Le 15h17 pour Paris (2018) Résumé : En vacances en Europe, trois Américains maîtrisent un terroriste prêt à passer à l’acte à bord d’un train Thalys. Critique : Pour son trente-sixième film en tant que réalisateur, Clint Eastwood complète sa trilogie commencée avec American Sniper et Sully sur l’héroïsme de gens ordinaires confrontés à des situations extraordinaires. Cet opus revient sur l'attentat islamiste déjoué à bord du Thalys en provenance d'Amsterdam le 21 août 2015. Le réalisateur tente ce qui n’a jamais été fait jusqu’à présent à Hollywood : il demande aux trois Américains qui sont intervenus, sauvant la vie aux 560 passagers, de rejouer leurs prouesses devant la caméra et d’incarner les personnages principaux du long métrage. Eastwood a choisi de faire appel à Spencer Stone, Alek Skarlatos et Anthony Sadler plutôt qu’à des acteurs professionnels - un choix qui rappelle la distribution des seconds rôles de Gran Torino -, car, à quelques semaines du début du tournage, le cinéaste n’avait vu personne de convaincant. Un pari risqué mais gagné, car la prestation du trio, convaincante dans l’ensemble, donne un cachet d’authenticité au film. Cependant, Eastwood a permis aux héros d’improviser sur le plateau, beaucoup trop, car de nombreux passages sont plats et ennuyeux, mais la faute incombe en grande partie au scénario sans relief de Dorothy Blyskal, qui débutait dans ce domaine. Le long métrage conte tout d’abord l’enfance des trois Américains, avec de jeunes doublures, lors de séquences d’école qui sont les plus quelconques du film, et qui servent à mettre en évidence les valeurs américaines et l’attachement du pays aux armes à feu et à la religion. Elevés par des mères célibataires, interprétées par Jenna Fischer et Judy Greer, dans une banlieue californienne de la classe moyenne, Alek et Spencer rencontrent l’indiscipliné Anthony dans le bureau du proviseur de leur école catholique. C’est le début d’une longue amitié de garçons désobéissants, qui aiment jouer intensément à la guerre et qui finiront, pour deux d’entre eux, par rejoindre l’armée ; notez le clin d’œil avec l’affiche de Lettres d’Iwo Jima dans la chambre de Spencer et la courte scène de la perte du sac de Skarlatos qui aurait pu être filmée pendant le tournage d’American Sniper. Sont racontés les obstacles auxquels les trois Américains ont dû faire face, particulièrement Spencer, qui est le personnage central de l’intrigue. Infirmier militaire par défaut, car recalé de l’unité d’élite de l’armée de l’air, son parcours est semé d’embûches et de moqueries ; le militaire instructeur renvoie au Maître de guerre en plus soft et l’apprenti se fait traiter de ‘asshole’ lorsqu’il préfère attendre derrière la porte un éventuel agresseur avec un stylo à la main plutôt que de se planquer sous la table : des prémices de son acte de bravoure dans le Thalys. Si les Américains tiennent leur propre rôle, ils ne sont pas les seuls car d’autres acteurs du drame, des passagers et des membres de l’équipe médicale, font partie de l’aventure eastwoodienne. Ils sont tous là…sauf Jean-Hugues Anglade, dont le récit aurait apporté la touche comique du film…. Les amateurs de films à gros budgets truffés d’effets spéciaux en seront pour leurs frais. Fidèle à ses principes, Clint Eastwood narre cette histoire sans effets inutiles, ni suspense haletant, loin de là, car la réalité dépasse la fiction dans ce cas précis : « This is an interesting story about regular people doing extraordinary things». Evidemment, Eastwood n’a pas centré le film sur l’attaque, mais sur l’amitié des trois jeunes Américains et il s’emploie à faire connaître ces protagonistes qui ont permis d’éviter une tragédie. Il est en effet impossible de produire un film entier sur une séquence qui a duré quelques minutes ; un évènement violent qui a modifié la destinée des participants. Sully retraçait les péripéties qui se sont passées après le moment fort, tandis que Le 15 h 17 pour Paris est construit sur des flashbacks menant au passage connu. Le cinéaste précise que certains exploits sont non seulement exceptionnels mais aussi bénéfiques pour la société et il est bien de pouvoir raconter ce genre d’histoires. Le problème est qu’il faut avoir justement quelque chose de consistant à raconter… La majeure partie du film est en effet consacrée à l’enfance, aux études, aux échecs de la vie et aux vacances en Europe, qui cimentent l’amitié indestructible du trio. C’est souvent longuet et les clichés touristiques ne présentent pas beaucoup d’intérêt. Paris a mauvaise réputation, et il n’est pas difficile de savoir pourquoi…J’aurais filmé mes tours d’Europe en carte Interail dans les années 80, le résultat aurait même été plus palpitant, le bras télescopique du portable en moins. On assiste à une suite de faits ordinaires de la vie qui tendent à démontrer que n’importe qui peut être un héros, mais l’ensemble est fastidieux et terriblement quelconque. Ces joyeux drilles sont dépeints la plupart du temps comme