Les Pleins Pouvoirs (1997) Résumé : Un cambrioleur de haut vol est témoin d'un crime sordide impliquant le Président des Etats-Unis. Critique : Le film, sorti en salles en mai 1997 (je suis allé le voir le jour de sa sortie), est un excellent thriller politique, produit et mis en scène par Clint himself. Il joue le rôle de Luther Whitney, un malfaiteur de haut vol, spécialisé dans les grandes demeures cossues, qui se trouve au mauvais endroit au mauvais moment. Basé sur le roman de David Baldacci, Absolute Power évoque le caractère impitoyable des gens au pouvoir. Le Président croit que tout ce qu'il fait est irréprochable, y compris une liaison ou deux sans lendemain. Cela mène au meurtre et tous ses collaborateurs se retrouvent impliqués. On peut même voir dans cette histoire de ‘fiction’ quelques parallèles avec d’anciens Présidents coureurs de jupons comme JFK ou Bill Clinton, locataire de Le personnage central du film est Luther Whitney, un cambrioleur de grand standing, qui a décidé de finir sa carrière en beauté en visitant la luxueuse demeure d'un des hommes les plus influents d'Amérique. Dans la scène culte du long métrage, aussi bien pour son interprétation que sa réalisation, Whitney, Arsène Lupin sexagénaire, toujours en pleine forme, est témoin, caché dans la chambre forte derrière un miroir sans tain, du meurtre de la jolie Christy Sullivan (Melora Hardin) lors d’ébats sadomasochistes. La jeune femme est l’épouse d’un milliardaire philanthrope âgé, le propriétaire absent de la résidence (E. G. Marshall), mais également la maitresse du Président Richmond (Gene Hackman). Assis sur le fauteuil d’adultère, Whitney passe du statut de voyeur gêné à celui de témoin, lorsque Richmond se montre violent envers la jeune femme, qui se défend en blessant son agresseur avec un coupe-papier. Avant ce déchainement de violence, on assiste à une longue séquence de suspense, quand Christy se saisit d’une télécommande (en fait pour la musique) ou que le Président scrute son visage dans le miroir. Par le regard du voyeur malgré lui, Eastwood transmet nos ambiguïtés de spectateur face à cette violence démesurée avec une succession de sentiments où la surprise fait place à la peur puis au dégoût. Le suspense baisse d’intensité avant de retrouver un pic lorsque les deux membres des services secrets – les assassins - se rendent compte de la présence de ce témoin gênant. C’est le début de la poursuite, mais aussi de la ‘shitstorm’ pour Gloria Russell (Judy Davis), l’assistante du Président, et les deux agents ! Désirant tout d’abord fuir et quitter le pays, Luther change d’avis lorsqu’il entend le discours hypocrite et écœurant du Président, ce qui constitue le tournant du film (« You heartless whore! I'm not about to run from you »). Il va s’employer à faire connaître la vérité au veuf richissime influent Walter Sullivan, ami et support financier de Richmond. Le long métrage narre l'histoire de ce cambrioleur, qui se retrouve la cible des services secrets, mais aussi d’un tueur à gages engagé par le milliardaire. Accusé du meurtre et traqué, Whitney doit sauver sa peau, poursuivi par les hommes du Président, qui cherchent à étouffer le scandale, tandis que Seth Frank (Ed Harris), le policier en charge de l’affaire, est circonspect sur les circonstances du drame dès le début de l’enquête. Pour lui, Whitney est un voleur, vétéran décoré de la guerre de Corée, pas un assassin, ce qui rapprochera les deux personnages au fil de l’histoire… Le discours mielleux du Président pousse donc Luther Whitney à rester et à faire éclater la vérité. A partir de ce moment – la moitié du film – le chassé passe à l’attaque par des manœuvres jubilatoires, telle la séquence du collier de diamants offert. Lors de cette seconde partie, le cambrioleur utilise à bon escient les pièces à conviction qu’il a subtilisées – le coupe-papier, avec du sang et des empreintes, le collier porté par la victime -, et les scènes sont superbes pour un subtil jeu du chat et de la souris, avec en particulier la conseillère Russell dans ce mémorable passage de la danse de la parure. Luther devient la cible des services secrets américains et Eastwood se retrouve ainsi de l’autre côté de son rôle de Frank Horrigan (Dans la ligne de mire). On ne s’ennuie pas une seconde dans ce film de deux heures, alternant les scènes graves et de pure comédie avec un humour incisif. Pour la première fois depuis L’évadé d’Alcatraz, l’acteur joue un repris de justice. Eastwood interprète un personnage solitaire, paisible sexagénaire, un peu décalé avec son temps, qui ne sait pas faire fonctionner un magnétoscope, mais, par contre, il apprécie les choses agréables de la vie, comme le dessin ou un bon vin avec un repas aux chandelles avant d’aller ‘travailler’. Il mène une existence tranquille en fréquentant des musées, où il donne libre cours à ses talents de copiste, mais ses exploits passés ont défrayé la chronique et en font le suspect numéro un. Whitney est un épicurien comme le démontre la longue progression silencieuse et contemplative du cambrioleur dans la maison vide. As du déguisement et roublard, il réussit à échapper à ses poursuivants, même