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La Carapate (1978)Le Pion (1978)

Comédies françaises Années 70

La Cage aux folles (1978) par Sébastien Raymond


LA CAGE AUX FOLLES (1978)

classe 4

Résumé :

S’il n’y avait que les crises d’angoisse et de jalousie d’Albin, le couple qu’il forme avec Renato serait presque sans histoire, jusqu’au jour où le fils de ce dernier décide de se marier avec la fille d’un député ultra conservateur. Comment faire pour cacher l’homosexualité du père à la famille traditionaliste ? Évincer Albin, feindre l’hétérosexualité, trouver l’ancienne épouse de Renato? La rencontre des deux familles risque de se révéler explosive.

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Critique :

La première fois que j'ai vu ce film, c'était en salle, mais c'était déjà une nouvelle diffusion au milieu des années 80, je ne sais pas à quelle occasion. Sans doute le succès lors de sa première sortie en 1978. Je devais avoir entre 11 et 13 ans et j'ai le souvenir d'avoir beaucoup ri. Je l'ai revu ensuite une ou deux fois depuis et ma réception était déjà moins drôle. Aujourd'hui je le trouve encore moins drôle. Voilà un film qui vieillit mal, selon moi.

Cependant, il n'est en aucun cas homophobe, ni moqueur. Bien au contraire, par moments il est touchant et je suis sûr qu'il aura beaucoup fait pour l'acceptation de l'homosexualité. Certes, la “follitude” de Michel Serrault, comme des autres d'ailleurs, est passée de mode.

Le scénario de Francis Veber, Édouard Molinaro, Jean Poiret et Marcello Danon s'inscrit bien sur le canevas que Jean Poiret avait échafaudé pour la pièce de théâtre initiale. Et il repose donc également beaucoup sur l'ultra-féminisation des hommes qui ne fait plus autant rire de nos jours. C'est pour cette raison qu'on peut effectivement parler de "vieillissement" pour ce film.

Michel Serrault en fait beaucoup, mais à sa décharge, il tient bien son personnage. On sent qu'il a de l'affection pour lui, pour sa mauvaise foi comme pour sa générosité naturelle. Il est vrai qu’il avait eu le temps de bien se l’approprier après tant de représentations théâtrales et d’applaudissements justifiés, de le connaître jusqu’au bout des faux-cils.

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Ugo Tognazzi est un acteur doué, mais j'ai du mal à l'entendre causer avec la voix de Pierre Mondy. C'est l'un des défauts récurrents de ces co-productions franco-italiennes qu'on a connues fort nombreuses dans ces années-là. Quoiqu'il en soit, au-delà de cette post-synchro irritante, je ressens une autre petite gêne, dans son jeu, comme s'il se freinait. Je ne le trouve pas aussi impliqué que Serrault. Je peux me tromper, c'est un sentiment mal défini se basant sur quoi au juste ? Je n'en sais rien. Il est vrai que c'est un acteur qui, à partir d'un certain âge, a davantage joué ses rôles de façon plus sobre que dans sa jeunesse où il a maintes fois osé le grotesque. C'est peut-être ce qui m'interpelle, je ne le trouve pas toujours clair dans l'expression, presque grave sur ce film.

J'ai plaisir à revoir Michel Galabru, ici dans un personnage très sévère, ultra-conservateur, austère et qui, peu à peu, est harassé d'emmerdes. Moins grandiloquent qu'à l'accoutumée, il est toutefois plutôt juste, ce qui n’a rien d’une surprise. C’est un très grand, ce monsieur.

Ce qui vieillit également le film, c'est la photo baveuse d'Armando Nannuzzi. Là encore, ce parti pris esthétique était très à la mode à l'époque. Trop. Je déteste cette photo à la David Hamilton totalement irréaliste. À se demander ce qui a pu plaire dans ce faux impressionnisme. Et plus le temps passe, plus ce type de filtre photographique semble enterrer les films de cette période lointaine marquée par une certaine artificialité injustifiée tant du point de vue esthétique que narratif.

Au-delà de ces conjectures sur la forme, La cage aux folles mérite sans doute un hommage pour son rôle à la fois comique et sociétal dans la France de 1978, qui avait certainement besoin de se familiariser avec ces personnages, certes exubérants et donc un poil excessifs, mais profondément humains, aspirant à la normalité, au bonheur d'aimer, à la quiétude bourgeoise, au droit de rire et de pleurer comme tout le monde. D'une façon un peu explosive ou ultra-expressive, le film participe de ce mouvement vers plus de tolérance et a nettement imprimé sa marque par la caricature de la société française. Indéniable. Peut-être que le grand succès de la pièce de théâtre originelle avait déjà impulsé cet élan généreux, mais le film touchant plus de public et ayant eu lui aussi un grand succès populaire a effectivement enfoncé le clou.

Même si la caricature, les clichés peuvent paraître grossiers, il n'empêche qu'ils ont permis de poser un regard non plus méchant et violent mais adouci, clairement apaisé. Je comprends mal qu'on puisse se sentir agressé par ces personnages. Au contraire, beaucoup de tendresse s'exprime. Après, le ton et la manière sont peut-être un peu maladroits, mais le contexte, l'époque l'expliquent largement.

