Impossible... pas français (1974) par Sébastien Raymond Résumé : Trois hommes, trois français moyens, un détective patron de sa petite agence, un chômeur et un père de famille qui vivait sur les allocations familiales sont à la suite d'un concours de circonstances amenés à faire un juteux marché avec un riche homme d'affaire. Mais des péripéties les obligent à courir après la montre. Critique : Je n'irais pas jusqu'à dire que j'adore Robert Lamoureux, mais j'avoue que je comprends mal le dédain, voire la triste indifférence qu'il suscite généralement alors qu'il est l'auteur de deux séries importantes dans la comédie française. Le diptyque Papa, maman... et la trilogie 7e compagnie. Je ne connais pas bien le premier qu'il me faudrait revoir. Par contre, je connais par cœur la 7e cie, série qui ne cesse de me fasciner. Là, pour le coup, je peux parler d'adoration. Et je situe tout aussi mal cette dévotion, ce besoin fréquent de revoir ces films. Après le succès du premier épisode de la 7e cie, Lamoureux a voulu retrouver ses camarades de jeu (Lefebvre, Mondy, Tornade) dans une comédie contemporaine. Il écrit un scénario très différent, décrivant les mésaventures de personnages non plus lâches et sombres crétins mais plutôt des démerdards, toujours des français moyens, de ceux qui ne parviennent pas à dormir la nuit parce qu'ils héritent d'une grosse somme d'argent. Lamoureux se fait le chantre des classes moyennes. Artiste de seul-en-scène, il a fait d'abord son succès sur ce fond-là, un personnage humble dans une famille simple, ce qui parle à la majorité des français de son époque, un humour forcément populaire. "Impossible pas français" est totalement dans cette veine. Mais bien entendu cette histoire rocambolesque de malachite à trouver puis à faire transiter de Barcelone au Havre n'est pas du tout importante. Lamoureux met en scène des personnages dans des situations simples et joue sur l'idée de rupture, que ce soit dans ces situations comme dans les dialogues d'ailleurs. Ruptures de situations pour tous les personnages : Pierre Tornade perd ses agents dans un accident de voiture et se voit contraint d'engager les deux autres loustics ; Pierre Mondy perd son emploi car son patron a perdu gros aux courses ; Jean Lefebvre doit bosser parce que ses enfants réussissent leurs examens et vont à l'université. Pierre Mondy parvient sans vraiment le vouloir à copiner avec l'élite industrialo-commerciale française dans un ball-trap. Par pudeur, il tait sa modeste condition, s'en invente une dans l'import-export. Il fait affaire avec un négociant, mais perd le chèque de la moitié de la transaction sur un terrain de golf. Un jardinier joué par Lamoureux le retrouve et l'encaisse. Mondy doit respecter le contrat à tout prix, d'autant plus que les épouses de ces messieurs ont eu l'heureuse idée d'acheter commerce et atelier. A une situation A, Lamoureux ajoute aussitôt une situation B, la peau de banane qui fait rouler tout ce petit monde et il n'a plus qu'à tirer la ficelle jusqu'à ce que la pelote soit dévidée. Ruptures dans les dialogues également avec cette maîtrise des rythmes comiques qui sont respectés. La direction d'acteurs chez Lamoureux ne varie guère de film en film : la cadence du débit et la manière d'assener les répliques sont toujours aussi bonnes. A une logique succède une autre logique qui provoque le rire. Contraste, absurde, exagération et quelques rares jeux de mots forment le ciment de ces dialogues. Je crois bien même que certains dialogues sont encore plus fins et percutants que dans la trilogie de la 7e compagnie. Un petit trésor qui illustre à merveille l’art dialoguiste de Robert Lamoureux. L'humour de Lamoureux comme je l'évoque plus haut est bien davantage nourri de l'espèce de connivence que les situations et les personnages forment avec le public, relation privilégiée majorée par le grand succès du premier opus de la 7e cie qui a installé les principaux comédiens sur un piédestal. Leur capital sympathie est démultiplié