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Lost Highway (1997)Mulholland Drive (2001)

Saga David Lynch

Une histoire vraie (1999)


 UNE HISTOIRE VRAIE
(THE STRAIGHT STORY)

classe 4

Résumé :

Alvin Straight sait qu’il n’a plus longtemps à vivre. Quand il apprend que son frère Lyle a été victime d’une crise cardiaque, il décide d’aller lui rendre une dernière visite. Mais Alvin ne sait pas conduire. Il décide de prendre la route coûte que coûte, à bord de sa tondeuse à gazon.

unechance 7

Critique :

Un film de David Lynch distribué par les studios Disney, qui l’eut cru ? Pourtant, Une histoire vraie a toute sa place dans la filmographie de David Lynch. Le film est relié, d’une part, à Elephant Man et Dune. Comme pour ces deux autres films, la photographie est signée Freddie Francis, célèbre chef opérateur et réalisateurs de classiques fantastiques pour la Hammer dans les années 60 et 70. Freddie Francis donne à Elephant Man, Dune et Une histoire vraie une force classique au cinéma de Lynch. Avec Une histoire vraie, le duo Lynch-Francis lorgne du côté de John Ford, par l’élégante simplicité du cadrage et les décors de campagne américaine envahis par le ciel.

Une histoire vraie occupe aussi une place dans l’évolution thématique des films de Lynch. Aux premiers films dont l’objet était externalisé (le bébé de Eraserhead, la monstruosité physique de Elephant Man, la forme du film d’enquête de Blue Velvet), Lynch préfère depuis Fire walk with me pénétrer l’esprit de ses personnages. La série Twin Peaks fut probablement ce lieu de passage entre les deux périodes de sa filmographie. Les combats sont désormais intérieurs chez Lynch. Dans Une histoire vraie, tout se joue dans l’esprit du vieil homme Alvin Straight : s’il prend sa tondeuse pour traverser l’Etat, c’est pour régler une culpabilité qui le ronge de l’intérieur.

Pour autant, le monde intime est toujours relié au cosmique. Une histoire vraie s’ouvre sur un plan d’étoiles (un des leitmotivs visuels du cinéma de Lynch depuis l’introduction de son premier film Eraserhead, celle de Dune, la conclusion d’Elephant Man…). Sur ce plan des étoiles, la musique d’Angelo Badalamenti est « cosmique » : une nappe basse laisse place à quelques notes aigues, très simples et bouleversantes, réminiscences du thème de Laura Palmer de Twin Peaks. Du grand tout, on passe à des étendues de blé, puis à un petit village, puis à une maison, puis à une fenêtre. La musique « cosmique » d’Angelo Badalamenti laisse place au silence : le bruit des arbres, du vent, à peine audibles, et une simple note basse très sourde. Le jardin est éclairé comme un tableau de Edward Hopper. Alors, derrière cette fenêtre, un homme tombe. C’est Alvin Straight. Sa mort pourrait passer inaperçue.

Mais, nous sommes dans un petit village. Et dans ce petit village, l’absence d’Alvin au rendez-vous au troquet perturbe son meilleur ami, qui décide d’aller vérifier ce qu’il fait. Ainsi, Alvin est trouvé au sol, sain et sauf.  Avec Une histoire vraie, David Lynch rend hommage aux petits villages dont il avait montré la face sombre dans Blue Velvet et Twin Peaks. 

ladoublure 3

Le médecin d’Alvin cherche une explication extérieure à son problème, à l’aide d’une batterie de scanners et d’analyses. Mais Alvin est simplement « vieux », et refuse toute aide. Une histoire vraie n’aura de cesse d’accepter la nature, telle qu’elle est. Quand un chevreuil est écrasé, et que la conductrice devient folle de rage et de peine, Alvin ne dit rien… Le chevreuil est mort, alors il est fait pour être mangé. Alvin en fera une brochette. La forme du road-movie du film permet une multitude de saynètes, dont certaines sont consacrées à la simple contemplation de la nature. Lynch est un cinéaste obsédé par les atmosphères, par les « mondes » qu’il va filmer. Une scène du film montre simplement Alvin se réfugier de la pluie sous une grange. Mais cette grange dégage une atmosphère picturale puissante, et suffit à justifier la scène où il ne se passe rien.

Film le plus sobre du cinéaste, Une histoire vraie multiplie pourtant les images Lynch-éennes, mais jouées sur le mode mineur. Bel exemple que la scène de l’orage, au début du film : les sons de l’orage et l’alternance de flashs lumineux et d’obscurité qu’il provoque rappellent nombre de scènes horrifiques du cinéma de Lynch. C’est la nature elle-même qui joue les effets de Lynch. Et dans cette même scène, le téléphone sonne, annonçant la nouvelle de la crise cardiaque du frère d’Alvin. La quête commence : Alvin partira voir son frère, à bord de sa tondeuse.

