L'Hôtel de la plage (1978) par Sébastien Raymond Résumé : Le 31 juillet, alors que l’Hôtel de la plage fait ses adieux à ses occupants juilletistes, les aoûtiens débarquent peu à peu. Chacun avec ses histoires de couples, ses espoirs d’amours d’été, de détente. Les petites histoires d’adultère ou de drague alimentent le quotidien de ces estivants quels que soient leurs âges. Entre rires et larmes, entre soleil et orages, en plein air ou dans les chambres, les vacances de tout ce petit monde risquent d’être bien agitées. Critique : Ce petit film connut un succès certain pour plusieurs raisons qui aujourd’hui le préservent de l’oubli. Il s’agit d’une comédie familiale au sens le plus strict, qui parlera à tous les membres de la famille, du plus jeune au plus vieux. Il met en œuvre des couples (adultes, enfants, adolescents) le temps de leurs vacances d’été sur la côte bretonne. Le film n’est pas toujours bien bâti, hésitant entre son côté pochade adolescente où les uns et les autres se jouent des tours plus ou moins cruels et la comédie plus tendre, romantique où l’on expérimente les joies et les peines du marivaudage. Le premier versant penche davantage vers la comédie pure, avec des gags quelquefois méchants, plus souvent bon enfant tout de même ? Jamais vraiment corrosifs toutefois : on reste là dans un cadre encore une fois très ordinaire, un humour gentillet, de la joie simple, rien de révolutionnaire, ni revendicatif et qui, par conséquent, aura l’heur de plaire au plus grand nombre. Ce n’est pas l’aspect du film qui me touche. Cet humour n’est pas des plus originaux. Beaucoup trouveront même qu’il abêtit le film ou l’affadit si l’on veut être moins méchant. Je préfère centrer mon attention sur le pan nostalgique et attendrissant du film. Bien souvent, et c’est là un point que de trop nombreux critiques éludent injustement, le cinéma de Michel Lang se nourrit de ce sentiment nostalgique, tourné vers le passé, riche de souvenirs. La critique a bon dos de mettre en avant le verso plus vulgaire, comique un peu lourd. Certes, il existe, mais il faut accepter cette dichotomie, quelquefois pas toujours aussi tranchée d’ailleurs chez ce cinéaste. Parce qu’en effet, parfois il est bien difficile de distinguer quand on bascule de l’un à l’autre. Quoiqu’il en soit, certaines scènes du film offrent quelques moments de grâce, servies par de très bons acteurs (j’y reviendrai). Comme de savants temps de respiration, ces séquences viennent à des moments opportuns alléger le rythme, casser une tonalité trop pesante et aèrent un récit somme toute assez linéaire et attendu. Soudain, de petits instants de poésie viennent vous surprendre et approfondir la connaissance des personnages. Je pense notamment à cette scène de pêche où les hommes, après avoir fait une belle prise et passé de bons moments de rigolade et de boustifaille, se laissent aller à la douce émotion de siroter le calme de la mer, instants de quiétude, le moment présent, la pause entre copains, à l’heure de la sieste quand les estomacs font le taf : la digression de Guy Marchand sur cette situation rare, hédoniste et délicate, est en tout point une perle que nous livre en cadeau le comédien. Il est tout bonnement excellent ! Ses deux compères (Daniel Ceccaldi et Francis Lemaire) le regardent en silence, solidaires, tout aussi heureux et tout aussi bons. Bien que n’ayant pas des rôles très compliqués, ces trois acteurs marquent le film de leur joie de jouer. Leur enthousiasme est évident, communicatif et fait sans doute l’une des forces du film. Dans une certaine mesure, pour Daniel Ceccaldi et Guy Marchand, ce film représente un moment-clé dans leur carrière, bien qu'ils aient eu beaucoup d’autres jalons à faire valoir dans leur filmographie. Pour Francis Lemaire, je me demande si ce n’est pas le film le plus important (je peux me tromper, le connaissant beaucoup moins). J’ai beaucoup aimé la présence discrète de Michel Robin, la joyeuse participation de Myriam Boyer ainsi que celle toute en délicatesse et élégance de Martine Sarcey (comédienne dont la voix est du velours à mon oreille). J’opterais cependant un discours très nettement moins laudateur pour les prestations des plus jeunes, mais disons que les performances de toutes jeunes Anne Parillaud et Sophie Barjac ne sont pas trop mauvaises. Alors certes, le film repose surtout sur un humour basique, très souvent imité par ailleurs : le gag d’une personne isolée sur un banc de sable par la marée a été