Pour une poignée de dollars (1964) Résumé : Un cavalier solitaire monte deux familles rivales l’une contre l’autre dans une ville déchirée par l’avidité, la violence et la haine. Critique : Tourné principalement à Almeria, en Espagne, ce western spaghetti créa le mythe d’un genre, bien que plus d’une vingtaine de films similaires avaient déjà été produits en Italie. Cependant, ce film fut le premier à bénéficier d’une sortie internationale conséquente. Il permit à Sergio Leone d’asseoir sa notoriété, après quelques réalisations sans grand intérêt, et à Clint Eastwood de devenir une vedette internationale. Ce film marqua aussi le début d’une longue collaboration du réalisateur italien avec Ennio Morricone, dont la musique est indissociable du long métrage. L’interprétation d’Eastwood lui vaudra sa renommée qui le suit encore aujourd’hui. L’homme sans nom – en fait, surnommé Joe par le croque-mort – est un personnage taciturne, qui tire profit de la rivalité entre les Baxter, trafiquants d’armes, et les Rojo, qui font de la contrebande d’alcool, pour s’enrichir et assainir la ville frontalière mexicaine de San Miguel. Les Rojo s’avèrent plus dangereux que leurs rivaux, principalement à cause du redoutable et sadique Ramon, superbement interprété par Gian Maria Volonte même si, personnellement, je n’apprécie pas du tout cet acteur. Ce dernier ne s’est pas très bien entendu avec Leone qui le trouvait arrogant. Quant aux relations entre Eastwood et Volonte, elles furent limitées par la barrière de la langue et des opinions politiques diamétralement opposées. L’arrivée de l’étranger, vêtu d'un poncho, à dos de mulet, dans la petite ville fantomatique, où les habitants sont terrés dans leur maison, est une superbe séquence. Il trouvera deux alliés, l’aubergiste et le fabricant de cercueils. Par ruse et en profitant de sa dextérité au révolver, il extorque des sommes d’argent aux deux familles riches et puissantes en leur fournissant des renseignements qui ont pour but de les autodétruire. Le héros commet néanmoins une erreur et, alors qu’il semblait dominer la situation, il est passé à tabac par les frères Rojo dans une des deux scènes hyper violentes du film ; la seconde étant l’exécution de la famille Baxter lors d’une longue séquence apocalyptique. Malgré ces passages sadiques, le film n’est pas dénué d’humour, comme lorsque l’étranger demande aux hommes de main de Baxter de s’excuser auprès de sa mule : « You see, my mule don't like people laughing. He gets the crazy idea you're laughin' at him. Now if you apologize, like I know you're going to, I might convince him that you really didn't mean it.” Au-delà de l’appât du gain, l’histoire donne au héros la dimension d’un défenseur de l’opprimé, qui désire promulguer le bien et la justice ; la séquence de la libération de la mystérieuse Marisol (la jolie actrice allemande Marianne Koch), séquestrée par le clan Rojo, est le seul passage teinté d’humanité ; il permet à la jeune femme de rejoindre son époux et son fils déchirés par cette séparation. Ce film revigora le genre western, devenu poussif, peu crédible et répétitif avec les films hollywoodiens à la papa incarnant John Wayne. Pour une poignée de dollars reste un des grands classiques du western encore aujourd’hui, même si son scénario simpliste le place derrière les deux autres volets, de ce qui constitue la trilogie de L’homme sans nom. Ce n’est pas, cependant, le script qui fait la force du film mais la perception du Far West et la réalisation de Sergio Leone. L’Ouest sauvage du réalisateur est louche, vicieux, impitoyable et la violence y est poussée à son paroxysme. Le héros lui-même est amoral, ambigu et cupide et il n’a rien de celui des westerns des années 50. Ce mystérieux étranger, au passé trouble, constitue l’une des plus belles créations cinématographiques. Agé de 34 ans à l’époque, Eastwood interprète à la perfection cet antihéros qui lancera définitivement la carrière, hésitante jusqu’alors, de l’acteur. Pour transcrire l’Ouest qu’il imagine, Leone choisit de se concentrer sur les échanges visuels plus déterminants que les dialogues et il s’appuie sur un mélange de références culturelles qui allie aussi bien l’opéra et le film de sabre japonais. L’empreinte que Leone laisse sur le western spaghetti est symbolisée par les longueurs des scènes et les gros plans des visages, même des yeux, souvent de trognes atypiques, qui accentuent la tension des passages cruciaux. Sergio Leone et Ennio Morricone continueront à révolutionner le western jusqu’au début des années 70, tandis que Clint Eastwood perfectionnera son interprétation de ‘l’homme sans nom’ dans deux autres opus à l’intrigue plus sophistiquée. Anecdotes :
|
Un cavalier solitaire monte deux familles rivales l’une contre l’autre dans une ville déchirée par l’avidité, la violence et la haine.
