Le Distrait (1970) par Phil DLM Résumé : Pierre Malaquet, un jeune homme excentrique, distrait et rêveur, est engagé dans l'agence de publicité de M. Alexandre Guitton parce que sa mère est la maîtresse de ce sérieux P-DG. Les idées iconoclastes de Malaquet ne vont pas tarder à semer la zizanie au sein de l'agence, mais Guitton refuse de renvoyer l'intrus en raison de son puissant soutien familial... Critique : Pierre Richard est ici à la fois réalisateur et acteur principal. On peut se demander s'il n'est pas doté du don d'ubiquité, car comment peut-on se trouver en même temps devant et derrière la caméra ? Hormis cette interrogation légitime, le résultat est plutôt bon, puisqu'il nous offre un petit film certes dans prétention, mais finalement bien sympathique, et non dénué d'une certaine poésie. Aucune surprise dans le rôle que s'est auto-attribué Pierre Richard, typique de ses habitudes : un homme maladroit et particulièrement gaffeur et distrait, ici publiciste aux idées d'avant-garde, aux prises avec les conceptions qu'il juge rétrogrades de son patron, de ses conseillers, mais aussi de ses collègues. Le rôle tenu par Bernard Blier est tout aussi conforme à son personnage habituel : un monsieur sérieux, un entrepreneur austère (du moins en apparence car sa vie privée ne l'est guère...), un patron peu amène avec ses subordonnés. Quasiment le même rôle que dans Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, et tant d'autres comédies légères des années 60 et 70, voire 80. M. Guitton dirige l'agence de publicité Jérico, dont le slogan est Jérico sert illico ! Certains aspects du personnage de Pierre Malaquet sont plus plaisants que d'autres. On peut se montrer réservé sur ses innovations en matière de publicité, souvent de mauvais goût. En revanche, les scènes où Malaquet rencontre Monsieur Klerdenne, un entrepreneur aussi distrait que lui, sont excellentes, de grands moments de cinéma comique, grâce au talent de Pierre Richard et de son partenaire, le génial Paul Préboist. M. Klerdenne est enchanté de rencontrer celui qu'il prend pour le patron de l'agence. Forcément, un homme aussi distrait que lui... Et il va l'être doublement après que l'idée publicitaire de Malaquet ait produit une augmentation significative des ventes de sa pâte dentifrice. Le brave M. Klerdenne ne veut plus avoir affaire qu'à Malaquet, il veut revoir « le patron, vous savez, le jeune homme aux yeux blonds, aux cheveux bleus (!) » M. Guitton a du mal à trouver des prétextes pour conserver Malaquet, au fur et à mesure des énormités produites par le distrait. Les revendications de Klerdenne tombent à pic pour se justifier aux yeux de ses collaborateurs, comme le montre ce dialogue sans appel de Guitton avec l'un de ses conseillers : -J'ai deux raisons pour le garder : premièrement, un client le réclame, lui et lui seul. Deuxièmement... (Il pense avec délice à sa maîtresse, la sémillante Maria Pacôme, en train de l'amadouer avec ses « Gazou !... Gazou, Gazou... ») Deuxièmement, un client le réclame ! -Mais c'est la même ! -Raison de plus ! Autre bon moment, l'intrusion de Malaquet chez M. Gastier, un industriel irascible interprété par François Maistre, qui se montre aussi aimable que dans son rôle du divisionnaire Faivre dans la série Les Brigades du Tigre. Guitton avait cru confier une mission auprès de Gastier à un autre de ses collaborateurs. Malaquet a écouté et exécute les ordres, mais il se rend au domicile de Gastier, au lieu d'aller à son bureau, qui plus est un soir de réception mondaine. Chez Gastier, il bat des records de sans-gêne et de maladresse, au détriment de l'agence Jérico, qui espérait un juteux contrat avec l'important et richissime M. Gastier. Gastier a deux filles de caractères diamétralement opposés. La première, Véronique, est cassante et antipathique, mais sa volonté de remettre à sa place ce gêneur de Malaquet va se retourner contre elle (Tant mieux!). La seconde, Lisa, interprétée par Marie-Christine Barrault, a rompu par idéalisme avec sa famille bourgeoise, et occupe un emploi modeste à l'agence Jérico. Elle a beaucoup de sympathie pour Malaquet, mais ce dernier ne se rend pas compte qu'il est amoureux d'elle. Il n'en prendra conscience qu'à la fin du film, ce qui engendrera une scène également très plaisante. Parmi plusieurs très bons moments, on retiendra aussi la scène où Pierre se trompe d'appartement. En croyant rentrer chez lui, il s'installe chez le voisin du dessous. Totalement inconscient de son erreur, il prend le voisin pour un visiteur lorsqu'il le découvre et lui offre un de ses cigares ! Le voisin éberlué n'est autre qu'Yves Robert, qui a participé aussi à la production du film. Les quelques passages décevants sont souvent dus aux idées de publicités macabres ou de mauvais goût de Malaquet, ce qui confirme qu'elles constituent le point faible de l'histoire. En particulier, les scènes d’œufs écrasés sur le crâne, malheureusement trop longues, s'avèrent rapidement pesantes. Néanmoins, l'ensemble s'avère fort agréable et distrayant, même si Pierre Richard fera beaucoup mieux par la suite. Anecdotes :
