Souviens-toi... l'été dernier (1997) Résumé : Dans la petite ville côtière de Southport, quatre lycéens participent aux festivités du 4 juillet, jour de l’indépendance, afin de célébrer leur diplôme de fin d’études : Julie, sa meilleure amie Helen, élue reine de beauté locale, et leurs petits copains respectifs, Ray et Barry. Sur le chemin de retour, alors qu’ils sont distraits, leur voiture percute un passant. Il semble mort et ils décident de jeter la dépouille dans l’océan, afin que leur futur ne soit pas gâché par des poursuites judiciaires. Un an plus tard, désormais étudiante, Julie reçoit une lettre anonyme : son mystérieux auteur affirme savoir ce qu’elle a commis l’été précédent. Dès lors un implacable tueur au crochet, déguisé en pêcheur, entreprend de punir le groupe en massacrant un à un ses membres, le 4 juillet. Critique : Sans manifester la même diabolique ingéniosité que Scream, autre film écrit par Kevin Williamson (1996), le scénario de Souviens-toi… l’été dernier manifeste une indéniable efficacité. L’auteur ne se contente pas de poser une situation, puis d’aligner les meurtres, comme si souvent dans les Slasher Movies, bien au contraire. Les meurtres proprement dits ne surviennent réellement que lors du dernier tiers du récit. Entre-temps Williamson aura conduit une étude de caractères autour de ses protagonistes bien plus approfondie qu’un simple argument scénaristique, principalement pour les féminins. Cela n’empêche pas une tension dramatique de s’accumuler au fil du récit, via les apparitions du Pêcheur et les manifestations de sa folie homicide, habiles préalables au déchainement final. Par ailleurs Williamson joue habilement de l’énigme représentée par l’identité du corbeau et assassin. Les différentes fausses pistes s’enchainent avec pertinence jusqu’au terme du récit. Surtout, l’enquête menée par Julie, tout en donnant l’occasion d’un superbe rôle à Anne Heche, dévoile progressivement une intrigue elle-même passablement horrifique. Elle se connecte avec ironie à la principale, avec une chute étonnante. La même histoire narrée du point de vue du tueur aurait d’ailleurs sans doute donné lieu à un bien bel épisode de The Alfred Hitchcock Hour. On regrettera cependant qu’une fois dépouillé de son costume, l’antagoniste se cantonne essentiellement à l’action et ne dégage pas grand-chose par lui-même, contrairement aux joyeux drilles des Scream. D’autre part certaines faiblesses inhérentes à la famille des Slaher Movies répondent également à l’appel. Pour parvenir à son terme, l’intrigue suppose que les quatre protagonistes optent régulièrement pour un comportement aberrant. Ainsi ont-ils parfaitement compris que leur adversaire frappera le Quatre Juillet, ce qui ne les empêche pas d’aborder la journée en ordre totalement dispersé, inévitablement. Le policier de service s’avère, bien entendu, à peu près nul et d’un scepticisme fatal, tandis que l’auteur ne mégote pas à l’occasion sur quelques facilités. Le Pêcheur est visiblement un passe-murailles et rattrape en marchant une jeune fille qui court à tombeau ouvert. Tout cela demeure bénin et positionne ludiquement le film au sein de sa famille. On s’amuse de constater le Google d’avant Google (créé en 1998) dispense déjà infailliblement ses oracles. La mise en scène de Jim Gillespie ne brille pas par son inventivité, recourant de manière quelque peu appliquée à une boite à outils usuelle en matière de travellings et de gestion des angles. Au moins sait-il rendre palpitantes les deux principales scènes d’épouvante (la traque d’Helen et la confrontation finale) et susciter une ambiance, comme lors de l’accident ou de la visite chez Missy. A défaut de constituer un atout maître, comme a su le devenir l’ébouriffante réalisation de Wes Craven pour Scream, celle de Gillespie ne dessert pas le film. A côté d’une pertinente musique d’ambiance, il doit également composer avec l’insertion de plusieurs chansons criardes et pénibles, manifestement destinées à générer un disque comme produit dérivé du film. Souviens-toi… l’été dernier peut également compter sur une fort jolie localisation côtière en Caroline du Nord, lui assurant un authentique cachet maritime et des panoramas souvent magnifiques (on songe parfois à la sympathique série Haven, située en