Le spectre du chat (1961) Résumé : Une vieille châtelaine est assassinée par son mari avec la complicité de ses domestiques. Témoin du crime, la chatte Tabatha semble désormais poursuivre les criminels pour venger sa maîtresse. Critique : Un Hammer inhabituel ne serait-ce que parce que le nom de la firme n’apparaît pas au générique quand tout nous renvoie à elle ! Ensuite, le thème n’est pas courant et, sans être original, est traité avec réussite. Très court (1H15), le film sait pourtant parfaitement installer son atmosphère et la faire vivre avec une redoutable efficacité. Pourquoi la Hammer n’apparaît-elle pas au générique ? Le film n’est d’ailleurs pas toujours référencé comme une production Hammer. Ainsi Marcus Hearn l’ignore dans son pourtant très complet L’Antre de la Hammer. A la base, il y a la propriété des studios de Bray où la Hammer tourne ses films. Or, 49% des studios appartiennent à la Columbia qui distribue les films et qui trouve alors que la Hammer en produit trop pour Universal. James Carreras, propriétaire de la Hammer, va jouer sur le fait que le projet du Spectre du chat lui a été apporté de l’extérieur, par le scénariste et producteur George Baxt et sa société BHP. Officiellement, ce n’est donc pas une production Hammer…sauf le casting et l’équipe technique ! Le thème ne brille pas par son originalité puisque des « chats noirs », le cinéma fantastique et d’épouvante en compte des tombereaux ! On est ici explicitement dans l’héritage littéraire d’Edgar Allan Poe : « Le Corbeau » est cité en ouverture et l’étage qui se détruit semble inspiré par La Chute de la maison Usher ; tout comme le fait qu’André Morell passe une grande partie de son temps alité à l’image de Roderick Usher. Là où la Hammer s’en écarte, elle qui est davantage coutumière du fantastique anglais, c’est dans le traitement. A la base, le chat n’apparaissait pas dans le projet de George Baxt d’où le titre ! Il était comme la projection de la culpabilité des personnages ; une incarnation. Mais John Gilling n’était pas à l’aise avec cette idée et il imposa de filmer un vrai chat à la manière d’un vrai monstre. Ce qu’il réussit plutôt bien avec cette brillante trouvaille de filmer avec une lentille déformante comme si on voyait la scène à travers les yeux du chat. Le chat, une chatte en fait appelée « Tabatha », va être, à défaut d’une projection de l’imaginaire, une vivante représentation de la culpabilité puisque, des plans un peu longs sur l’animal, vont donner une sensation de surveillance. D’emblée, les assassins veulent éliminer la chatte parce que celle-ci « sait ». Ce n’est plus un simple félin et d’ailleurs les adjectifs pour qualifier la pauvre bête sont éloquents : « méchante », « diabolique », « infernale » ; c’est un « horrible monstre » etc. Une scène où le domestique Andrew tente de tuer Tabatha résume la relation qui s’est instaurée entre eux et elle : on y lit de la peur, de la colère, de la haine. Tout cela débouche sur des accès de violence comme un triste exutoire. Et surtout un exutoire vain car il ne peut y avoir qu’une seule fin : c’est elle ou eux ! D’où une terreur de plus en plus présente à mesure que le temps passe, que l’animal semble quitter le monde réel pour devenir un être fabuleux. Une situation délirante qui décontenance d’abord avant d’effrayer la nièce de la victime venue soigner son oncle et qui ne comprend pas pourquoi des adultes craignent autant un simple chat ! Le casting est au diapason pour donner corps à la terreur pure. André Morell, loin de son bon Watson du Chien des Baskerville, est ici Walter, le mari de la victime et le chef de la conspiration. Oncle aimant et bienveillant envers sa nièce Élisabeth, il est en fait un homme rongé par l’envie mais au cœur fragile. C’est lui qui cherche à garder la tête froide pour que la peur ne renverse pas ses plans mais difficile d’échapper à ce sentiment. La colère et la haine qu’éprouve Walter envers Tabatha sont de puissants carburants pour l’épouvante quand l’irrationnel paraît survenir. Freda Jackson, dans le rôle de Clara, est impeccable dans son interprétation d’une domestique qui ne parvient pas à garder la tête hors de l’eau face à la peur qui monte. Dans une scène courte mais intense, elle fait une véritable crise de terreur furieuse lançant un couteau pour tuer le chat (mais est-il là ?), manquant de toucher Élisabeth qui entrait à ce moment-là ! Sursaut garanti ! Pour le rôle d’Élisabeth, la Hammer a choisi une de ses meilleures actrices, sinon la meilleure : Barbara Shelley. Encore débutante, elle incarne déjà avec brio le charme et la distinction de la Britannique modèle. Son premier rôle était d’ailleurs dans Cat girl, une production de 1957 dans lequel elle jouait Léonora, une femme qui se prétend victime d’une antique malédiction. L’actrice sait mieux que quiconque jouer l’ambivalence même si, ici, elle a, pour une fois, un rôle de « gentille » qui ne s’en laisse pas conter et fait preuve d’une belle force de caractère. Quand Beth fait montre de crainte, ce n’est pas à cause du chat mais à cause des humains. Ce qui n’est que trop vrai ! Anecdotes :
|