repris dans Camping, entre autres. De même, une grande partie du film joue sur une maturité excessive des gamins jouant aux adultes, modèle très largement repris et que Michel Lang va répéter pour un autre de ses autres films, A nous les garçons, même si ce ne sera pas sa thématique centrale. Cette recette s’assure les bonnes grâces d’un plus large panel de spectateurs. Mais, encore une fois, sans pour autant le mettre sous le tapis, ne nous arrêtons pas à cela, nous manquerions quelques jolis numéros d’acteurs, une atmosphère estivale passée, rieuse, dure aussi, une sincère tendresse pour les personnages qui ne se dément pas. Le sentiment de sympathie que suscite ce film n’est pas le fruit d’un quelconque mensonge, d’une supercherie de la part du scénario ou de la réalisation. Et, il y a même quelques touches de poésie nostalgique. Au-delà de la forme, dans les comportements même des personnages, le film a quelque peu vieilli, dans le bon sens du terme. En effet, c’est formidable que le film puisse être vu comme un document sur une autre époque, “o tempora o mores”. Et l’on s’amusera à noter les différences ou au contraire les convergences avec cette France des années 70. L’hôtel de la plage a été un film important du cinéma populaire français pour des raisons qu’il est bon de découvrir ou de redécouvrir malgré tous ses petits défauts évidents. Anecdotes :
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Cours après moi que je t'attrape (1976) par Sébastien Raymond Résumé : Un homme et une femme dans la quarantaine se rencontrent par le biais d’une petite annonce. Même si leurs rapports sont parfois chaotiques, leur relation prend de plus en plus d’ampleur. Critique : Dans mes souvenirs d’enfance, il y a une place pour les films de Girardot, et particulièrement pour les deux qu’elle a tourné avec Jean-Pierre Marielle : celui-ci et Cause toujours tu m’intéresses. À telle enseigne qu’ils se mêlent confusément dans ma mémoire. Avant cette revoyure, cela faisait bien 35-40 ans que je n’avais pas vu Cours après moi que je t’attrape. Je n’ai que le vague souvenir d’un moment agréable, de bons acteurs, d’une comédie douce, tendre. D’une certaine façon, je retrouve à peu près cela. Sauf que je déchante sur la qualité du « spectacle ». Certes, on a plaisir à suivre le parcours du bonhomme Jean-Pierre Marielle en célibataire endurci qui peu à peu s’éprend d’une charmante créature au sourire émouvant. Annie Girardot a un rôle un peu moins fort qu’à l’habitude. On la découvre ici avec un personnage délicat, dont on devine la lassitude et les blessures romantiques passées. Elle a une fragilité rare. C’est encore Marielle qui prend les devants dans cette relation qu’elle subit avec envie et délicatesse. Même si leur histoire est mignonne, elle reste assez ordinaire somme toute. Le scénario n’est pas vraiment percutant, c’est le moins que l’on puisse dire. D’ailleurs, c’est étonnant tant Nicole de Buron a su, me semble-t-il, raconter des histoires autrement plus pêchues et pertinentes. Celle-ci est intéressante, traitant d’une rencontre de quadras par petite annonce, phénomène de société en forte croissance à l’époque, mais elle manque de puissance et surtout elle est accablée par des dialogues tellement faiblards ! Difficile dès lors d’exister pour les comédiens. Ils font des efforts visibles. On sent parfois une réelle complicité, mais ce qu’on leur fait dire reste affligeant de platitude, sans rythme ni poésie. Pour une comédie romantique, les situations sont bien tenues, néanmoins le cœur ne peut s’emballer. Le rythme du film est déjà très mollasson, mais ni la mise en scène, ni les échanges entre les personnages ne parviennent à bousculer ou à insuffler de la vie à l’ensemble. Le film demeure inerte : les rares crises que connaissent les deux personnages vers la fin ne sauvent guère le film du naufrage. Une comédie romantique plate ne peut pas faire un bon film. C’est antinomique. On s’ennuie. Gentiment, mais on s’ennuie. Pas étonnant que ce film soit tombé dans l’oubli. Anecdotes :
