Quelques messieurs trop tranquilles (1973) par Sébastien Raymond Résumé : Une bande de hippies débarque dans un village qui se lamente sur l’exode rural. D’abord difficilement acceptée, la présence des hippies se révèle vite intéressante. Le tourisme vert commence à représenter pour les villageois un subside à ne pas négliger. Mais un crime est commis dans le village, les regards se tournent vers ces nouveaux venus, alors qu’une bande de malfrats se cache dans le coin. Critique : Voilà le type de films que je voyais plus drôles et mieux fichus dans ma mémoire et qui engendrent donc lors de la revoyure une légère déception. La trame scénaristique avait pourtant une petite gueule sympathique. D'abord un village tranquille, trop, est vite perturbé par l'arrivée massive d'hippies, décidément une faune récurrente chez Lautner. Par-dessus ce canevas peu original mais toujours piquant, se développe une trame approximativement policière avec un crime et des gangsters venus chercher un butin caché depuis belle lurette. Schmilblick qui aurait pu être explosif. L'absence de dynamisme est sans doute en grande partie engendrée par la faiblesse des dialogues de Jean-Marie Poiré. Dommage que Michel Audiard fût trop surchargé de projets pour accepter celui-ci. Encore une fois Lautner décore beaucoup son film, étouffant peut-être le rythme que l'action lui insuffle par moments. Ces parures diverses ne sont pas à proprement parler hideuses, bien au contraire : je suis encore subjugué par une des plus belles paires de seins jamais vues ever, mais il n'empêche que le tempo en prend de sacrés coups. Le travail sur les couleurs et l’éclat, les jeux de lumières dans le monde des hippies est plutôt joliment fait, très gai, très pimpant, mais cela altère en effet la qualité générale du rythme. Trop de temps d’observation. Par conséquent, tout le sel du film repose finalement sur les acteurs et c'est vrai que certains sont excellents. Je vais sans aucun doute passer pour un malade mental, mais j'ai trouvé Paul Préboist très bon dans son rôle de paysan réac. J'irais même jusqu'à dire que Jean Lefebvre joue juste, sans les fioritures et excès dont il se repaît trop souvent par ailleurs. Galabru me plait beaucoup. Quand je vois ces trois-là dans ce film, je me dis que cette génération de nanaristes franchouillards avaient une sacrée bonne dose de talent. Oui, le mot est lâché. Talent perceptible jusque dans ce petit film. Les scènes où ces acteurs discutent, se débattant avec les ennuis qui s’accumulent autour d’eux sont très bien mises en scène, dirigées avec talent. Quelque part, on retrouve ces magnifiques symbioses qu’on peut siroter dans Les tontons flingueurs, ces scènes de cuisine où les répliques tombent juste. Outre ses talents de mise en scène, ses trouvailles filmiques qu’on lui connait par ailleurs, Georges Lautner est avant tout un amoureux des acteurs et sait les diriger au mieux pour en constituer un spectacle réjouissant. Tous ne sont pas enchanteurs, loin s'en faut : Renée Saint Cyr par exemple ne m'a rien inspiré du tout. André Pousse m'a paru même mauvais. Dani, Guybet, Miou-Miou ou l'américain Charles Southwood font le job. Nom d’un petit bout de chou, que Miou-Miou est jeune ! Ses traits sont si juvéniles, lisses, que c'en est presque une autre personne. Drôle d'effet. J'ai été surpris en découvrant qu'on devait la bande musicale rock pêchue à Pierre Bachelet. La musique est très entrainante, mais ne parvient pas toujours à redonner du dynamisme. Utilisée comme il se doit pour les scènes où les acteurs n’ont rien à dire, pour faire raccord entre les situations par exemple, elle n’apporte pas ce qu’elle est censée faire : maintenir une bonne cadence que les dialogues réussissent à produire. Sinon, si les gags laissent froid -j'aime bien cependant le gimmick de Galabru sur les gamins, je crois que c'est le seul truc qui m'a fait sourire- j'ai une sorte d'affection pour ce genre d'histoires où des communautés très différentes et a priori hostiles se donnent la main. Mon côté fleur bleue, rose, vert pâle, jaune doré. Tolérance et humanisme en quelque sorte ne me laissent pas indifférent. Le traitement est un peu sommaire, mais le cœur y est. Je pense que Lautner part d'une bonne intention. Je ne connais pas la teneur du roman adapté La nuit des grands chiens malades. Et puis sans doute qu’il se perd un peu dans ses impératifs manouvriers : du téton dansant, des cascades en voiture, du crayon gras sur les mots, les personnages et les situations. Cela donne un résultat qui me laisse un peu perplexe. D’aucuns gardent une grande estime pour ce film, c’est qu’il doit bien y avoir des éléments qui m’auront échappé alors. Anecdotes :
