Le Temps d'aimer (1996) Résumé : En 1918, sur le front italien, le journaliste américain Ernest Hemingway est grièvement blessé et transporté dans un hôpital où il rencontre l’infirmière Agnès von Kurowsky dont il va s’éprendre. Critique : "L'erreur d'Hemingway fut de croire qu'il devait les épouser toutes" a dit un jour William Faulkner. Qu'en aurait-il été s'il avait épousé la première ? L'Histoire, assurément, eut été toute autre. C'est un beau film sur un premier amour et une peinture de caractère intéressante en particulier pour l’éclairage sur un moment méconnu de la vie très médiatique d’Ernest Hemingway. Dommage cependant qu’il soit un peu long et manque parfois de tonus. D’emblée, le film part sur un contraste : atmosphère feutrée mais souriante des infirmières, dont Agnès qui semble d’un tempérament enjoué, arrivant dans leur hôpital, un ancien couvent « et qui doit le rester » contre scènes de guerre sur le front. Disons d’emblée que le conflit n’est pas le sujet de Richard Attenborough et qu’elle ne sera qu’un arrière-plan. En revanche, il ne la minorera pas en montrant les blessés et les conditions difficiles dans lesquels on les soignait. La vision d’un camarade d’Ernie mortellement blessé par un obus au phosphore est épouvantable. Contraste à nouveau entre la riante campagne vénitienne (musique joyeuse, sifflotant et cymbales) et Ernest qui chante avant la tranchée où il interrogeait des soldats italiens. Chris O’Donnell a fier allure sur sa bécane et il montre un Hemingway sûr de lui – un trait de caractère du véritable Hemingway - et décidé à se rendre sur le front. Son insouciance ne l’empêchera pas d’être grièvement blessé. Passée cette introduction pas déplaisante mais un peu longuette, voici la rencontre entre Ernie, mal en point, et Agnès qui l’appelle « gamin ». Ce devait être courant à l’époque de considérer que six ans de différence d’âge représentaient un monde mais ça n’en est pas moins surprenant. D’autant que Chris O’Donnell et Sandra Bullock – ravissante dans sa tenue d’infirmière – ont effectivement six ans d’écart. Un risque de gangrène, un médecin qui veut amputer mais qui se rend à l’avis d’Agnès qui poliment, mais fermement, n’est pas d’accord ; cela rapproche les deux Américains. Au cours d’une discussion plaisante sur la forme, il la drague ouvertement ! Mais on y mettait les formes dans ce temps-là ! Le film raconte alors le progressif rapprochement entre ces deux êtres esseulés. Troublante est la scène où il caresse l’étoffe de sa robe. Comme elle est suspendue sur une échelle, il ne peut pas voir son visage mais nous, oui et Sandra Bullock montre une Agnès déstabilisée. Mais suffisamment lucide encore pour réussir à empêcher un pique-nique en tête à tête. Sauf que le malheureux troisième a clairement conscience d’être le porteur de chandelle et que la tension qui règne finit par faire craquer les nerfs d’Ernest qui se montre grossier. Hemingway n’était effectivement pas toujours un grand romantique ! Si Chris O’Donnell est très juste dans son rôle d’homme jaloux, Richard Attenborough ne met pas assez de force dans ces scènes qui auraient mérité un traitement plus dramatique. Ernest et Agnès se réconcilieront autour de l’écriture d’une lettre à la famille d’un soldat mort. C’est un passage d’une grande force sensible et les deux acteurs n’ont aucun mal à nous convaincre de l’émotion qui étreint leurs personnages et les pousse finalement l’un vers l’autre. Les amoureux sont séparés par les fortunes de la guerre. La césure est nette entre la lecture en voix off d’une lettre très tendre d’Ernie à Agnès et l’arrière du front avec sa musique militaire et son bruit ! Ernie doit repartir mais il demande à Agnès de le rejoindre – dans un bordel mais il n’y a pas d’hôtel ! Faute de grive…Le passage est marqué par l’enthousiasme – vraiment juvénil – d’Ernie et le côté plus sombre, plus renfermé d’Agnès. On se demande si elle viendra au rendez-vous et elle y sera. Evidemment, après quelques mots, tout le reste sera littérature mais c’est tendre, doux et on a la vision fugace mais étrange du couple dansant nus à contre-jour ! Une idée brillante. C’est une des rares scènes d’amour pour Sandra Bullock dont les personnages sont plutôt marqués par le romantisme, souvent sucré, à cette période de sa carrière. Vont-ils pour autant vivre ensemble ? Même le connaisseur de la vie d’Ernest Hemingway l’oublie pour se laisser prendre par le doute et vouloir ardemment une réponse positive. Pourtant, Sandra a montré une nouvelle fois les doutes d’Agnès à travers son regard sombre qui dément, pour partie du moins, les mots très forts de l’infirmière. Les projets, professionnels et privés, d’un médecin italien sont là pour créer une tension, introduire un trouble très crédible (Emilio Bonucci joue un médecin très séduisant, aux manières exquises et plus âgé d’Ernie) ; la scène de bal au moment de l’armistice semble indiquer la direction qui sera prise par Agnès. Le spectateur en sera pour ses frais car, de happy end, il n’y en aura point. Dommage que le film languisse sur la fin ; on se demande s’il va finir et une ou deux coupes n’auraient pas été de trop pour ne garder que le final, superbe dans son tragique. Anecdotes :
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