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Vas-y maman (1978) par Sébastien Raymond Résumé : Madame Larcher s’ennuie : mère de famille courageuse et épouse fidèle, elle n’en ressent pas moins une lassitude grandissante et ce, dans l’indifférence générale. Un jour, elle décide de trouver un job. Les ennuis commencent, mais quand elle va se mettre à avoir du succès en tant qu’auteur à succès, le torchon brûle littéralement, et la maison tombe dans le chaos. Critique : Après avoir revu récemment le décevant Cours après moi que je t’attrape co-écrit par Nicole de Buron avec déjà Annie Girardot, je retrouve la scénariste, également derrière la caméra, ainsi que l’actrice pour une comédie un peu mieux écrite. La mise en scène n’est pas non plus très folichonne avec le minimum syndical. Rien de révolutionnaire, c’est filmé assez platement. Mais le scénario est beaucoup mieux équilibré et les acteurs principaux sont excellents. Restons d’abord sur l’écriture : la thématique féministe montre une société encore très archaïque où les hommes semblent dépassés par une émancipation féminine hors de leur contrôle. Sur un canevas qui rappelle la Potiche de Barillet et Grédy, avec une tonalité un poil moins légère, ni aussi pince sans rire, ce film évoque la place de l’épouse et mère dans la cellule familiale dès lors qu’elle tente de s’en échapper quelque peu. Cela devient une entreprise titanesque qui met en péril la famille. L’évolution de la situation chez les personnages pourrait même faire douter de l’efficacité du propos que d’aucuns décriront volontiers comme réactionnaire, appuyant un certain discours phallocrate paradoxalement. Le mari s’octroie toujours des libertés que sa femme se refuse, par exemple au niveau zizipanpan. Curieux, un film féministe que se conclut sur un discours caressant l’homme dans le sens du poil : on a un peu une maman qui s’assoit sur la femme qu’elle voudrait être pour récupérer le mari, qu’il puisse se sentir à nouveau au centre de l’attention de toute la famille. Troublante conclusion : pourquoi mettre en avant une revendication tout le long du film et prouver l’exact opposé à la toute fin ? Outre cette problématique, le film s’interroge la modernité au sens large, la société de consommation. Il le fait parfois avec trop peu de subtilité, mais ça reste gentillet comme humour. Je veux insister plutôt sur la qualité de l’interprétation de deux têtes d’affiche. Mondy et Girardot forment un couple crédible. Le jeu de Pierre Mondy est d’une extrême justesse, épatant. Il est phénoménal. Annie Girardot n’est pas en reste. Pourtant, elle a un rôle compliqué, un personnage qui dégoupille par moments et monte dans les aigus. Les deux s’ajustent de manière idéale et on peut donc sentir sans se tromper qu’ils tiennent le film à eux seuls les rails. Il est vrai que le scénario est un peu mou dans la première partie et s’énerve par bonheur par la suite. Un film moyen que je suis tout de même ravi d’avoir revu pour Pierre Mondy au sommet de son art et Annie Girardot pétillante à souhait. Anecdotes :
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Cause toujours tu m'intéresses ! (1979) par Sébastien Raymond Résumé : Un journaliste de radio solitaire s’ennuie, en dépit de la présence récurrente et lassante de son voisin de palier. Un soir, sans vraiment savoir pourquoi, dans un geste un peu absurde et surtout très mélancolique, il prend son téléphone et compose un numéro au hasard. Une femme répond. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il va nouer une relation avec elle au bout du fil. Critique : J’avais presque complètement oblitéré ce film de ma mémoire. Je l’ai vu je crois à plusieurs reprises à la télé quand j’étais môme. A l’époque, ce genre de film était multidiffusé. Annie Girardot était une star, qui représentait la femme moderne des années 70/80. Aujourd’hui, ce film est un peu oublié et c’est bien dommage. J’ai dû le voir si souvent qu’au fur et à mesure de toute cette revoyure, le plaisir a été immense à retrouver ces scènes, ainsi que le talent d’écriture de Francis Veber et surtout l’excellence de l’interprétation. D’entrée, le générique annonce la couleur : le très haut niveau, plein de promesses. Le nom de Vladimir Cosma est celle d’une musique singulière a priori. Le compositeur a signé des oeuvres maîtresses qui enchantent encore ses admirateurs. Mais, je veux confesser de suite que sur ce film, l’empreinte sonore du maestro ne se fait pas sentir autant qu’on pourrait l’espérer d’un tel artiste. C’est peut-être le bémol le plus important que j’avais à souligner. Le générique m’apprend que le scénario est signé Francis Veber : impossible que le film soit mauvais à première vue. J’ai beau chercher, je ne trouve pas un film fondamentalement raté à l’écriture de la part de Veber. Bien entendu, certains sont peut-être pas aussi bons que d’autres, mais des films complètement loupés