Sur la route de Madison (1995) Résumé : Durant l’été 65, pendant quatre jours, un photographe bouleverse la vie d’une femme au foyer dans une ferme retirée de l’Iowa. Critique : Pendant le Festival de Cannes 94, Eastwood annonce qu'il a accepté de jouer dans l'adaptation du best-seller The Bridges of Madison County sous la direction de Bruce Beresford, qui quittera finalement le projet rapidement car il désirait que l’héroïne soit anglaise ! Eastwood le remplaça alors comme metteur en scène dans ce film très particulier de sa filmographie, même si le virage mélo avait déjà été entamé avec son œuvre précédente, A Perfect World. Mon avis est très partagé, entre ceux qui encensent ce long-métrage et les autres qui le trouvent particulièrement ennuyeux. Ce n’est, en tout cas, pas le film de l’acteur que je me passe en boucle, car The Bridges of Madison County ne reflète pas du tout la carrière d’Eastwood, même si la star réussit à briser son image de dur à cuire, allant jusqu’à éplucher des carottes ! Beaucoup voient dans ce film une grande histoire d’amour avec un A majuscule, mais elle conte surtout l’intrigue entre un coureur de jupons et une fermière mariée qui s’ennuie à mourir. Il y a certes de beaux paysages et Eastwood et Meryl Streep jouent très bien, même si les mauvaises langues rajoutent ‘pour une fois’. Elle est pratiquement plus convaincante qu’Eastwood, qui donne l’impression d’être moins à l’aise avec son pantalon à bretelles qu’avec un Magnum.44 ! Si on passe outre le jeu d’acteurs et les paysages de l’Iowa, l’histoire contée n’est pas transcendante. Francesca Johnson, d’origine italienne, a deux grands enfants et sa vie monotone est soudainement égayée par un étranger venu photographier un pont couvert dans la région. Il la fait voyager par procuration et s’évader de son travail pénible à la ferme et de son quotidien fastidieux. Pendant quatre jours, Francesca est une autre femme, qui trouve son épanouissement auprès de cet homme, qui sait la comprendre et la faire rêver. Cependant, cette ancienne prof –ça explique sûrement son côté perturbé –, devenue femme au foyer, se comporte comme une adolescente à un premier rencart (la scène du bain est éloquente) et elle va s’acheter une robe échancrée pour obtenir ce qu’elle veut : coucher avec lui (en prime, c’est dans le lit conjugal). Francesca observe Robert de la fenêtre de sa chambre qui se rafraîchit à la fontaine de la cour, ou encore à travers les interstices du pont...Elle a chaud, au sens propre comme figuré et, de toute façon, que cela soit après une limonade, un thé glacé, une bière, un café ou un brandy – ils boivent tout ce qu’ils trouvent pour tromper l’ennui -, on sait que Robert va se taper Francesca. C’est bien joli tout ça mais quid du pauvre mari parti à la foire annuelle de l’Illinois avec les enfants, qui dit ne pas pouvoir dormir sans sa femme et qui lui téléphone tous les soirs. Il aura des cornes sans le savoir jusque dans la tombe, car Francesca veut être incinérée et que ses cendres rejoignent celles de son amant près du fameux pont. L’infortuné mari est une seconde fois trahi. ‘Nous ne faisons rien de mal’ comme le dit Robert, lorsqu’ils boivent du brandy, même si elle a déjà des idées lubriques derrière la tête. Robert Kincaid – sûrement le nom de personnage le plus crétin de la carrière d’Eastwood – surgit de nulle part pour tirer Francesca de sa léthargie sexuelle. Un photographe du magazine National Geographic, mais cela aurait très bien pu être le ‘facteur’… comme dans l’excellent film de 1981 Le facteur sonne toujours deux fois avec Jack Nicholson et la sulfureuse Jessica Lange, bien plus excitante que Meryl Streep. Comme Cora, Francesca est attirée par un homme qui lui correspond mieux que son mari et ils deviennent amants. La comparaison s’arrête là car The Postman présente un scénario construit et un suspense prenant, alors que Madison n’est qu’une suite de vignettes à l’eau de rose, un concept qui sera repris deux ans plus tard dans le Titanic de Cameron avec Jack et Rose. Les romans de Barbara Cartland n’ont jamais été ma tasse de thé…. Eastwood allait sur ses