Le Canardeur (1974) Résumé : Un pilleur de banque recompose son équipe sous l’impulsion d’un jeune acolyte impétueux afin d’organiser un nouveau casse audacieux. Sept ans après avoir commis un hold-up extravagant à l’aide d’un canon anti-char (d’où son surnom) pour démolir la porte blindée d’une banque, John ‘Thunderbolt’ Doherty (Eastwood) reforme son équipe pour tenter de rééditer l’exploit. La tension et les soupçons sont néanmoins palpables car le gang n’a pas pu effectuer le partage du premier casse étant donné que la planque – derrière le tableau d’une salle de classe – est depuis introuvable. Doherty, traqué jusqu’alors par ses anciens complices, réussit à les convaincre de sa bonne foi. Néanmoins, les individus, aux mines patibulaires, ne sont pas commodes. L’impitoyable et vicieux Red Leary (George Kennedy) et son comparse, le placide Eddie Goody (Geoffrey Lewis) ont du mal à supporter le nouvel associé de Thunderbolt, Lightfoot « Pied de biche » (Jeff Bridges), un jeune marginal exubérant et bourré d’énergie. Critique : Thunderbolt and Lightfoot - Le canardeur est un titre ridicule et racoleur - conte l’histoire d’un braqueur de banque, ancien de la guerre de Corée, qui essaie de jouer au plus malin avec les autres malfrats du groupe. Il prend sous sa protection un jeune aventurier « Pied de biche » qu’il a rencontré par hasard et qu’il considère un peu comme son élève, ce qui génère une amitié intergénérationnelle, mais les choses se dégradent lorsqu’il est contraint d’associer à son projet ses anciens complices, qui sont persuadés qu'il a empoché le montant de leur dernier hold-up. Dans sa première partie, Le canardeur est un road movie distrayant, sans prétention, qui dépeint des séquences fortes et farfelues des deux amis errant dans des paysages somptueux du Montana, magnifiquement filmés par Michael Cimino. L’audience est surtout attirée par le personnage de Lightfoot, un jeune paumé prêt à tout pour sauver son existence. Jeff Bridges est excellent et vole d’ailleurs la vedette à Eastwood. La seconde partie – les préparatifs du hold-up et son exécution – est plus conventionnelle, et l’insouciance de certains passages fait parfois place à des scènes dramatiques. Il y a quelques temps morts lors de cette préparation qui nécessite aux protagonistes de trouver un emploi pour financer leur matériel. Le film est parsemé de vignettes qui, déconnectées de l’intrigue principale, donnent un cachet particulier au long-métrage. La fuite par les champs du faux pasteur – Eastwood est impayable –, poursuivi par un individu qui lui tire dessus, jette les fondations du film qui est une course éperdue à travers les magnifiques espaces sauvages américains. Les deux compères se rencontrent fortuitement et Lightfoot, dans une voiture volée, permet à Thunderbolt d’échapper à la vindicative d’un ancien complice. Le duo se transformera en quatuor et les rencontres cocasses disparaitront à part l’apparition de la voisine nue alors que Lightfoot est en plein labeur. Les personnages insolites sont, à mon avis, un des grands intérêts de la production tel le type fou à lier dont le coffre du véhicule est rempli de lapins. On commence par le couple ahuri de la station-service qui se fait subtiliser son automobile, égalé par le directeur de banque et sa moitié visités par la fine équipe qui découvre les ébats de leur fille délurée. Il y a bien entendu les deux coquines que ramène Lightfoot à la location. Il laisse à son pote Thunderbolt la plus enquiquinante et garde Melody (la jolie Catherine Bach) pour lui. Ce sont les suites du braquage qui basculent le road movie dans le drame le plus incongru. Lightfoot est travesti en femme pour troubler le garde obsédé – on peut se méprendre - et le plan se déroule comme prévu mais le grain de sable survient dans un cinéma en plein air. Une chemise dépasse du coffre et trahit les occupants de la voiture, tandis que