Anecdotes :

  • L’idée de cette cage aux folles est venue à Jean Poiret en voyant la pièce L’escalier de Charles Dyer, montée en 1967. Il s’agit d’une histoire triste d’homosexuels vieillissants. L’idée d’en faire une comédie est venue naturellement. Michel Serrault évoque quant à lui les réminiscences du fameux sketch des antiquaires qu’ils avaient proposé dès 1959.

  • L’adaptation ne fut pas de tout repos pour Jean Poiret qui y laissa des plumes sur le plan psychologique, comme le raconte Michel Serrault : “L’enthousiasme initial de Jean se dégradait à mesure qu’il prenait conscience de la spécificité de l’adaptation cinématographique, qui n’avait rien à voir avec l’écriture d’une pièce de théâtre. De mon côté, je découvrais jour après jour la fragilité de Jean et son extrême sensibilité. Notre collaboration prit fin le jour où il me déclara en pleurant (il pleurait vraiment) qu’il n’y arriverait jamais…”

  • C’est à ce moment que Francis Veber et Edouard Molinaro reprennent l’adaptation. Des mois passent durant lesquels la rigueur perfectionniste et l’extrême fermeté de Francis Veber seront vitales pour que le scénario aboutisse enfin.

  • Co-production franco-italienne, le film fut tourné en grande partie à Rome, dans les studios de Cinecittà.

  • Le film eut un succès retentissant aussi bien en France qu’en Italie mais également dans le monde entier. En France, plus de 5.4 millions de spectateurs sont allés le voir, Près de 8.1 millions d’entrées aux USA ont sans doute inciter les américains à produire un remake, comme il est de coutume, mais il faudra attendre 1996 pour voir sortir Birdcage de Mike Nichols, avec Gene Hackman et Robin Williams.

  • Le film fut nommé trois fois aux Oscars, pour le meilleur réalisateur, les meilleurs costumes et la meilleure adaptation. Il n’en remporta aucun, malheureusement.

  • Par contre, il réussit à obtenir le Golden Globe du meilleur film étranger en 1980 et Michel Serrault fut sacré meilleur acteur aux Césars de 1979 (son premier César).

  • En dépit d’un succès phénoménal de la pièce originale, il n’existe aucun enregistrement complet. Aucun producteur français ne parvint à réunir les fonds nécessaires pour en faire une adaptation ciné. Il a fallu attendre une co-production italienne pour que le projet aboutisse enfin, au prix de nombreux sacrifices à commencer par celui de sa vedette masculine principale : Jean Poiret, remplacé par Ugo Tognazzi.

  • Normalement, Ugo Tognazzi aurait dû tourner en français comme il s’y était contractuellement engagé, mais son manque d’assurance face à la virtuosité de Michel Serrault l’a obligé à refuser. On comprend qu’il se sente plus à l’aise dans sa langue maternelle. Mais cela posa de nombreux problèmes d’autant plus que sa relation avec Edouard Molinaro devint vite exécrable. Tognazzi se renfrogna et ne fit aucun effort avec le cinéaste et ses partenaires de jeu. Très vite, l’ambiance de tournage fut plombée. Pourtant, dans ses mémoires, Michel Serrault dit bien que son entente avec l’italien avait été parfaite. Francis Veber répercute un autre son de cloche. Serrault et Tognazzi devait connaître à l’avance le dernier mot de l’autre pour pouvoir enchainer ses propres répliques. Or, Tognazzi changeait parfois son mot pour mettre Serrault en difficulté. Histoires pas concordantes, difficiles à cerner finalement. Veber raconte notamment l’attitude de Tognazzi à l’égard de Molinaro: "Pendant des semaines, il arrivait sur le plateau et injuriait Molinaro devant toute l’équipe. À l’italienne, hurlant, arrachant des pages du script, s’attrapant les couilles à pleines mains, pour mieux montrer son mépris."

  • Pierre Mondy fait la voix française d’Ugo Tognazzi. D’abord par amitié pour Michel Serrault et Jean Poiret, mais également parce qu’il connaissait très bien la pièce, pour l’avoir mise en scène au théâtre en 1974.

  • Michou, le célèbre directeur de cabaret parisien serait à l’origine de la figure ô combien pittoresque d’Albin, joué par Michel Serrault.

  • Benny Luke, le domestique noir du couple Albin/Renato était un véritable danseur de cabaret des nuits parisiennes.

  • Michel Serrault a particulièrement apprécié l’amitié et la perspicace observation du directeur de la photographie italien Armando Nannuzi. Michel Serrault : “Je jouais pour cet homme dont, à la fin des prises, j’apercevais les yeux plissés par le rire silencieux, avec parfois une petite larme de jubilation. Lorsque je n’étais pas satisfait de mon jeu, Armando le comprenait immédiatement et c’est lui-même qui me disait : "Tou vo pas le réfaire ? Pour moi…"

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