Plus tard, une autre image renvoie à Blue Velvet. C’est Rose, la fille d’Alvin, qui contemple l’arrosage automatique de la pelouse, et un enfant qui joue avec un ballon. La nostalgie d’une époque paisible était déjà présente dans Blue Velvet, et dans Twin Peaks. Dans Une histoire vraie, elle est multipliée par le poids des années, et des regrets – on apprendra plus tard que Rose a perdu ses quatre enfants dans un incendie… La même image de pelouse et de jouets d’enfants était convoquée dans Lost Highway, le précédent film de Lynch, avec ce même regard rétrospectif sur lui-même du cinéaste.

Les incendies, le feu, sont aussi convoqués, comme toujours chez Lynch. Une très belle scène montre la rencontre d’Alvin et d’une autostoppeuse n’ayant trouvé de chauffeur. Les deux partagent à manger autour d’un feu de bois. Le feu est filmé avec insistance. Il évoque, peut-être, les désirs d’Alvin qui ne sont plus que de vieux souvenirs. Peut-être cette jeune femme lui rappelle l’une de ses premières petites copines. Puis, le feu prend une autre symbolique, quand Alvin devine que la jeune femme est enceinte et qu’elle fugue de chez ses parents. Un hibou hulule aussi à cet instant… (les hiboux, qui ne sont pas ce que l’on croit, dans Twin Peaks). Le vieil homme se rappelle alors de l’incendie qui a tué ses petits-fils. Alvin convainc la jeune femme de ne pas rompre avec ses proches, évoquant l’image des brindilles, cassables quand elles sont seules, incassables quand elles sont regroupées. Le lendemain, la jeune femme laissera un paquet de brindilles nouées pour le vieil homme.

Chaque scène d’Une histoire vraie est comme un poème, une ode à la vie, à la simplicité, mais toujours teinté du regard mystique que porte Lynch sur la vie. Le film s’inscrit dans la tradition des grands écrivains américains, à la Heminghway, et reste pourtant un film de Lynch. Un film de Lynch apaisé, ralenti – à l’image de ces plans sur les bandes jaunes de l’autoroute, qui défilaient à 100 km/h dans Sailor & Lula et Lost Highway, et dont l’image est reprise dans Une histoire vraie à 10 km/h ! Une forme d’humour que l’on retrouve souvent dans le film, notamment quand la caméra monte vers le ciel comme pour signifier une ellipse de quelques heures… et, quand elle redescend, Alvin n’a parcouru que quelques mètres ! 

L’humour est aussi présent par petites touches à la Jacques Tati, cinéaste fétiche de David Lynch, avec des personnages décalés dans les villages croisés tout au long du film. Caissière, vendeurs, tenanciers, sont présentés de manière légèrement décalée, tout comme dans Twin Peaks. On retrouve d’ailleurs l’un des membres du casting de la série dans un rôle très similaire, Everet McGill, passé de garagiste pour voitures dans la série à garagiste pour tondeuses dans Une histoire vraie. Les autres villageois aperçus sont toujours parfaitement incarnés. Ils sont à la fois légèrement grotesques, et pour autant réalistes. Sissy Spacek est également brillante en Rose, la fille d’Alvin, atteinte d’un léger retard mental. Et, bien sûr, Richard Farnsworth en Alvin Straight est touchant de bout en bout, absolument crédible dans son rôle de grand-père issu d’un milieu modeste et de la campagne profonde, participant de la réussite du film.

A cette douceur et cette lenteur viennent contraster des moments de panique, de rapidité, d’emballement. Principalement, cette scène où la tondeuse lâche dans une pente et fonce sur une maison en feu. Il y aussi, précédemment, l’étrange scène où Alvin se fait dépasser par une foule de cyclistes. L’image montre la rapidité des cyclistes, mais le son – presque muet, avec une note de musique éthérée – créé une étrangeté. Comme si Alvin se sentait dépassé, ou fantôme dans un monde qui bouge sans lui.

La figure du fantôme est présente tout au long du film. Alvin, bien des fois, semble au bord de l’autre monde. Le film débute d’ailleurs sur une mort évitée, et l’on pense souvent à cette menace. Une scène montre le passage d’Alvin sur un pont, au-dessus du Mississippi. Une étape attendue dans son voyage, synonyme de l’approche de la maison de son frère. Mais, lors de cette traversée, Alvin se sent mal. La musique devient inquiétante. Le Mississippi devient alors un Styx symbolique. Alvin n’a probablement plus que quelques jours devant lui. Fondu enchaîné, et la scène suivante montre des pierres tombales, la nuit, dans un cimetière près d’une église tout droit sorti d’un film d’épouvante. Alvin est bien en vie, il discute avec un Prêtre, mais le montage a créé d’autres associations d’idées.