et profite de l'affection du spectateur. Les films de Lamoureux souffrent aujourd'hui d'une image nanarde. La 7e cie est la trilogie du ringardisme française. Lefebvre, Mondy et Guybet sont les beaufs par excellence dans l'imagerie cinéphile. C'est parfaitement injustifiable. Certes, la réalisation de Lamoureux est toujours d'une confondante platitude. Sans être laide, le cinéaste n'apporte aucune espèce de commencement de début d'idée filmique à sa mise en image. Rien que de l'ordinaire, du basique. Champ/contre-champ, du fixe, point barre. "Sans ambition" ne signifie pas "mauvais". Du reste il faut savoir ce que l'on jauge. Lamoureux n'a pas eu l'intention de créer un bel objet, mais seulement de proposer des situations qui suscitent le sourire. La forme lui importe peu. Aussi, à quoi bon pérorer sur la réalisation si elle n'accroche pas l'oeil avec des zooms ou des mouvements de caméras ineptes ? Va-t-on reprocher à Tarkovsky l'absence de gags toutes les trois secondes dans L'enfance d'Ivan puisque tel n'est pas le propos ou l’ambition ? D'aucuns pourraient décrier la facilité à jouer sur une certaine forme de caresse dans le sens du poil que justifierait la propension de Lamoureux à dépeindre les classes moyennes. D'une part, si c'était si facile tout le monde le ferait. D'autre part, je trouve "facile" cette lecture rapide de ses films. Impossible pas français sans aller jusqu'à parler de diatribe subversive distille gentimment une toute petite note d'anti-conformisme. Je n'irais pas jusqu'à dire que le personnage de Jean Lefebvre fait l'apologie d'une certaine forme d'anarchisme, mais au moins il donne à la paresse un visage humain fort réjouissant et sympathique. Lefebvre qui joue souvent l'abruti parvient notamment dans une scène téléphonique avec Mondy à donner une très belle illustration de cet effondrement émotionnel qui détruit le petit bonheur paisible qu'il s'était bâti à force d'évitement. Mondy lui apprend qu'il leur a trouvé un emploi à tous deux. Il hurle : "du tra-vail!" Lefebvre, abasourdi : "du quoi ? - Du travail ! - Du travail ? Ah, merci quand même..." Il raccroche, tout ruiné. Adieu les petites démerdes, adieu les parties de cartes au bistrot, l'horrible turbin pointe le bout de son nez ! C'est intéressant de voir comment un tel personnage pouvait en ce temps là encore provoquer un rire bourgeois, celui d'une époque, les 30 glorieuses, où la paresse était un hobby. Lamoureux se moque finalement des valeurs de ses propres parents. Être fainéant dans les rudes années 30 de la crise était inconcevable et immoral, alors que la période de forte croissance autorisait cette indolence. Alors, subversion vis à vis de sa propre génération d’anciens ? Je le crois. Il en joue à fond tout le long du film. Lefebvre engueule ses enfants qui obtiennent, l'un sa maîtrise, l'autre son bac. C'est en somme son propre choc pétrolier. Les 30 glorieuses sont terminées, faut aller bosser ! Etrange situation de départ, le père ne fout rien pendant que la mère travaille et ils vivent cependant dans un aimable pavillon de banlieue. L'autre antienne que l'on retrouve ici : le rapport à l'argent, à la matérialité. La différence de statut social entre ces simples français, issus du prolétariat et la haute bourgeoisie souligne une certaine déférence, de soumission diront certains, vis à vis de l'aristocratie qu'elle soit de sang ou pécuniaire. L'attitude de Jacques Marin doux et mielleux avec les grands et méprisant avec les sous-fifres montre bien cela. De même que l'influence évidente qu'exerce le titre de duc sur ces simples gens. Surtout la honte que ressent Mondy et qui l'incite à taire sa véritable identité sociale est un poids que le film s'évertue à alléger, les petites gens prenant une sorte de revanche, montrant leur habileté, leur ingéniosité toute nationale ("Impossible c'est pas français !") à surmonter les obstacles et à se hisser à la même hauteur que les pontes, quitte à leur damer le pion sur certains points (Mondy fait la leçon