soixante-cinq printemps au tournage de ce film, alors que Meryl Streep était de dix-neuf ans sa cadette. C’est la mère de l’acteur qui suggéra Meryl à Clint. D’ailleurs, l’actrice prit une dizaine de kilos pour interpréter cette femme au foyer rangée qu’une étincelle peut réveiller. Le film est ‘sage’ mais la fameuse réplique de l’actrice a dû sortir les censeurs de leur sieste, car ils envisagèrent de le classifier, avant qu’Eastwood n’intervienne. En effet, après leur dispute au petit déjeuner, Francesca lâche le fameux mot à quatre lettres à Robert : « So, do you want more eggs or should we just fuck on the linoleum one last time?”. On comprend parfaitement le dilemme des enfants qui doivent trancher entre le désir de leur mère d’être incinérée ou leur volonté de l’enterrer près de leur père. On a bien conscience que Robert est un homme à femmes et un solitaire – ça colle à Eastwood, ça – et Francesca n’a aucune assurance qu’il lui sera fidèle, même si Robert nous sort une réplique restée célèbre, qui n’engage à rien : « This kind of certainty comes but just once in a lifetime.” C’est assez cynique quand on sait que c'est durant le tournage de Sur la route de Madison qu'Eastwood se sépare de Frances Fisher ! J’ai regardé en VF – la seule version à ma disposition - et j'ai été consterné par les voix de doublage et peut-être que ça joue dans mes commentaires. C’est le seul film, heureusement, où Eastwood a la voix d’Alain Doutey. Quoi qu’il en soit, cela ne change rien au thème du long-métrage, à savoir l’histoire d’une frustrée de la vie qui profite de l’absence de son paysan de mari et de sa progéniture pour se faire remuer le bassin par un vieux photographe. Cette vieille canaille de Clint (à Je comprends les fans de l’acteur qui disent s’être emmerdés comme pas possible devant ce quasi huis-clos où il ne se passe en fin de compte pas grand-chose, avec, par exemple, l’histoire affligeante de gorilles contée par Robert. Sans Eastwood au générique, je n’aurais probablement jamais regardé ce film moi-même. Le scénario manque cruellement de rebondissements, le rythme est archi lent et on a l'impression de déjà savoir comment ça va se finir, contrairement au film que je mentionne plus haut, Le facteur sonne toujours deux fois ou même aux Proies. A tout prendre, je préfère encore Breezy qu’Eastwood réalisa en 1973 ; l’histoire d’un homme d’âge mûr divorcé et d’une jeune hippie, qu’à priori tout sépare, qui tombent amoureux l’un de l’autre. Ceci écrit, le meilleur passage de Madison est les adieux sous la pluie, au feu rouge, très bien joué et filmé. Je ne pense pas spoiler en écrivant que toute l’histoire est posthume, car les deux protagonistes sont décédés, et on découvre ce Barbara Cartland grâce aux trois cahiers que Francesca a pris le temps d’écrire pour conter ces quatre jours d’exception. Le film est ainsi entrecoupé des réactions des enfants – Michael et sa sœur Caroline –, qui, à la mort de leur mère, se retrouvent dans la ferme où ils ont passé leur enfance. Leur point de vue et leur état d’âme sont inintéressants et auraient pu être coupés au montage, surtout la belle-fille qui est une tête à claques indigeste. Que ce film plaise surtout aux femmes n’est pas surprenant, car Meryl Streep est un choix crucial pour son pouvoir d'attraction sur le public féminin, mais, bien qu’il reste une découverte intéressante, The Bridges of Madison County ne fait pas partie de mon top 20 des films de l’acteur, car l’Eastwood romantique ne sera jamais celui qu’on cite spontanément, un peu comme, à l’opposé, l’Eastwood des comédies un peu lourdingues. Le succès populaire fut au rendez-vous, peut-être par curiosité de découvrir le macho romantique ; cependant, fort heureusement, après deux productions consécutives penchées vers le mélo, la star reviendra ensuite à ses fondamentaux avec un excellent thriller. Sur la route de Madison est un film atypique bien que non mineur dans l'œuvre eastwoodienne, mais, tels les quatre jours idylliques vécus par Francesca, il reste une parenthèse dans la carrière de Clint…. Anecdotes :
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