La mort flotte donc, tout au long de ce film en apparence très lumineux. C’est aussi la mort du frère, Lyle. Alvin n’a que sa tondeuse pour parcourir les routes : Lyle sera-t-il toujours en vie à son arrivée ? Ne voyage-t-il que pour rendre visite à un mort ? Seront-ils morts tous deux au terme du voyage ? La mort est partout, elle est dans ce chevreuil écrasé, elle est aussi dans les morts évoquées dans des récits : les enfants de Rose morts dans un incendie, l’épouse d’Alvin morte en 1981… Une longue scène est consacrée à une discussion entre Alvin et un ancien combattant de la seconde guerre mondiale, croisé lors de son périple. Filmés simplement en gros plans l’un et l’autre, ils évoquent ces fantômes de leurs camarades, qui les hantent tous deux depuis 1945.

Comme son titre français l’intrigue (le titre anglais aussi, mais avec en plus un jeu de mot sur le nom de famille du héros, Straight, c’est-à-dire droit dans ses bottes), le film est donc basé d’une histoire vraie. Et là encore, l’histoire d’un être déjà mort : le véritable Alvin Straight est mort en 1996, et le film sort en 1999. Son film suivant, Mulholland drive, est dédié à une jeune femme morte d’un accident de voiture après le tournage, mais dont la vie semble ressembler à celle du personnage. Le récit des derniers jours de Marylin Monroe fut le projet initial des recherches de Mark Frost et Lynch à la création de Twin Peaks. Lynch semble chercher à re-convoquer la présence d’êtres disparus grâce au cinéma, et à se replonger dans leur esprit lors de leurs derniers jours sur terre. 

Anecdotes :

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Twin Peaks : Fire walk with me (1992)Une histoire vraie (1999)

Saga David Lynch

Mulholland Drive (2001)


 MULHOLLAND DRIVE
(MULHOLLAND DRIVE)

classe 4

Résumé :

Sur les routes sinueuses de Mulholland drive, une femme brune manque d’être tuée par deux tueurs à gage dans une limousine, avant qu’une autre voiture ne les percute. La jeune femme en sort amnésique, et se réfugie dans une maison des quartiers chics d’Hollywood. Diane, jeune comédienne en devenir, y emménage. Ensemble, les deux femmes vont chercher à résoudre le mystère.

unechance 7

Critique :

Sorti en 2001, Mulholland Drive est rapidement considéré comme l’un des plus grands films de David Lynch et comme l'un des grands chefs d’œuvres du cinéma. Face à ce film retors, le spectateur peut se laisser embarquer dans les méandres de la folie qui en émane, comme on le ferait face à une oeuvre des poètes surréalistes, soit (aux visions suivantes) à la recherche de la clef (bleue) du mystère, afin de reconstituer les pièces du puzzle et de l'intrigue vécue par Betty/Diane. Pour autant, ce jeu de déconstruction du récit n'est pas un simple geste poseur, de cinéaste complaisant. La forme, indissociable du fond, vient avant tout créer des émotions et une expérience sensorielle rarement atteints au cinéma, grâce à ses acteurs, grâce à la qualité visuelle et sonore du film, et grâce à la maîtrise d’un cinéaste à l’apogée de son travail.

Mulholland drive cache indéniablement de nombreux secrets. On le découvre petit à petit. Le film n’est pour autant pas juste mystificateur – à bien des égards, il offre plus d’indices concrets que Lost Highway. Le film est aussi, peut-être, plus émouvant. Il s’agit d’un portrait de femme, comme l’était Twin Peaks : Fire walk with me. Et comme Laura Palmer, Diane (incarnée avec une extraordinaire sensibilité par Naomi Watts) est une femme au bord du gouffre. De manière poétique, Mulholland drive raconte la peine qui peut se glisser dans une vie gâchée à vouloir atteindre des rêves trop grands. Dans la première partie, Diane est une jeune actrice talentueuse, à qui tout sourit, amoureuse d’une belle femme brune. Une partie qui est peut-être le rêve de Diane endormie, sous drogue, prête à se suicider. Car la grise réalité la rattrape petit à petit, pour la mener vers un réveil difficile. La photographie de Peter Deming (également chef opérateur de Lost Highway et de la saison 3 de Twin Peaks) incarne parfaitement cette dualité, entre une première partie aux éclairages chaleureux et glamours, et une seconde grise et réaliste. 

