Charlie et la chocolaterie (2005) Résumé : Charlie Bucket, un jeune garçon modeste, remporte un des cinq tickets d’or permettant de visiter la chocolaterie de Willy Wonka, un maître chocolatier mystérieux. Accompagné de son grand-père Joe, il va suivre une visite pas comme les autres qui changera sa vie.
Critique : Fabuleux Tim Burton ! On jurerait que le roman a été écrit pour lui. Certes, le film prend quelques libertés avec son matériau, mais l’essentiel est conservé et, surtout, l’esprit est conservé. Charlie et la chocolaterie est un conte de fées (la référence est explicite dans le film). Avec un Johnny Depp délirant et inquiétant à souhait, c’est un régal. Le film est construit en triptyque avec une introduction et une conclusion encadrant la partie centrale qui est la visite elle-même. L’introduction, d’environ une demi-heure, sert à poser le décor, à présenter les enfants (une galerie de portraits effroyables !) et surtout Charlie. D’emblée, Freddie Highmore impose sa mine ouverte, ses yeux grands ouverts sur le monde mais tout près à croire « en l’impossible » donc à la magie. Par contraste avec le grotesque des autres gamins, le spectateur ne peut que s’identifier à Charlie et ressentir de l’empathie pour lui. Bien qu’il soit évident qu’il aura un ticket d’or (et le dernier évidemment), il n’est pas possible de ne pas être déçu lorsque la première tablette ne contient pas de ticket. Quant à la conclusion, elle apporte une touche résolument optimiste, jusque là peu courante chez Tim Burton. En fait, on est face à une fable avec une (double) morale à la fin. Moral certes mais pas moraliste car la patte grinçante du réalisateur est partout ! Que Charlie et la chocolaterie soit un conte de fées se voit à de nombreux indices. Ainsi, la chocolaterie, gigantesque, et, par contraste, la maisonnette de Charlie, sont toutes deux en marge de la ville. Le réalisateur reprend partiellement la situation initiale d’Edward aux mains d’argent. Ensuite, il faut trois tentatives à Charlie pour trouver le ticket d’or. C’est le chiffre symbolique récurrent des contes de fées. Enfin, toute la chocolaterie elle-même n’est absolument pas réaliste et n’est d’ailleurs jamais présenté vraiment comme telle. En effet, les mots « fabuleux » ou bien « mystérieux » sont prononcés à son sujet : ce bâtiment n’est pas de ce monde. On pourrait ajouter Willy Wonka lui-même. A son sujet, la chronologie paraît pour le moins floue et les éléments de datation manquent de précision. Détail amusant à ce sujet : si Wonka grandit, son père (incarné par Christopher Lee) ne vieillit pas ! Willy Wonka s’apparente davantage à un magicien qu’à un artisan chocolatier. Sa « folie », son côté puéril ; toute son étrangeté proclame qu’il est d’ailleurs. Selon Antoine de Becque, dans son Tim Burton, « Wonka est un homme enfant mais dépressif (…). C’est un homme de spectacle. Il est répugné par les contacts humains ».
La visite de la chocolaterie est l’élément central du film et le spectateur est partagé entre la féérie, l’humour (parfois noir, comme le chocolat) et l’étrange. Dès la première salle, nous savons que nos repères traditionnels ne s’appliquent plus. Le côté féérique justement est tout de suite rendu menaçant par la musique de Danny Elfman. Du coup, ce que Wonka pouvait avoir de ridicule (à commencer par son accoutrement) devient soudain inquiétant. Les éliminations successives des enfants partagent tout autant car, d’un côté, nous sommes secrètement ravis de voir disparaître ces petits monstres ; de l’autre, comment ne pas s’inquiéter de leur sort et ressentir aussi une certaine peur ? Mais, si on pense que Charlie et la chocolaterie est un conte de fée et non un film d’horreur (il en faudrait peu parfois, comme souvent chez Burton), alors, on se rassure en se rappelant que les contes sont des récits d’initiation. De tous ceux qui entrent dans la chocolaterie, Charlie est le seul à avoir et à garder un regard d’enfant. Les questions qu’il pose sont les seules bienveillantes et elles réveillent les souvenirs de Wonka. Quelque part, l’innocence de Charlie ramène Willy Wonka du monde des rêves où il vivait seul à notre monde, où il doit côtoyer les autres. Le casting est dominé par la prestation halluciné de Johnny Depp tour à tour grotesque, amusant, inquiétant, stupéfait, rêveur. Maître du chocolat, Willy Wonka est aussi un solitaire misanthrope qui ne comprend pas les autres et encore moins les enfants. Il ferait un peu penser à Hergé sur ce coup-là. Débutant, Freddie Highmore s’impose aisément et joue un Charlie qui est un enfant sage et aimant mais nullement guimauve. Il y a du caractère chez le personnage et c’est très bien rendu. On aura un dernier mot pour Deep Roy qui incarne les Oompa-Loompa ! Sans beaucoup de textes, l’acteur est de tous les plans dans la chocolaterie et le nombre de ses déguisements dépasse l’entendement ! Chaque scène où apparaissent les Oompa-Loompa est un concentré délirant, bourré de clins d’œil (par exemple, à une scène culte de 2001, l’Odyssée de l’espace !), de chansons frapadingues (imaginées par Roald Dahl) qui scandent les éliminations des enfants donnant un décalage savoureux et cocasse à des scènes qui auraient pu être très dures. Un délice à savourer.
Anecdotes :
|