Le Cauchemar de Dracula (1958) Résumé : Engagé comme bibliothécaire par le comte Dracula, Jonathan Harker découvre la véritable nature de son hôte. Le comte jette bientôt son dévolu sur la fiancée de Harker mais il doit bientôt compter avec un autre adversaire, le docteur Van Helsing. Critique : Un monument du cinéma. Un film d’horreur travaillé avec soin et qui frappe encore aujourd’hui par sa puissance visuelle et sonore. Scénariste attitré de la Hammer, Jimmy Sangster a pas mal trituré le roman originel mais l’œuvre produite est plus que satisfaisante. Comme le disait Alexandre Dumas, il est permis de violer l’Histoire à condition de lui faire de beaux enfants ! La première chose qui frappe, c’est le rythme du film. Plutôt court (1H18), il va à l’essentiel. Sa structure est calquée peu ou prou sur celle du roman. Une première partie sur Jonathan Harker chez le comte. Une seconde où Van Helsing essaie de sauver Lucy. Une troisième où Van Helsing et Arthur Holmwood combattent le vampire. C’est la seconde qui est la plus posée car elle se concentre sur l’entreprise de séduction de Dracula envers Lucy. Une scène fascinante montre ainsi Lucy (Carol Marsh, qui ne dépareille pas dans la longue galerie des « Hammer’s Girls ») passée de l’effroi au consentement face à Dracula. Lucy offre l’image d’un désir féminin qui s’assume. Sans un mot, Christopher Lee souligne la séduction malsaine mais tellement désirée qu’inspire le comte. Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre la symbolique ! Les spectateurs de l’époque ne s’y sont pas trompés non plus ainsi que les critiques. Mais, en 1958, le carcan victorien pesait encore lourd et la Hammer a fait son beurre en faisant voler le couvercle de la marmite ! On s’intéresse peu à l’enquête d’Arthur et de Van Helsing pour retrouver Dracula mais, heureusement, Terence Fisher passe rapidement sur ces moments. Le film va en s’accélérant à partir du moment où Mina est frappée elle aussi. Melissa Stribing donne à voir sur son visage le passage rapide de l’horreur devant le monstre à l’attente de l’amant. Le final très rythmé passe d’une poursuite en calèche à une lutte entre Van Helsing et Dracula – au passage, la seule scène que partagent Peter Cushing et Christopher Lee ! C’est violent, âpre et la balance semble hésiter entre les duettistes. La destruction de Dracula est menée tambour battant en une minute avec une excellente illustration sonore (qui aura été d’une grande qualité tout au long du film ; Dracula étant davantage rendu présent par la musique que par le texte) et des effets spéciaux très simples mais redoutablement efficaces ! Dans ce film, il faut souligner l’importance du personnage de Van Helsing car il est le « sachant », celui qui, par son savoir, sous-entendu son savoir de l’occulte, peut terrasser les puissances qui viennent des ténèbres. C’est à la 23ème minute qu’il survient dans une auberge dont un travelling nous a montré les jolies gousses d’ail qui pendent au plafond. Entrée en matière réussie pour Peter Cushing dont l’élégance et l’autorité éclatent en une apparition. Habilement, le film ne le montre pas tout puissant car il connaît deux échecs. Il arrive trop tard pour sauver physiquement Harker et on ne le verra pas procéder à ce qui doit être fait. Il est également impuissant à sauver Lucy. C’est une autre scène capitale qui montre Van Helsing terrassant le démon. L’imposition du crucifix qui brûle la peau est spectaculaire même si peu canonique ! Le cri poussé par Carol Marsh est en tout cas frappant par la douleur et l’effroi qu’il révèle. La destruction de Dracula est pourtant logique car Van Helsing a appris de ses erreurs et, en vrai scientifique, il montre que seul l’expérience paye et que la connaissance livresque ne suffit pas. C’est grâce à son intelligence que le simple mortel surpasse le démon. Peter Cushing est impressionnant mais il a aussi du monde à qui donner la réplique. Michael Gough (Arthur Holmwood) a une présence qui lui permet d’exister aux côtés de Peter Cushing ; ce qui donne une incroyable intensité et une grande densité aux scènes que partagent les deux acteurs. D’abord hostile au médecin – personne n’aime les porteurs de mauvaises nouvelles – Arthur va devenir progressivement le meilleur allié de Van Helsing quand il aura compris que les forces du mal son bien réelles. Il aura fallu pour cela que disparaisse Lucy puis qu’il la voit ayant repris vie ! Par contre, en dehors de ce tandem, c’est plus ambivalent. Melissa Stribing a plus d’expressivité que Carol Marsh et sa Mina est convaincante. En revanche, John Van Eyssen compose un Jonathan plutôt fade. En dernier lieu, il faut souligner la révélation que constitue Christopher Lee. Deux scènes au début sont révélatrices à la fois des libertés que le film prend avec le roman mais aussi de la manière dont Christopher Lee s’approprie le rôle. D’abord homme agréable et courtois voire chaleureux (compliments sur la fiancée de Jonathan, Lucy), il devient soudain créature monstrueuse, crocs emplis de sang ! En réalisateur de talent, Terence Fisher a su faire monter la tension jusqu’à la révélation de la vraie nature du comte. Que ce soit en séducteur satanique ou en monstre destructeur, l’acteur britannique brille de tous ses feux. Son charisme éclate et Terence Fisher le sublime (gros plan sur le visage gueule ouverte pleine de sang). Il n’est pas étonnant qu’il reste le seul interprète véritable du comte Dracula. Anecdotes :
|