d’incroyables médiocres jusqu’à leur voyage européen ponctué de dragouilles et de selfies. Les scènes se succèdent sans tension dramatique, et on attend avec impatience le moment de l’attaque qui va secouer le film poussif. La tentative d’attentat est la seule séquence d’action du film et elle ne dure qu’un petit quart d’heure. Néanmoins, elle est époustouflante et retranscrite avec maestria. Le résultat cloue le spectateur sur son siège car le confinement du wagon permet de vivre l’attaque en temps réel. La reconstitution est minutieuse, et on s’aperçoit que la neutralisation du salopard ne fut pas une mince affaire, que Spencer eut de la chance que l’arme s’enraille et que son rôle fut prépondérant pour la survie d’un voyageur. Ce passage hypertendu, magistralement filmé, avec le bruit du train en fond sonore, est évidemment le clou du long métrage. C’est le moment où on reconnaît la patte eastwoodienne qui a fait cruellement défaut jusqu’alors. Le film aurait d’ailleurs dû se conclure dans le train. Au lieu de cela, Eastwood propose de montrer la remise de La priorité d’Eastwood est de mettre en lumière le patriotisme américain qui lui est cher, car le cinéaste est un patriote avec des convictions, et c’est certain qu’en France, cela peut surprendre et choquer – patriote étant déjà une grossièreté pour les écervelés. Le film montre aussi que la lutte contre le terrorisme est la responsabilité de chacun, sans pour cela qu’il y ait besoin de super héros ; il n'y a que des gens ordinaires capables de faire face à des circonstances exceptionnelles. Le réalisateur aborde également d’autres thèmes de prédilection de sa riche filmographie, comme trois amis d’enfance (Mystic River), des héros malgré eux (Mémoires de nos pères, American Sniper, Sully). Néanmoins, tous ces films sont évidemment mieux réussis que ce train pour Paris très quelconque. Le problème du 15h 17 pour Paris est qu’il n’y a pas grand-chose à raconter pour tenir la distance d’un long métrage (c’est pourtant l’œuvre la plus courte du cinéaste), et le film présente seulement l’intérêt de voir évoluer les véritables héros de cet acte antiterroriste, une sorte d’hommage avec une excellente séquence de reconstitution. Eastwood se sert de l’évènement pour transmettre ses valeurs sur l’amitié, l’héroïsme et le patriotisme des trois compères, ce qui, couplé avec leur ferveur catholique, a d’ailleurs excité quelques critiques laïcardes. Pourtant, l’institut catho et toutes ses bondieuseries ne sont pas dépeints sous un jour sympathique. Il n’y a pas de stars, ni d’effets spéciaux, dans cette aventure, basée sur des flashbacks, qui ne révolutionnera pas l’histoire du cinéma, mais le message du cinéaste est de démontrer qu’il n’y a pas de profil type de héros et de sauveur, que chacun d’entre nous est responsable de son propre destin, « everyone can be a hero ». Ce petit film, pas complètement raté mais loin d’être une réussite, ne fait pas partie des grandes réalisations eastwodiennes. Plus intéressant que la plupart des sorties actuelles, il reste cependant décevant au vu de la carrière du réalisateur, aux antipodes du superbe American Sniper, son plus grand succès. Il nous doit incontestablement une revanche. Le 15h 17 pour Paris est sorti en France avant les Etats-Unis, ce qui est unique dans les réalisations eastwoodiennes, même si certaines œuvres furent présentées à Cannes avant, bien entendu, leurs sorties américaines. C’est une des raisons pour lesquelles le film ne fut pas présenté à la presse, un ‘embargo critique’ imposé par Warner, ce qui déclencha quelques réflexions acerbes et papiers incendiaires de journalistes irrités. N’oublions pas non plus l’accueil insensé et pathétique que réservèrent quelques critiques français et personnalités politiques à la sortie d’American Sniper. Cela a dû refroidir Warner Bros et Eastwood de présenter le film à la presse française avant la sortie américaine. Après tout, certains échos ne leur donnent pas tort. Ainsi, Le Monde critique Eastwood qui ne se préoccupe pas de ce qui peut pousser un musulman à agir de la sorte, regrettant que le terroriste ne reste qu’une silhouette mortifère. C’est justement une des forces du long métrage, de ne pas donner d’importance au terroriste. Ce n’est pas la première fois que Le Monde ne comprend pas la stratégie eastwoodienne ; le chroniqueur du journal avait interprété la longue séquence de la pendaison dans L’échange comme un plaidoyer contre la peine de mort. De plus, l’avocate du terroriste, qui se plaint de ne pas avoir été consultée pour le projet ( !), voulait demander la suspension du film… car ‘la présomption d'innocence de son client est bafouée’ ! Ben voyons, pourquoi ne pas lui accorder une permission pour qu’il joue son propre rôle pendant qu’on y est ? Les médias nous imposent les trognes immondes des terroristes à chaque moment de l’enquête ou du procès au lieu de rendre hommage aux victimes en illustrant leurs reportages de leurs photos. Eastwood choisit donc