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Comédies françaises Années 70

Les galettes de Pont-Aven (1975) par Phil DLM


LES GALETTES DE PONT-AVEN (1975)

Résumé :

Un représentant en parapluies, habitué à sillonner la Bretagne, décide sur un coup de tête de quitter famille et métier pour s'établir artiste-peintre à Pont-Aven.

Critique :

Joël Séria n'a jamais connu la notoriété d'un cinéaste évoluant dans le même registre que lui comme Bertrand Blier. Les Galettes de Pont-Aven reste son plus grand succès populaire, le seul de ses films à avoir franchi la barre du million de spectateurs.

Pourquoi comparer Séria à Bertrand Blier ? Parce que tous deux sont des cinéastes post-soixante-huitards, qui ont produit un cinéma à l'atmosphère particulière, à la fois tendre et paillarde, on peut même dire rabelaisienne.

La spécificité de Joël Séria est sa façon unique de décrire les personnages pittoresques, et parfois un peu louches, qu'on peut rencontrer dans les bourgades de province. Ses films ont souvent pour cadre la Bretagne ou les Pays de Loire, où il est né, et développent un anticléricalisme farouche, hérité de son éducation catholique stricte.

Le cumul des atouts habituels de Séria, notamment ses personnages hauts-en-couleurs, et d'une distribution exceptionnelle font des Galettes de Pont-Aven une œuvre unique, un merveilleux film qui mérite bien, pour une fois, l'appellation de « film-culte », trop souvent galvaudée et attribuée à n'importe quoi.

Jean-Pierre Marielle se retrouve en tête de la distribution. A la suite du petit rôle qu'il avait tenu dans Charlie et ses deux nénettes, Séria tenait absolument à donner un rôle principal à cet acteur dont il avait saisi le fort potentiel.

On découvre ici un Marielle extraordinaire, un monstre sacré à la hauteur des plus grands du cinéma français. Il s'est imprégné de ce personnage fascinant qu'est Henri Serin, s'est fondu dans sa personnalité au point qu'on ne sait plus qui est le personnage et qui est l'acteur.

Henri Serin habite Saumur avec femme et enfants. Il est représentant en parapluies, roule en R16 comme tout VRP des années 70 qui se respecte, et écume la Bretagne de long en large pour faire la promotion des pébroques de la maison Godineau. Malheureux en ménage, sa vie professionnelle se résume à une succession de boutiques de parapluies et à de mornes soirées dans de ternes hôtels.

Dès la séquence pré-générique, Marielle nous offre une séquence d'anthologie avec son numéro de représentant bateleur, n'ayant pas son pareil pour vanter les mérites des 48 à 8, des 10 ou 12 baleines, des parapluies d'ecclésiastiques ou de la collection de style champêtre aux couleurs particulièrement chatoyantes.

Henri fait parfois de belles rencontres, qui égaient son quotidien. La description de sa vie de VRP donne l'occasion à Joël Séria de peupler son œuvre de personnages rocambolesques, dont il a le secret.

Notre ami Serin est peintre amateur. Il a fait le portrait d'une cliente et le lui porte un soir, dans son magasin. La femme, interprétée par Andréa Ferréol, une fidèle des films de Séria, admire son talent. Par chance, son mari est absent et la soirée se termine au plumard.

La verve de l'auteur et celle de Marielle s'expriment alors sans retenue, depuis la description qu'Henri fait de sa femme frigide et de ses enfants jusqu'à sa comparaison entre ladite épouse et la commerçante. Henri préfère les odeurs intimes de la « petite Madame Liquois », sa maîtresse d'un soir, décrites de façon très crue et explicite, à celles de son épouse, qui « sent l'eau bénite ».

Un jour, Henri prend en charge un auto-stoppeur, qui s'avère être un personnage extraordinaire. L'excellent Claude Piéplu interprète, avec sa voix inimitable, un colporteur qui parcours le pays de pèlerinage en pèlerinage pour vanter les bienfaits du Seigneur, ce qui fait bien rire le mécréant Serin. Le pèlerin l'invite à passer la nuit chez lui. Il vit avec sa sœur, une vieille bigote méfiante et  « un peu curieuse », qui plus est inhospitalière à souhait.

Martine Ferrière produit une composition remarquable dans ce rôle de mégère inapprivoisée. Probablement vierge, sa curiosité vantée par son frère est excitée par ce visiteur inattendu, qu'elle va observer depuis un cagibi secret. Lorsque Serin se déshabille, on voit très bien quelle partie de son anatomie intéresse la vieille fille...

Mais Henri n'a pas encore vu le pire en matière de réceptions inhospitalières. A la suite d'une rencontre fortuite et nocturne entre l'avant de sa R16 et un sanglier, il cherche du secours et aboutit chez deux hommes qui vivent dans une baraque perdue dans la campagne. Ces deux cinglés ne lui répondent même pas et s'empressent de le mettre à la porte !