la police donne la chasse et précipite les évènements. Ceux-ci vont ôter définitivement le caractère bon enfant de l’entreprise par le décès de Goody, le passage à tabac de Lightfoot, qui aura des conséquences, et la mort atroce, mais pas imméritée, du sadique Leary. Le final au double rebondissement, que je ne dévoile pas pour les personnes désireuses de découvrir le film, est mémorable et justifie l’acclamation des critiques. Le long métrage, dont beaucoup louent les qualités, ne remporte pas le succès escompté au box-office, ce qui chagrine Eastwood. Le canardeur est apprécié par les critiques pour son humour décalé associé à un suspense présent jusqu’au bout et un côté tragique inattendu. En fait, un curieux mélange des genres oscillant entre road movie et policier, comédie dramatique et film d’action, et l'épilogue complète le sentiment de bizarrerie et d’absurde qui découle de cette œuvre atypique. Le personnage d’Eastwood est éclipsé par celui de Jeff Bridges pour le plus grand plaisir de la star, qui aurait été tellement surpris par la fougue de son partenaire, un peu comme Thunderbolt, qu'il se serait effacé sans sourciller derrière lui. Le canardeur est le premier film réalisé par Michael Cimino et il sut saisir sa chance après que Clint Eastwood ait apprécié son travail sur la réécriture partielle du script du second volet de Dirty Harry, Magnum Force, un an plus tôt. Cimino est à la fois scénariste et réalisateur sur ce film, ce qui démontre la confiance que lui octroya l’acteur qui, enthousiasmé par l’idée, avait pensé le réaliser lui-même. Avec le succès d’Easy Rider, le road movie était en vogue à l’époque à Hollywood, ce qui n’avait pas échappé à Eastwood qui voulait en faire un. C’est la première réalisation d'un cinéaste surdoué qui allait changer la face du cinéma américain en devenant l’auteur culte de Voyage au bout de l’enfer et La porte du paradis. Néanmoins, mon film préféré de Cimino, dont la carrière vaut bien plus qu’un modeste ‘au revoir l’artiste’ à son décès le 2 juillet dernier, est L’année du dragon sorti en 1985 avec Mickey Rourke, une plongée ultra-violente dans l’univers criminel de Chinatown, à une époque où le ‘politiquement correct’ ne sévissait pas encore à Hollywood. Le film est un thriller urbain qui met en scène la croisade personnelle de Stanley White, prêt aux pires exactions pour effectuer son travail, contre Joey Tai, le chef de la mafia chinoise de New York. Seul contre tous, White est persuadé de l’existence des triades chinoises, une organisation criminelle secrète et millénaire, qui a étendu son empire aux Etats-Unis et qui règne sur le trafic de l’héroïne. Tai est présenté comme quelqu’un de moderne et d’intelligent, tandis que White est un flic raciste, borné et brutal. D’après les dires de Rourke, Eastwood avait été pressenti pour le rôle. A l’instar de Dirty Harry, Year of the Dragon fut mal reçu par certaines critiques malgré une superbe mise en scène de Cimino, qui regrettera toujours d’avoir supprimé la dernière réplique du film sous la pression du studio : « Well, I guess if you fight a war long enough, you end up marrying the enemy. » ["Quand on fait une guerre assez longtemps, on finit par épouser son ennemi."]. Lors du commentaire audio de L’année du dragon, Cimino confia qu’il devait sa carrière cinématographique à Clint Eastwood. Moins palpitant que Year of the Dragon, Thunderbolt and Lightfoot – le titre original est bien plus judicieux – reste distrayant et accrocheur, mais il ne figure pas pour moi parmi les meilleurs films d’Eastwood et de Cimino, même si je prends à contre-pied en écrivant cela la plupart des critiques lues sur le net. Certes, Cimino traite d’une façon originale – y compris dans sa mise en forme - une classique histoire de braquage de banque a priori sans surprise, mais l’humour incontournable qui côtoie des scènes d’une grande violence ne masque pas les invraisemblances du scénario. Par contre, le film reste un bon road movie à resituer dans son époque rappelant par certains côtés Breezy : les années 70 où l’Amérique connaît une période post-guerre traumatisante. Aussi, l’amitié qui lie le jeune Lightfoot et l’expérimenté Thunderbolt constitue pour la première fois dans la filmographie d’Eastwood, alors âgé de 44 ans, l’évocation de la vieillesse et du fossé générationnel, ce que l’acteur étudiera de façon régulière à partir de la décennie suivante. Anecdotes :