Séquences cultes : Course-poursuite Elle tient pas la route ta brosse à dents Fusillade |
Les Malheurs d'Alfred (1972) par Sébastien Raymond Résumé : Alfred poursuivi par une terrible malchance décide de se suicider en sautant dans un canal. Au même moment, une femme plonge également. De leur rencontre, le cours de la vie d’Alfred va basculer. Il lui faudra un peu plus que de la chance pour la conquérir : un vrai parcours sportif. Critique : Le film “Pierre Richard” est un genre à part entière : il a ses formes, ses récurrences, ses forces et ses faiblesses bien entendu, des couleurs, un tempo, un ton qui appartiennent à son auteur / acteur de toute évidence. Et Les malheurs d’Alfred, comme d’autres (Je ne sais rien mais je dirai tout, Le distrait, etc.) en est la parfaite illustration. Alliant à la fois le comique slapstick, tarte à la crême, un humour physique et très visuel donc et un humour plus poétique, tendre, romantique, mais capable de mordant ironique, osant même la critique politique à l’occasion, ses thématiques se rassemblent autour d’un personnage, toujours le même, un malchanceux, un étourdi, quelqu’un qui vit dans son propre monde, un rêveur, maladroit et utopiste, un clown peut-être ici plus triste qu’à l’habitude. Car dans ses malheurs, il se rend compte que cette déveine lui rend la vie impossible, misérable. C’est un personnage qui trouvera chez des auteurs plus rigoureux, comme Francis Veber par exemple, des situations et des dialogues bien plus percutants. Toutefois, Pierre Richard sait s’entourer de belles plumes et d’esprit on ne peut plus innovants, notamment Roland Topor, un type que beaucoup considèrent comme génial, et je ne suis pas loin de penser comme eux, même s’il me semble ne pas le connaître suffisamment. Sous l’égide affectueuse et rieuse d’Yves Robert qui joue un petit rôle en forme de clin d’oeil paternel, la réalisation de Pierre Richard reste plutôt neutre. Académique, sans bavure non plus. Le générique est comme souvent dans ses films une oeuvre comique en soi. Avec des animations amusantes et une musique de Vladimir Cosma pleine d’entrain, le générique semble pouvoir donner un bon rythme et son envol au film. De très bons acteurs viennent proposer quelques jolis numéros. Un Paul Le Person par exemple fait des merveilles. Paul Préboist par quelques apparitions répétées est une sorte de gimmick à lui tout seul fort plaisant. Quant à Pierre Mondy, il est tout bonnement génial, comme d’habitude, en animateur cynique, menteur, obséquieux ou exécrable selon à qui il s’adresse, bien entendu. Il a un beau rôle de salop. Ce type est un très grand, un régal de comédien. Quelques gags par-ci, quelques idées par-là font malgré tout vivre le film, certes, mais malheureusement, il faut bien avouer que cette vie est par moments bien pâlichonne. Ce n’est pas qu’on s’ennuie, mais la finesse n’est pas toujours au rendez-vous et le scénario s’alourdit, dès lors on a le sentiment que la comédie s’assoupit, que le rythme devient erratique. Parfois cet humour visuel et physique me laisse au mieux indifférent. Reste que ses multiples diffusions télé dans ma jeunesse ont dû forger un lien affectif particulier, insubmersible qui fait que j’aime ce film : la séquence au commissariat, les scènes de tests ou bien les effets du poison sur Pierre Mondy sont des moments que j’aime toujours autant. Au final, aujourd’hui je balance entre rires francs et légers bâillements. Ce déséquilibre incompréhensible me fait dire que le film est moyen en somme. Anecdotes :
Séquences cultes : Combien de sucres ? Ça va être pour moi Il m'énerve ! |
