originale.

ladoublure 3

Parmi nombre de scènes sans intérêt, on retiendra l'apparition de Jean-Pierre Marielle, hélas ! bien trop succincte. On retrouve alors le Blier qui aime inverser les situations conventionnelles puisqu'il met en scène un Marielle habitant la banlieue, mais très différent de ses voisins. Lui ne craint pas les cambriolages, au contraire, il remplit les placards de sa cuisine et laisse en évidence un portefeuille bourré de billets, destiné aux braqueurs. Il sympathise même avec le gamin venu le voler, à la stupéfaction de ce dernier.

A l'opposé, Claude Brasseur représente « L'enfoiré », un « beauf » de la pire espèce qui abat dans le dos Petit Paul, venu le cambrioler.

Par instants, on retrouve le Blier flamboyant, au détour de quelques dialogues bien tournés. Ainsi, la mère de Victorine parle en ces termes de son mari, alcoolique au dernier degré :

« Ton père n'a pas de problème d'alcool, il lui arrive parfois de boire un verre de trop. »

Victorine ne ménage pas son futur mari :

« Je te cocufie avec tout l'immeuble, avec tout l'immeuble d'à côté, et même avec ceux qui ne sont pas construits. Sur plans, je baise ! »

Lors d'une réapparition de Petit Paul, il fait remarquer au mari de Victorine qu'elle ne paraît pas prendre de plaisir avec lui, et qu'elle compte les mouches au plafond lorsqu'ils font l'amour. Alors le mari (Jean-Michel Noirey) se tait, scrute le plafond et rétorque ;

« Y'a pas de mouches au plafond ! »

Anouk Grinberg accomplit une bonne performance, toujours aussi directe dans les scènes crues. Elle sait bien adopter le phrasé d'une gamine au début du film. Il est dommage qu'elle soit visuellement nettement moins mise en valeur que sur le film précédent, avec sa coiffure ahurissante et ses tenues de petite file fort peu sexy.

Myriam Boyer est excellente dans le rôle de la maman de Victorine, mais elle ne peut faire oublier l'aspect bizarre et peu avenant de toutes les scènes de début du film, notamment celles se déroulant à l'école.

Reste l'inattendu Marcello Mastroianni, impeccable en alcoolique impénitent incapable de retrouver l'entrée de son immeuble, mais qui ne peut pas plus que les autres parvenir à captiver le spectateur, son personnage finissant comme les autres par tourner en rond.

Anecdotes :

  • Le tournage s'est effectivement déroulé à Marseille, où Blier avait déjà filmé une partie de Trop belle pour toi.

  • Histoire de coller avec les lieux du tournage, Bertrand Blier a fait appel à Khaled pour la musique. Le résultat n'est pas à la hauteur, même le tam-tam que l'on entend parfois me plaît plus que les musiques typées de Khaled. Qu'il ait pu obtenu le César de la meilleure musique m'a laissé pantois.

  • Baisse de qualité et d'originalité obligent, Blier perd encore des spectateurs, cette fois-ci plus de la moitié par rapport au film précédent puisqu'il passe d’un million à 400 000 entrées.

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Mon hommeLes côtelettes

Saga Bertrand Blier

Les acteurs (2000)


LES ACTEURS

classe 4

Résumé :

Des acteurs célèbres vivent dans leur quotidien des situations diverses et parfois rocambolesques, qui les font s'interroger sur le sens de leur vie et de leur métier.

unechance 7

Critique :

Après une décennie 90 constituée de trois films avec sa compagne Anouk Grinberg, une page se tourne pour Bertrand Blier. La belle Anouk l'a quitté et il doit donc tenter de changer de registre. C'est dans ce contexte d'évolution obligatoire qu'il opte pour une œuvre totalement à part.

Car Les Acteurs est, après l'indémodable Buffet Froid, le second film hors-normes, véritablement inclassable, de sa carrière. Hélas ! Ce film arrive à une époque où Blier n'a plus le même talent de fédérateur qu'à ses débuts. Autant Buffet Froid aura marqué sa carrière, autant ce Les Acteurs constitue une certaine déception.