|
La Sanction (1975) Résumé : Un professeur d’histoire de l’art, alpiniste renommé, se paye une collection de tableaux de maitres en étant le tueur professionnel d’une organisation gouvernementale. Pour venger la mort d’un ami, il accepte un dernier contrat qui le mène dans les Alpes suisses. Jonathan Hemlock est un professeur qui mène une double vie. Fin épicurien, il finance son hobby en appliquant des ‘sanctions’, c'est-à-dire des exécutions, pour le gouvernement (l’opacité de l’agence C2, pour ne pas nommer la CIA, reste présente pendant tout le film). Hemlock vient de raccrocher mais on lui demande de reprendre du service pour exécuter une dernière mission en échange d'un Pissarro. Il ne peut refuser lorsqu’il subit un chantage de son employeur puis qu’il apprend que son vieil ami a été assassiné par la cible. Afin d’accomplir sa vengeance, Hemlock se soumet à une préparation drastique, car le tueur à abattre est un alpiniste boiteux qui doit prendre part à la périlleuse ascension de la face nord de l’Eiger ; un défi dangereux qu’Hemlock a déjà tenté à deux reprises. Montagnard accompli et reconnu, il a pour mission de découvrir et d’éliminer l’agent qui se cache parmi les trois compagnons de la cordée internationale. Critique : Clint Eastwood ne put décider son ami Don Siegel d’être le réalisateur. Il se lança donc dans sa quatrième réalisation bien qu’il eut un peu d’appréhension à diriger un film d’action avec autant de cascades dangereuses. Dans les années 70, Eastwood est réputé pour des films policiers ou des westerns et cette incursion dans le domaine de l’espionnage fut mal accueillie par les critiques. Pourtant, je le considère comme un très bon film à redécouvrir, ce que soulignent de nombreux fans de l’acteur, ainsi que des analyses contemporaines. Néanmoins, l’intrigue ne renouvelle pas le genre et quelques aspects sonnent ‘faux’, tels le mobile réel de la mission, le boitement inopiné du meurtrier et sa relation avec l’ennemi. Eastwood abandonne son flegme taciturne de l’homme sans nom de Leone pour endosser un charme suave et débonnaire qui rappelle par certains côtés James Bond. Les deux personnages possèdent le même raffinement culturel tout en côtoyant l’espionnage international et les jolies femmes, plus déshabillées pour l’agent américain. Hemlock n’a pas de gadget mais il est doté d’un humour "eastwoodien" à toute épreuve. Un des grands attraits du film – reconnu également par ses détracteurs – est la magnificence des images. Evidemment, l’Eiger est photographié prodigieusement et les scènes d’escalade sans trucage en mettent plein les yeux, mais le passage qui m’a le plus impressionné est la montée sur le Totem Pole du Monument Valley. La vue d’hélicoptère d’Eastwood et Kennedy, sirotant une bière, assis sur ce périmètre minuscule, est grandiose et ce tournage reste marqué dans la mémoire de l’acteur. Clint Eastwood aurait choisi George Kennedy, disparu le 28 février 2016, suite à leur excellente entente sur le tournage du film précédent, Le canardeur. Kennedy incarne Ben Bowman, ancien alpiniste, un personnage sympathique au langage fleuri, qui mène la vie dure à Hemlock lors du programme draconien de remise en forme. Les échanges entre ces deux protagonistes sont un autre attrait du film. La distribution principale est complétée par Jack Cassidy, admirable dans le rôle de Miles Mellough, un agent homosexuel