d’ignorer et de gommer au maximum le terroriste islamiste, et c’est tout à son honneur, car il n’y a rien à expliquer comme le regrette Le Monde, et surtout pas à donner un semblant de crédibilité et d’humanité à l’ignominie. Seuls les héros et les victimes ont de l’importance dans de tels actes. Ainsi, au début du film, on voit, en gros plan, les chaussures, le jean et le sac à dos d’un homme marchant dans une gare, et on devine qu’il s’agit du terroriste sans voir le visage ; il ne prononce aucune parole de tout le long métrage. Comme on l’espère de sa part, Eastwood privilégie une approche responsable, sans aucune complaisance bien-pensante, comparé, par exemple, au début de Vol 93, film controversé de Paul Greengrass, dont les premières images donnent envie de sortir de la salle. Eastwood gère très bien cet aspect et s’attache dans son film aux personnes qui ont de l’intérêt, ce qui est réconfortant après In the Fade, l’hallucinante daube germano-turque pour bobos sur le terrorisme sortie récemment. Fort heureusement, Eastwood ne clôturera pas sa filmographie avec The 15 :17 to Paris. A la question d’une journaliste américaine sur sa retraite, Clint répliqua malicieusement : « Why should I retire when I'm just getting near the top ? » [Pourquoi devrais-je prendre ma retraite alors que je suis en train d’atteindre le sommet ?]. Il avait d’ailleurs répondu il y a quelques années : « Tout le monde se demande pourquoi je continue à travailler à ce stade. Je continue à travailler parce qu'il y a toujours de nouvelles histoires. ... Et aussi longtemps que les gens veulent que je leur dise, je serai là à les faire. ». Malgré ce dernier film moyen, je ne pense pas qu’il faille attendre que l’inéluctable se produise pour qualifier Mr Eastwood de plus grand monsieur de l'Histoire du cinéma. Vu qu’il a déclaré qu’il serait génial qu’il puisse faire des films à 105 ans, il n’y a pas de raison qu’il s’arrête. Le prochain projet, The Mule, décidé avant la sortie du 15h 17 pour Paris, fera l’évènement, car Clint sera réalisateur et acteur, une double casquette, ce qui ne s’était pas produit depuis Gran Torino il y a dix ans, alors qu’on ne l’a plus vu acteur depuis Une nouvelle chance en 2012. La saga Eastwood est encore bien vivace et il serait dommage qu’elle s’arrête sur un film en demi-teinte… Anecdotes :
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La Mule (2018) Résumé : À plus de 80 ans, un horticulteur, ancien combattant de la Guerre de Corée, est dans une passe difficile. Endetté et menacé de saisie, il accepte de devenir une mule – un livreur de drogue – et sillonne plusieurs états à bord de son pickup pour le compte d’un cartel mexicain. Bien rémunéré, il tente de renouer avec sa famille, qu’il a délaissée, mais le temps presse car un agent de la DEA est sur sa piste.. Critique : Il y a six ans, la dernière image d’Une nouvelle chance, une histoire dramatique sans prétention mais attachante sur fond de vieillesse et de bluette, nous montrait Clint Eastwood s’éloignant tel ‘a lonesome cowboy’ avec un cigare à Earl Stone est un horticulteur exceptionnel, bougon et solitaire, qui a toujours délaissé sa famille pour ses fleurs, sa véritable passion. Sa fille ne lui parle plus, son ex-femme l’ignore et, seule, sa petite-fille a encore de l’estime pour lui. Il n’assiste pas au mariage de sa fille, car il préfère recevoir un prix floral pour ses créations. Dès les premières images rétrospectives du film, à travers ce conflit familial, on se doute qu’Eastwood évoque son propre vécu. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que son personnage a des relations difficiles avec sa fille, qu’il a délaissée, que cela soit dans Les pleins pouvoirs (excellente Laura Linney), Million Dollar Baby (où Maggie, la boxeuse, devient sa fille de substitution) et Une nouvelle chance (interprétée par la ravissante Amy Adams). Pour donner plus de poids, c’est Alison, sa propre fille, qui joue Iris dans ce film et fait côtoyer fiction et réalité. Qu’il ait négligé sa famille pour sa carrière, Eastwood le conçoit et il se juge coupable à travers la réplique de Stone : “I thought it was more important to be somebody out there”. Joyeux drille et baratineur, Earl doit faire face à la faillite de sa petite entreprise ainsi qu’à une possible saisie de sa maison, et il se retrouve seul, livré à lui-même pour subvenir à ses besoins. Il blâme les nouvelles technologies, dont Internet, qui lui ont fait concurrence, comme Gus le faisait pour le recrutement de joueurs de base-ball (Une nouvelle chance), mais il devra finalement s’y habituer lorsque les trafiquants exigeront de lui qu’il sache se servir d’un téléphone portable. Il accepte en effet de conduire, lui qui a un casier vierge sans même une verbalisation pour excès de vitesse, de simplement faire le chauffeur, sans savoir ce que son pickup transporte, d’un état à un autre, du moment qu’il trouve dans la boîte à gants une enveloppe bien garnie. Sans vouloir le savoir, il s’est