Le fantôme de l’Opéra (1962) Résumé : Alors que la première de l’opéra « Saint Joan », écrit par Lord Ambrose d’Arcy, dont la production a été perturbée, a lieu, un homme meurt assassiné ! En fait, d’Arcy s’est approprié l’œuvre d’un autre, que l’on croit mort. Défiguré, portant un masque, le Fantôme vit dans un repaire souterrain. Il tombe amoureux de la nouvelle vedette féminine, Christine, et veut qu’elle chante divinement.
Critique : Adapter Le fantôme de l’Opéra, la Hammer y songeait depuis 1958 et le début de son partenariat avec Universal, qui avait produit les versions de 1925 (avec Lon Chaney) et de 1943 (avec Claude Rains) mais, faute de moyens, cela ne s’était pas fait. Ce qui change, en 1962, c’est le souhait de Cary Grant de jouer dans un film d’épouvante. Aussitôt, Anthony Hinds reprend l’idée, et retravaille le scénario. Il crée le personnage du Nain, qui se charge des basses besognes, et permettrait à Grant de ne pas abîmer son image. Malheureusement, l’agent de Grant finira par refuser le rôle. Néanmoins, le budget est enfin là. Un budget qui se voit dans les décors. Si Hinds transpose l’action de Paris à Londres (une idée originale), il dispose d’un théâtre conséquent mais aussi, pour le fantôme, on a un repaire baroque avec de l’espace, un orgue. La condition de ce budget, c’est que la Hammer va, pour la première fois de son histoire, viser le classement A, c’est-à-dire « grand public » au lieu du X habituel. Cela change tout et alimente les regrets de Terence Fisher. Le réalisateur a, en effet, mal vécu les compromis nécessaires. Il y a édulcoration de l’histoire, très peu de violence, pas de gore évidemment, et aucun érotisme même léger. Heather Sears est charmante mais, sur le strict plan du sex-appeal, ne rivalise aucunement avec Veronica Carlson et surtout pas Barbara Shelley. Quelque part, la Hammer tourne le dos à ce qui a fait sa renommée. La suggestion (on ne voit presque pas le visage défiguré du fantôme) ne plaisait pas à la direction de la Hammer qui ne la trouvait pas assez rentable. Le public bouda le film et les critiques furent mitigés, même les aficionados français de Midi-Minuit ! C’est dire si Terence Fisher et la Hammer avaient raté leur cible. Cet échec relatif sonna le glas des rêves de la Hammer de jouer dans la cour des grands. Dorénavant, elle ne produirait que des séries B. Terence Fisher ne s’offusqua guère de la censure car, pour lui, comme dans La Nuit du loup-garou, ce qui compte, c’est l’histoire d’amour tragique et cet élément reste intact. Le fantôme, habité par l’idée de vengeance, trouve une forme de rédemption en se faisant le professeur de Christine. Sa sincérité, évidente, malgré le masque, touche – belle réussite d’Herbert Löm qui n’a que quelques scènes à visage découvert (un retour en arrière rendu visible car filmé de biais alors que le fantôme est filmé droit, hiératique, voire avec le doigt levé en majesté) – et le spectateur se demande un instant si l’amoureux officiel (l’un peu fade Edward De Souza, un habitué de ce type de rôle) va accepter ou non la proposition du fantôme. Le masque du fantôme créé par Roy Asthon n’est pas mal et participe de la création de la silhouette de ce nouveau « monstre ».
Le souci, c’est que l’aspect romantique prime sur le fantastique. Terence Fisher s’était plaint d’un trop grand « réalisme », notamment avec l’enquête sur le personnage disparu. La photographie d’Arthur Grant participe aussi de ce rendu « réel », loin d’une atmosphère mystérieuse qui aurait conféré plus d’attrait au film. Les scènes d’opéra prennent beaucoup sur le temps du film. Les numéros chantés sont bien mais ce n’est pas tellement ce que l’on recherche dans un Hammer, ou dans un film en général. Si le public souhaite voir un opéra, il va à l’Opéra ! Avoir confié les premiers rôles à Edward De Souza et à Heather Sears était périlleux car aucun des deux n’est particulièrement charismatique. L’histoire d’amour entre leurs personnages intéresse sans plus. En revanche, le film est l’occasion d’un défilé de stars « maisons ». Le rôle de l’antagoniste, un aristocrate pervers et arrogant, convient plutôt bien à l’impeccable Michael Gough qui se rend parfaitement détestable. Thorley Walters hérite d’un rôle plus sérieux que d’habitude et montre ses qualités d’acteur en faisant évoluer son personnage de larbin obséquieux à homme responsable. Aux détours de petites scènes, on croise Patrick Thoughton en chasseur de rats (dans la seule mais réussie scène comique du film), Marne Maitland en maître d’hôtel ou Michael Rippert en cocher. Décevant, certes, le film l’est quelque peu mais il ne faut pas pour autant le jeter dans la Tamise.
Anecdotes :
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