Le baiser du vampire (1963) Résumé : Deux jeunes mariés, Gerald et Marianne, tombent en panne d’essence dans un village d’Europe centrale. Ils sont invités dans le château du docteur Ravna à un bal masqué pendant lequel Marianne est initiée au vampirisme. Le professeur Zimmer, qui connaît la démonologie, va leur venir en aide. Critique : Après le succès de ses deux premiers films de vampires (le Cauchemar de Dracula et les maîtresses de Dracula), Anthony Hinds reçut de James Carreras la commande d’un « Dracula III » qui devint Le baiser du vampire. Il inséra à son script des éléments des Maîtresses qui n’avaient pas été tourné à l’époque comme le coup de pelle dans le cercueil lors de la séquence pré-générique ou l’invocation qui terrasse les vampires. Pour ce film, la Hammer ne pouvait pas compter sur Christopher Lee, en tournage en Italie, ni sur Peter Cushing (qui voulait faire une « pause » dans le gothique) et ne compta pas sur Terence Fisher dont le Fantôme de l’Opéra l’avait déçu (surtout financièrement). Nouveau venu, Don Sharp va pourtant réaliser un grand film du genre et sera un réalisateur important pour la firme. Le critique Robin Bean lui fait même entièrement crédit de la réussite du film (Films and Filming, février 1964). Il est vrai cependant que Don Sharp va notamment réussir deux morceaux de bravoure qui compte. Le premier prend la suite de la séquence où Zimmer est mordu au poignet par la vampiresse Tania. Il cautérise sa plaie au feu et si la séquence est si réaliste, c’est parce que c’est réellement le bras de l’acteur recouvert d’une crème protectrice ! Le second prend place à la toute fin dans une séquence, non seulement d’une grande originalité, mais qui est entièrement tournée sans musique. Elle marque d’autant plus que la musique joue un grand rôle dans le film notamment quand Marianne (et le spectateur avec elle) est littéralement hypnotisée par un morceau joué au piano. Entre les deux s’insèrent la séquence du bal costumé qui inspirera à Roman Polanski son Bal des vampires. Le réalisateur franco-polonais réutilisera certains éléments des trois premiers films vampiriques de la Hammer dans son propre film qui est déjà une réflexion et un regard moderne sur le mythe. Le scénario de John Elder alias Anthony Hinds a, lui, l’originalité de présenter le vampirisme comme une secte, à la façon d’un culte démoniaque. Le discours que tient Ravna, le fait que tous les vampires (ou les disciples car on voit finalement peu de crocs) portent la même tenue (une robe de couleur blanche alors que cette couleur est traditionnellement en Occident celle de la pureté) va dans ce sens. Le mot même de « vampire » arrive à 62’32’’ sur une durée totale de 81’40’’. Noel Willman compose un vampire dans la lignée ouverte par Christopher Lee avec ce mélange de distanciation (l’acteur, très impressionnant, était, paraît-il, aussi glacial sur le plateau qu’à l’écran) et de séduction. Isobel Black est une figure particulière. Si elle apparaît relativement peu, et n’a aucune ligne de texte, cette plantureuse jeune femme, habituée des pages des magazines de charme, fut systématiquement mise en avant par la Hammer dans les affiches et les photos promotionnelles notamment la scène où elle s’apprête à mordre Edward de Souza. Sa sensualité vole la vedette à Jennifer Daniels dont la blondeur annonce qu’elle sera la victime du vampire. Elle et Edward de Souza forment un couple tout ce qu’il y a de plus « bourgeois » un peu fades. Par contre, Clifford Evans compose une figure tout à fait originale. S’il est le « sachant » indispensable à tout film de vampires, son Zimmer est très différent d’un Van Helsing par ses tourments personnels et son alcoolisme. En outre, pour vaincre son ennemi, il n’hésite pas à recourir à la magie noire ! Anecdotes :
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Le fascinant capitaine Clegg (1962) Résumé : Sur la côte anglaise, face à la France, en 1792, le pasteur Blyss guide spirituellement sa communauté le jour et une bande de contrebandiers la nuit ; laquelle terrorise la contrée sous l’apparence de cavaliers fantômes. Averti qu’une cargaison d’alcool est sur le point de quitter la ville, le capitaine Collier investit celle-ci. Critique : Après la réussite du précédent film d’aventures, L’attaque du San Cristobal, James Carreras, tout à sa louable volonté de diversifier commercialement sa firme, accueille favorablement la proposition du producteur John Temple-Smith de faire un remake d’un film de 1937 qui adaptait une série de romans de Russel Thorndike, Docteur Syn- Un conte de Romney Marsh. C’est lui qui apporta