Entre deux rives (2006) Résumé : Arrivant dans une jolie mais curieuse maison aux murs de verre, Alex Wyler, architecte, trouve une lettre de la précédente propriétaire, Kate Forster, médecin. Or, lui se trouve en 2004 et elle en 2006 ! A travers le temps, ils vont s’écrire et se découvrir. Critique : Un très beau film extrêmement mélancolique et romantique tout à la fois. On y entre par une très belle chanson. Rachel Portman, à qui on doit l’orchestration, a fait un très beau travail. Si sa narration complexe est parfois un peu difficile à suivre, il est touchant et, chez lui en tout cas, la part dramatique qui sert en général dans les comédies sentimentales à donner un peu de tension à un canevas très connu, est ici très bien intégrée à l’histoire au point que le happy end, qui serait le point final attendu, n’est même pas certain. Romance, certainement ; comédie sentimentale, pas du tout. Le démarrage de la correspondance entre deux moments du temps (tant en VO qu’en VF, le titre est excellent mais on avouera une préférence pour le francophone) commence très prosaïquement mais, du coup, de manière très crédible. C’est très léger puisque chacun doute de la réalité de cette correspondance mais un conseil de Kate sur le printemps 2004 tombe juste pour Alex extrêmement troublé ! Autre élément significatif, la boîte aux lettres. Lorsque l’un met une enveloppe dedans et abaisse le levier rouge, ce geste se répercute dans l’autre époque ! C’est un joli coup et l’on passe ainsi de l’incrédulité au mystère. Le fantastique, pourtant très réel dans ce film, ne sera pourtant jamais le centre de l’histoire : c’est celle de Kate et Alex et nous n’aurons jamais la moindre explication sur ce mystère. Quelque part, l’amour c’est comme la religion ; il faut y croire. A partir de là, la correspondance devient plus personnelle. Kate parle de littérature et il lui sert à distance de guide touristique. Cette promenade romantique à travers Chicago est un très beau passage. Tout comme le coup de l’arbre qui manque à Kate. Sandra Bullock donne la pleine mesure de ses dons pour donner de la chair à ce drame sentimental et fantastique. Pour une fois, le mélange des genres n’est pas préjudiciable car le scénariste sait clairement où il veut aller et ce qui est important. Keanu Reeves ne se rate pas non plus même s’il est plus en dedans. L’action lui convient mieux que le romantisme mais il se défend. La réalisation d’Alejandro Agresti est assez fluide même si, du coup, on traverse le temps si facilement que l’on peut s’y perdre. La maison du lac est très bien mise en scène et l’on saluera aussi la scène de la fête de Kate où les héros se rencontrent. Qui dit maison dit architecte et il se trouve que c’est le père d’Alex, lui-même architecte, qui la construisit. L’histoire de la maison est très belle et donne une nouvelle coloration à la fois romantique et dramatique à l’histoire. L’on se dit que cette maison a été construite pour le bonheur et qu’il faut qu’elle continue à l’abriter. Sauf que le père d’Alex, Simon, a gâché ce bonheur autrefois. Christopher Plummer n’a qu’un rôle secondaire mais chacune de ses apparitions est un moment fort. Le dédain envers son fils puis une réconciliation tendue, une discussion hautement philosophico-pratique sur la place de la lumière dans l’architecture et le rapport entre art et architecture (ce qui est aussi un moment un peu pénible). L’acteur dégage une autorité et Keanu Reeves doit cravacher pour exister à côté ! Le bonheur certes mais avec qui ? Voici soudain qu’arrive Morgan, le soupirant de Kate. Dylan Walsh lui donne une carrure solide et un sérieux contrebalancé par un sourire franc et une énergie communicative. Mais la rencontre entre Morgan et Alex complexifie soudain le film. La correspondance virtuelle reste en suspens car Morgan invite Alex et son amie Mona (sont-ils en couple ? elle, en tout cas, a des sentiments pour lui) à l’anniversaire de Kate ! On passera sur la rapidité de la chose (un bon feeling ?) pour se focaliser sur la rencontre des épistoliers. C’est un très beau moment, même si la photographie est un peu sombre. La conversation devient intime grâce à Jane Austen – ce qui fait de ce film une véritable bibliothèque ! Rarement, la culture n’avait pris autant de formes dans un même film – et c’est une chanson sur laquelle ils dansent qui les rapprochent. Avec malice, Alejandro Agresti nous fait croire à plusieurs reprises qu’ils vont s’embrasser et c’est quand on y croit plus qu’ils le font au terme d’une danse à la fois sensuelle et romantique. Sauf qu’il y a eu des témoins ! La correspondance reprend et les voix off donnent corps à une séparation quand l’image réunit les amants virtuels. Kate n’a compris qu’après coup qu’Alex était son correspondant. Elle trouvera aussi les mots pour soutenir Alex quand Simon meurt brutalement. Simon se croyait solide – et Christopher Plummer n’a pas eu de mal à nous convaincre que son personnage allait s’en sortir sauf que non ! Surprise désagréable qui jette une ombre sur le film. Ombre qui s’intensifie quand Alex ne vient pas à un rendez-vous qu’ils s’étaient fixés…deux ans plus tôt ! C’était pourtant vertigineux et tellement romantique. L’amertume de Kate fait écho à l’incompréhension d’Alex qui ne peut pas expliquer pourquoi il n’est pas venu. Toute la scène de l’attente a fait monter la tension. Elle a la bonne durée pour nous tendre sans nous exaspérer et l’on partage sans peine la peine justement de Kate. Sans mots, le visage de Sandra est un miroir douloureux. Ombre définitive pense-t-on puisque Kate choisit de rompre. Elle ne veut plus que cette liaison temporelle l’empêche de vivre sa vie et elle ne croit plus possible qu’ils soient réunis. Les retrouvailles avec Morgan semblent concrétiser un autre futur mais c’est un projet de réhabilitation de maison qui redéclenche la boucle temporelle. Le nom de la boîte d’architecte a mis la puce à l’oreille au spectateur qui se reprend à espérer en une fin heureuse glacialement douchée brusquement ! Anéantie, Kate va trouver dans son chagrin la force de tenter une gageure ; écrire à nouveau en espérant follement être lu à travers le temps ; pour que le futur ne soit pas un destin écrit d’avance. Anecdotes :
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