Le Grand Blond avec une chaussure noire (1972) par Phil DLM Résumé : Le colonel Toulouse, chef du contre-espionnage français, est victime d'une machination montée par son rival le colonel Milan, qui ambitionne de le remplacer à la tête du service. Pour contrer Milan, Toulouse charge son adjoint Perrache de le piéger en lui faisant croire qu'un agent secret d'exception va enquêter sur ses agissements. Le super-agent est en réalité un civil choisi au hasard par Perrache à Orly, parmi la foule. Critique : Avant de passer lui-même à la mise en scène, Francis Veber a mené une brillante carrière de scénariste, dans son domaine de prédilection qu'est la comédie. Doué d'une imagination débordante, il a su trouver des idées originales, même si le cadre de ses histoires est toujours plus ou moins le même : un type « sérieux » est enquiquiné par un farfelu, souvent appelé François Perrin ou François Pignon. Dans ce film réalisé par Yves Robert, la trame est légèrement différente : on retrouve bien le fantaisiste François Perrin (Pierre Richard), ainsi que le monsieur « sérieux » appelé Milan, interprété par Bernard Blier, mais les deux hommes ne se rencontrent jamais, Milan étant importuné à distance, par l'intermédiaire de son réseau d'espions, de ses micros et de ses caméras, alors que Perrin n'en est aucunement conscient. Le maître d’œuvre de cette machination, le colonel Toulouse, tire les ficelles dans l'ombre. Le scénario est basé sur le fait, magistralement exploité par Toulouse, que les agissements communs d'un homme ordinaire vont paraître suspects dès lors que son observateur est persuadé que l'individu en question est en réalité un redoutable agent secret. Ainsi, Milan va construire peu à peu le piège mental dans lequel il va sombrer jusqu'à l'obsession. Comme souvent avec Veber, on peut regretter que le rôle de la victime du farfelu ne soit guère valorisant, puisqu'il passe la majeure partie de son temps à regarder d'un air incrédule. Ainsi, le potentiel du géant du cinéma qu'est Bernard Blier n'est que partiellement employé dans ce rôle de Milan, tout comme l'année suivante celui de Lino Ventura dans « L'emmerdeur », où il jouera le rôle d'un tueur de la mafia appelé également Milan. En revanche, Jean Rochefort peut s'en donner à cœur joie dans le personnage du colonel Louis Marie Alphonse Toulouse, chef des services secrets et homosexuel notoire, bien secondé par Paul Le Person, remarquable en adjoint magouilleur, à la limite de l'âme damnée, toujours fidèle à son patron même s'il désapprouve les velléités de Toulouse de faire tuer le Grand Blond. Quant à l'acteur principal Pierre Richard, ce film a grandement contribué à lancer sa carrière de comique. Sa composition de violoniste distrait est mémorable, tout comme celle de Jean Carmet, qui interprète le naïf Maurice Lefebvre, ami de François Perrin et époux de Paulette (Colette Castel), la maîtresse hystérique de Perrin. Les séquences avec Paulette et Maurice sont d'ailleurs parmi les plus drôles du film. Lors de ses ébats avec François, Paulette lui demande de faire le cheval. Perrin s'exécute et se met à hennir. Le problème est que les micros des espions ont tout enregistré et que Milan demande à écouter la bande magnétique dans une camionnette maquillée en véhicule de fleuriste, juste au moment où Maurice roule derrière en vélo ! La tête de Jean Carmet lorsqu'il dit à Pierre Richard : « Paulette couche avec un fleuriste » ! Et ce n'est pas fini pour le malheureux Lefebvre, qui arrive toujours à point nommé pour découvrir les nombreux cadavres d'agents secrets qui s'accumulent chez François, jusque dans le réfrigérateur, alors que Perrin ne se rend compte de rien ! Les autres scènes mémorables se déroulent entre Pierre Richard et Mireille Darc. Mireille Darc interprète Christine, une espionne à la solde de Milan, chargée de faire parler François Perrin lors d'une nuit d'amour sous haute surveillance. Qui ne se souvient de la robe ahurissante de Mireille Darc, qui lui laisse le dos dénudé jusqu'aux fesses ? Et de la séquence ou Perrin coince les cheveux de la belle Christine dans sa braguette ? Christine se rend vite compte que François n'est pas un espion mais Milan, entré à fond dans le piège, refuse de l'écouter. Comme prévu par Toulouse, le malheureux Milan y laissera la vie. Quant à François Perrin, il sauvera sa tête grâce à Perrache, qui n'a pas obéi aux ordres de son patron tendant à laisser le Grand Blond se faire occire par les tueurs de Milan. Le bienheureux François Perrin peut partir en vacances pour le Brésil, en compagnie de Christine, qui est tombée