Certes, l'idée était originale, novatrice, dans la lignée du Bertrand Blier créateur que l'on a connu. Filmer des acteurs sans scénario, comme s'ils étaient suivis dans leur quotidien, hors plateaux. En somme, tout centrer sur les acteurs eux-mêmes puisque le scénario est inexistant.

Malheureusement, on assiste à une succession de scènes décousues, n'ayant aucun rapport entre elles, ce qui produit un aspect sans queue ni tête vite gênant. Et cela n'est finalement pas si novateur que cela, puisque le cinéma de Bertrand Blier avait pris l'habitude d'être de plus en plus centré sur les seules performances d'acteurs, au fur et à mesure que les scripts devenaient inconsistants.

Le seul fil conducteur est le « pot d'eau chaude » de Jean-Pierre Marielle, mais comme le fait justement remarquer Jacques Villeret dès le début du film, « On ne va pas tenir une heure et demie avec ça ».

ladoublure 3

Le résultat, c'est que, malgré une extraordinaire brochette de comédiens, l'ennui s'installe rapidement. On a quelques sourires au détour de telle ou telle réplique amusante, mais le manque de liant du film demeure rédhibitoire.

Voilà qui a le mérite de démontrer par l'absurde que la réunion d'acteurs exceptionnels ne suffit pas à faire non seulement un grand film, mais même pas non plus un simple bon film. Car les grands acteurs, ils y sont tous ou presque, de Marielle à Serrault, en passant par Villeret, Delon, Belmondo, Balasko, Claude Brasseur, Brialy, Depardieu, et encore Jacques François, Galabru, Lonsdale, Jean Yanne...

Le film me fait un peu la même impression que Papy fait de la Résistance : la réunion d'une multitude d'acteurs de talent, et même de monstres sacrés, qui accouche d'une souris, ou de guère mieux, faute de scénario réellement captivant.

Les œuvres majeures de Blier s'appuyaient à la fois sur une distribution de rêve et un scénario en béton, le tout relevé par des dialogues d'anthologie. Plus que jamais, Les Acteurs confirme la nécessité de cumuler grands comédiens et très bon scénario pour faire du bon, du grand cinéma. Si un des deux éléments manque, on reste sur notre faim.

Il ne se passe quasiment rien dans la première partie, alors que la seconde est plus animée, mais dans le mauvais sens du terme : Blier nous sert alors des scènes surréalistes dans la veine de ce qu'il fait depuis le début des années 90, et qui avait débuté dès le décevant Notre Histoire.

Dans ces conditions, il faut souligner le talent exceptionnel des comédiens, qui nous font tenir jusqu'au bout. Imaginez le même film avec des acteurs ordinaires : ce serait épouvantable, personne ne tiendrait jusqu'à la fin.

L'exécution de Marielle par Jacques François est le premier bon moment de cette seconde partie, mais il intervient bien trop tard. Tout de suite après, c'est la conclusion. Et il faut reconnaître que les meilleures séquences sont pour le final : les scènes de dialogues téléphoniques avec l'au-delà, entre Claude Brasseur et son père Pierre, puis entre Bertrand Blier et son père Bernard, constituent de jolis moments d'émotion.

Une fort belle conclusion que ces paroles de Bertrand pour son père : « Plus les jours passent et plus tu me manques ».

L'originalité du concept, le talent des acteurs et ce final réussi permettent à ce film d'échapper à la note minimum.

Anecdotes :

  • C'est la première fois que Bertrand Blier joue un rôle dans un de ses films. On comprend l'émotion qu'il a dû ressentir lors de ce dialogue imaginaire avec son père, le grand, l'immense Bernard Blier.

  • Alain Delon n'apparaît pas chanceux avec Bertrand Blier puisqu'il a sans doute participé à ses deux films les moins intéressants.

  • Avec 400 000 spectateurs, Blier stabilise son audience. On peut néanmoins penser que l'énorme échec commercial de son film suivant sera en partie dû à une certaine déception ressentie par son public sur Les Acteurs. Un bon film assure un minimum de spectateurs pour le suivant, alors qu'un film plus contestable les fait fuir.