engagé à être passeur de drogue pour un cartel mexicain. Cela lui permet de faire illusion, d’épancher ses regrets et de racheter son passé avant qu’il ne soit trop tard, telle une forme de pardon. A chaque course (il y en aura douze), Stone aide son prochain – sa petite-fille, mais aussi la reconstruction du bar de vétérans détruit par un incendie -, et impressionne par son efficacité les passeurs mexicains qui l’ont surnommé ‘El Tata’ (le grand-père). Il devient le meilleur passeur de l’organisation de Laton (Andy Garcia) et il est touché par cette reconnaissance de toute part qui le fuyait jusqu’alors. Eastwood est égal à lui-même, superbe et crédible, avec ce thème récurrent de la vieillesse qu’il peaufine depuis Impitoyable, mais cette fois-ci, c’est le ton léger, ironique et parfois comique qui est employé. Eastwood / Stone est un bon vivant malicieux, qui profite du temps qui lui reste, en obligeant par exemple ses anges gardiens à faire un détour pour déguster le meilleur hamburger de la région. Des noix de Pécan, de la musique jazz et un bon sandwich satisfont le vieil homme. Eastwood chantonne du Dean Martin en conduisant, accepte volontiers, dans la scène comique du film, les deux jeunes femmes que lui propose pour services rendus le mafieux Laton. Bien que tout soit suggéré, on n’avait pas vu l’acteur au lit en galante compagnie depuis Créance de sang, mais Eastwood se permet tout, comme s’il voulait laisser à travers ce personnage une trace testamentaire indélébile auprès de son public. Le temps qui passe, qu’on ne peut pas rattraper, est un des grands thèmes du film, illustré par la première rencontre au bar d’Earl avec l’agent Colin Bates (Bradley Cooper), qui vient de manquer son anniversaire de mariage. Earl lui prodigue des conseils précisant que : ‘Women like that shit’ (faussement sous-titré par : ‘Les femmes aiment ça’). Il faut toujours privilégier Le côté bon enfant du film peut rapidement laisser place à du suspense voire du tragique, comme cette scène étonnante d’arrestation en bordure d’autoroute qui démontre en quelques secondes la problématique des bavures policières (aux États-Unis) et la terreur que cela peut engendrer (‘the five most dangerous minutes of my life’). Dans le même registre, le ball-trap et la sinistre balade en forêt sont des passages plus inquiétants qu’hilarants. Le film fait côtoyer magistralement l’humour, le suspense, l’émotion et des dialogues politiquement incorrects, sur lesquels je vais revenir. Le retour impromptu d’Earl au chevet de son ex-femme en phase terminale est le passage chargé d’émotion, et il constitue une des grandes scènes du film par sa justesse et sa sobriété. À partir d’une histoire véridique, l’acteur-réalisateur-producteur personnifie Earl Stone à sa guise, car le personnage est taillé sur mesure et fait immanquablement penser à Walt Kowalski, également vétéran de la Guerre de Corée, qui voit son Amérique irrémédiablement changer dans Gran Torino. Les similitudes entre les personnages ne sont pas si étonnantes lorsqu’on sait que Nick Schenk a peaufiné les deux scénarios pour Eastwood. The Mule est également le premier film depuis Gran Torino pour lequel Eastwood apparaît devant et derrière la caméra. Peut-être pour la dernière fois, car Clint nous fait un one-man-show fabuleux et, contrairement aux derniers biopics de sa filmographie, le personnage est surtout un prétexte pour se livrer sans filtre. ‘Le politiquement correct nous tue’ avait-il déclaré au Festival de Cannes 2017 lors d’une master-class, et le film est l’occasion rêvée de l’égratigner et de faire un doigt d’honneur à la bien-pensance. Clint Eastwood est superbe, un spectacle grandiose d’autodérision où les habitués du Maître repéreront aussi des allusions à d’autres films. Que cela soit le ‘Marvelous’ de L’inspecteur ne renonce jamais que Stone grommelle, ou la bande de motardes lesbos qui rappelle les cinglés des deux films avec Clyde l’orang-outang. Le ‘’You’re welcome, dykes” est une réplique très politiquement incorrecte dans le monde aseptisé actuel, que seul Eastwood peut se permettre. Tout comme le passage où il aide une famille noire à changer une roue en les qualifiant tout naturellement de ‘Negroes’. Et que dire du qualificatif de l’agent Bates qui convainc un trafiquant à devenir une balance, car tout l’attirail efféminé trouvé chez lui le transformerait en ‘bitch material’ en prison. Ce langage direct et viril, Eastwood le revendique sans qu’il y ait du mal à penser ; on le retrouve dans la plupart de ses films, et il démontre dans The Mule qu’il continue à le pratiquer sans se soucier des formatages puérils de la société actuelle. Ce franc-parler dans un film contemporain est jubilatoire et rafraichissant. La distribution est impeccable : Bradley Cooper est le parfait agent de C’est une immense joie de retrouver Clint devant la caméra dans ce rôle splendide d’un homme de 88 ans à l’œil vif et malicieux avec toujours le charisme et la classe. Cela peut être son dernier film, en tant qu’acteur, car j’espère qu’il y en aura d’autres comme réalisateur, mais si Earl Stone devait être son dernier personnage, The Mule restera une excellente conclusion, car Eastwood y expose une sorte de mea-culpa pour sa vie familiale, telle une confession, mais aussi une volonté de ne pas se laisser bouffer par les idées formatées contemporaines et de revendiquer le droit de résister, de garder sa liberté, une sorte de doigt d’honneur éternel aux moralistes et pisse-froid de toutes sortes qui nous bouffent le cerveau. Le vieux Clint s'est fait plaisir en assumant ce que le politiquement correct réducteur taxe de ‘dérapages’, pour notre plus grand plaisir. Anecdotes :