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Je suis timide mais je me soigne (1978) par Sébastien Raymond Résumé : Pierre subit l’une des pires tares qui soit : il est d’une timidité maladive telle qu’il est incapable de faire le moindre pas vers les femmes. Amoureux d’une femme aux signes extérieurs de richesse qui vont bien au-delà de ses moyens, il est alors assisté par Aldo, une sorte de coach. Dès lors, il va entreprendre tout un apprentissage pour trouver enfin la force et la confiance qui lui font défaut. Critique : Dans les films de Pierre Richard que j’ai revus récemment, celui-ci est pour le moment sans doute le plus décevant. Il souffre d'un manque de rythme effrayant, qui casse la dynamique du récit que l’histoire laisse à peine deviner. Je ne crois pas en effet que le scénario soit pris fondamentalement en défaut. On voit très bien ce qu’espéraient Jean-Jacques Annaud, Alain Godard et Pierre Richard, une sorte de quête initiatique pour le personnage principal. Pierre (Richard) aidé par Aldo (Maccione) entreprend un long apprentissage pour se défaire de sa timidité excessive et handicapante. La trame est linéaire, tout à fait logique, agrémentée de petites scénettes rigolotes. Ça coule de source… sur le papier. Le problème vient de la mise en image, ou plus généralement de la mise en scène beaucoup trop statique, trop peu imaginative et vivante, peut-être aussi d’un montage excessivement laxiste. Les séquences apparaissent trop longues, mal coupées. L’action ronronne et on n’est pas loin de s’ennuyer parfois. Un vrai gâchis que la photographie terne souligne sur le plan formel. Dommage, car il y a de bonnes idées, mais qui ne peuvent aboutir totalement, faute de percussion. Pourtant, le film eut un petit succès. Il est vrai que Pierre Richard jouissait d’une grande popularité et qu’Aldo Maccione commençait également à trouver son propre public. Aujourd’hui, ce succès apparaît tout de même mystérieux. On sourira devant les participations réjouissantes de Robert Castel, de Catherine Lachens ou Jacques François. Le duo Aldo Maccione / Pierre Richard forme une association plutôt réussie, qui fonctionne bien. On a le sentiment d’une bonne dynamique, d’une entente pleine de joie et d’envie entre les deux comédiens. Mais cela ne suffit pas. Cela ne transparaît pas assez à l’image de façon à produire un spectacle explosif comme on s’y attendrait. Non, c’est bien plutôt l’habillage, la manière de filmer très impersonnelle, la mise en scène un brin pataude qui laisse la déception l’emporter au final. Mou, c’est trop mou. Anecdotes :
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Courage fuyons (1979) par Sébastien Raymond Résumé : De père en fils, chez les Belhomme, on hérite d’une lâcheté pesante, de tous les instants. Martin en subit les affres au quotidien : sa vie monotone est réglée par cette peur. Marié à une femme qui fait de lui un objet sans caractère, son existence va être balayée par l’apparition d’une femme, Eva. Réussira-t-il à camoufler sa lâcheté, à la surmonter ? Jusqu’où ira-t-il par peur ? Critique : J'ai pour Yves Robert plus que de l'affection, une admiration dont les bornes sont un peu floues. Bien entendu, le diptyque quadras de l'éléphant au paradis fait figure de mont Everest indépassable, néanmoins à l’heure de regarder celui-ci, j'osai croire que Courage fuyons pouvait se faufiler à une belle place dans le classement des films intimes d’Yves Robert et je pense ne pas m'être trompé. Vu quand j'étais marmot, je n’en avais pas gardé un souvenir impérissable, si ce n'est ce gag d'un Jean Rochefort faisant de grands gestes menaçants devant un homme à qui il demande un renseignement banal pour faire croire à Catherine Deneuve qu'il le tance comme elle venait de lui en faire la demande. Les premières minutes faisant la présentation du "complexe" de ce personnage lâche, infoutu d'affronter le danger sous toutes ses formes sont hilarantes. Mais j'ai craint quelques temps que le tableau ne finisse par être trop chargé et les scènes trop répétitives à la longue. La lassitude née de ce mono-gag était un écueil massif que Jean-Loup Dabadie et Yves Robert ont su éviter avec maestria en densifiant davantage les personnages. Et c'est ce qui me charme le plus dans ce cinéma, cette écriture à la fois drôle et touchante, c'est que le lâche n'est pas seulement comique, mais se teinte de tragique, préférant maladivement éluder le conflit jusqu'à ne plus vivre réellement. Quand il feint l'amnésie afin d'éviter sa femme, son désamour, ses colères et la mort, il s'enterre dans une existence tronquée et prend des allures de héros romantique dont le ridicule donne une étrange et poétique couleur. Et pour nous, de découvrir un être inédit, produisant une émotion surprenante, entre rires et larmes. Mais ces indices de pathos ne dépassent jamais la légèreté de tonalité