ladoublure 3

Cette interprétation de l’intrigue n’en est qu’une parmi d’autres. Car Mulholland drive est un film profondément renversant, vertigineux, dans lequel David Lynch se propose d'envoûter le spectateur dans ses nappes de son et de fumée, jusqu'à ce que l'on ne sache plus s'il on est éveillé ou si l'on rêve, jusqu'à en perde la frontière qui délimite l'écran du réel. Les visions oniriques du film sont de celles qu'on n'oublie pas facilement. Lynch utilise avec génie les accessoires cinématographiques pour parfaire son langage, qu'il a peaufiné au fil des ans depuis Eraserhead. En entremêlant rêves, souvenirs réels et temps présent, il brouille les pistes pour nous amener au plus près d'un sentiment de vertige, entre attirance et effroi. Cette ambivalence mène d’ailleurs le film, entre les vedettes glamours et les monstres-clochards inquiétants, une attirance pour les sommets de la gloire hollywoodienne et la peur de sombrer. Derrière les rêves et cauchemars de Diane, il y a aussi le rêve américain du succès, et le cauchemar de la pauvreté, de l’échec, induit par le mode de fonctionnement occidental. Toujours ce goût des contrastes chez Lynch, contrastes qui atteignent leur climax dans ce film somme.

Il n’est pas anodin de savoir que Mulholland drive était initialement un projet de série (la légende raconte qu’une première version de Mulholland drive avait à voir avec le personnage d’Audrey Horne de Twin Peaks). Le pilote n’ayant donné une série suite au refus des diffuseurs, Lynch parvient à transformer le pilote en long-métrage de cinéma grâce au producteur français Alain Sarde. De nouvelles séquences sont tournées. Cette origine feuilletonesque du film participe aux nombreuses fausses pistes qu’il contient, et qui en font un puzzle dont le spectateur peut se perdre à reconstituer. Comme dans Twin Peaks, le fil principal (Diane et Camilla) semble sans cesse se rompre et se perdre dans des intrigues parallèles, celles du réalisateur Adam Kesher et celles d’un gangster et tueur à gages. Pourtant, ces intrigues parallèles apparaissent progressivement comme reliées à Diane et Camilla. La beauté du film tient probablement dans sa construction, qui nous fait passer d’un rêve trop beau pour être vrai, à un cauchemar terrifiant, puis à une réalité triste et glauque, pour finir dans la mort. Lynch nous fait passer d’un monde à l’autre, et Mulholland drive se vit comme un voyage sensoriel et mystique. 

D’un monde à l’autre, des éléments voyagent. Le travail du son est techniquement parfait, mais il est aussi intellectuellement fascinant. Des éléments sonores du monde réel, des phrases, des sons (mains qui cognent à la porte, sonneries de téléphone), sont rejoués et distordus dans le monde du rêve. On se dit qu’en écoutant le film, les yeux fermés, on y découvrirait peut-être d’autres secrets. Des anecdotes sans importances du monde réel deviennent un chapitre cauchemardesque dans le sommeil de Diane. Des visages, croisés dans une soirée mondaine, prennent une importance dans les méandres de ses songes.

Le décor d’Hollywood et ses films dans le film impose immédiatement au spectateur un regard critique sur tout ce qu’il voit. Rêve et réalité sont reliés par un lieu, le Club Silencio, où tout n’est qu’illusion. Il semble le lieu de passage entre ces mondes que Lynch créé. La boîte bleue est comme l’objet magique qui relie les dimensions entre elles. Elle apparaît une première fois, et Betty et Rita disparaissent pour passer dans une nouvelle réalité (la dernière demi-heure du film). Elle apparaît une seconde fois, quand Diane passe de la réalité à la mort en se suicidant… théoriquement ! Car « tout n’est qu’illusion », dit le magicien, et nos théories de spectateurs aussi. Nous sommes invités à sans cesse repenser le film que nous avons vu. Et si tout pourrait sembler gratuit, absurde, Mulholland drive nous apporte à chaque vision un nouvel indice pour ouvrir la boîte, une nouvelle preuve de sa cohérence, sans perdre de son impact émotionnel et sensitif.

Anecdotes :

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Sailor et Lula (1990)Lost Highway (1997)

Saga David Lynch

Twin Peaks: Fire Walk with Me


 TWIN PEAKS : FIRE WALK WITH ME
(TWIN PEAKS : FIRE WALK WITH ME)

classe 4

Résumé :

A Deer Meadow, les agents du FBI Chester et Desmond enquêtent sur la mort d’une jeune femme, Teresa Banks. Lors de cette enquête, Chester Desmond disparaît. Au bureau, l’agent Dale Cooper sent que le tueur frappera encore un jour… Un an plus tard, à Twin Peaks, Laura Palmer s’apprête à vivre les derniers jours de sa vie.

 

unechance 7

Critique :

Transposition de l'univers télévisuel créé par David Lynch et Mark Frost pour le grand écran, Twin Peaks Fire walk with me marque un tournant dans la filmographie du cinéaste. Si le film perd peut-être du charme de la série, du mélange des genres de celle-ci, et oublie de nombreux personnages secondaires, il permet à David Lynch de faire un pas de plus vers l'effrayante puissance visuelle qui aboutira aux cauchemars que sont Lost Highway, Mulholland drive et l'extrême Inland Empire.

