Le fascinant capitaine Clegg (1962) Résumé : Sur la côte anglaise, face à la France, en 1792, le pasteur Blyss guide spirituellement sa communauté le jour et une bande de contrebandiers la nuit ; laquelle terrorise la contrée sous l’apparence de cavaliers fantômes. Averti qu’une cargaison d’alcool est sur le point de quitter la ville, le capitaine Collier investit celle-ci. Critique : Après la réussite du précédent film d’aventures, L’attaque du San Cristobal, James Carreras, tout à sa louable volonté de diversifier commercialement sa firme, accueille favorablement la proposition du producteur John Temple-Smith de faire un remake d’un film de 1937 qui adaptait une série de romans de Russel Thorndike, Docteur Syn- Un conte de Romney Marsh. C’est lui qui apporta son réalisateur, Peter Graham Scott, alors que Peter Cushing, pressenti tout de suite pour le rôle de Blyss, caressait l’idée de passer à la réalisation. Passionné par les romans, il avait d’ailleurs écrit son propre scénario qu’il soumit à Anthony Hinds. Il peignit en même temps une série d’aquarelles détaillées pour illustrer la façon dont son personnage serait habillé. La production faillit échouer quand il s’avéra que les héritiers Thorndike avaient revendu l’intégralité des droits à Disney. Habilement, James Carreras parvint à négocier avec la firme de Burbanks : son film se focaliserait sur le passé du héros qui ne s’appellerait plus Syn mais Blyss. Le film fut finalement intitulé Captain Clegg en Angleterre et Night Creatures aux États-Unis. Bien qu’il parle de pirates, le film relève davantage du genre policier puisqu’il met en scène dans une quasi unité de temps (24H), de lieu et d’action, les tentatives de « gendarmes » (les marins de la Royal Navy) et les « voleurs » (les contrebandiers). Le ton est tout de même sérieux. Nicolas Stanszyk analyse le film comme un « mini Contrebandiers de Moonfleet ». Quant à Peter Cushing, il affirmera que le capitaine Clegg « [est] mon genre de boucanier. » Mais, si James Carreras souhaitait une diversification des genres, Anthony Hinds (qui signe le scénario de son habituel pseudonyme de John Elder) était, lui, un réel passionné du genre fantastique. C’est à lui que l’on doit l’adjonction des cavaliers fantômes et d’une atmosphère qui rattache le film à la « tradition Hammer ». L’essentiel du contexte est présenté par un bandeau déroulant illustré par une cavalcade des fantômes et l’on passe tout de suite à une scène d’église. Manière de montrer la dichotomie entre le Bien et le Mal ? La présence d’entrée de jeu de Peter Cushing, en pasteur, et de ce second rôle de grande qualité qu’est Michael Rippert, en chef de chœur, dans un de ses rôles les plus développé et dans lequel il est plus que parfait, qui, tous deux, sont très doués dans l’ambiguïté affirme que ce n’est pas si simple. D’autant que les soldats, venus faire respecter la loi, nous sont d’abord présentés comme s’ils étaient des pirates avant que nous comprenions que ce sont des soldats ! Le spectateur est ainsi placé devant ses contradictions : les contrebandiers paraissent être les « gentils » de l’histoire mais ce sont des bandits alors que les serviteurs de la loi ont des manières des plus rudes. Le film bénéficie d’un casting des plus convaincants. Patrick Allen donne une grande présence au capitaine Collier, montre sa détermination mais sait aussi lui donner de l’allure et des manières. Collier n’est nullement ridiculisé. Martin Benson est le plus traditionnel « élément faible », celui dont on se doute qu’il peut faire échouer un plan mais l’acteur en montre bien plus que cela et ce n’est pas ses doutes ou ses craintes qui causeront sa perte que le passé de Blyss qui revient tout à coup. On aura un sourire concernant le couple Oliver Reed-Yvonne Romain qui venait de tourner l’année précédente dans La Nuit du loup-garou ; film dans lequel Yvonne Romain joue la mère d’Oliver Reed alors qu’ici, elle est son amante ! La relation amoureuse entre les deux personnages, d’abord anecdotique, va, en fait, s’avérer une mèche lente et jouer un rôle des plus importants dans la résolution de l’intrigue. Anecdotes :