amoureuse de lui. On peut penser que Francis Veber et Yves Robert ont non seulement voulu surfer sur la vague du film d'espionnage à la James Bond, en l'orientant sur un mode parodique (ce que fera très bien aussi Philippe de Broca dans Le Magnifique avec Belmondo), mais en ont profité, mine de rien, pour dénoncer l'ingérence des services secrets dans la vie privée des citoyens. La distribution apparaît particulièrement brillante puisque, en dehors des acteurs principaux, tous excellents, on retrouve un groupe de comédiens particulièrement en verve dans les rôles secondaires, qui sont pour la plupart ceux d'agents secrets de grades subalternes. On citera Robert Castel, Jean Saudray, Roger Caccia, Jean Obé, Stéphane Bouy et Maurice Charrier. Au final, le succès du film apparaît mérité, même si, en dehors des passages comiques irrésistibles déjà cités, le scénario n'a pas le même allant que sa brillante suite, qui atteindra en permanence les sommets du burlesque, alors qu'ici on ne les côtoie que de façon sporadique. Anecdotes :
Séquences cultes : Je suis pas bien François C'est magnifique La fermeture éclair est bloquée |
Attention les yeux ! (1976) par Sébastien Raymond Résumé : Un jeune réalisateur sans le sou doit tourner une version pornographique de La chartreuse de Parme, en jonglant avec le manque de moyens mis à sa disposition, l’ego des comédiens et les petits ennuis qui ne manquent pas de s’accumuler au quotidien lors du tournage. Critique : Curiosité quasi introuvable pendant longtemps (un DVD a été publié), diffusé rarement et jamais cité parmi les comédies françaises de l'époque, cette petite bouse (terme affectueux) vaut tout de même le coup d’œil pour son casting et son sujet. Car il s'agit bien d'un très mauvais film, braillard, mal filmé, qu'on sent brinquebalant, mal fichu, tourné à la va-vite, à là va comme-je-te-pousse. Finalement, il ressemble à ces productions "cheap" qu'il entend dénoncer, ou du moins tourner en dérision. L'histoire tient sur une feuille de papier toilette : un réalisateur se voit contraint par deux producteurs un poil véreux de tourner un film érotique sans le sou. Et si le film n'est pas très drôle en raison de ses gags lourdingues, il met en scène un monde qui a bel et bien existé, celui des petites productions nanarisantes qui ont pullulé avant le classement X et l'explosion de la vidéo. Sujet à la mode à cette époque : la sexualisation ou la pornographisation de la société. On pense à Sex-shop de Claude Berri ou On aura tout vu de Georges Lautner qui reprend le même canevas du réalisateur obligé de se tourner vers le porno pour travailler et gagner quelque peu sa croûte. Toujours est-il qu’Attention les yeux brille uniquement pour sa distribution pléthorique. On peut véritablement s'amuser à voir tout ce petit monde essayer d'aller au bout de cette production brouillonne. Mais, c'est trop long. Le film laisse l'impression d'être finalement une suite plus ou moins fine de sketchs, de gags entrecoupés de nichons dans un cadre carton-pâte. Le prétexte humoristique et de la dérision cachent-ils des ambitions plus terre à terre et une certaine complaisance vis-à-vis de la sexualité filmée ? On pourrait le penser de prime abord. Néanmoins, le scénario est signé Nicole de Buron à qui on doit peut-être faire grâce d'un tel reproche. Reste cette ambiguïté que je ne peux m'empêcher de ressentir. Ce qui m'avait fait sourire lorsque je vis le film pour la première fois n'a pas donné à la revoyure les mêmes effets. Si l'on peut trouver matière à sourire au début, on finit par s'en lasser, une caractéristique répétitive prenant le dessus sur la fin. Ou alors question d’humeur, moins propice à ce genre d’humour ? Possible. M'enfin, cela permet de voir tout un tas de jeunes comédiens prometteurs (Daniel Auteuil, Thierry Lhermitte, Anémone, Christian clavier, Michel blanc) et d'y voir associer de plus aguerris, tout aussi sympathiques (Claude brasseur, Guy Marchand, Jean-Pierre Darras). Ça ne va pas bien loin, ce qui peut expliquer la rareté de l'objet qui a beau constitué un document à peu près historique, n’en demeure pas moins assez pauvre quant au résultat. Anecdotes :
Séquences cultes : Interrogatoire On va sonoriser la scène d'orgie Je veux que la scène soit tournée dans un esprit antiraciste |