Dans ce passage du petit écran à la toile des salles obscures, on est frappé par la volonté de créer des sensations encore plus fortes que celles que proposait la série. La première image du film est celle, brillante, d'une télévision détruite d'un coup de hache. Si le film naît de l'écran de télévision, il s'en émancipera néanmoins. Cette image en forme de clin d’œil exprime peut-être le ressentiment de Lynch vis-à-vis du monde de la télévision. Les conflits qui peuvent exister entre un créateur et des financiers seront d’ailleurs l’objet de nombreuses scènes de son futur film Mulholland drive. Au-delà de ce clin d’œil, la neige du téléviseur prend une ampleur plus grande dans le reste du film : elle est associée au monde mystique, celui des créatures comme Bob et l’homme d’un autre monde, qui communiquerait avec notre dimension par « l’électricité ». Quand Laura sombre, dans la drogue et la dépression, elle commence à avoir des « flashs » neigeux, comme si quelqu’un utilisait une télécommande pour brouiller sa réalité environnante.

Avec Fire walk with me, David Lynch semble vouloir se réapproprier sa création. Twin Peaks fut une étoile filante, un show brillant et adulé, très vite arrêté. A la fin de la saison 2, Lynch revient aux manettes du dernier épisode, un chef d’œuvre de surréalisme et de terreur. Mais le cinéaste est trop amoureux du monde qu’il a créé avec Mark Frost. Les deux auteurs de la série veulent réaliser un film. Mark Frost veut qu’il s’agisse d’une suite, consacrée à Dale Cooper. Lynch, lui, veut revenir en arrière sur les Sept derniers jours de Laura Palmer. Frost cède, et laisse David Lynch écrire lui-même le scénario qu’il a en tête. Mark Frost ne sera pas coscénariste du film, laissant humblement sa place à un autre coéquipier de la série d’origine, Robert Engels.

Et, comme pour mieux marquer cette réappropriation, le premier dialogue du film est hurlé par Gordon Cole, joué par David Lynch lui-même. Le film s’ouvre sur une enquête menée par deux agents du FBI, que nous n’avons jamais vu dans la série, l’agent Desmond et l’agent Stanley (incarnés par Chris Isaak et Kiefer Sutherland). Lynch prend le contrepied des attentes des spectateurs. Cette première partie du film s’éternise en dehors de Twin Peaks, à Deer Meadow, lieu du meurtre de Teresa Banks. Deer Meadow est tout l’inverse de Twin Peaks : c’est une ville triste, avec des habitants peu chaleureux. Et pourtant, cette idée même colle à la série, dans laquelle toute chose a un double, et bien souvent, un double maléfique… Deer Meadow est bel et bien un miroir de Twin Peaks. On y trouve aussi un « diner », le Hap’s Diner, reflet inversé du chaleureux Double R de la série. La patronne, Irene, une blonde d’une cinquantaine d’années, comme Norma Jennings, en est pourtant le double opposé : peu séduisante, peu aimable, peu souriante. Le commissariat de Deer Meadow possède aussi son shérif, son adjoint, et sa secrétaire. Mais ils présentent une méfiance et un affront tenaces vis-à-vis du FBI. Enfin, Teresa Banks est la victime inverse de Laura Palmer : personne ne la pleure, personne ne vient chercher son corps. 

ladoublure 3

Cette relégation de la première partie du film à deux nouveaux enquêteurs tient probablement au refus de Kyle MacLachlan d’être associé à son personnage de Dale Cooper, juste après l’arrêt de la série. Les négociations furent difficiles, et comme l’acteur l’explique lui-même aujourd’hui, il avait à l’époque du ressentiment envers Lynch pour avoir quitté le navire de la série en cours de route. Un ressentiment regretté, excusé, qui donnera lieu à la réconciliation de 2017 : la saison 3 de Twin Peaks 25 ans plus tard. D’autres difficultés s’ajoutèrent, comme l’absence de Lara Flynn Boyle pour reprendre le rôle de Donna, la meilleure amie de Laura.

Mais, depuis Dune, David Lynch sait faire face aux problèmes de production, et fait de ses faiblesses une force. Donna est incarnée par une nouvelle actrice, Moira Kelly, qui parvient à campée la Donna du début de la série (encore parfaitement innocente). Quant à la présence réduite de Kyle MacLachlan, elle permet au cinéaste de faire apparaître Dale Cooper au compte-goutte, comme un Dieu lointain qui surveillerait Laura Palmer à distance. Dale Cooper apparaît à la fin de la première partie (avec, quelques secondes, son thème musical fétiche au saxophone), venant annoncer l’apparition de Laura et le retour à Twin Peaks, par ces mots : « le tueur va encore frapper, mais je ne sais ni où, ni quand ». Ellipse, musique célèbre de la série : l’image donne la réponse et affiche le panneau d’entrée de la ville de Twin Peaks.