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Un, deux, trois soleilLes acteurs

Saga Bertrand Blier

Mon homme (1996)


MON HOMME

classe 4

Résumé :

Une prostituée indépendante tombe amoureuse d'un clochard et propose qu'il devienne son souteneur. L'homme hésite, finit par accepter et se prend au jeu, au point de tenter de recruter une deuxième fille.

unechance 7

Critique :

Bertrand Blier lance un réquisitoire à peine masqué contre les lois liberticides qui entendent régenter non seulement la prostitution, mais bel et bien la vie privée des citoyens.

Marie (Anouk Grinberg) est prostituée par vocation, car elle aime le sexe, les hommes et l'argent. Elle se trouve si heureuse dans cette profession qu'elle fait du prosélytisme, n'hésitant pas au début de l'histoire à proposer à une passante qui la regardait en biais de l'imiter, de vivre de ses charmes elle aussi.

Voilà qui commence mal pour tous les tenants d'une certaine idéologie « bien-pensante », qui veulent à tout prix imposer à tous leur vision monolithique et faussée de la prostituée exploitée et non consentante. Cela existe, évidemment, mais il ne faut pas réduire le commerce du sexe à cela.

Dès lors que Marie tombe amoureuse et propose de subvenir aux besoins de « son homme », les ennuis commencent avec la police. Blier montre les forces de l'ordre sous un jour particulièrement défavorable, les policiers n'hésitant pas à se faire passer pour des clients pour traquer le « maquereau », à l'image du flic incarné par Bernard Le Coq.

C'est bien la preuve que le metteur en scène a choisi son camp, celui de la liberté sexuelle et de la liberté de la prostitution, restant ainsi fidèle aux idéaux de mai 68, là où tant d'autres ont tourné leur veste et sont devenus, souvent par féminisme mal compris, semblables aux pires conservateurs sociaux, ceux qui sont sous l'emprise de la religion et/ou de l'ordre moral.

Il semble que le message du cinéaste soit que, dans toute société épanouie, une femme devrait pouvoir vivre de ses charmes tout en ayant un ami de cœur, sans que l'Etat et sa police ne trouvent à y redire, et donc leur laissent vivre leur vie tranquille, comme tous ceux dont l'activité ne nuit à personne, et ce même si le monsieur est entretenu par la dame.

ladoublure 3

Vingt ans après la sortie du film, il est triste de constater que la société a régressé sur ces sujets, les lois pénalisant les clients des prostituées s'ajoutant aux traditionnelles lois contre le «racolage ». Il est même probable que Bertrand Blier ne pourrait carrément plus faire un tel film de nos jours, face aux pressions de toutes sortes, mais aussi au retour à un conformisme de mauvais aloi.

Contrairement à Un, deux, trois, soleil, on a donc ici un Bertrand Blier dans son rôle traditionnel de catalyseur d'une société trop rigide, et c'est généralement dans ce registre qu'il réussit le mieux, mais ce que l'on va regretter, c'est la tournure du scénario après ce bon début.

Les scènes montrant Marie dans l'exercice de sa profession, qui suivaient sa tentative de prosélytisme initiale, étaient attrayantes, ne serait-ce que pas leur aspect érotique poussé. La rencontre avec Jeannot (Gérard Lanvin) était tout aussi captivante, malgré la musique épouvantable qui accompagne la scène où Marie se donne à lui, tout à la fois bien leste dans la grande tradition du metteur en scène, et émouvante.

Mais ensuite, le film se délite pour aboutir à une dernière demi-heure décevante, dans une parfaite illustration de la tendance qu'à Bertrand Blier à avoir du mal à terminer ses films.

OK, j'apprécie le message délivré : Marie vivait un bonheur tranquille avec Jeannot, mais l'irruption intempestive de la police dans sa vie privée et la révélation de la duplicité de « Son Homme » l'ont brisée. C'est une illustration de ce que la société, sous le joug d'une caste qui prétend imposer ses vues rétrogrades, peut en venir à gâcher la vie de n'importe qui n'entendant pas se soumettre à ses codes.

Mais le problème est que ceci déporte le scénario vers le drame beaucoup plus que vers la comédie, et que le savant équilibre entre drame et comédie, indispensable dans toute comédie dramatique qui se respecte, est rompu.