son réalisateur, Peter Graham Scott, alors que Peter Cushing, pressenti tout de suite pour le rôle de Blyss, caressait l’idée de passer à la réalisation. Passionné par les romans, il avait d’ailleurs écrit son propre scénario qu’il soumit à Anthony Hinds. Il peignit en même temps une série d’aquarelles détaillées pour illustrer la façon dont son personnage serait habillé. La production faillit échouer quand il s’avéra que les héritiers Thorndike avaient revendu l’intégralité des droits à Disney. Habilement, James Carreras parvint à négocier avec la firme de Burbanks : son film se focaliserait sur le passé du héros qui ne s’appellerait plus Syn mais Blyss. Le film fut finalement intitulé Captain Clegg en Angleterre et Night Creatures aux États-Unis. Bien qu’il parle de pirates, le film relève davantage du genre policier puisqu’il met en scène dans une quasi unité de temps (24H), de lieu et d’action, les tentatives de « gendarmes » (les marins de la Royal Navy) et les « voleurs » (les contrebandiers). Le ton est tout de même sérieux. Nicolas Stanszyk analyse le film comme un « mini Contrebandiers de Moonfleet ». Quant à Peter Cushing, il affirmera que le capitaine Clegg « [est] mon genre de boucanier. » Mais, si James Carreras souhaitait une diversification des genres, Anthony Hinds (qui signe le scénario de son habituel pseudonyme de John Elder) était, lui, un réel passionné du genre fantastique. C’est à lui que l’on doit l’adjonction des cavaliers fantômes et d’une atmosphère qui rattache le film à la « tradition Hammer ». L’essentiel du contexte est présenté par un bandeau déroulant illustré par une cavalcade des fantômes et l’on passe tout de suite à une scène d’église. Manière de montrer la dichotomie entre le Bien et le Mal ? La présence d’entrée de jeu de Peter Cushing, en pasteur, et de ce second rôle de grande qualité qu’est Michael Rippert, en chef de chœur, dans un de ses rôles les plus développé et dans lequel il est plus que parfait, qui, tous deux, sont très doués dans l’ambiguïté affirme que ce n’est pas si simple. D’autant que les soldats, venus faire respecter la loi, nous sont d’abord présentés comme s’ils étaient des pirates avant que nous comprenions que ce sont des soldats ! Le spectateur est ainsi placé devant ses contradictions : les contrebandiers paraissent être les « gentils » de l’histoire mais ce sont des bandits alors que les serviteurs de la loi ont des manières des plus rudes. Le film bénéficie d’un casting des plus convaincants. Patrick Allen donne une grande présence au capitaine Collier, montre sa détermination mais sait aussi lui donner de l’allure et des manières. Collier n’est nullement ridiculisé. Martin Benson est le plus traditionnel « élément faible », celui dont on se doute qu’il peut faire échouer un plan mais l’acteur en montre bien plus que cela et ce n’est pas ses doutes ou ses craintes qui causeront sa perte que le passé de Blyss qui revient tout à coup. On aura un sourire concernant le couple Oliver Reed-Yvonne Romain qui venait de tourner l’année précédente dans La Nuit du loup-garou ; film dans lequel Yvonne Romain joue la mère d’Oliver Reed alors qu’ici, elle est son amante ! La relation amoureuse entre les deux personnages, d’abord anecdotique, va, en fait, s’avérer une mèche lente et jouer un rôle des plus importants dans la résolution de l’intrigue. Anecdotes :
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Meurtre par procuration (1963) Résumé : Depuis qu’elle a vu sa mère poignarder son père, Janet est sujette à des hallucinations. En réalité, elle est victime d’une machination.. Critique : Meurtre par procuration (le titre original est bien meilleur) s’inscrit dans cette lignée de thrillers horrifiques inspiré par Psychose et, comme dans ce dernier film, Jimmy Sansgter a l’idée de faire disparaître l’héroïne ; en l’occurrence, à la moitié du film très précisément. Mais, comme le casting, qui ne comporte volontairement aucune vedette, est composé d’acteurs et d’actrices solides, la tension ne faiblit pas, le spectateur demeure plongé dans l’incertitude. Si le cadre est contemporain, le film s’inscrit dans une veine où le gothique affleure ; on est proche de Poe avec cette maison qui, en l’absence de monstre, devient elle-même le monstre ! Par la simplicité de sa mise en scène, Freddie Francis reconstitue le cauchemar ou plutôt les cauchemars. Le décor du manoir devient sous sa caméra une goule effrayante qui sape les forces de la pauvre Janet. L’apparition spectrale de la femme en blanc est réaliste (pas d’effet de mise en scène) mais c’est l’atmosphère qui suggère le fantôme ou plutôt