Petit à petit alors, Fire walk with me pose les pierres qui mènent jusqu’à la série Twin Peaks et créent le lien avec l’œuvre d’origine. Revoir, à posteriori, le film puis la série prouve la grande cohérence de la démarche. Les témoignages de la série – ceux de James, Donna, de la Dame à la Bûche – sur ce qu’ils ont vu ou entendu la nuit du meurtre se retrouvent incarnés dans la dernière partie du film. D’autres détails sont soigneusement posés : Bobby marche en effectuant une danse étrange et ses camarades l’imitent, tout comme dans le pilote de la série ; Donna parle de James avec, déjà, de l’amour dans la voix (et Laura, d’un regard, a tout compris) … Le tout, film et série, constitue un corpus complexe et mythologique.

Fire walk with me entretien aussi un rapport étroit avec Le Journal secret de Laura Palmer, le livre écrit par Jennifer Lynch (fille du cinéaste) entre la saison 1 et 2 de la série. Par son ton intime, la grande émotion dégagée par les souffrances de l’adolescente Laura Palmer, et l’effroi des visions qui l’assaillent, le livre annonçait Fire walk with me. Le film est en effet un drame bouleversant, bien plus que la série. Un nouveau leitmotiv y est placé, celui des « anges » (après les « hiboux », dans la série). La jeune Laura est obsédée par leur présence ou leur absence. Un tableau dans sa chambre représente un ange – il disparaît du tableau au cours du film. L’adolescente s’interroge avec son amie Donna, sur ce qui adviendrait si l’on tombait dans l’espace : on irait de plus en plus vite, jusqu’à l’explosion, et les anges ne pourraient rien pour vous car ils ont disparu depuis longtemps… Mais, à la fin du film, Lynch vient apporter une touche finale apaisante autant que bouleversante à l’histoire de Laura Palmer, en lui faisant apparaître un ange dans l’au-delà. Une fin cosmique qui renvoie à celles de tous ses précédents films (Eraserhead montrant Henry retrouvant sa chanteuse du radiateur dans un paradis blanc tandis qu’elle chante In Heavens Everything is Fine ; ou bien encore John Merrick, dans Elephant Man, qui retrouve sa mère dans les étoiles…). Image douce au terme du chemin de croix vécu par Laura Palmer et éprouvé avec elle par le spectateur. 

Cette descente aux enfers donne à Laura Palmer le don de voir le monde « caché » sous notre monde visible. Fire walk with me multiplie à la puissance dix les apparitions de créatures de l’au-delà, déjà présentes par petite touche dans la série. Le dernier épisode de la série, réalisé par Lynch, annonçait se tournant – il se déroulait quasiment entièrement dans la Black Lodge, hantée par Bob et l’Homme venu d’ailleurs, et par les fantômes de Laura et des autres victimes. Le film créé même un pont entre ce dernier épisode et les derniers jours de Laura Palmer, quand celle-ci rêve de Dale Cooper mais aussi d’Annie Blackburn, qui lui dit « Le Bon Dale est dans la Loge, note le dans ton journal ». Laura a accès à une autre dimension, dans lequel passé et futur se confondent.

« Nous vivons à l’intérieur d’un rêve », dit Philip Jeffries, l’agent du FBI joué par David Bowie. Cet agent semble avoir vécu l’expérience traumatisante d’entrer et sortir de la Black Lodge. Dès lors, toute réalité est abolie. Le rêve est plus réel que le réel. Et Laura, traumatisée par les viols, sombrée dans la cocaïne, ne peut pas observer le réel en face. Elle découvre alors les autres réalités, de force. « Mais Bob est réel » dit Laura a son confident, Harold Smith. « Il m’a depuis mes douze ans ». Avec Fire walk with me, Lynch approfondit l’exploration du mystère du meurtre de Laura. La jeune fille est à la fois victime d’un véritable criminel, mais celui-ci est « possédé » par Bob. Que signifie cette possession ? Bob est l’esprit du mal, qui s’insinue dans les esprits faibles par la peur.