Dracula vit toujours à Londres (1973) Résumé : L’inspecteur Murray, de Scotland Yard, fait appel au savant occultiste Van Helsing pour lutter contre un club sataniste qui veut détruire l’humanité grâce au bacille de la peste ! Derrière ce projet effroyable se cache le comte Dracula. Critique : Il faut avouer qu’il fallait y penser ! A la notable différence de Dracula 73, cet ultime opus des aventures du satanique comte est doté d’un scénario intéressant, plausible, plutôt original et absolument effroyable traduisant bien la paranoïa des 70’. Un autre bon point est d’avoir réinstallé l’antagonisme Dracula/Van Helsing ; ce qui crée un effet de série qui captive davantage. Ce n’est plus seulement le comte qui nous intéresse mais la lutte à mort entre les deux ennemis ; c’est bien plus passionnant ! Pour une fois, on ne voit pas la réincarnation du comte mais, finalement, elle ne manque pas même si cela donne une impression de facilité scénaristique. Ce qui pose problème, c’est notamment ces facilités car il y en a plusieurs. Ainsi, lorsque Murray trouve la salle de vidéosurveillance, elle est opportunément vide. Personne ne semble trouver anormale l’absence des desservants du culte satanique. Ces « vides » du scénario trouvent une partie de l’explication dans un manque de moyens car, si le plan de Dracula est grandiose, au final, il ne se passe pas grand-chose. En outre, on a plutôt l’impression de regarder un film d’espionnage ! La scène où se rencontre Christopher Lee et Peter Cushing y trouverait davantage sa place que dans un film de vampire ! Enfin, il est bien trop court pour développer une intrigue réellement ambitieuse. La « modernisation » du filon vampirique par la Hammer trouve ici sa meilleure réussite et sa limite. Mieux intégré dans le monde moderne – le rôle qu’il tient à rétrospectivement un côté savoureux ! – Dracula n’en demeure pas moins étranger. A nouveau, il ne se confronte pas directement à la modernité. Il s’en sert mais ne s’y intègre pas. Le scénario pioche quant à lui dans différents registres sans toutefois parvenir à créer quelque chose de vraiment cohérent. La messe noire est quasiment un poncif de la Hammer puisqu’on la retrouve dans Les vierges de Satan et Une messe pour Dracula. L’ouverture du film parvient un temps à nous captiver, d’autant que le découpage de la messe noire donne un certain dynamisme et illustre la confession du témoin, mais les tueurs en gilet façon peau de mouton et lunettes fumées, ça ne colle pas ! Le remplacement des jeunes de Dracula 73 par des adultes est pertinent pour l’intrigue mais cela renvoie aux messieurs trop naïfs d’Une messe pour Dracula. En fait, le projet totalitaire de Dracula, s’il colle bien à son époque, aurait été bien plus percutant sans lui ! On garde Christopher Lee dans le rôle du grand méchant, on enlève les vampires(ses) qui ne servent à rien, et l’histoire roule toute seule ! Un point demeure cependant intéressant : la prêtresse du culte est Chinoise. Dans ces années-là, la Hammer cherchait à se rapprocher du marché asiatique. De cette recherche naîtra le très curieux La légende des sept vampires d’or. Esthétiquement, le film se défend bien. La modernité est présente mais tenue à distance. On appréciera par exemple le bureau cossu mais un brin désuet de Van Helsing. Le manoir Pelham ressemble à la demeure de John Steed dans The New Avengers et on ne s’attarde pas trop sur les hideux locaux de la police. La modernité s’invite sous les formes de l’érotisme et du gore. Pour ce dernier, on a un sacrifice de poulet, certes hors champ, mais on voit nettement le sang s’écouler de la gorge. Lorsque Jessica Van Helsing se retrouve confrontée aux servantes de Dracula, cela donne une scène brutale où des effets de ralentie accentuent la violence. Les différentes mises à mort des non-morts sont ainsi joyeusement sanglantes hormis celle des servantes qui est ridicule, mais brève. L’érotisme est lui présent avec la présence d’une femme nue pour le culte en ouverture du film (histoire que les spectateurs restent sans doute) ; détail qui ne sert à rien concrètement. Côté casting, remplacer les agaçants jeunes de l’opus précédent par des acteurs confirmés permet au moins d’avoir de l’expérience et donc plus de fond. Michael Coles reprend son rôle de l’inspecteur Murray et se défend plutôt bien même si la création du personnage de Torrence lui vole inutilement de l’espace. La fin précipitée du film (un péché made in Hammer !) ne lui permet pas non plus d’apporter une conclusion satisfaisante à son personnage. Reste qu’il remplit très correctement son rôle à la Mike Gambit : tenir les scènes d’action à la place d’un Peter Cushing bien vieilli. William Franklyn est tout aussi correct mais son personnage, mal défini, ne lui donne pas l’espace pour exister réellement. En fait, il est en trop. Il aurait fallu renouer le duo de Dracula 73 : Van Helsing et Murray ; le sachant et l’exécutant. Si on retrouve le personnage de Jennifer Van Helsing, ce n’est plus Stéphanie Beecham qui l’incarne (pas grave) mais une débutante prometteuse, Joanna Lumley. Même si son personnage n’est pas assez abouti, elle fait déjà montre d’une curiosité avengérienne même si le péril est d’une nature différente ! Christopher Lee et Peter Cushing ont une dernière fois chez la Hammer l’occasion de s’affronter mais la lutte tourne court. Dommage car le premier garde une belle prestance mais, le second, toujours brillant en universitaire, voit le chagrin de son veuvage aggraver son vieillissement (pourtant, l’acteur n’a que 60 ans à l’époque). A tout le moins, ces deux honnêtes serviteurs du fantastique, de l’horror britannique, réussissent la fin de la saga du comte Dracula et du professeur Van Helsing. Anecdotes :
|