en matière d'histoire de l'armement à un riche collectionneur). Bon enfant, sans douleur, le film de Lamoureux est destiné à faire sourire et plaisir. Beaucoup rechigneront à faire risette, mais personnellement cet opium du peuple me chatouille la nostalgie. Quand nostalgie rime avec amnésie, le monde de Lamoureux oublie les vrais tracas en perpétuant la comédie française du cinéma de papa. Dans la tradition des films insouciants de Grangier, comme Poisson d'avril, quand le divertissement était roi. J'aime autant la comédie mordante, morale et politique des italiens. Il faut de tout pour faire mon monde. Celui de Lamoureux me plait énormément. Il est généreux, talentueux, redoutablement efficace, sans doute y recèle quelques pincées de génie. Pourquoi se priver de cette futilité ? Par moments Lamoureux, par un miracle tellement douteux que beaucoup n'y croient pas, parvient dans sa tourbe comique à faire fleurir quelques secondes de poésie. Malheureusement, ce n'est pas vraiment le cas dans cet Impossible. Peut-être parce qu'elle prend scène sur les gravats de la guerre, dans un cadre champêtre, très proche de la nature, celle de l'enfance toujours, des cabanes en branches, des barques qui deviennent navires, des pique-niques au cimetière, etc., le trilogie 7e compagnie regorge de ces petits moments de poésie. Impossible pas français n'a pas cette générosité, mais se laisse regarder avec un très grand plaisir. Et moi, de ne toujours pas comprendre l’espèce de rejet et d’oubli qu’il a suscité. Anecdotes :
Séquences cultes : Rien de grave ? Ni bien roulé, ni célibataire Vous n'avez pas un frère dentiste ? |
Ils sont fous ces sorciers (1978) par Sébastien Raymond Résumé : A l’ile Maurice, deux types saouls comme des cochons urinent sur le totem d’une divinité locale, laquelle se venge en leur jetant un sort. Les ennuis commencent et ne les lachent plus, même à leur retour en France. Critique : Les Lautner suivants sont fatigués, au régime sans sel. Quant à celui-là, il est franchement mauvais. Pourtant je l'aime bien. Je l’aime beaucoup à vrai dire. Si je laisse de côté l'aspect affectif, nostalgique et mon regard d'enfant biberonné aux navets de ce genre, je suis tout de même obligé de reconnaître que le film est très laid et écrit à la va-vite. A ce propos, on a rarement entendu répliques aussi minables : les tentatives pseudo-scientifiques d'expliquer les phénomènes paranormaux qui assaillent le quotidien de Guybet et Lefebvre sont un méli-mélo incohérent de termes plus ou moins ésotériques ou techniques dont le sens échappe complètement aux scénaristes-dialoguistes (Lautner, Carbonnaux, Kantof et Mulot). L'inculture crasse suinte à tout bout de champ : la représentation folklorique des cultures mauriciennes en est une illustration évidente. Un plan promotionnel sur une couverture de bouquin de Jean-Michel Pedrazzani, Le temps des sorciers en dit long des influences intellectuelles et scientifiques qui président à l'écriture du scénario. Amalgames, clichés, superstitions, méconnaissances grossières forment un encrier grotesque dans lequel sont venus s'abreuver le groupe de scénaristes en mal d'idées spectaculaires afin de trouver un prétexte pour aller tourner à l'île Maurice. Parce que la vérité est là toute crue : le film n'a été pensé, écrit, produit que pour tourner un film au soleil. Ne nous leurrons pas. Après, sûrement que l'idée comique de transposer les déboires magiques des deux tartignolles en France a permis d'équilibrer un tantinet le film et qu'il n'apparaisse pas uniquement comme un dépliant touristique. Mais il faut avouer que l'accumulation de plans "placement de produits" sur la première partie du film tournée à l'île Maurice a des allures très mercantiles et que celle des séquences touristiques fait immanquablement penser à ces films documentaires touristiques que l'on diffusait jadis dans les ciné-clubs. Quoiqu'il en soit, les préoccupations comiques paraissent en quelque sorte grignotées. L'humour de la première