Par cette folie dans laquelle Lynch nous enfonce, Fire walk with me offre aux interprètes de la série de merveilleux défis. Si certains fans regrettèrent, à l’époque de sa sortie, l’absence de personnages comme Audrey Horne, le film se concentre avant tout sur Laura. Sheryl Lee brille dans son incarnation de la jeune femme. La jeune actrice est poussée dans des extrêmes. Elle « est » Laura Palmer. L’émotion que Sheryl Lee dégage atteint des sommets dans l’une de ses dernières scènes, où elle quitte James. Elle est tantôt cynique, vulgaire, puis soudainement en larmes, puis terrifiée par une ombre dans les bois… Elle saute finalement de la moto de James, l’enlace une dernière fois en hurlant « Je t’aime ! », avant de partir dans les bois. La musique participe de l’émotion : le thème de Laura Palmer, celui de la série, apparaît. Avec ce thème, associé à l’image de Laura partant dans les bois, le personnage rejoint sa destinée : celle d’un cadavre, qui sera découvert le lendemain… dans le pilote de la série. Cette fascinante incarnation de Laura donnera lieu à un texte de Sheryl Lee, poème adressé à son personnage, qui l’a hanté des années. Sheryl Lee restera d’ailleurs pour toujours associée à Laura Palmer, se faisant rare au cinéma après l’aventure Twin Peaks. Dans la bulle la plus proche de Laura, ses parents. Grace Zabriskie et Ray Wise sont également formidables. L’extrême versatilité du jeu de Ray Wise est fascinante, comme elle l’était dans la série.

Avec Fire walk with me, Lynch propose une aventure sensorielle, vécue par le spectateur avec ses personnages. Il tourne le dos à la narrativité, aux petites histoires qui vampirisaient la série (baisse de régime du milieu de la saison 2, par exemple). Comme pour prouver la plus grande puissance du 7ème art, Lynch réalise une œuvre musicale et visuelle surréaliste, mystique. La partition d’Angelo Badalamenti, terrible, aux accents de film noir, nous captive, dès les premières images, et cette hypnose est maintenue par un crescendo de l'étrange. Dans cette noirceur, le film frôle pourtant parfois l’absurde et même un certain humour. Un humour moins léger que celui de la série. Par ses différences avec la série, et par sa complexité, le film en dérouta plus d’un à sa sortie. Hué à Cannes, vivement critiqué par les journalistes et les fans, Fire walk with me est pourtant devenu avec les années un film adoré par certains. Peut-être parce que Fire walk with me était la première pierre du nouveau cinéma de Lynch, celui de Lost Highway, Mulholland drive, Inland Empire. En réduisant l'origine de tous les mystères d'une oeuvre de 30 épisodes en seulement 2h15, Lynch revient à l'expérimentation et la narrativité explosée d'Eraserhead, son premier long-métrage culte, tout en préfigurant sa trilogie des années 2000 autour de Los Angeles. La scène où l’agent Desmond déchiffre les gestes de Lil, la fille aux cheveux rouges, en introduction, semble annoncer la suite du film et expliquer tout son cinéma : il faut chercher à comprendre, mais il restera toujours une part de mystère... c'est la rose bleue (annonciateur de la boîte bleue de Mulholland drive, même dernier élément inexplicable). Plus que jamais Lynch applique sa formule : « On n’est pas obligé de comprendre pour aimer. Ce qu’il faut, c’est rêver ».

Anecdotes :

  • La version première du montage faisait près de 4 heures. David Lynch dût faire plusieurs coupes. Ces scènes coupées ont été remontées à l’occasion du coffret bluray de la série et du film, et présentées comme un film autonome d’1H30 intitulé « The Missing Pieces ». On constate que ces scènes renvoyaient plus vers la série que ne le fait le montage final de Fire walk with me. 

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Twin Peaks : Fire walk with me (1992)Une histoire vraie (1999)

Saga David Lynch

Lost Highway (1997)


 LOST HIGHWAY
(LOST HIGHWAY)

classe 4

Résumé :

A Los Angeles, Fred Madison, saxophoniste, est pris de doutes sur la double vie de sa femme Renée. Fred commence à être témoin de visions étranges. Le couple reçoit des cassettes vidéo de leur propre maison, filmée à leur insu…

unechance 7

Critique :

David Lynch met quand même cinq années à se remettre de Twin Peaks - Fire walk with me, son film consacré à la figure mythique de Laura Palmer, pour tourner en 1997 son nouveau film Lost Highway. Après avoir traversé la souffrance de Laura Palmer, Lynch débute une nouvelle période de sa filmographie où il fait vivre aux spectateurs le voyage cauchemardesques de personnages aux frontières de la mort et de la folie, avec Lost Highway, Mulholland drive et Inland Empire. Une véritable trilogie, dont Los Angeles est le point commun le plus évident.