par Veber, ça n’existe pas. De fait, Cause toujours tu m’intéresses n’est pas un mauvais film, pas le meilleur de Veber, certes, mais surtout pas un mauvais. Examinons ce scénario. Sur le plan du rythme, je lui trouve un bel équilibre d’ensemble. Fluidité exquise. La voix-off (outil narratif ô combien périlleux) de Jean-Pierre Marielle aurait pu poser problème, or, elle est utilisée ici avec parcimonie, à bon escient. L’histoire se déroule avec aisance et assez de percussion. La comédie n’est pas poilante, qu’on soit d’accord là-dessus, mais il convient davantage de la considérer comme une délicate comédie au sens classique, celui du film pour rire grâce aux portes ou aux dialogues qui claquent. Cause toujours... fait sourire grâce à la situation et aux relations que nouent les personnages. On pourrait résumer par l’expression “comédie sentimentale”. Avec cette histoire de quadras célibataires en quête de partenaire grâce à une sorte de correspondance à distance et à l’aveugle, on est plus proche de la comédie lubitschienne : on songe à The shop around the corner, hé, bien obligé ! L’objectif du film n’est pas d’être désopilant, mais de proposer, à partir d’un sujet de société, un regard tendre et léger, un spectacle agréable. Et sur ce point, le scénario de Francis Veber me parait plutôt bien ficelé. Oh, je serais éventuellement un poil réservé sur le dénouement, le personnage de Marielle ayant bâti son entreprise de séduire Girardot sur un mensonge, on doute que cela puisse raisonnablement se finir aussi simplement. Mais dans l’ensemble, il y a là un film au récit bien tenu, avec pas mal de force chez les personnages, ainsi que des à-côtés comiques et touchants. Par exemple, l’apport du personnage du voisin sénégalais joué par Umban U’Kset est très important et offre un miroir comique indispensable pour Marielle. De même, celui de Jacques François est tout aussi nécessaire pour Girardot. Les deux comédiens jouent de manière sobre, très correcte et directe, incarnant la stabilité dont les deux héros principaux ont tant besoin pour ne pas tomber complètement dans le chaos. De tous petits rôles viennent ici et là colorer leur quotidien morose. Je pense à Michel Blanc en policier strict et qui est vraiment très drôle. J’ai beaucoup aimé Jean-Claude Martin dans un rôle de Droopy suicidaire assez irrésistible. Mais bien entendu, les deux têtes d’affiche font l’assise du film en interprétant leur partition de façon magnifique, avec une justesse extrême. Jean-Pierre Marielle trouve là un de ses meilleurs rôles, peut-être pas aussi spectaculaire que ceux des Galettes de Pont-Aven ou de Que la fête commence, mais il est sûrement tout aussi croustillant que dans celui de La valise par exemple. Son personnage est plein de tendresse, de délicatesse, paumé dans un costume trop grand pour lui et que son mensonge le force à porter. Emouvant. J’adore cet acteur et ce rôle en particulier est vraiment attachant. Quant à Annie Girardot, que dire ? Une des plus grandes actrices françaises, pas de doute possible. Je l’admire sans aucune restriction. Une grande classe. Et dans cette période à cheval sur les années 70 et 80, son âge d’or, elle était plus qu’une actrice, elle portait par sa filmographie quelque chose de bien plus grand qu’elle, une image de femme française, une idée de modernité qui a certainement compté pour un très grand nombre de spectatrices et qui explique son immense notoriété, l’affection que lui vouait le public. Et dans ce film en particulier, elle est vraiment au sommet de son art, dans la comédie, la tristesse, dans sa capacité à composer une femme à la fois fragile et courageuse, pragmatique et rêveuse, pleine d’espoir puis navrée par ses désillusions, elle module l’expression d’émotions diverses et contradictoires, sans jamais tomber dans l’excès. Un personnage fouillé, dense qu’elle construit avec une puissance de jeu phénoménal : j’adore ! Pas étonnant que le film ait été largement multidiffusé, plébiscité par le public, les deux comédiens déchirant leurs mémés. Ah si, j’ose ! Le maître mot de leur performance est “justesse”. Il n’y a pas une scorie, pas d’excès, d’absence, ils font juste ce qu’il faut quand il faut et touchent au coeur. Dans le mille. C’est un travail d’acteur époustouflant. J’adore le cinéma et rien que ça, ce jeu précis, impeccable, pour cette efficacité, j’aime ces moments privilégiés que nous offre cet art. Anecdotes :
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