Nouvelle Ecosse). Avec le chalutier, Gillespie bénéficie ainsi d’un décor original pour l’affrontement final, qu’il sait mettre à profit même s’il frôle parfois la surenchère. Cet encadrement permet également de relier avec aisance le scénario à la légende urbaine de l’homme au crochet, dont les différentes dimensions se voient judicieusement évoquées lors de la scène de la plage. Le film joue également habilement du contraste existant entre une souriante petite ville et des décors soudainement inquiétants. A côté de seconds rôles transparents, à la notable exception de la Missy d’Anne Heche, les jeunes premiers composant l’affiche n’apportent, pour la plupart d’entre eux, guère de valeur ajoutée au film. L’indéniable talent de Ryan Phillippe se voit gâché par un personnage de jeune rebelle assez vite lassant et limité (d’ailleurs on comprend trop vite que tout comme Helen, il est condamné au trépas). Le fade Freddie Prinze Jr. montre très vite ses limites et Jennifer Love Hewitt, au jeu certes juste, n’est absolument pas, dans le rôle protagoniste, la locomotive charismatique qu’a su devenir Neve Campbell pour Scream. Elle impacte autrement moins l’écran et le duo formé avec Freddie Prinze Jr. ne suscite aucune alchimie. Fort heureusement, Sarah Michelle Gellar va considérablement rehausser le niveau. 1997 reste une année charnière pour l’actrice. Présente à l’écran dès l’enfance via des participations à des publicités ou des téléfilms, elle a jusque-là tenu des rôles mineurs au cinéma, souvent non crédités (Over the Brooklyn Bridge, 1984). En 1995, elle franchit une étape supplémentaire avec son intégration dans le soap opera La force du destin (1970-2013). Alors que la série qui fera d’elle une star, Buffy contre les Vampires, débute en mars 1997, en octobre Souviens-toi… l’étédernier devient l’occasion de son premier rôle réellement marquant au grand écran. Dès décembre, elle figurera également dans la distribution de Scream 2. La concomitance entre les sorties de Buffy et du film suscitent un effet amusant, puisque Helen reprend, à première vue, à peu près tous ces clichés dont Joss Whedon orchestrera un magistral contrepied avec la Tueuse de Vampires : blonde, sexy, pas très futée, victime désignée d’office. On peut d’ailleurs s’amuser à tracer un relatif parallèle entre elle et Cordélia, avec la passion pour les concours de beauté (à laquelle sacrifiera aussi Buffy, il est vrai) et la tentative avortée de carrière de comédienne, à New York plutôt qu’à Los Angeles. Ce dernier aspect lui vaut d’ailleurs d’insérer quelques références cinématographiques amusantes dans les dialogues, évoquant de loin le système de Scream. Surtout Sarah Michelle apporte toute une incroyable humanité à son personnage. Entre rire, émotion et effroi, Helen devient grâce à elle le personnage le plus saillant de l’histoire, tandis que ses camarades peinent à s’extirper ses clichés. Oscillant entre cynisme et émouvants rêves d’avenir, le personnage illustre déjà à merveille ce moment déterminant où l’on s’extraie de la jeunesse pour commencer à bâtir son existence d’adulte. Sarah Michelle Gellar incarne avec beaucoup de présence et de sensibilité celle qui demeure sans doute le personnage le plus riche et attachant du film, L’actrice brille particulièrement dans plusieurs passages (l’élection initiale d’Helen, la découverte de la profanation de sa chevelure, la relation empoisonnée avec sa sœur) et porte sur ses épaules la scène la plus marquante du film : la traque cruelle et la mise à mort abominable d’Helen. Bien au-delà de la figure de la Scream Queen, Helen nous bouleverse en nous faisant pleinement partager sa peur et son inextinguible volonté de vivre, lors d’une lutte désespérée mais jusqu’au bout acharnée. Pariant davantage sur l’action et les scènes chocs, l’affrontement final, cette fois porté par Jennifer Love Hewitt, certes réussi, frappe moins les esprits. Portée par le succès public de Souviens-toi… l’été dernier, et bien entendu par celui de Buffy contre les Vampires, davantage épargnée, sinon félicitée, par la critique que l’ensemble du film, Sarah Michelle allait dès lors enchaîner les productions hollywoodiennes, avant de se porter vers le cinéma indépendant. Anecdotes :
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