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Le Cas Richard Jewell (2019) Résumé : Membre de l’équipe de sécurité des Jeux olympiques d’Atlanta, Richard Jewell est le premier à découvrir un sac contenant une bombe lors d’un concert. Il va passer du statut de héros à celui de suspect principal en l’espace de quelques jours. Critique : À 89 ans, l’infatigable Clint passe de nouveau derrière la caméra pour porter à l’écran une nouvelle histoire de héros américain. Ce genre de biopic présente le risque d’un déroulement fastidieux, mais le savoir-faire d’Eastwood est généralement gage de qualité. Si American Sniper et La mule demeurent un cran au-dessus, Le cas Richard Jewell (pourquoi ne pas avoir gardé le titre original ?) est bien plus convaincant que Le train de 15h 17 pour Paris et même Sully, avec lequel Richard Jewell a beaucoup de points communs. L’histoire conte l’existence d’un brave homme qui voue une admiration obsessionnelle pour les forces de l’ordre qu’il n’a pu intégrer. Le film présente d’ailleurs Jewell lors de ses jobs antérieurs, où son application et son zèle sont soulignés, particulièrement sur un campus d’où il est viré pour avoir essayé de mettre quelques étudiants au pas. Il se retrouve finalement agent de sécurité lors des Jeux olympiques d’été d’Atlanta de 1996, et il n’est pas anodin qu’il soit la première personne à repérer le sac suspect et qu’il participe ensuite activement à la sécurisation de la zone. Son dévouement empêche un bilan bien plus grave (un mort, une centaine de blessés) car la bombe explose en plein concert. L’existence de l’apprenti policier s’est en fait retrouvée bouleversée à cause d’une monstrueuse diarrhée ; c’est en effet en courant jusqu’aux toilettes qu’il repéra le sac sous un banc. La maison, dans laquelle il vit avec sa mère, est alors cernée par les journalistes et il fait la une de tous les médias. Le modeste agent de sécurité devient un héros national et accapare toutes les attentions, alors qu’il n’a, à ses yeux, accompli que son devoir tout en se sentant extrêmement fier. Ce statut ne dure que quelques jours, et le rêve vire au cauchemar lorsque l’article de Kathy Scruggs dans le journal local révèle que le FBI suspecte Richard Jewell d’être le poseur de bombe. La police avait commencé à s’intéresser à Jewell suite aux dires du directeur du campus qu’il leur apprend que Jewell a toujours voulu être un héros ; rien de mieux que de provoquer la terreur pour se comporter en héros pour le FBI, surtout que Jewell, en tant que mâle blanc, officier de police "en herbe", correspond au profil des auteurs de crimes similaires… L’adulation de la population envers l’agent de sécurité se transforme en haine au désespoir de sa mère, Barbara « Bobi » Jewell, et de l’avocat Watson Bryant, que Jewell connut dix ans plus tôt. L’agent de sécurité, la mère, l’avocat, le flic et la journaliste…ces cinq personnages, superbement interprétés, constituent la force du film, car l’intrigue est connue de beaucoup, surtout aux Etats-Unis, et le suspense, peu présent, fait place à une étude approfondie des protagonistes, et aux terribles conséquences des rouages médiatiques et juridiques. Cependant, la séquence intense du film, la déflagration de la bombe, surprend par sa soudaineté, et sa force ; un de ces passages qu’Eastwood sait parfaitement retranscrire, à l’instar de l’attaque du Thalys (Le 15h17 pour Paris) ou l’amerrissage de l’Airbus A320 (Sully). Eastwood tenait à recréer l’atmosphère de la fin des années 90, et tout téléphone portable fut prohibé sur le tournage, au Parc du Centenaire, lieu des évènements de l’époque, où furent filmés le concert et l’attentat. Dans ce passage un peu long, on entend des tubes inoubliables : The Gambler de Kenny Rogers, que la mère de Richard Jewell avait demandé à Eastwood d’inclure dans le film, et la fameuse Macarena, qui fait ressurgir de beaux souvenirs. Contrairement à Chris Kyle (American Sniper) et Chesley Sullenberger (Sully), Richard Jewell ne provoque pas une adhésion unanime chez le spectateur. Il a un comportement étrange, un physique ingrat, et rien ne le prédestine à accomplir une tâche qui va sortir de l’ordinaire. C’est la force d’un réalisateur comme Eastwood de dessiner des personnages banals et de les transformer en héros pas