s’il doit compter sur la chance lors du rendez-vous au café et esquiver les deux tireurs d’élite, ce qui constitue une autre grande séquence du long métrage car elle témoigne de l’amour infini que porte Luther pour sa fille Kate (Laura Linney). Lorsque les services secrets s’attaquent à Kate, Luther devient impitoyable et a des relents de Dirty Harry, comme lors de la scène à l’hôpital. A ce propos, une critique française (Télérama si j’ai bonne mémoire) avait dénoncé ce passage quand l’agent Collin (Dennis Haysbert), qui a essayé à deux reprises d’assassiner sa fille, demande pitié à Luther, avant que celui-ci ne lui enfonce la seringue dans la carotide accompagné d’une réplique tranchée : « I'm fresh out of it » (‘Je n'en ai plus en réserve’). Le magazine bobo soulignait que ‘ce geste évoquant certaines exécutions capitales révèle chez Luther une violence qu'on ne soupçonnait pas’ et rapprochait cela à la célèbre réplique d’Harry pour conclure par un ‘on ne se refait jamais tout à fait’ accusateur… Ces écrits tendent à prouver que certains médias français avaient encore, à la fin du dernier millénaire, une allergie maladive aux idées justes, et expéditives, de l’acteur concernant la justice. Cinq ans après le personnage de Daggett dans Impitoyable, Gene Hackman endosse de nouveau un rôle de salopard patenté en interprétant impeccablement ce Président américain véreux et infecte, qui suggère lui-même à ses services secrets d’éliminer la fille du témoin en tentant de reprendre la main et d’effacer son erreur (« Show that you love your country ! »). La distribution est riche de talents jusqu’aux petits rôles. Le flic est Ed Harris et Melora Hardin, la maitresse assassinée, a commencé sa carrière à 9 ans dans Police Story. Dennis Haysbert, le Président de 24 heures chrono, est un tueur des services secrets, et il est amusant de constater que Penny Johnson Jerald, qui joue sa femme dans cette série, est ici une policière à l’humour corrosif. Le barman est Mark Margolis, un ami de McCall de la série Equalizer. Les pleins pouvoirs est avant tout un thriller politique, mais c'est aussi l'occasion pour Eastwood d'y traiter les rapports conflictuels entre un père et sa fille, qui a une place importante dans l’histoire ; dans le cas présent, elle n'a jamais admis ses absences dues à ses activités illicites, surtout qu’elle exerce la profession de procureur. Traqué, Whitney cherche à se rapprocher de Kate, qu’il observe secrètement depuis des années, resserrant des liens distendus mais mettant ainsi en danger de mort la seule personne qui compte vraiment pour lui. La première rencontre est cocasse car les rôles sont inversés ; Luther se faisant gourmander par sa fille, mais il la chérit jusqu’à lui remplir son frigo ! Ce n’est pas une fille Eastwood qui interprète le rôle pourtant, mais Laura Linney, excellente, qu’on reverra dans Mystic River et Sully. Néanmoins, comme souvent à cette époque, le réalisateur en fait jouer deux : la jolie Alison est l’étudiante en art lors de la scène d’ouverture au musée. Elle est devenue une belle jeune femme après avoir été la fille adolescente de Clint dans La corde raide treize ans plus tôt, et juste avant de jouer un rôle important de sa carrière. Alison n’a que trois répliques et sa voix affirmée pour la première du film (« Don’t give up ! », ‘Ne renoncez pas’) est une caractéristique de son père ! Quant à la guide à Tiré du best-seller de David Baldacci, ce thriller nous emmène dans les méandres du pouvoir, les secrets de Le film fut projeté lors de la clôture du Festival de Cannes en 1997 et il reçut un accueil critique mitigé et connut un succès modeste en Amérique, alors qu'il fonctionna très bien à l'étranger, notamment en France. Même s'il ne fait pas partie des œuvres phares de son auteur, Absolute Power constitue un bon divertissement, où le suspense est présent du début à la fin, bénéficiant d'un rythme soutenu sans temps mort. L'ambiance prenante est favorisée par la photographie très sombre de Jack Green (mal rendue malheureusement sur le Blu ray) et une partition musicale réussie mais discrète de Lennie Niehaus, qui travaille régulièrement en collaboration avec Eastwood depuis La corde raide (1984). Les pleins pouvoirs est indispensable dans toute vidéothèque d'un fan de Clint Eastwood. Certes, comme vous pourrez le lire ça et là, il y a quelques scènes peu crédibles mais, honnêtement, rien qui ne plombe le film et je passe toujours un excellent moment à le revoir. J’apprécie l’intrigue, la réaction du héros, le suspense parfaitement distillé, même si la fin laisse sur sa faim ; elle est différente du roman et Eastwood a eu raison d’insister pour la changer et la transformer en ‘happy end’. Très bien réalisé et interprété, Absolute Power part d’une séquence choc et procure un divertissement de qualité, qualificatif qui rime le plus souvent avec Eastwood, sans effet spéciaux farfelu, comme beaucoup trop de productions américaines, ni de rebondissement tapageur, mais avec une rigueur et un souci de conter une histoire intéressante mélangeant habilement humour, action et émotion. Anecdotes :
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