Merveilleuse Angélique (1965) Résumé : Après la mort de Joffrey de Peyrac, Angélique réside à la Cour des Miracles, sous la protection de son amant Nicolas. Mais celui-ci meurt lors d’une rixe fomentée par un rival. Arrêtée, la Marquise parvient à quitter libre le Châtelet, après en avoir charmé le capitaine. Elle se lance alors avec succès dans la restauration. Son établissement est détruit et un enfant assassiné, lors d’une fête dévoyée par Monsieur et les Grands, malgré l’opposition de Plessis-Bellières. Avec l’aide d’un nouvel amant, le Poète crotté, Angélique publie des pamphlets révélant les noms des assassins, mais à l’instigation du Roi, Desgrez fait cesser l’entreprise avant que Monsieur ne soit compromis. En échange, la Marquise peut faire fortune dans le commerce du chocolat, tandis que le Poète se laisse pendre, car la sentant s’éloigner. Angélique tombe alors amoureuse de Plessis-Bellières, mais le couple doit faire face à plusieurs crises, dont la menace représentée par le Prince de Condé. Les amants peuvent ensuite s’épouser avec la bénédiction du Roi. Critique : Merveilleuse Angélique confirme malheureusement le règle voulant que le deuxième opus d’une saga égale rarement le premier. Son moindre impact se doit à plusieurs causes. Inévitablement, le film ne bénéficie plus de l’effet de surprise, parfois de sidération, qui éleva Angélique, Marquise des Anges au rang d’évènement. L’absence de Joffrey de Peyrac prive la narration d’un élément essentiel, ainsi que l’alchimie existant entre Michèle Mercier et Robert Hossein. Cela se ressent d’autant plus fortement que l’absent ne se voit que rarement évoqué au fil de l’intrigue. Les dialogues semblent moins claquer que lors du premier opus, avant de gagner en brio en dernière partie, avec les mots d’esprit propres à la fréquentation des salons et de la Cour, un élément en soi déjà annonciateur du succès d’Angélique et le Roy. Toutefois Merveilleuse Angélique pâtit avant tout de sa structure narrative. En effet, en lieu et place du tumultueux roman d’une vie que représentait Angélique, Marquise des Anges, on trouve ici une intrigue clairement découpée en trois parties, chacune organisée autour d’un amant de l’héroïne : Nicolas, le Poète crotté et Plessis-Bellières (un mariage et deux enterrements). Cette forme, évoquant quelque peu ces films à sketchs où Michèle Mercier connut le succès, suscite un fractionnement et une redondance privant le récit d’une partie de son allant. Cela implique également que, passant d’un segment à l’autre, la psychologie d’Angélique connaisse parfois des sauts trop brusques. Entre la deuxième et la troisième partie, la Marquise passe ainsi brusquement de l’ivresse de la vengeance à un réalisme avoisinant le cynisme condition nécessaire à son succès. Au total, l’évolution psychologique du personnage résulte insuffisamment lissée et progressive pour ne pas y perdre en crédibilité. Comme souvent dans les films très segmentés, les différentes parties paraissent inégales, ici de façon très liée à la personnalité et l’interprète de l’amant. L’allant de Giuliano Gemma apporte de la fraicheur au plaisamment daté Nicolas, et la prestation de Jean-Louis Trintignant dans le rôle si romantique du Poète crotté demeure l’un des grands souvenirs de la saga. Par contre le jeu assez déclamatoire de Claude Giraud prive Plessis-Bellières d’une partie de son intérêt, d’autant que le personnage se voit ici réduit à un butor imbuvable. Cela rend peu crédible la soudaine romance avec Angélique, même si le scénario veille bien entendu à soigneusement le distinguer des sinistres camarillas de Monsieur et du Prince de Condé. Heureusement le troisième segment se rattrape en renouant avec l’univers du premier opus et le faste du grand Siècle, un mouvement là aussi prometteur pour la suite. Au-delà de ces développements, l’adaptation du roman résulte plus inégale que lors du premier volet de la saga. L’ascension d’Angélique depuis les ténèbres de la Cour des Miracles jusqu’au Soleil de Versailles fut l’occasion pour Anne Golon d’évoquer avec puissance l’envers du décor du XVIIe siècle, populaire ou misérable. On ne dira jamais assez à quel point les livres constituent un fresque captivante et détaillée du règne, Cet aspect se voit quelque peu négligé au profit des tribulations d’Angélique de Sancé. On regrettera également une relative édulcoration du texte ; Si le meurtre sordide de l’enfant demeure incontournable, les horreurs de la maison du grand Coërse ou du Cimetière des Saints-Innocents se voient à peine évoquées. Il est vrai qu’elles se situent bien au-delà des conventions du cinéma de l’époque. Merveilleuse Angélique bénéficie toutefois des traditionnels atouts de la saga, avec un travail de production toujours de grande qualité. La reconstitution historique s’avère toujours plaisante à l’œil, avec un grand soin apporté aux costumes et aux très beaux décors de René Moulaert. Même si les scènes en extérieur s’avèrent plus rares que précédemment, on retrouve avec plaisir le château de Plessis-Bellières, tandis que la splendeur du Grand canal autorise une mémorable conclusion du film. Si elle conserve heureusement le magnifique thème de la Marquise, la bande-son de Michel Magne sait introduire de nouvelles partitions réussies et évocatrices. Le film sait également de nouveau trouver un bon équilibre entre l’univers foisonnant des romans et les nécessités scénaristiques : si nombre de personnages historiques disparaissent, on en conserve suffisamment pour conserver son cachet au récit. Quelques belles rencontres s’y déroulent, avec le Louis XIV du toujours excellent Jacques Toja, le souriant La Fontaine ou l’idéalement choisie Ninon de Lenclos, aux convergences évidentes avec Angélique (pétillante Claire Maurier). La cavalcade des péripéties se montre entrainante et portée par une excellente interprétation, dont un savoureux Roquevert, idéalement dans son emploi, ou un Rochefort toujours aussi marquant. Il assure parfaitement le passage de Desgrez à l’état de policier secret du Roi, avec un humour acidulé et une vraie émotion. Le personnage s’avère également précieux comme fil rouge entre les différents segments du film. Michèle Mercier ; magnifique et se donnant totalement au rôle, campe de nouveau une flamboyante Angélique, dont on suit le parcours avec grand intérêt, bien au-delà d’un érotisme jadis sulfureux mais sans comparaison aucune avec ce que l’on cannait aujourd’hui. Angélique s’affirme comme une femme libre en amour comme en affaires d’une manière très moderne. On lui reproche parfois le nombre de ses amants mais il s’agit d’une battante bien décidée à profiter de la vie, au sein d’un siècle et d’un milieu aux passions plus exacerbées que les nôtres. Le public d’alors avait de quoi être ébouriffé, notamment en voyant développer avec succès son négoce, car quelle était la proportion de femmes parmi les chefs d’entreprise dans la France du général. Encore bien moindre qu’aujourd’hui, c’est dire. Elle brille toujours de ce charme particulier, associant la beauté aux qualités du cœur et de l’esprit. Malgré ses faiblesses, Merveilleuse Angélique demeure une transition maintenant intacte l’attractivité de sa protagoniste, et jetant un pont entre les deux pics de la saga que constituent Angélique Marquise des Anges et Angélique et le Roy. Anecdotes :
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