partie est d'une rare imbécillité. Sans doute les relents colonialistes qui s'en dégagent sont-ils pour beaucoup dans ma retenue. Les deux personnages de Lefebvre et Guybet ont bien du mal à s'imposer. Henri Guybet hérite d'un rôle d'une bêtise sidérale, exceptionnelle. Lui trouver un quelconque attrait relève de l'exploit. Un imbécile gras. Il faudra attendre la partie parisienne pour qu'il se contente d'être juste un peu normal. Jean Lefebvre ne fait pas du Lefebvre, chose extraordinaire, il joue un cadre. Hé oui. On a du mal à y croire, c'est le moins que l'on puisse dire. Il subit, mais n'est pas aussi crétin que Guybet. Il est le seul à vraiment se mettre en colère face aux éléments contraires déchaînés. Guybet rouspète un peu quand le gibier "noble" qu'il a tiré à la chasse est transformé en un gibier moins noble. Me demandez pas, je n'y connais rien, mais c'est à peu près ce que j'ai compris de sa colère. Concernant ces deux personnages, vous voyez qu'il n'y a pas grand-chose à dire. Les comédiens font ce qu'ils ont l'habitude de faire, rire grassement, prendre des airs ahuris etc, sans apporter une touche d'originalité ou réellement personnelle qui éveille l'intérêt du spectateur. Plus j'écris et plus je me demande pourquoi j'aime bien ce film (ça sent le nanar). Il y a là une incohérence protubérante. Ça arrive. Trois comédiens, secondaires certes, sont très bons dans ce film. D'abord, l'immense Julien Guiomar que j'adule. Ce type est un acteur tout simplement génial. Dans sa démesure, il parvient toujours à garder de film en film une finesse et une maîtrise qui lui permettent de toujours jouer juste, même sans direction d'acteur. Cabotineur en diable, son outrance est toujours impeccable. Sa diction n'est jamais prise en défaut. Le rythme, l'oeil, les ruptures de tons sont incroyablement maîtrisés. L'écouter, le voir sautiller sur ces fils invisibles me procure un plaisir sans cesse renouvelé. Il se dégage de cet acteur une poésie gracile. Julien Guiomar est une libellule dans un corps de taureau. Je l'aime. On ne dira jamais assez qu'il était un très grand acteur. Fuoriclasse. Ce film donne également l'opportunité à une comédienne d'exprimer toute l'étrangeté et l'univers bizarroïde que sa manière de parler, de bouger, de jouer en somme, trimballe et expose. Catherine Lachens est une comédienne hors du commun. Ne l'ayant que peu vue jouer, j'ai bien du mal à savoir si elle est vraiment douée ou si elle n'a que le talent de vampiriser ses rôles. Peu m'importe. Sur ce film, elle avance seule, à contre-courant, à son rythme, sur son petit nuage et c'est formidable. Et puis je pense à un autre hurluberlu, Michel Peyrelon, une trogne que vous devez au moins connaître si vous ne parvenez pas à lui coller un nom. Lui aussi a une voix et un ton bien à lui, qui lui donnent un air de malade mental, une sorte d'hystérique mâle, à la fois effrayant et ridicule. Il trimballe son monde avec lui et c'est tout aussi magnifique que saugrenu. Applaudissements. Pour ces trois-là, le film vaut 100 000 fois d'être vu. Oups, j'allais oublier un autre très grand, Daniel Ceccaldi. Je l'oubliai sans doute parce sa participation est légèrement décevante. L'espèce de duo de clowns qu'il forme avec Lefebvre à Maurice est presque pénible, trop enfantin, inerte. Par contre, je retrouve un peu de cette perfection dans la narration qu'il fait pendant le dîner. Sa voix, son regard qui s'allument et son visage rayonne. Le Ceccaldi de L'hôtel de la plage de Michel Lang, celui de Pleure pas la bouche pleine ou Le chaud lapin ou Celles qu'on n'a pas eues de Pascal Thomas refait surface. C'est tout de même un acteur immense caché dans une multitude de petits rôles. Un type talentueux peu reconnu, un second rôleur exemplaire. Faut-il évoquer Renée Saint-Cyr, qui a retrouvé grâce à son fiston (Lautner) quelques vagues rôles en fin de carrière ? Je n'en suis pas persuadé, alors passons. Pourquoi j'aime ce film alors ? Il y a forcément un petit rapport affectif, une trace