caricatural aux agissements nébuleux. L’explication à trois, avec le garde du corps bodybuildé, au bord de la piscine, puis dans le désert, est un grand moment. Les autres personnages masculins - l’agent Pope et les trois alpinistes de l’Eiger – sont bien interprétés sans être aussi mémorables, contrairement à Dragon (Thayer David), une sorte de M américain au passé sulfureux, un albinos à la voix râpeuse et menaçante qui évolue dans un environnement baigné à la lumière infrarouge. Les personnages féminins ont souvent été critiqués pour leur stéréotype, alors qu’ils s’imbriquent parfaitement dans l’intrigue, même si leur rôle est secondaire. Jemima Brown (Vonetta McGee), la jolie stewardesse de l’avion qui ramène Hemlock aux USA, est, en fait, un agent de couleur en mission chargé de le séduire afin de le contraindre à compléter son contrat (‘a patriotic whore’ pour l’agent). Où sont les stupides critiques qui taxaient/taxent Eastwood de raciste ? Les personnages féminins rendent-ils ce film misogyne comme j’ai pu le lire ça et là ? Ridicule ! Tout le contraire, et les Hemlock girls n’ont rien à envier aux Bond girls ! Certes, les femmes de l’intrigue couchent assez facilement, que cela soit Jemima, dont on devine qu’elle reste avec Hemlock à la fin du film, Mrs Montaigne (Heidi Brühl), la femme de l’alpiniste français, prête à s’envoyer en l’air avec n’importe quel grimpeur de la cordée, ou ‘George’ (Brenda Venus) qui découvre sa poitrine généreuse pour accélérer la cadence de Hemlock à l’entrainement, mais dont le double jeu manque d’être fatal à l’aventurier; sans oublier la jeune étudiante (Candice Rialson), qui coucherait bien avec son professeur pour obtenir son diplôme… il garde son flegme et la renvoie à ses études avec une tape sur les fesses. Tous ces protagonistes féminins font partie tout simplement d’un charme indéniable très ancré dans les seventies. Le franc-parler de certaines répliques peut surprendre, voire offenser, les prudes ou les bien-pensants de notre époque. Dans les années 70, le politiquement correct n’existait pas et on ne s’en portait pas plus mal. Dès le début, l’enseignant Hemlock/Eastwood délivre à son amphithéâtre plein d’élèves peu attentifs une tirade qui offusquerait de nos jours une bonne moitié d’une salle des profs ! : « Si nous n’avons appris ici qu’une chose, c’est que l’idée que l’art appartient au monde entier est idiote. L’art appartient aux gens cultivés capables de l’apprécier. La grande majorité des gens ordinaires n’en fait nullement partie. ». Au diable la démagogie stérile ! Les collègues qui me lisent apprécieront ! (si, si, il y en a !). Le ton est donné pour tout le long métrage. Ainsi, l’efféminé Mellough possède un petit chien qu’il traine partout nommé ‘Faggot’, qui ose s’exciter sur la jambe de Hemlock. On a aussi le fameux grognement laconique, ‘Screw Marlon Brando’, prononcé par Eastwood lorsque ‘George’, l’Indienne, pousse l’entrainement au maximum et le ‘black chick’ à l’adresse de Jemima Brown. "Screw Marlon Brando" fait référence, d’après certains commentaires, au fait que Marlon Brando, défenseur des droits des Indiens, ait envoyé une Indienne récupérer son Oscar pour Le parrain. Les répliques de Bowman/Kennedy sont les plus sulfureuses et donnent le change à celles de Hemlock/Eastwood. Ainsi, quand l’agent remarque que ‘George’ est une fille, Bowman rétorque : « A lot of people notice that ». Avant l’escalade, c’est au tour d’Hemlock de marquer le point lorsque Bowman lui demande avec insistance s’il couche avec la femme d’un de ses compagnons d’escalade : « Well, I think it's something I'd know. » C’est aussi à Bowman qu’on doit deux répliques caustiques qui ne passeraient plus de nos jours ; à un couple de touristes britanniques, qui veut utiliser son télescope, et surtout une journaliste qui se demande ce qui pousse les alpinistes à grimper, une nécessité de prouver sa