évidents. D’un individu bourru et obsessionnel, Jewell devient un bon gros gars candide et malicieux pour lequel le spectateur s’attache et prend parti sans équivoque. Depuis quelques années, Clint Eastwood n’a jamais caché son admiration pour les héros, ces figures emblématiques d’une Amérique conquérante qui privilégie les destins individuels. Afin de rétablir l’honneur de ses héros, le réalisateur égratigne au passage les institutions, comme il l’avait fait dans Sully, en critiquant sans vergogne le FBI et ses méthodes ambiguës employées pour piéger le suspect, et la presse coupable de rendre public des informations obtenues illicitement. Lorsque le FBI calcule la distance entre la cabine téléphonique et le site de la bombe et conclut qu'il est impossible à quelqu'un d’avoir téléphoné et de découvrir la bombe au moment où elle a été trouvée, ils changent leur théorie de l’attentat, y incluant un complice homosexuel…. La distribution est impeccable : Paul Walter Hauser est physiquement Richard Jewell, la ressemblance est époustouflante. D’ailleurs, l’interview télévisée constituée d’images d’archives montrant le véritable Jewell avec la voix d’Hauser laisse pantois. Pour se préparer au rôle, l’acteur s’est investi, il a pris une quinzaine de kilos et il a tenu à rencontrer la mère de Richard Jewell ainsi que son avocat. Je ne connaissais pas l’acteur avant ce film, mais son jeu est splendide et dépeint parfaitement Jewell, vieux garçon plutôt naïf, qui ne perçoit pas le piège qui se referme progressivement sur lui alors qu’il ne pense qu’à aider les enquêteurs qu’il a toujours vénérés. Sam Rockwell joue l’avocat qui va lui ouvrir les yeux sur ce monde de fous (« I'm sorry the world has gone insane »), celui qu’il a surnommé Radar (une référence à Mash) dix ans auparavant lorsqu’il était le seul attorney à avoir un peu de compassion pour lui ; l’acteur a débuté avec la série Equalizer dans les années 80 et il est un redoutable escroc dans Les associés de Ridley Scott. Pour les rôles féminins, Kathy Bates, restée gravée en mémoire pour Misery, une prestation pour laquelle elle gagna un Oscar, est convaincante et attachante. Je l’ai à peine reconnue car perdue de vue depuis ce face-à-face avec James Caan. Ce rôle de ‘Bobi’ Jewell lui valut une autre nomination (quatre dans sa carrière) aux Oscars 2020 amplement méritée ; la déclaration à la presse pour clamer l’innocence de son fils est une grande scène du film. Mention spéciale à Olivia Wilde, qui est Kathy Scruggs la superbe journaliste garce et sexy au langage de charretier. Le véritable nom de cette ravissante actrice américano-irlandaise est Cockburn ; je vous laisse traduire, et on comprend pourquoi elle changea en Wilde, non pas pour Danny mais pour Oscar, car elle a une grande admiration pour ce poète irlandais. Dès le lendemain de la sortie américaine, le journal, où travaillait Kathy (dépressive, elle décéda d’une overdose en 2001), critiqua le film car il ne laissait pas planer de doute en montrant la journaliste échanger des faveurs sexuelles avec un agent du FBI contre des informations, alors qu'en réalité il n'y a aucune preuve qu'elle l'a fait. Olivia Wilde est très convaincante bien que sa repentance et sa petite larme à l’œil fait un peu mélo. Les meilleurs passages du film sont la déflagration et la conférence de presse de la mère déjà citées plus haut, mais également la séquence où les enquêteurs font répéter à plusieurs reprises la phrase revendicatrice du criminel : « There’s a bomb in Centennial Park. You have thirty minutes. », et évidemment, la scène finale, où Tom Shaw, le policier, accuse Jewell d’être le poseur de bombe et l’ex-agent de sécurité déclame un magistral plaidoyer puis quitte les lieux après avoir déclaré aux forces de l’ordre que le coupable est toujours en liberté. Cette dernière scène renvoie à l’ultime séquence de Sully, où les deux pilotes sortaient aussi la tête haute à l’issue de leur ultime confrontation avec les autorités. 88 jours de procédure contre Richard Jewell qu’Eastwood s’applique à rendre intéressants, et le long-métrage se conclut sur le policier borné qui considère toujours le héros du Parc du Centenaire comme le coupable, bien que le FBI ait arrêté l’enquête. Il faudra six ans pour attraper le véritable poseur de bombe, et Clint rétablit l’honneur bafoué d’un homme, qui décéda d’un arrêt cardiaque à l’âge de 44 ans, pour avoir empêché un carnage. Eastwood réalise un film prenant, avec son savoir-faire de conteur légendaire, et retrace le parcours de ce héros atypique avec maestria, et on espère que le dernier grand Maitre du septième art, en éternel justicier de l’Amérique, nous prouvera encore à l’avenir que le mythe américain n’est pas mort. Anecdotes :