la recréation par un esprit malade de quelque chose qui n’existe pas. Jennie Linden donne à voir une jeune fille fragile rongée par la peur de la folie (comme chez Poe). C’est l’armature du film : la peur de la folie plus que la folie elle-même. La seconde partie du film ose rabattre complètement les cartes en montrant la victoire des manipulateurs mais, quand le cauchemar reprend, le spectateur est perdu : si les méchants peuvent manipuler le héros, qui peut manipuler les méchants ? Il n’y a plus de repère et c’est là que la solidité du casting prend tout son sens. Tous peuvent être héros ou criminels ; tous peuvent disparaître sans faire perdre au film sa force terrifiante. La fin est ainsi complètement imprévisible. Freddie Francis filme avec fluidité ce glissement de psychose entre deux personnages. La récurrence d’objets comme le couteau ou la poupée, crée une familiarité qui n’a rien de rassurante : ils participent au cadre de peur et leur seule présence est source de menace. Cauchemar est le mot juste.. Anecdotes :
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La momie sanglante (1972) Résumé : L’expédition du professeur Julian Fuchs a ouvert le tombeau d’une reine égyptienne dont la main coupée arborait un somptueux rubis. La momie, remarquablement conservée, est rapportée en Angleterre et la bague donnée à Margareth, la fille de Julian, dont la personnalité en est modifiée. Critique : Une variation réussie sur le thème passablement éculée de la momie et de la malédiction qui s’y attache. La Hammer se trouvait à un moment charnière dans son histoire. Largement dépendante de la distribution britannique, avec des films vendus à des distributeurs américains indépendants et donc des budgets de plus en plus restreints. Sir James Carreras tenta de vendre la Hammer. Son fils Michael rejoignit le conseil d’administration le 4 janvier 1971 comme directeur des opérations. Sir James demeura président deux ans encore mais les conflits entre eux n’allaient cesser de croître. Concernant ce film, Michael Carreras fut tout de suite confronté à des problèmes sérieux. Dès le premier jour de tournage, Peter Cushing quitta la production car sa femme Helen était en phase terminale. Il fut remplacé par Andrew Keir. Cinq semaines plus tard, Seth Holt, succomba à une crise cardiaque et Michael Carreras dut lui-même se charger de la réalisation. Si le scénario use de la ficelle de l’expédition maudite, la mécanique de mise à mort est très différente. Ce sont les archéologues eux-mêmes qui causent leur propre perte en déclenchant quasiment sciemment ladite malédiction en tenant de contrôler des forces maléfiques très puissantes. Quelque part, sans la vanité humaine, tous les drames qui ensanglantent le film n’auraient jamais eu lieu ! Saisissant rappel de la responsabilité humaine ! On est loin de la logique aveugle de la malédiction « habituelle ». S’être appuyé sur un ouvrage oublié de Bram Stocker n’est pas la moindre des bonnes idées de la Hammer. La réalisation est plutôt réussie même si, passée l’ouverture, il y a un certain manque de rythme. Seth Holt réussit ses scènes fortes comme celle, véritablement épouvantable, à l’asile de fous où la caméra elle-même paraît saisie de folie et où les hurlements et les ricanements des malades invisibles mais présents servent de « fond sonore » aux convulsions puis à l’attaque contre un des archéologues qui en sait trop et protège une des reliques essentielles au rite blasphématoire voulu par ses anciens collègues. La structure du film est habile évitant toute linéarité avec le recours réussi aux flashbacks ; le tout s’organisant autour de la scène centrale dans laquelle Julian Fuchs est agressé mystérieusement et plongé en catalepsie. Ce sont ensuite les révélations d’événements survenus lors de l’expédition faits à Margareth Fuchs, le véhicule de la malédiction mais des révélations faites par deux personnes ayant des motivations différentes et donc sujettes à caution. Débutante, Valérie Leon (prononcez « Léone »), se débrouille honorablement. Non seulement elle est sublime (et on verra clairement que l’on est à une époque de plus grande liberté des mœurs et que ce n’est pas le pudique Terence Fisher qui filme), mais elle parvient à varier son jeu et ses expressions pour suggérer soit que Margaret est elle-même soit qu’elle est sous influence de la reine égyptienne. Superbe aussi la rivalité entre ces acteurs chevronnés que sont Andrew Keir et James Villiers qui ne sont nullement les archétypes du Bien et du Mal mais des êtres plus complexes. Anecdotes :
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