Marie perd sa joie de vivre. Elle n'a plus envie de se prostituer, elle épouse Jean-François (Olivier Martinez), rencontré dans un bar, ceci pour avoir deux enfants de lui et mener une vie « normale ». Le mari est pauvre et chômeur. A force de misère, Marie se résout à reprendre ses activités, mais c'est un échec. Lors de ses belles années, son sourire de femme insouciante et heureuse attirait la clientèle. Désormais, la tristesse de son visage fait fuir le mâle en rut.

Ceci serait encore acceptable, mais d'autres éléments scénaristiques font virer la fin du film au n'importe quoi, entre la sortie de prison surréaliste de Jeannot et l'entretien d'embauche raté de Jean-François.

La sortie de prison est le double inversé de la scène entre Depardieu/Dewaere et Jeanne Moreau dans Les Valseuses. Ici, c'est une femme (Sabine Azéma) qui veut aider et aimer un homme à sa sortie de prison, mais la scène est ahurissante avec les crises d'hystérie de Jeannot, dues à un coucou trop bruyant.

Quant à l'entretien d'embauche, il se situe dans le domaine de la critique sociale. Bernard Fresson est parfait en directeur du personnel inhumain, le message délivré est réaliste et sympathique, mais tout ceci assombrit le climat du film, encore une fois plus dramatique qu'axé sur la comédie.

Pour sa troisième et dernière collaboration avec sa compagne Anouk Grinberg, Bertrand Blier l'a à nouveau magnifiquement mise en valeur, après la demi-déception de Un, deux, trois, soleil. Ainsi, on en arrive au fait que la qualité de l'interprétation est le meilleur atout du film. Le scénario s'enlise, les dialogues n'ont plus tout à fait la même saveur qu'autrefois, malgré quelques beaux restes, mais les comédiens, à commencer par la sublime Anouk Grinberg, sauvent la baraque.

La belle Anouk est aguicheuse à souhait dans ses tenues sexy de courtisane assumée, et la multiplication de scènes sexuelles torrides dans la première partie du film est un régal. Ajoutons sa voix et sa diction de femme-enfant, voire de petite fille, qui renforcent l'attraction irrésistible exercée par cette femme pas ordinaire.

Gérard Lanvin est excellent, aussi bien en clochard qu'en maquereau, et sa subite transformation de l'un à l'autre véritablement savoureuse. Valéria Bruni-Tedeschi se montre très convaincante avec son air timide de femme discrète refusant de se livrer à la prostitution, même par amour pour Jeannot.

Parmi les multiples petits rôles qui pimentent la distribution, signalons Jacques François en vieux client amoureux, Michel Galabru en vieux client impuissant, Jacques Gamblin en jeune client vigoureux, et une apparition formidable de Roger Carel en passant qui donne la leçon à Jean-François sur la façon la plus efficace de se livrer à la mendicité.

Avec un thème intéressant et une telle armada de bons comédiens, le Blier de la grande époque aurait bâti un chef-d’œuvre de comédie distrayante, mais celui de seconde partie de carrière nous sert une comédie douce-amère, avec de réelles qualités, mais qui nous laisse tout de même un peu sur notre faim.

Anecdotes :

  • Anouk Grinberg, enthousiaste au départ, a finalement vécu la multiplication de scènes sexuelles très poussées comme un « viol ». Il semble qu'elle n'ait pris conscience de ce fait qu'en visionnant le film après sa sortie, mais ce vécu négatif a scellé la fin de sa vie commune avec Bertrand Blier, tout comme celle de leur collaboration artistique.

  • Un peu plus de spectateurs que pour Un, deux, trois, soleil, ce qui atteste probablement d'un certain regain de qualité, mais le film n'atteint pas les 500 000 spectateurs.

  • La bande musicale, constituée pour partie de chansons de Barry White, peut être évidemment diversement appréciée, mais elle n'a pas la consistance ni l'attrait de celles des classiques de Bertrand Blier. Et certains chants d'opéra intempestifs arrivent à gâcher des scènes visuellement intéressantes.

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Les acteursCombien tu m'aimes?

Saga Bertrand Blier

Les Côtelettes (2003)


LES CÔTELETTES

classe 4

Résumé :

Deux sexagénaires, tristes et nostalgiques, tombent amoureux de la même personne, qui n'est autre que leur femme de ménage.

unechance 7

Critique :

L'énorme échec commercial de ce film apparaît injustifié dans la mesure où il n'est certes guère meilleur, mais en tous cas pas pire, que les autres œuvres du Blier de l'époque.