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Cry Macho (2021) Résumé : Au début des années 80, Mike Milo, une vedette de rodéo à la retraite, est contacté par son ancien patron pour aller chercher au Mexique son fils qui vit avec sa mère aux mœurs dissolues. Critique : Indépendamment de ma volonté, je n’ai pas vu le dernier Eastwood à sa sortie, en novembre 2021. J’ai lu depuis des torrents de critiques négatives, et je m’attendais par conséquent au pire. Que nenni, Cry Macho n’est, certes, pas dans mon top 10 des 64 longs métrages du cinéaste, mais c’est un très bon film qui fait continuité dans l’œuvre eastwoodienne. Évidemment, ceux et celles qui en sont restés aux années 70 n’ont pas suivi et compris l’évolution que nous dépeint Clint depuis quelques décennies. Pour les autres, les références à diverses œuvres plus ou moins récentes sont indéniables : La Mule, Sur la route de Madison, Gran Torino et Million Dollar Baby pour ne citer que les plus évidentes. Dès les premières images, le vieux camion Chevrolet, la musique country sur un coucher de soleil de carte postale nous renvoie immédiatement à La Mule par exemple. Après avoir été viré de son job de dresseur de chevaux, Mike Milo s’apprête à finir ses jours au milieu de trophées et d’articles de journaux d’une autre époque. L’image d’Eastwood/ Milo dans son rocking-chair face au soleil couchant pourrait d’ailleurs être testamentaire. Un an plus tard, il accepte d’aider son ancien patron, car il estime qu’il a une dette envers lui…Un demi-siècle après ses débuts de réalisateur avec Un Frisson dans la nuit, Eastwood présente une balade mexicaine émouvante. Certes, l’intrigue est réduite à une peau de chagrin, car le scénario ne s’appuie pas sur la recherche du gamin, adepte de combats de coqs et très vite retrouvé, mais sur la relation entre plusieurs générations, sur différents thèmes abordés antérieurement par l’auteur comme la vieillesse, la confiance, la transmission de valeurs ; le film va à contre-courant de la tendance actuelle, des blockbusters truffés d’effets spéciaux à l’action interrompue. Cry Macho représente le contraste absolu, par son côté road-movie qui prend son temps. Si Clint n'était pas dans ce film, personne ne parlerait de Cry Macho. Les scénarios simplissimes sont parfois les meilleurs, quand la pellicule s’attarde sur les acteurs, leurs défauts, leurs faiblesses... Eastwood ne s'apitoie pas sur la vieillesse, il accepte de tourner à pas lents, avec le dos vouté, et une démarche mal assurée. Je revois ainsi mon père il y a deux ans, avant son départ… Eastwood enfile de nouveau son chapeau de cow-boy légendaire pour accomplir des exploits qui ne sont pas de l’âge du commun des mortels. À l’allure fragile, et au souffle plus court, le poids des années se fait néanmoins clairement sentir sur l’acteur. Dans la scène du chien, alors qu’il est considéré comme le vétérinaire du village (ou le Docteur Dolittle), la réplique de Milo s’apparente à Eastwood himself lorsqu’il avoue qu’il ne sait pas soigner la vieillesse suggérant que l’animal a besoin de se reposer et d’être installé au pied du lit. Comme dans La Mule, Eastwood joue à merveille un vieux monsieur qui a gardé son élégance et sa vigueur, lui permettant encore de faire du cheval ou de danser. Il interprète, avec son talent habituel, la vieillesse inévitable mais assumée, qui n’est pas obligatoirement un naufrage, et pose un regard rétrospectif sur sa vie, au grand dam de certains pisse-froids qui, vu son grand âge, préféraient voir Eastwood déambuler en fauteuil roulant dans un hospice… Pour ces raisons de physique fragile, certaines scènes un peu irréalistes prêtent à sourire, mais après tout, voir Clint en vieux Gringo dormir à la belle étoile ne m’a pas dérangé plus que ça. Et puis, il file une bonne mandale à un Mexicain engagé pour récupérer le môme. Ce n’est pas un direct de Doux, dur et dingue, mais il fait mouche…Évidemment, il est doublé lorsqu’il domestique un cheval sauvage, et même si on ne le voit pas monter dessus, c’est bien l’acteur qui avance au pas sur le canasson. Il n’était pas monté à cheval depuis Impitoyable…Cette histoire agréable permet au cinéaste de revisiter tous les thèmes qui comptent pour lui, essentiellement dans la seconde partie du film plus lente. Évidemment, la séquence romantique, que certains jugent ridicule vu la différence d’âge, avec Marta, une mère de famille qui tient un bar-restaurant dans un petit village mexicain, fait penser immanquablement à Sur la route de Madison. Même si cette veuve pourrait être sa fille, là non plus, ce n’est pas si choquant car, après tout, contrairement à La Mule, Milo ne couche pas. Même pas avec Leta, la mère dissolue et provocante du petit Mexicain, en robe rouge tous atouts apparents, ou en nuisette suggestive, qui le défie : ‘Je suis partante pour tout !’