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Capitaine Kronos, chasseur de vampires (1974)Le baiser du vampire (1963)

Saga Hammer

Les maîtresses de Dracula (1960)


LES MAÎTRESSES DE DRACULA
(THE BRIDES OF DRACULA)

Résumé :

Contrainte de passer la nuit au château de Meinster, la jeune Marianne Danielle s’éprend du jeune baron et le délivre de la captivité dans laquelle le maintenait sa mère. Or, le baron est un vampire. Alerté, le docteur Van Helsing arrive à temps.

Critique :

Après le succès du Cauchemar de Dracula, la Universal passa commande à la Hammer d’un « Dracula 2 » et Jimmy Sansgter se colla au scénario. Son script de 1959 s’intitulait « Disciple of Dracula » mais la Hammer ne l’aima pas et le fit réécrire par Peter Bryant qui, à la demande d’Anthony Hinds, réintroduisit le personnage de Van Helsing, absent de la première mouture. Sauf que Peter Cushing n’apprécia pas l’idée que Van Helsing fasse appel aux forces du Mal pour combattre le monstre. Or, l’acteur avait du poids sur les scenarii et la Hammer fit marche arrière, demandant à Edward Percy, apprécié de Cushing, des ultimes retouches qui concernent surtout le final. Ce fut lui notamment qui pensa aux ailes du moulin. Le léger souci avec ces réécritures incessantes est un léger flou dans l’histoire et certaines séquences qui n’ont plus aucun sens. Heureusement, Terence Fisher sublime son matériau pour réussir un « Hammer poétique et fantastique » selon le mot d’Yvonne Monlaur. 

On ne sait pas si Christopher Lee refusa le rôle de Dracula pour ce film en particulier ou si la Hammer ne le considérait pas plus que cela, donnant la priorité à Cushing. La firme trouva un remplaçant avec David Peel, pas vraiment un acteur par ailleurs, mais qui, ouvertement homosexuel, donna une image originale du vampire. Dommage qu’il ne soit pas plus doué car son baron Meinster, « trop blond pour être honnête » (Nicolas Stanzick), efféminé, dont le maquillage vire au tragique sur la fin, aurait pu avoir plus de force et d’impact. On a l’ébauche d’une beauté perverse mais pas davantage. 

Quand elle parla de son rôle de Marianne, Yvonne Monlaur, qui réussit là une très belle performance à la fois touchante et subtile même si très « demoiselle en détresse », la décrivit comme « charmante » mais « naïve », acceptant trop vite par exemple la demande en mariage du baron. Nicolas Stanzick prolonge cette réflexion en indiquant que, pour lui, Marianne est victime de son imaginaire de petite fille alors qu’elle se trouve dans « un conte de fées pour adultes » ; pour reprendre le mot de Terence Fisher. Cette dualité, fondement de l’esthétique fisherienne, se retrouve dans le point/contrepoint entre le château enchanteur de Meinster (formidable travail des décorateurs des studios de Bray ; le hall fut celui de Baskerville Hall, les piliers torsadés viennent du Cauchemar de Dracula) et les scènes d’auberges utilisées par le réalisateur pour le côté matérialiste.

Le côté « adulte » se retrouve aussi dans un sous-texte osé pour l’époque car le baron Meinster vampirise sa propre mère ! Laquelle, dans une scène précédente, avait raconté très émue la « maladie » de son fils (curieux que le vampirisme soit assimilé à une maladie) ; une séquence d’émotion battue en brèche par la folie de la servante Greta qui retrace dans une violente diatribe contre la baronne la faiblesse de celle-ci devant les débauches de son fils qui le menèrent à devenir un vampire. Le débauché qui devient un vampire se retrouvera dans Les sévices de Dracula (1971) où Dracula n’apparaît pas plus qu’ici. Ce qui se déduit de la baronne Meinster est qu’elle est une mère si aimante qu’elle ne parvint jamais à se séparer de son fils (un beau complexe d’Œdipe) ; une proximité que son fils retourne contre elle dans une vampirisation qui a un léger parfum d’inceste. Une idée qui ne sera pas perdue puisqu’Anne Rice la réutilisera dans Lestat le vampire

Martita Hunt incarne la baronne Meinster et cette grande actrice britannique réussit une performance. D’abord inquiétante, elle la montre ensuite sensible et faible mais sans jamais la ridiculiser ou la rendre pathétique. Elle rend crûment visible la dérive d’un amour maternel exclusif. Les « maîtresses » sont au nombre de deux voire trois si on inclue le personnage de Greta qui n’est pas un vampire mais la nurse du baron Meinster. Freda Jackson réussit elle aussi une performance qui donne à voir toute la folie de Greta. Sa meilleure scène est lorsqu’allongée sur la terre d’une tombe fraichement creusée, elle aide avec douceur la villageoise vampire (campée avec charme par Marie Devereux ; pas une ligne de texte mais des courbes affolantes) à sortir de sa tombe dans un simulacre maléfique d’accouchement. L’autre vampiresse est Andree Melly plus convaincante en monstre qu’en répétitrice et dont la résurrection est un joli moment d’effroi ; le personnage susurrant avec douceur et parlant sans cesse d’« amour » et de « baiser » alors qu’elle est la Mort en marche !