virilité ou une compensation de sentiments d’infériorité. La réponse est sans appel: « Lady, why don't you go get yourself screwed. It would do you a lot of good. ». Enorme ! Eastwood adopte un ton particulier tout du long de l’intrigue, entre tension extrême et décontraction surprenante. L’acteur joue dans un registre classique avec ce héros désabusé alignant les répliques cyniques qui font le bonheur de ses fans, dont la controversée - « Pretty quiet now, aren't you, you little prick? » - lorsqu’Hemlock laisse Mellough à son triste sort dans le désert. Le film est scindé en deux parties distinctes et c’est surtout la seconde qui retient l'attention, avec notre héros qui doit affronter une escalade extrêmement dangereuse et rester sur ses gardes. Le tournage de ces séquences splendides a dû inspirer d’autres films d’alpinisme tournés postérieurement bien moins réussis car les passages impressionnent toujours autant malgré les années passées. Les vues vertigineuses laissent deviner les éprouvantes conditions de tournage. Sans dévoiler la fin ingénieuse, la dernière réplique de Jemima démontre que Hemlock est le seul à connaître la vérité sur le dénouement de la mission : « Jonathan, you can tell me. You didn't really sanction all three of them, did you?” The Eiger Sanction est un mélange captivant d’espionnage et d’aventure truffé d’humour, de cynisme et de merveilleuses images du Mont Eiger et du Monument Valley. Clint Eastwood a joué et dirigé de meilleurs films, cela ne fait pas de doute, mais La sanction, injustement boudé par la critique de l’époque, est un excellent divertissement au suspense garanti que je conseille grandement de redécouvrir si l’occasion se présente, sans se laisser influencer par l’affiche médiocre, d’autant plus qu’il s’agit d’un des films de l’acteur qui a bénéficié de peu de diffusions à la télévision. Anecdotes :
|
Josey Wales hors-la-loi (1976) Résumé : Après le massacre de sa famille, un fermier se joint à un groupe de soldats confédérés irréductibles mais, à la fin de la guerre, il refuse de suivre ses compagnons survivants qui déposent les armes, et tombent dans un traquenard tendu par les Nordistes. L’homme prend alors la direction du Texas et bâtit une nouvelle vie ; cependant, il est toujours recherché comme renégat et sa tête est mise à prix. Josey Wales, un fermier du Missouri, assiste impuissant aux meurtres de sa femme et de son jeune fils et à l’embrasement de sa maison par une milice de l’armée nordiste, les Pattes Rouges, commandée par le capitaine Terrill (Bill McKinney). Laissé pour mort, Wales survit à ses blessures et enterre les siens. Désœuvré, il quitte ses terres et part avec un groupe de Confédérés sous la direction du capitaine Fletcher (John Vernon, le maire dans L’inspecteur Harry) pour assouvir sa vengeance. Le paisible fermier devient un tireur impitoyable. Quelques années plus tard, les troupes gouvernementales somment les rebelles de se rendre après la capitulation du général Lee. Wales, resté en retrait, assiste des hauteurs au piège mortel qui se referme sur ses camarades d’armes dans le camp de reddition. Son intervention et sa maitrise de la mitrailleuse n’empêchent pas la tuerie et il s’enfuit avec Jamie (Sam Bottoms), un jeune soldat blessé. Les deux hommes, devenus des hors-la-loi, réussissent à échapper aux troupes lancées à leur poursuite, avec le sanguinaire Terrill et le traitre ambigu Fletcher à leur tête. Après avoir semé le groupe au passage du bac, ils se débarrassent de deux chasseurs de primes mais, la nuit suivante, Jamie succombe à ses blessures. Wales fait la connaissance de Lone Watie (Chief Dan George), un vieux chef Cherokee, qui l’initie à la façon de penser de ses semblables, puis l’aventurier rencontrera sur sa route vers le Texas des personnages hétéroclites qui vont se joindre à lui après qu’il leur ait sauvé la vie : une jeune squaw Navajo, Little Moonlight (Geraldine Keams), qui souffre de l’injustice du monde blanc civilisé, puis des colons du Kansas, Grandma Sarah (Paula Trueman), une femme âgée qui compte rejoindre la ferme de son fils, et sa fille Laura Lee (Sondra Locke) que Wales sauve d’un viol….sans oublier un chien qui se prend des jets de chique toutes les cinq minutes ! Josey Wales trouve la quiétude dans cette nouvelle famille, mais des ennemis se dressent sur son chemin : des chasseurs de primes, le redoutable chef indien Ten Bears (Will Sampson) qu’il saura amadouer, et le cruel capitaine Terrill qui lui permettra de solder les comptes et de passer à une autre vie… Critique : Ce film, dont l’action se situe pendant et après la guerre de Sécession, est un véritable chef-d’œuvre et la vengeance, qui constitue le thème principal, est une nouvelle fois traitée avec maestria. Pendez-les haut et court, L’homme des hautes plaines et, beaucoup plus tard, l’oscarisé Impitoyable, sont également des westerns construits sur la quête de représailles. Tous avec le même succès. Josey Wales est un paisible fermier (première scène) et il devient rapidement un homme endurci dont le dessein est de venger sa famille et d’éventuellement se reconstruire. Le long-métrage dépeint un être humain assoiffé de vengeance, soulignée par des flashbacks du massacre, mais Wales réapprend progressivement à vivre sur les valeurs de son passé. La première partie montre un déferlement de violence qui présente un portrait peu reluisant des USA à la période de la guerre de Sécession. La seconde moitié est différente, car Wales se reconstruit et la vindicte, qui n’est plus son unique désir d’existence, fait place à une sorte de rédemption. Si le thème de la vengeance fait de l’ombre, surtout dans la première partie, aux autres idées du film, il n’est pas pour autant l’unique de ce chef-d’œuvre. La trahison a également une place de choix ; celle de Fletcher, bien entendu, qui sacrifie ses hommes pour de l’argent et une reconnaissance des Nordistes, mais surtout celle du sénateur Lane, un politique pourri et manipulateur (pléonasme ?), qui promet une grosse récompense pour la capture de Wales. L’absurdité de la guerre est également perçue, que cela soit entre le Nord et le Sud ou avec les Indiens. La dernière partie, et l’installation du groupe dans la ferme délabrée, met en relief les thèmes de la solidarité, de l’amitié et même de l’amour avec la relation de Wales avec la jeune prude Laura Lee (voir les informations supplémentaires). Ces approches ralentissent le rythme du film mais elles sont nécessaires pour témoigner de la rédemption du héros avant le grand final. Wales tente d’inculquer à la petite communauté des rudiments de survie utiles s’il devait s’absenter. L’aventurier a en effet assemblé autour de lui des laissés-pour-compte de la société, des exclus, et ils forment une sorte de nation idéale, ce que devraient être les USA comme le conçoit Eastwood ; la population de l'ouest américain en construction. Le film prend un aspect allégorique, et Wales, le personnage protecteur, dépasse les limites du héros de western. On retrouve toujours cette notion de protection dans l’œuvre d’Eastwood surtout vis-à-vis des femmes, comme dans Impitoyable ou Gran Torino. Ce ‘road-movie’ du Far-West approche les idées de la vie défendues par l’acteur, tels le héros solitaire taciturne et généreux, le refus de l’injustice, le rôle de la famille et la trace laissée dans l'histoire. Comme les magnifiques images, l’interprétation constitue une des grandes qualités du film, car tous les personnages sonnent juste, même les petits rôles ; je pense à l’épicier collectionneur de photos de truands, au chef sadique des Comancheros et aux deux chasseurs de primes aux mines patibulaires trompés par le faux délire de Jamie, par exemple. Ils sont tous excellents. Eastwood est au top, jouant un personnage qui parle peu mais dont les répliques