. Fernanda Urrejola, une actrice chilienne, joue parfaitement la provocatrice agressive, portée sur la boisson et les hommes pour qui s’envoyer un petit vieux ne la dérangerait pas. Milo se contente d’une punch-line : « Habituellement, quand une femme rit comme ça, l’homme à la braguette ouverte ! ». Le jeune Mexicain Rafo représente, comme Thao, l’adolescent Hmong de Gran Torino, la transmission du savoir et des valeurs morales et humaines. Le cow-boy apprend à connaitre le petit voyou (au café Galo (coq en portugais), avec la téquila et le chapeau) puis lui enseigne à monter à cheval. Milo retrouve une famille dans ce village mexicain après avoir perdu sa femme et son fils lors d’un accident de voiture, ce qui l’avait fait sombrer. La séquence de l’orage dans la chapelle de la Vierge Marie est, à ce titre, très émouvante et évocatrice, avec le chapeau cachant le visage et les sentiments du vieux cow-boy dans l’obscurité. Il s’intègre à ce village perdu du désert mexicain à une famille composée de plusieurs générations, et il fonde un chez-soi déraciné comme Josey Wales avait su le faire… L’interprétation des seconds rôles est très inégale ; celle du jeune Mexicain, joué par Eduardo Minett, ne m’a pas convaincu, en comparaison avec celles du frère et de la sœur de Gran Torino (Bee Vang et surtout Ahney Her). Mais n’allons pas jusqu’à écrire, comme l’ont osé certaines critiques, que le meilleur second rôle est tenu par le coq…Ce n’est d’ailleurs pas le jeu d’acteur qui fait le plus défaut au film, mais des longueurs, comme la traduction de propos sans réelle importance, et un certain manque de dialogues percutants auxquels nous a habitués Eastwood. Il y a aussi le retour inutile du truand et l’attaque du coq, à moins de prouver que Clint sait encore tenir un flingue. Pour finir, et dans le positif, n’oublions pas les quelques pointes d’humour ; à la frontière mexicaine où Mike rêve d’être avec les trois jeunes femmes hippies, lorsqu’il découvre Rafo dans son camion et qu’il est prêt à dresser le jeune voyou (‘T’es super rapide pour un vieux’), Eastwood croquant un cactus pour calmer sa chiasse ou le cocorico du coq debout sur la table après la sieste d’après déjeuner de Milo : ’Macho, qu’est-ce que tu fous là ?, faut pas boire dans ma tasse, mon vieux’, sans oublier la tirade de jurons (en VO, dont le fameux ‘assholes’, un classique d’Eastwood) lorsque les deux policiers cherchent de la drogue dans la voiture et touchent un pot-de-vin… Parmi les grandes satisfactions du film, il est impossible de ne pas remarquer les images somptueuses, la belle photographie de ces magnifiques décors désertiques dans une mise en scène sobre à laquelle l’acteur réalisateur nous a habitués depuis des décennies. Les images d’Eastwood conduisant et les chevaux galopant à ses côtés ou l’excellent plan après le vol de voiture d’une route en contre-jour où s’éloignent de dos le vieux, le coq et le gamin sont de parfaits exemples. Le sentimental et la réflexion ont la part belle dans ce néo-western rythmé par le blues latino de Mark Mancini. Au fil de l’histoire, la vie pleine de regrets de Mike Milo est mise à jour, mais sont également abordées les questions des relations humaines, et bien évidemment du machisme comme le suggère le titre, jugé dépassé, en fait une référence au coq. Combien de stars ont pu nous proposer à 91 ans un tel film ? Comme beaucoup, je pensais qu’Une Nouvelle Chance, il y a dix ans déjà, serait le dernier rôle d’Eastwood et qu’il se contenterait de passer encore quelques fois derrière la caméra ; il y a eu ensuite l’excellente Mule, et ce Cry Macho pourrait constituer effectivement la dernière œuvre du Maitre, une sorte de testament, surtout si Warner le laisse tomber comme il en est question. Ne boudons donc pas notre plaisir, et j’applaudis à une critique lue récemment : «Un film de Clint Eastwood, c'est comme un bon vin, ça se déguste… ». Les spectateurs du cinéma nouvelle sauce (insipide) qui classent ce film au rang de navet devraient au contraire être reconnaissants de pouvoir encore voir en salles un film du dernier monument du cinéma. Cry Macho est un beau road-movie, simple et digne, un mélange d’humour, de dureté et de fragilité, nostalgique sur l’amour de la vie qui passe, un hommage au cinéma qui n’existe malheureusement pratiquement plus, au vieux cow-boy solitaire dans les grandes étendues désertiques : « I used to be a lot of things but I’m not now » [Autrefois, j’ai été plein de choses, plus maintenant]. Des deux côtés de l’Atlantique, les critiques furent mitigées. En France, nous eûmes droit à la diarrhée habituelle de Télérama, une courante qui dure depuis plus d’un demi-siècle envers le cinéaste, et d’ailleurs, c’est une page de ce canard que Rafo aurait dû tendre à Eastwood plutôt que du cactus ! Au contraire, la critique de CNews est au diapason de mon ressenti : « Cry Macho est une belle histoire de rédemption, de transmission, qui donne aussi à réfléchir sur la représentation de la virilité et le temps qui passe. Ce n’est pas son film le plus abouti, mais il n’en demeure pas moins tendre et précieux ». Et tant pis pour ceux qui n’ont rien compris ! Si Cry Macho devait être le dernier Eastwood, il clôturerait en beauté l’inégalable filmographie d’un cinéaste qui de toute manière n’a plus rien à prouver depuis très longtemps. Anecdotes :
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