La Hammer avait bien raison de miser sur Peter Cushing qui est juste parfait. L’acteur arrive à la 30’ soit deux minutes après que le mot « vampire » ait été prononcé pour la première fois dans une concomitance involontaire mais très révélatrice finalement. Le rôle de Van Helsing est de combattre le vampirisme…assimilé également à une survivance païenne. Ce qui est historiquement absurde même si Bram Stocker fait du bon docteur un fervent chrétien (protestant bien sûr). Les titres universitaires de Van Helsing sont également conformes au roman. Peter Cushing sait varier son jeu. Rassurant quand Van Helsing est avec Marianne (au sens propre d’ailleurs car l’acteur rassura Yvonne Monlaur lors de la scène de l’incendie du moulin car l’actrice avait précédemment été brûlée dans un accident). Froid et impitoyable face à la baronne. Patient avec son collègue bouffon (Miles Malleson inaugure le genre de second rôle comique que reprendra Thorley Walters ultérieurement). Courageux et combatif face au baron. La scène où Van Helsing, mordu au cou par le vampire, cautérise sa plaie au fer rouge est spectaculaire ! La Hammer s’en souviendra pour Le baiser du vampire l’année suivante (où le personnage féminin principal s’appelle…Marianne). De ce fait, Van Helsing revient du pays des morts et devient un personnage mythologique.

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Anecdotes :

  • Sortie anglaise : 1960 Sortie française : 21 décembre 1960

  • Scénario :  Jimmy Sansgster, Peter Bryan et Edward Percy

  • Réalisation : Terrence Fisher

  • La scène où Greta dit à Marianne qu’un couvert est toujours mis pour un invité sera en partie reprise dans Dracula, prince des ténèbres.

  • Yvonne Monlaur a raconté que Terence Fisher mettait du whisky dans son thé et le partageait avec Martita Hunt.

  • Dans le dossier promotionnel américain se trouvaient de nombreuses astuces comme installer un cercueil à l’arrière d’un camion à remorque avec une jeune femme payée pour s’allonger à l’intérieur, sous un panneau portant le slogan « Je suis l’Une des Mortes-Vivantes ».

  • Une novélisation fut écrite en 1960 par Dean Owen. Dans ce livre, à la fin, Van Helsing somme une horde de chauves-souris de l’enfer d’attaquer le baron Meinster pour le punir de son inceste. Cette fin sera réutilisée pour Le baiser du vampire.

  • David Peel/baron Meinster : acteur britannique (1920-1981), vu au cinéma dans Commando sur Rhodes (1954), Les mains d’Orlac (1960). Il se retira pour devenir marchand d’art.

  • Martina Hunt/la baronne Meinster : actrice anglaise née à Buenos Aires (1899-1969), elle a joué au cinéma dans J’étais une espionne (1933), L’étrange pensionnaire (1938), Le masque aux yeux verts (1945), Anna Karénine (1948), L’éventail de lady Windermere (1949), Trois hommes dans un bateau (1956), Le club des libertins (1969). Elle était la tante de Gareth Hunt (Mike Gambit dans The New Avengers).

  • Andree Melly/Gina : actrice anglaise (1932-2020), vue au cinéma dans Je ne suis pas une héroïne (1952), Les belles de Saint-Trinian (1954), Derrière le rideau (1960). A la télévision, elle joua dans Maigret (1960), The Doctors (1970). Elle mit fin à sa carrière en 1990.

  • Miles Malleson/Dr Tobler : acteur britannique (1888-1969), vu au cinéma dans The sign of Four (1932), La reine (1934), Marie Tudor (1936), Le voleur de Bagdad (1940), L’idole de Paris (1948), Noblesse oblige (1949), L’affaire Manderson (1952), Trois hommes dans un bateau (1956), Le cauchemar de Dracula (1958), Le Chien des Baskerville (1959), Les pirates de la nuit (1961), Le fantôme de l’Opéra (1962). Il a aussi tourné pour la télévision : Douglas Fairbanks Jr présente (1954), Robin des Bois (1956), Victoria Regina (1964).

  • Fred Johnson/le prêtre : acteur irlandais (1899-1971), vu au cinéma dans The Failure (1917),  Le démon de la danse (1950), Le Saint défie Scotland Yard (1953), Moana, fille des tropiques (1954), Frankenstein s’est échappé (1957), Hurler de peur (1961), Les bas-fonds de Londres (1969), Le baron rouge (1971). A la télévision, dans Douglas Fairbanks Jr presents (1953, 1955), Sir Francis Drake (1961), ZCars (1963, 1964).

  • Marie Devereux/une villageoise : mannequin et actrice britannique (1940-2019), modèle de nu régulier dans les magazines durant les années 1950, elle fait quelques apparitions au cinéma (Les étrangleurs de Bombay, 1959 [non créditée], Le cavalier noir, 1961 ; La marque, 1961 ; Shock Corridor, 1963 ; Police Spéciale, 1964) et à la télévision (Chapeau melon et bottes de cuir, 1961). Elle se retire ensuite pour se marier.

  • Biographie de Michael Ripper dans La femme reptile, d’Yvonne Monlaur dans L’empreinte du dragon rouge et de Freda Jackson dans Le spectre du chat.

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