d'enfance, une sorte d'empreinte indélébile (en l'occurrence, d'aucuns diraient "débile") de ce passé de très jeune vorace cinéphagique qu'il ne me viendrait jamais à l'idée de renier tant il m'a permis de me constituer. Sans doute que le plaisir envieux, la joie galopine de suivre ces histoires de sortilèges a construit aussi mon juvénile enthousiasme. Je remarque d'ailleurs que la revoyure récente a complètement hypnotisé le marmot de la famille, qui invite depuis tous ses copains à venir voir le film à la maison le week-end. Les sorciers fascinent, ici d'autant plus qu'ils sont associés au rire ; esprits et sorciers farceurs. Mais je crois que ce qui me plait plus encore est à rechercher dans l'espèce de bonheur qui émane du film, une nonchalance, une absence d'inquiétude, une béatitude satisfaite, une sérénité qui se dégage des personnages, bref la nostalgie d'un temps vraiment insouciant, bêtement sans doute car le monde n'était pas aussi tranquille que ces productions grand public voulaient bien nous le faire accroire, pas plus heureux que le nôtre, mais l'individu n'était pas encore totalement centré sur lui-même (bien que les signes matérialistes bourgeois sont légions) et surtout les médias qui relaient les angoisses par leurs réseaux émotionnels n'avaient pas la place et l'omniprésence actuelle non plus. J'imagine que ce petit film et son humble ambition témoignent dans une certaine mesure de cette période encore "innocente". La sinistrose chronique n'a pas atteint toutes les aires sociétales. Doit bien y avoir d'autres raisons qu'un intérêt d'enfant et trois-quatre acteurs géniaux ou insolites pour expliquer la véritable affection qui peut me faire voir et revoir cette petite crotte. Anecdotes :
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La Gueule de l'autre (1979) par Sébastien Raymond Résumé : Un homme politique est devenu la cible d’un tueur. Pour échapper à la mort, il fait mettre à sa place en pleine lumière pendant la campagne électorale son cousin, un acteur raté. Critique : Pendant très longtemps, je n'ai pas aimé ce film. Je trouvais cette histoire de sosies et de redistribution des rôles entre le comédien ringard et l'homme politique hautain un arrière-goût de théâtre boulevardier poussif. Surtout la route libre que semble prendre avec jubilation l'ami Serrault me fatiguait. Finalement, j'étais triste. J'aimais Tchernia, j'aimais Poiret, Serrault, mais pas le film. Et je l'ai revu il y a quelques jours. Alors attention, je ne saute pas sur la table, ni n'agite le drapeau de l'enthousiasme délirant, mais j'ai pris un peu de plaisir. Déjà, Serrault ne m’a plus du tout éreinté. Au contraire, j’ai saisi enfin combien sa clownerie était juteuse. Avec ce rôle à double emploi, il s’en donne à coeur joie. A part quelques scories ici et là, son jeu m'a paru bon. Peut-être qu’il en fait parfois un peu trop quand il joue le côté pataud et lourd de Brossard, le raté ? Quand il joue l’autre face, le cynique Perrin, il est génial, à la fois inquiétant et pathétique, méchant et noir. Celui qui m'apparaît de plus en plus lumineux au fil des ans, c’est bien sûr Jean Poiret. Il subit ici, et ce n’est pas dans ce registre qu’il est le meilleur, mais il subit bien. Le duo qu’il forme avec Serrault est une institution. Je connais pratiquement leurs sketchs par coeur. Vous les trouverez facilement sur le net ou sur dvd, il y en a un qui circule, je vous le recommande. Ici, leur duo est finalement moins utilisé que la dichotomie entre les deux gueules (Brossard/Perrin). Ce qui m’ennuie un peu. En effet, l'histoire est toujours aussi tarte, oh si, faut le dire. Ces continuels échanges d'identités apparaissent un peu grossièrement écrits. Et pourquoi au juste ? Je ne vois toujours pas ce qu'apporte au final le film, très fade : tout au plus un passe-temps sans poésie, à l'humour peu relevé, fait de grimaces plus que de situations ou de bons mots, ce qui ne me touche que rarement. Deux ou trois scènes auront su retenir mon attention. C’est trop peu, mais je m’en délecte volontiers aujourd’hui. Là où j'ai pu prendre beaucoup de plaisir, c'est dans la revoyure dans de nombreux petits rôles (secondaires, tertiaires, quaternaires, jurassiques jusqu'aux simples apparitions) de comédiens plus ou moins oubliés. Un festival de gueules du cinéma français des années 70/80. A croire que j'avais besoin de ça. Un drôle de plaisir nostalgique. Anecdotes :