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Le baiser du vampire (1963) Résumé : Deux jeunes mariés, Gerald et Marianne, tombent en panne d’essence dans un village d’Europe centrale. Ils sont invités dans le château du docteur Ravna à un bal masqué pendant lequel Marianne est initiée au vampirisme. Le professeur Zimmer, qui connaît la démonologie, va leur venir en aide. Critique : Après le succès de ses deux premiers films de vampires (le Cauchemar de Dracula et les maîtresses de Dracula), Anthony Hinds reçut de James Carreras la commande d’un « Dracula III » qui devint Le baiser du vampire. Il inséra à son script des éléments des Maîtresses qui n’avaient pas été tourné à l’époque comme le coup de pelle dans le cercueil lors de la séquence pré-générique ou l’invocation qui terrasse les vampires. Pour ce film, la Hammer ne pouvait pas compter sur Christopher Lee, en tournage en Italie, ni sur Peter Cushing (qui voulait faire une « pause » dans le gothique) et ne compta pas sur Terence Fisher dont le Fantôme de l’Opéra l’avait déçu (surtout financièrement). Nouveau venu, Don Sharp va pourtant réaliser un grand film du genre et sera un réalisateur important pour la firme. Le critique Robin Bean lui fait même entièrement crédit de la réussite du film (Films and Filming, février 1964). Il est vrai cependant que Don Sharp va notamment réussir deux morceaux de bravoure qui compte. Le premier prend la suite de la séquence où Zimmer est mordu au poignet par la vampiresse Tania. Il cautérise sa plaie au feu et si la séquence est si réaliste, c’est parce que c’est réellement le bras de l’acteur recouvert d’une crème protectrice ! Le second prend place à la toute fin dans une séquence, non seulement d’une grande originalité, mais qui est entièrement tournée sans musique. Elle marque d’autant plus que la musique joue un grand rôle dans le film notamment quand Marianne (et le spectateur avec elle) est littéralement hypnotisée par un morceau joué au piano. Entre les deux s’insèrent la séquence du bal costumé qui inspirera à Roman Polanski son Bal des vampires. Le réalisateur franco-polonais réutilisera certains éléments des trois premiers films vampiriques de la Hammer dans son propre film qui est déjà une réflexion et un regard moderne sur le mythe. Le scénario de John Elder alias Anthony Hinds a, lui, l’originalité de présenter le vampirisme comme une secte, à la façon d’un culte démoniaque. Le discours que tient Ravna, le fait que tous les vampires (ou les disciples car on voit finalement peu de crocs) portent la même tenue (une robe de couleur blanche alors que cette couleur est traditionnellement en Occident celle de la pureté) va dans ce sens. Le mot même de « vampire » arrive à 62’32’’ sur une durée totale de 81’40’’. Noel Willman compose un vampire dans la lignée ouverte par Christopher Lee avec ce mélange de distanciation (l’acteur, très impressionnant, était, paraît-il, aussi glacial sur le plateau qu’à l’écran) et de séduction. Isobel Black est une figure particulière. Si elle apparaît relativement peu, et n’a aucune ligne de texte, cette plantureuse jeune femme, habituée des pages des magazines de charme, fut systématiquement mise en avant par la Hammer dans les affiches et les photos promotionnelles notamment la scène où elle s’apprête à mordre Edward de Souza. Sa sensualité vole la vedette à Jennifer Daniels dont la blondeur annonce qu’elle sera la victime du vampire. Elle et Edward de Souza forment un couple tout ce qu’il y a de plus « bourgeois » un peu fades. Par contre, Clifford Evans compose une figure tout à fait originale. S’il est le « sachant » indispensable à tout film de vampires, son Zimmer est très différent d’un Van Helsing par ses tourments personnels et son alcoolisme. En outre, pour vaincre son ennemi, il n’hésite pas à recourir à la magie noire ! Anecdotes :
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La momie sanglante (1972) Résumé : L’expédition du professeur Julian Fuchs a ouvert le tombeau d’une reine égyptienne dont la main coupée arborait un somptueux rubis. La momie, remarquablement conservée, est rapportée en Angleterre et la bague donnée à Margareth, la fille de Julian, dont la personnalité en est modifiée. Critique : Une variation réussie sur le thème passablement éculée de la momie et de la malédiction qui s’y attache. La Hammer se trouvait à un moment charnière dans son histoire. Largement dépendante de la distribution britannique, avec des films vendus à des distributeurs américains indépendants et donc des budgets de plus en plus restreints. Sir James Carreras tenta de vendre la Hammer. Son fils Michael rejoignit le conseil d’administration le 4 janvier 1971 comme directeur des opérations. Sir James demeura président deux ans encore mais les conflits entre eux n’allaient cesser de croître. Concernant ce film, Michael Carreras fut tout de suite confronté à des problèmes sérieux. Dès le premier jour de tournage, Peter Cushing quitta la production car sa femme Helen était en phase terminale. Il fut remplacé par Andrew Keir. Cinq semaines plus tard, Seth Holt, succomba à une crise cardiaque et Michael Carreras dut lui-même se charger de la réalisation. Si le scénario use de la ficelle de l’expédition maudite, la mécanique de mise à mort est très différente. Ce sont les archéologues eux-mêmes qui causent leur propre perte en déclenchant