qu'Yves Robert installe de bout en bout de sa filmographie. Vous noterez en effet que les personnages de ses films s'imaginent toujours victimes d'un monde hostile et se protègent vainement contre des vents qu'ils croient contraires, avec le regard vide des êtres démunis face au sort. C’est beau, d’une tendresse incroyable. Qui, en France, pouvait mieux que Jean Rochefort incarner un tel archétype de personnage ? Avec son air de cocker triste, cette allure un brin guindée, ces yeux bleus rêveurs ? Il est magnifique. Majuscule. Que je l’aime cet homme ! Face à lui, Catherine Deneuve joue une femme joliment insaisissable, ce moderne amalgame de femme offensive et fragile, un rôle en chair, bien en chair, délicieuse bourrasque de cheveux blonds. Elle l’a tenu tant et tant de fois ce rôle qu’elle le connaît par coeur. On ne sait plus, nous spectateurs, ce qu’on doit prendre pour du jeu ou de l’intime. Magicienne, elle l’est toujours et spécialement dans ce film qui mérite d’être mis en avant. Pas le meilleur d'Yves Robert mais indiscutablement intelligent, le film fait partie d'une même famille, accueillante, légère et souriante avec ce petit brin de voix mélancolique qui relie à la vraie vie. Un très bon film, qui avec le temps a pris une bonne bouteille, tanique et reposante à la fois. Anecdotes :
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Le Cavaleur (1979) par Sébastien Raymond Résumé : Edouard virevolte aux bras des femmes comme ses doigts de pianiste sur le clavier. Sa vie est un déroulement continu de maîtresses, plein de mouvements mais aussi de mensonges qui se téléscopent, jusqu’au jour où son épouse décide de partir. Critique : Décidément, Philippe de Broca revient souvent sur le même personnage, une sorte de gamin qui découvre plus ou moins l'âge adulte vers les quarante balais. L'incorrigible reste espiègle, c'est sa respiration. Le magnifique découvre l'amour et retient enfin la réalité. Le marié de l'an II comprend enfin que Marlène Jobert est la femme de sa vie après moult aventures périlleuses. Ici Jean Rochefort, dans un film volontiers comique mais aux grands coups de pinceaux dramatiques, se prend la quarantaine en pleine poire. Il vieillit et n'assume pas vraiment. Est-il temps d'arrêter de cavaler ? "Toujours enfant et jamais adulte" semble être sa devise. Peut-il changer et grandir ? Le film n'en donne pas la réponse. Il pose juste la question. Tout le film est cette question. Et cela suffit amplement. Le fait qu’il n’y ait pas de réponse, de tonalité péremptoire et définitive laisse au spectateur une grande liberté. Sans doute qu’il faut louer la générosité du scénario pour cela ? Sur son scénario, Philippe de Broca demande à Michel Audiard de mettre des dialogues très chaleureux, moins exubérants qu'à l'habitude. C'est toujours bon de le rappeler : Michel Audiard n'est pas qu'un ajusteur de bons mots sur des personnages plein de gouaille et de grande gueule ; il sait aussi manier le verbe avec retenue et réalisme, taquinant les couleurs pastel de temps en temps. Il sait faire montre d’une délicatesse ici, de poésie, tendre, attentionnée pour un personnage un peu pitoyable, mais finalement tellement attendrissant. Il fait dire par Danielle Darrieux à un Jean Rochefort tourbillon : « tu es comme un coup de vent qui passe sur l’eau. Tu laisses des rides ». Le lumineux Jean Rochefort incarne avec maestria son personnage d'enfant paumé et solitaire dans la foule des gens qui l'aime. En un clin d'oeil, en un froncement de sourcil, il développe toute une gamme de sentiments, d'émotions, à partir de rien. Un sourire, un oeil vague et c'est la nostalgie qui effleure. Deux yeux ronds et le bonhomme découvre l'effroi de songer que sa femme puisse le tromper. Rochefort est un acteur génial, un séducteur irrésistible. J’adore. Pour entourer cet électron trop libre, Philippe de Broca nous a concocté un casting de premier ordre, en qualité comme en quantité, des petits rôles forts sympathiques. De la radieuse Danielle Darrieux à la beauté soixantenaire jusqu'à la voluptueuse Nicole Garcia, en passant par la grande Annie Girardot, c'est une troupe pleine de grâce et de finesse qui s'est satellisée autour de Jean Rochefort pour mieux lui permettre de briller comme il sait si bien faire. Surtout cette petite mise en scène qui se met à transporter sur quelques secondes le film vers des sommets de poésie et de tendresse, un "truc" que Philippe de Broca nous sert presque à chaque fois, une surprise, un moment d'une chaleur particulière qui le place aisément parmi mes auteurs favoris. Devant un si joli film, je ne peux m'empêcher de pester contre TF1 video qui se contente encore une fois du minimum. Un dvd à l'image correcte chez TF1, ce doit être juste une question de hasard. Donc ici c'est à la limite de l'offense : peu de netteté, une photographie un peu crachante. Ya pire, certes, mais tout de même, il y a tellement mieux. Anecdotes :
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