claquent comme des coups de révolver. L’acteur joue pour la seconde fois un soldat de la guerre de Sécession mais dans Les proies, il interprétait un Nordiste. Bien que The Outlaw Josey Wales soit un western violent, dur, voire cruel, il n’est pas dénué d’humour et surtout d’humanisme, contrairement à L’homme des hautes plaines. Le traitement de cette violence place Eastwood plus proche de Sam Peckinpah que de Sergio Leone sans pour cela rendre ses deux westerns totalement crépusculaires. Josey Wales interpelle astucieusement sur les atrocités de la guerre et le sort des victimes en mixant des faits historiques et des épopées romancées. Il est indispensable de s’attarder sur quelques répliques que tout bon fan de l’acteur doit connaître. Elles donnent un cachet supplémentaire au film, surtout qu’elles interviennent souvent entre deux jets de chique aussi précis que les révolvers de Wales. Ainsi, lorsque le chasseur de primes lui avoue que tout homme doit vivre de quelque chose, Wales rétorque : « Dyin' ain't much of a living » ou lorsqu’il crache sa chique sur le costume blanc immaculé du charlatan aux mixtures suspectes : « How is it with stains? » [Qu’est-ce que ça donne sur les taches ?]. Il y a aussi la repartie lorsque Jamie veut enterrer les deux chasseurs de primes qui ont pris des pruneaux et du jus de chique : « To hell with them fellas. Buzzards gotta eat, same as worms. » [Au diable, les busards doivent pouvoir se nourrir, comme les vers]. Une réplique qui rappelle Sierra Torride… Les phrases cultes se bousculent et chaque fan a sa préférée. La mienne se situe vers la fin du film quand Wales conte fleurette à Laura. La jeune fille prétend que le Kansas sent le rayon de soleil, ce à quoi Wales répond : “Yeah, well, I always heard there were three kinds of suns in Kansas, sunshine, sunflowers, and sons-of-bitches.” On perd à la traduction évidemment [J'ai toujours entendu dire qu'il y avait trois sortes de soleils au Kansas : le soleil, les tournesols, et les fils de putes]. Du romantisme made in Eastwood ! Second western réalisé par Eastwood, après L’homme des hautes plaines, Josey Wales hors-la-loi fait honneur au genre, car tous les ingrédients et personnages de l’Ouest sauvage sont représentés et le film est une sorte de synthèse du western avec plusieurs scénettes qui peuvent être visionnées séparément. On retrouvera quelques passages similaires dans d’autres westerns d’Eastwood, comme l’attaque du début dans Pale Rider et l’entrainement au maniement des armes d’Impitoyable. Les seuls personnages honnêtes de l’épopée se retrouvent autour de Josey Wales dans une ambiance qui alterne entre optimisme et inquiétude. Tous les autres sont des crapules, que cela soit le sénateur pourri, les trappeurs violeurs, les chasseurs de primes cupides ou les Yankees assassins. Très acclamé à sa sortie, il y eut peu de critiques négatives pour The Outlaw Josey Wales, sauf ceux qui pointèrent du doigt que le film est basé sur un roman écrit par un membre du Ku Klux Klan (voir informations complémentaires), mais il reçut néanmoins beaucoup d’éloges parmi les autochtones américains pour sa représentation non stéréotypée des Indiens d’Amérique. Les 2h15 passent très rapidement et le film s’apprécie avec le même intérêt à chaque rediffusion grâce à des personnages extraordinaires, des images sensationnelles, des dialogues percutants, des scènes d’action à couper le souffle et un message existentiel, qui fait de ce film plus qu’un simple western, un véritable témoignage de la culture américaine. Un des meilleurs Eastwood qui est aujourd'hui considéré comme l'une des œuvres les plus profondes et les plus personnelles du réalisateur, car le film est une sorte de pivot dans sa filmographie rassemblant les thèmes que Clint mettra en scène tout au long de sa carrière future. Une référence incontestable du genre. Du cinéma comme on l’aime. Anecdotes :
|