Los Angeles est bien sûr la ville des illusions, à travers la production cinématographique (glamour dans Mulholland drive et Inland Empire, pornographique dans Lost Highway). Une ville luxuriante, faite de clichés (le film noir et les gangsters sont convoqués dans Lost Highway, notamment dans une scène où le panneau Hollywood apparaît de manière insistante à l’arrière-plan). Une ville où nous sommes sans cesse détournés par les apparences factices, et derrière lesquelles se cachent de sombres réalités. La trilogie « Los Angeles » de Lynch a aussi comme point commun de perdre le public plus que ne le faisaient les premiers films du cinéaste, à travers des récits schizophréniques où les personnages principaux ne sont jamais clairement établis – les héros et héroïnes s’y dédoublent, changent de nom, de caractère, ou bien disparaissent, dans ces trois films. 

ladoublure 3

Le scénario de Lost Highway est écrit par David Lynch avec Barry Gifford, le romancier à qui l’on doit le livre Sailor & Lula (il avait également participé à la mini-série Hotel room de David Lynch en 1993). Sorte de film miroir et masculin du suivant Mulholland drive, Lost Highway conte une histoire de meurtre et de péché vue de manière onirique. Le film semble nous faire entrer dans l’esprit d’un homme dérangé et schizophrène. Néanmoins, la grande abstraction du film laisse ouvert le champ des interprétations les plus subjectives. Il est d’ailleurs peut-être le film de Lynch le plus « ouvert », chaque nouveau détail venant contredire telle ou telle interprétation. Lost Highway joue en effet d’une perpétuelle hésitation entre l’explication psychanalytique (le film comme hallucination d’un criminel délirant, enfermé dans sa cellule de prison), et l’explication ésotérique, mystique – une histoire de possession, obtenue par l’intermédiaire d’un Homme Mystérieux doté de grands pouvoirs.

Le film montre l’aboutissement esthétique de Lynch. La photographie est de toute beauté, dans tes tons ocres, gris et noirs profonds. Elle est signée Peter Deming, dont c’est ici la première collaboration avec David Lynch, avant Mulholland drive en 2001 et la nouvelle saison de Twin Peaks en 2017. La qualité du travail sonore y est aussi exceptionnelle, venant créer des effets de terreur et d’oppression grandissants. Lynch utilise le son tel un illusionniste, comme dans cette scène incroyable où l'Homme Mystérieux prétend à Fred être au même instant chez lui. Fred en a la preuve en téléphonant à son propre domicile : l'Homme Mystérieux lui répond alors, tout en étant en face de lui. Une présentation de ses "pouvoirs" diaboliques, qui annonce le futur dédoublement de Fred. 

Au final, Fred sera à son tour magicien : à la fin du film, comme revenu dans le temps, il s'appelle lui-même à son interphone et prononce la mystérieuse phrase qu'il avait entendue, au début du film, "Dick Laurent is dead". Le film devient alors une spirale infernale, où le temps est peut-être à interpréter selon des conceptions orientales plutôt qu'occidentales (l'Homme Mystérieux parle d'ailleurs de l'Orient à une reprise dans le film). Les films de David Lynch contiennent bien souvent un "trauma" originel, à l'origine du mal qui traverse ses films. Ici, une première scène traumatisante semble être celle de l'acte sexuel manqué de Fred. La manière dont Lynch saisit en gros plan la main de Renée, qui tapote le dos de Fred d'une manière condescendante, créé l'impression d'un malaise irremédiable. La musique et les effets sonores viennent donner à cette scène un sentiment terrifiant. Peut-être Fred tue-t-il son épouse aussitôt - la structure éparpillée du film nous empêche de le dire clairement. Ce meurtre sera le second trauma du film, le "vrai" - une image brutale, violente, que Fred ne s'explique pas. La VHS semble lui prouver, pourtant, il n'en a pas souvenir.

Mais tous ces éléments sont laissés à la libre interprétation du spectateur, qui doit se faire son propre film – comme Fred Madison qui se « créé ses propres souvenirs », comme le dit son épouse Renée aux policiers, quand ils lui demandent s’ils possèdent une caméra. Au-delà de toute explication rationnelle de l’intrigue, Lost Highway doit se vivre comme une expérience, sensorielle, de la peur et de la folie. Nous spectateurs y devenons presque aussi fous et angoissés que Fred Madison et son alias Pete Dayton, embarqués que nous sommes par la mise en scène (Lynch grand héritier d’Hitchcock par sa qualité de grand « manipulateur » de nos émotions), et notamment donc par la musique et le travail des ambiances sonores. 

Anecdotes :

  • Après avoir vu son roman Sailor et Lula adapté par David Lynch en 1991, Barry Gifford s’est lancé dans l’écriture de scénario avec le cinéaste, pour la série Hotel room puis pour le scénario de Lost Highway. Il a également écrit les scénarios de deux autres films, Perdita Durango réalisé par Álex de la Iglesia et City of Ghosts réalisé par Matt Dillon.

  • C’est le dernier film de David Lynch avec son acteur fétiche Jack Nance. Ce grand ami du cinéaste tenait le rôle principal d’Eraserhead, avant d’apparaître dans Dune en Captain Nefud, dans Blue Velvet en petite frappe de la bande de Frank, dans Twin Peaks dans le rôle de Pete Martell, dans Sailor et Lula dans le rôle de 00 Spool. Il joue dans Lost highway le collègue garagiste de Pete, qui apprécie le jazz à la radio. 

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