Pourtant, le cinéaste avait bétonné sa distribution en faisant appel à deux poids lourds confirmés pour les rôles principaux. L'âge n'a pas enlevé à Philippe Noiret sa verve légendaire, ni sa gouaille naturelle, et Michel Bouquet continue à faire du Michel Bouquet, avec sa façon de jouer et sa diction, inimitables.

Peut-être le public de l'époque avait-il besoin de renouvellement ? Ou bien avait-il été refroidi par la singularité du film précédent ?

On a affaire ici à un Blier typique, constellé de propos salaces et d'aspects surréalistes. On assiste même à un certain renouveau concernant les dialogues, qui suscitent nombre de sourires complices.

ladoublure 3

L'entame est accrocheuse, avec son côté absurde dans le bon sens du terme, dont Blier a le secret. Léonce (Philippe Noiret), âgé de 64 ans, est un bourgeois qui se flatte de voter à gauche. A l’opposé, Michel Bouquet, le « Vieux » de 70 ans, se définit comme un « pauvre de droite ».

Léonce, touché par l'attitude humble de Nacifa, sa femme de ménage, se trouve pris de scrupules en raison de son mode de vie, qu'il commence à trouver indigne de ses idées progressistes : comme n'importe quel vulgaire riche de droite, il s'est mis en couple avec une beauté de 30 ans après son divorce.

Il fallait vraiment être Bertrand Blier pour inventer ces histoires d'excréments : Léonce explique que la différence entre un « imbécile » de gauche et un « imbécile » de droite, c'est que le premier nettoie les WC après avoir déféqué, alors que le second ne le fait pas car il paye des gens pour le faire à sa place ! Et il avoue que lui-même ne nettoie pas, en dépit de ses idées affichées.

On le voit, la politique est omniprésente, et oriente le film vers une comédie sociale, genre déjà abordé par Bertrand Blier et qui, à mon avis, n'est pas celui qui lui convient le mieux. Je préfère le Blier auteur de cinéma populaire des années 70 et 80 au Blier plus « bobo » des années 90 et 2000, et il semble que la majorité du public soit de mon avis, vu le flop du film.

Parti sur cette voie, le scénario s'enlise et le film se délite, ne confirmant pas les espoirs suscités au commencement. Pourtant, tout n'est pas à rejeter, loin de là. Il y a le donc un bon début, avec le « Vieux » qui débarque chez Léonce sans crier gare avec l'intention avouée de l'ennuyer. Puis l'idée originale de personnifier la Mort, que l'on retrouve sous les traits de Catherine Hiégel, idéale pour ce rôle.

« La Mort » arrive un jour chez Michel Bouquet, qui est prêt à la suivre, mais elle ne veut pas de lui, elle préfère les gens moins consentants, qui s'accrochent à la vie. Elle va resurgir un peu plus tard, d'abord pour faire du gringue au « Vieux », mais ce dernier ne se montre pas intéressé, ensuite pour tenter d'emmener Nacifa, atteinte d'un cancer. Du 100% Blier !

Tout ceci n'est pas dénué d'intérêt, et fait d'autant plus regretter le final décevant. Cette « sodomisation » de La Mort par Noiret et Bouquet, sous les regards d'un groupe de handicapés physiques qui, subitement, quittent leurs fauteuils roulants pour se mettre à danser, très peu pour moi. Voilà qui ne rime à rien, et n'est même pas drôle.

Cette fin ratée s'apparente à un écho de celle, tout aussi surréaliste, de Calmos, et confirme la difficulté de Bertrand Blier à bien terminer ses films.

Anecdotes :

  • Il s'agit de l'adaptation par Bertrand Blier de sa pièce du théâtre du même nom, jouée pour la première fois en 1997 au Théâtre de la Porte Saint-Matin, avec les deux mêmes acteurs dans les rôles principaux. Michel Bouquet avait remporté le Molière du comédien.

  • Très gros échec populaire pour ce film puisqu'il n'atteint même pas les 100 000 entrées. Blier retombe ainsi dans les mêmes eaux qu'à ses débuts, avec Si j'étais un espion.

lescotelettes 5

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