quasiment sciemment ladite malédiction en tenant de contrôler des forces maléfiques très puissantes. Quelque part, sans la vanité humaine, tous les drames qui ensanglantent le film n’auraient jamais eu lieu ! Saisissant rappel de la responsabilité humaine ! On est loin de la logique aveugle de la malédiction « habituelle ». S’être appuyé sur un ouvrage oublié de Bram Stocker n’est pas la moindre des bonnes idées de la Hammer. La réalisation est plutôt réussie même si, passée l’ouverture, il y a un certain manque de rythme. Seth Holt réussit ses scènes fortes comme celle, véritablement épouvantable, à l’asile de fous où la caméra elle-même paraît saisie de folie et où les hurlements et les ricanements des malades invisibles mais présents servent de « fond sonore » aux convulsions puis à l’attaque contre un des archéologues qui en sait trop et protège une des reliques essentielles au rite blasphématoire voulu par ses anciens collègues. La structure du film est habile évitant toute linéarité avec le recours réussi aux flashbacks ; le tout s’organisant autour de la scène centrale dans laquelle Julian Fuchs est agressé mystérieusement et plongé en catalepsie. Ce sont ensuite les révélations d’événements survenus lors de l’expédition faits à Margareth Fuchs, le véhicule de la malédiction mais des révélations faites par deux personnes ayant des motivations différentes et donc sujettes à caution. Débutante, Valérie Leon (prononcez « Léone »), se débrouille honorablement. Non seulement elle est sublime (et on verra clairement que l’on est à une époque de plus grande liberté des mœurs et que ce n’est pas le pudique Terence Fisher qui filme), mais elle parvient à varier son jeu et ses expressions pour suggérer soit que Margaret est elle-même soit qu’elle est sous influence de la reine égyptienne. Superbe aussi la rivalité entre ces acteurs chevronnés que sont Andrew Keir et James Villiers qui ne sont nullement les archétypes du Bien et du Mal mais des êtres plus complexes. Anecdotes :
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Les étrangleurs de Bombay (1960) Résumé : Alors que la Compagnie anglaise des Indes domine le pays, elle fait face à la disparition de certaines caravanes. De son côté, le capitaine Lewis est convaincu qu’il y a une secte sauvage derrière ces troubles. Mais la Compagnie n’y croit pas. Critique : Dans la Grande-Bretagne des années 50, qui vient de perdre le joyau de son ancien Empire (L’Inde accède à l’indépendance en 1947), les stéréotypes raciaux demeuraient assez forts. Néanmoins, la Hammer donne du colonisateur un portrait fort peu flatteur entre les marchands de la Compagnie qui ne songent qu’à leurs profils ou ce capitaine anglais à l’esprit étroit qui aime les évidences et méprise les autochtones. Lewis est bien plus ouvert. C’est pour aider son domestique dont le frère a disparu qu’il va se lancer sur la piste des étrangleurs et c’est parce qu’il écoute et respecte les indigènes qu’il réussit. Inspiré d’un récit authentique sur le culte meurtrier de Kali dans l’Inde des années 1820, le film prend un parti documentariste en étant tourné en noir et blanc. Mais le script cède à la pression d’orienter le sujet vers le genre horrifique. Dès la scène d’ouverture, très forte et qui fait froid dans le dos, on entre en effet dans un film indéniablement violent. Des bandits punis par les étrangleurs sont torturés, hors champ sans doute mais le résultat (des yeux brûlés) est montré. Une main coupée est jetée sur la table de Lewis. Un charnier est fouillé. Un condamné se pend lui-même etc. Le résultat fut l’interdiction aux moins de 15 ans. Le critique de l’Evening News, Lympson Harman, s’étonna même que le film n’ait pas été classé X. Le film fut entièrement tourné en Angleterre mais les extérieurs font penser à l’Espagne. La couleur locale tient aussi en l’utilisation d’animaux exotiques réels comme un tigre (!), un cobra et une mangouste. Cette dernière joue même un rôle capital. Sa présence et son combat contre le reptile sont un écho indéniable à l’œuvre de Rudyard Kipling, grand défenseur de l’Empire britannique devant l’Éternel, notamment dans « Rikki-Tivi-Tavi » (une des nouvelles de Le Livre de la jungle). Par contre, le scénario pèche par plusieurs raccourcis bien trop aisés. Lewis échappe trop facilement à une tentative de meurtre. Alors que la secte est présentée comme une menace sourde et puissante (décors du temple frappant, enseignement des initiés sur les moyens à employer pour tromper et tuer les Anglais) avec des membres infiltrés dans les rangs anglais, Lewis en triomphe avec une déconcertante facilité. Le final est également bien trop expéditif pour être vraiment crédible. Anecdotes :
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