Créance de sang (2002) Résumé : En convalescence suite à une transplantation cardiaque, un profileur du FBI à la retraite reprend du service pour épingler un tueur en série qui a lié son sort à celui du policier. Critique : Clint Eastwood est une nouvelle fois acteur, réalisateur et producteur dans cette adaptation cinématographique du roman homonyme de Michael Connelly, publié quatre ans plus tôt. Créance de sang fait partie des cinq films tournés entre Sur la route de Madison (1995) et Mystic River (2003), une période considérée par certains critiques comme un ‘passage à vide’ dans la carrière d’Eastwood. Ce n’est pas mon avis car, à part Space Cowboys nettement en-dessous du lot, ces longs-métrages présentent tous un intérêt indéniable, bien que les recettes n’aient pas été au rendez-vous. Terry McCaleb, un excellent profileur du FBI, très médiatisé, est stoppé net, victime d’un infarctus, alors qu’il poursuit le Code Killer, ‘le tueur au code’, dans des rues sombres. Deux ans plus tard, après avoir subi une greffe du cœur, la rencontre avec Graciella Rivers (Wanda De Jesus) relance ses investigations sur le serial killer et le fait sortir de sa paisible retraite. La jeune femme demande au policier d’élucider le meurtre de Gloria, sa sœur, qui n’est autre que la donneuse qui a permis à McCaleb de survivre. Blood Work permet ainsi de revoir Eastwood dans un rôle de flic, le premier depuis longtemps et le dernier en date. McCaleb est un survivant qui a une dette – une créance - qui le renvoie vers un passé et un assassin redoutables. L’enquêteur est en pleine convalescence – ce qui entraine certaines invraisemblances scénaristiques – et il récupère de ses épreuves physiques sur un bateau qui lui sert de demeure. Les amateurs de l’acteur dresseront des parallèles avec des productions antérieures. Ainsi, Eastwood était déjà confronté à un tueur en série en interprétant l’inspecteur ambigu Wes Block de Six ans avant Gran Torino, le sommet du genre, Eastwood aborde encore dans ce long-métrage ses thèmes chers comme la vieillesse, la maladie et la mort. D’ailleurs, l’acteur déclare avoir trouvé intéressant que cette histoire de détective mette en scène un personnage avec des obstacles à surmonter: « À ce stade de ma vie, j'ai envie de confronter mes personnages à de nouveaux défis, bien différents de ceux qu'ils relevaient à trente ou quarante ans. » Il précise aussi que, contrairement à Space Cowboys, il prend part à chaque séquence du film, ce qui est assez éprouvant, car le scénario ne repose pas sur plusieurs protagonistes comme celui de l’aventure spatiale. Cela n’a pas empêché l’acteur de faire les cascades du film car ‘il a envie de donner le maximum au spectateur’. Blood Work est un bon film, mais il ne fait pas partie des incontournables d’Eastwood. Le suspense est au rendez-vous – surtout la première fois -, les quelques scènes d’action sont excellentes et Clint est fabuleux ; son omniprésence est un atout indéniable et il manie encore bien le fusil à pompe. Cependant, il y a plusieurs aspects qui me ‘chagrinent’ et, sans dévoiler le twist, disons que ‘Noone’ en deux mots est tiré par les cheveux, ainsi que le ‘plan’ du tueur, même si sa perversité est remarquable. D’autre part, le casting est peut-être mal choisi. En fait, je n’ai pas trouvé de seconds rôles à la hauteur pour donner la réplique à Eastwood ; le flic aux origines mexicaines et ses plaisanteries lourdingues est exaspérant par exemple. Paul Rodriguez est ‘un comique’ mais seule la scène des doughnuts nous tire un sourire. Il est possible que la distribution soit une raison pour laquelle le film ne fut pas un gros succès au box-office américain. Eastwood a privilégié les minorités, surtout hispanique, pour des rôles importants, mais on n’est pas étonné que ces acteurs n’aient pas ‘percé’ quinze ans après le tournage…La prestation de Jeff Daniels est convaincante, bien qu’elle ne vaille pas, et de loin, celles des interprétations des psychopathes Scorpio et Mitch Leary, rencontrés dans la carrière de flic d’Eastwood. Le scénario présente également certaines incohérences et des détails de continuité sont facilement repérables ; ainsi, McCaleb demande son nom au voisin, qui est aussi son chauffeur, pour établir le chèque. Malgré la réponse (‘Jasper’), l’image en gros plan montre ‘Buddy Noone’ ! L’intrigue est cependant originale et constitue une belle réussite agrémentée d’un scénario peu banal qui tient en haleine. Le point fort est l'enquête menée par McCaleb qui se révèle passionnante et riche en indices - boucle d’oreille en forme de croix, lunettes de soleil - et fausses pistes. Clint Eastwood fait en sorte que nous suivions les investigations du profileur, que nous fassions fausse route avec lui le cas échéant. Néanmoins, le scénario présente aussi quelques longueurs, ce qu’ont fustigé de nombreuses critiques outre-Atlantique. C’est oublié que le long-métrage est avant tout le portrait d’un homme diminué par sa transplantation (activités réduites, prises quotidiennes de médocs, surveillance médicale constante, souffle court). Clint interprète superbement ce rôle d’un homme marqué par la vie, dont l’état physique va de pair avec son âge avancé. Ce qui ne l’empêche pas de coucher avec Graciella, un passage controversé du film. Néanmoins, Eastwood ne triche pas sur son âge, en jouant McCaleb à la santé fragile, qui nécessite des siestes régulières ; une sorte d’inspecteur Harry vieillissant. Un individu également marginal : il n’a pas de téléphone portable et il vit sur un bateau…. C’est tout cela qu’il faut surtout apprécier. Après un excellent début – la séquence d’ouverture est prodigieuse -, le film a tendance à s’essouffler dans la dernière partie, comme le personnage principal, et présente un final quelconque et sans surprise. Créance de sang est un bon Eastwood, un thriller divertissant à la musique jazzy, mais qu’on ne retrouve pas dans mon top ten ; la carrière de la star est bien trop riche. Néanmoins, c’est un film supplémentaire dans une filmographie incroyablement hétéroclite et cohérente. Sans être excellent, le long-métrage est un Clint Eastwood à apprécier, au rythme moins trépidant qu’un Harry, mais qui reflète parfaitement l’acteur à cette période de sa vie, qu’on ne reverra que trois fois devant la caméra lors des treize productions suivantes. Anecdotes :
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