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Le Téléphone rose (1975) par Sébastien Raymond Résumé : Un entrepreneur provincial monte à Paris pour négocier avec un groupe industriel américain la reprise de son entreprise. Pour l’amadouer, on n’hésite pas à rendre son séjour dans la capitale le plus agréable possible. Une prostituée de grande classe censée être la nièce d’un des négociateurs tape dans l’œil de ce naïf chef d’entreprise. Critique : J'aime beaucoup ce film. Cela faisait très longtemps que je ne l'avais pas vu et j'ai craint au départ d'être déçu. La vision du patronat provincial (ce coup-ci, c'est Toulouse qui prend) et de la manière dont est vécue la crise issue de la mondialisation est au début radicalement archaïque. A priori, on nous dépeint quelque chose d'arriéré, et salement. Mais j'ai cru un instant que ce regard était nostalgique, bienveillant en tout cas. En fait, pas du tout. Il est sans concession et même très violent. C'est la pute (Mireille Darc) qui finit par dire ses 4 vérités au patron dépassé par son époque en mouvement (Pierre Mondy). Et avec quelle force ! Dur et réaliste, le coup porte. Il est même encore certainement d'actualité et peut expliquer les difficultés des européens en matière concurrentielle, une Europe en perte de vitesse, surtout d'hégémonie. Sur un texte de Francis Veber, les mots claquent. Droit au but. Pas de fioriture. Il y a donc une scène particulièrement marquante où Mireille Darc laisse éclater toute sa colère et son mépris pour l'incapacité de ce Français moyen à ne pas vouloir voir plus loin que le bout de son nez. Donner ce genre de dialogue à des acteurs aussi bons, cela produit un très bon film d'acteurs. Pierre Mondy est très émouvant. Il a un rôle compliqué à rendre crédible, passant d'un état d'esprit à un autre. Pourtant, il arrive à créer un vrai personnage. Je l'admire. Mireille Darc aussi a un rôle difficile, devant jouer un personnage tout en nuances, entre affection, mépris, colère. Loin d'être évident, et elle s'en tire très bien. Son jeu est impeccable, sûr. Un autre comédien que j'aime bien, c'est Daniel Ceccaldi. Il a ici un rôle peu reluisant, mais c'est un acteur toujours plaisant, assez sûr de lui, efficace. La mise en image de Edouard Molinaro est malheureusement abîmée par cette foutue photo baveuse, si en vogue à l'époque, davidhamiltonienne. Elle est tellement dégueulasse, que certains plans sont de la bouillie infâme. Les détails se noient dans le brouillard ou ont l'air d'être dédoublés. Quel pouvait être le sens de cette photo ? Aucune idée ! Aujourd'hui, cela donne une impression de manque de moyen, ou comme si le chef-op (Gérard Hameline en l’occurrence) avait été extrêmement mauvais. Certains plans sont illisibles. Je suis loin d'être sûr que la compression du dvd aurait pu sauver quoique ce soit. Ce film n'est pas un très grand film, parce qu'outre sa photo pourrie, il souffre d'un rythme un peu trop aléatoire, disons un peu anarchique, ce qui est souvent préjudiciable pour une comédie. On doit dès lors savourer le jeu des comédiens, la pertinence des dialogues et la morale de cette histoire, comme un témoignage d'une fin d'époque. Film de la fin des 30 glorieuses, film de la crise, film de la fin d'une certaine bourgeoisie. Une certaine nostalgie se laisse doucement deviner, mais surtout une grande amertume semble s'emparer de personnages désemparés devant cette évolution qu'ils ne comprennent pas. Une comédie presque triste. Anecdotes :
Séquences cultes : C'est moche Tu es franchouillard jusqu'au bout du béret Il aime qu'on le talque |