Frankenstein créa la femme (1967) Résumé : Frankenstein poursuit ses travaux : il est certain de pouvoir transférer une âme d’un corps dans un autre ! Des circonstances tragiques vont lui permettre de réaliser sa sinistre opération. Critique : A la fois une pure merveille et une sainte horreur ! Le scénario de John Elder (alias Anthony Hinds) renouvelle le concept des Frankenstein tandis que Peter Cushing assure la continuité et fait évoluer son personnage. Ce film réalise un délicat et subtil alliage ; celui de la science et de l’ésotérisme. En effet, dans cet opus, le baron – qui officie sous son vrai nom cette fois – ne cherche plus à créer un corps mais à transférer une âme ! John Elder pousse le scientisme du docteur jusqu’au bout car, si la chirurgie est une science, l’âme est une notion religieuse et non un concept scientifique. A moins de verser dans la métaphysique. A mi-chemin du film (le moment de bascule), Frankenstein explique à son assistant qu’il a « vaincu la mort ». Comme ledit assistant est particulièrement benêt, l’explication de Frankenstein s’adresse tout autant au spectateur qu’à lui ! Le scénariste cherche à nous attirer dans les rets du baron en nous faisant suivre la démonstration. Si les précédents opus relevaient de la science-fiction, celui-ci flirte avec le fantastique et ça marche ! La « dimension fantastique » (pour reprendre l’expression de Barbara Sadoul) débute en fait dès le commencement du film avec cette scène de guillotine. Laquelle fait écho aux deux films précédents mais elle devient aussi un sinistre « fil rouge » scandant les différents chapitres du film et jouant un rôle capital. Est-ce pour contrebalancer ce côté résolument noir que John Elder a écrit le rôle du docteur Hertz, qui est en tout point l’opposé du docteur Frankenstein, ainsi qu’il le dit lui-même ? Le premier est aussi crétin que le second est brillant, aussi porté sur la boisson que l’autre est sobre mais aussi gentil et attentionné (comme en témoigne ses attentions envers Christina) que Frankenstein est impitoyable. Il est un contrepoint comique qui allège la tension, évite le sérieux empesé sans jamais faire verser le film dans la parodie. Thorley Walters réalise un sans-faute dans l’interprétation subtile de son personnage. Un second contre-point existe et il est inédit dans la saga : l’amour ! Si le baron en est préservé (comme Sherlock Holmes à qui Peter Cushing a justement prêté ses traits), ce n’est pas le cas des deux jeunes gens que sont Hans et Christina. Terence Fisher filme avec sa pudeur habituelle et apporte un temps de tendresse rare et, hélas, vain. Nous sommes chez Frankenstein. Il ne saurait y avoir de la place pour du sentimentalisme. On a même la plus parfaite expression du cynisme du baron ! Certains critiques le juge « bienveillant » mais, s’il fait preuve d’un certain sens de la justice, son égoïsme foncier l’empêche d’accéder à la réelle bienveillance. Robert Morris est un interprète correct pour Hans mais sans génie particulier. En revanche, Susan Denberg accroche le regard d’emblée. Elle a un rôle à deux facettes à jouer et elle réussit à jouer les deux sans anicroches. Elle est une des « Hammer’s Girls » à avoir un véritable rôle et sans que son physique ne soit absolument dévoilé. Lorsque Christina aguiche successivement les trois dandys, elle ne montre pas grand-chose mais promet beaucoup plus ! Là est l’érotisme mais la Hammer oubliera la leçon. Le décor du laboratoire évolue peu mais on notera la disparition des cornues et autres fioles qui sont remplacées par des câbles, des mécanismes, des barres pour conduire la chaleur. Comme si, au moment où la saga glisse vers le fantastique, les décorateurs de la Hammer cherchaient à maintenir ladite saga dans le « réel » scientifique. La science est présente également à travers la génétique mais c’est néanmoins la dimension « spirituelle » voire morale de la transmission qui intéresse le scénariste. Que doit-on à son héritage ? L’antienne « Tel père, tel fils » joue un rôle crucial et abominable ici. Sommes-nous libres ? Ce questionnement métaphysique n’est jamais énoncé clairement par Frankenstein mais tous les actes de ce dernier hurlent que non. Anecdotes :
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