Le lendemain, il rencontre Emile, un artiste-peintre professionnel qui vit à Riec-sur-Bélon, à quatre kilomètres de Pont-Aven, et travaille de façon très lucrative pour les touristes de la Cité des Peintres.

Confirmant l'excellence de la distribution, Bernard Fresson compose un Emile de haute volée. Emile est en quelque sorte le double inversé de Henri Serin. Les deux personnages sont des soixante-huitards, mais dans un style diamétralement opposé. Henri va tout quitter pour se consacrer à la peinture, et en particulier à la peinture des postérieurs féminins, dont il est un admirateur passionné. Car le film se situe dans la mouvance des années 70, époque où tant de personnes ont choisi de changer de vie pour se consacrer à leurs passions. Le plateau du Larzac et les moutons pour certains, mais pour Henri ce sera la peinture et... l'alcool.

Emile est aussi un soixante-huitard assumé, mais surtout axé sur la révolution sexuelle. Grivois, grossier, vulgaire, partouzeur, se définissant lui-même comme un « bourrin », c'est lui qui va jouer le catalyseur et inciter Henri à franchir le pas, à abandonner les parapluies et sa famille honnie pour vivre sa passion.

Emile vit avec Angela, une Québécoise jeune, jolie et peu farouche qui lui sert d'objet sexuel, et qu'il aime offrir à ses amis comme partenaire d'une nuit. Henri est immédiatement séduit par Angela, car elle est dotée d'une splendide paire de fesses, comme il les aime. Le coup de foudre est réciproque, et les deux tourtereaux s'enfuient dans un village au bord de la mer.

Follement heureux, Henri peint le postérieur d'Angela sous toutes les coutures et de toutes les couleurs. Le bonheur est de courte durée car Emile les retrouve et disparaît avec Angela, emmenée de force. Désespérée, Henri rentre à Saumur et découvre que sa femme l'a remplacé.

C'est alors la déchéance. Henri tombe dans l'alcool, n'arrive plus à peindre. Joël Séria nous offre à ce moment-là une nouvelle scène inoubliable, celle de la Marie Pape, une prostituée à la coiffe bigouden interprétée par la pure Bretonne qu'est Dominique Lavanant. Un soir, complètement ivre, Henri monte avec elle dans son studio décoré à la bretonne. Il se montre incorrect et la péripatéticienne le met à la porte, non sans l'abreuver de jurons prononcés en Breton ! Unique !

Mais Henri va finir par retrouver goût à la vie, grâce à une serveuse de l'hôtel où il loge. La petite Marie est une jolie brune de 20 ans, interprétée par Jeanne Goupil, l'égérie et compagne de Joël Séria. Et que le jeune fille est appétissante avec sa petite robe à cerises rouges...

A la suite d'une kermesse dont Henri a assuré la décoration et où il a chanté en duo avec Marie, il séduit la jeune fille et retrouve la virilité. Redevenu joyeux, il part avec Marie vendre des crêpes sur les plages.

A la fois tendre, drôle, sensuel et grivois, Les Galettes de Pont-Aven aura vraiment marqué le cinéma des années 70 de son empreinte indélébile. Mais pourquoi n'arrive-t-on pas à faire de telles histoires de nos jours ? Le cinéma d'auteur non pédant comme celui de Blier et Séria a-t-il disparu ?

Anecdotes :

  • Les tableaux d'Henri Serin ont tous été peints par Jeanne Goupil.

  • Lors du retour d'Henri chez Emile, on entend la chanson de Carl Douglas Kung-Fu Fighting, un des tubes de l'année 1975.

  • Les chansons de Théodore Botrel, compositeur breton qui a vécu quelques années à Pont-Aven, sont mises à l'honneur. Henri Serin chante La Paimpolaise lorsqu'il est ivre, puis Kénavo (Le duo des adieux) avec Marie lors de la kermesse.

  • Jeanne Goupil a confié avoir été très impressionné par la talent de Jean-Pierre Marielle. Lors d'une scène où elle posait pour Henri Serin, tout en prenant la pose, elle le regardait jouer et pensait : « Il est bon... mais qu'est-ce qu'il est bon ! »

  • Joël Séria avait recruté Dolorès Mac Donough, l'interprète d'Angela, au Québec. Avant le tournage, il a demandé à Jeanne Goupil de la regarder nue, afin de lui confirmer que le postérieur de la belle était aussi parfait qu'il le pensait, condition importante pour la crédibilité du film. Jeanne Goupil s'exécuta et lui confirma qu'il n'y avait pas de problème.

Séquences cultes :

J'ai jamais rien vu d'aussi beau

Tu sens la pisse toi, pas l'eau bénite !

Qualité, solidité, imperméabilité

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