Je suis timide mais je me soigne (1978) par Sébastien Raymond Résumé : Pierre subit l’une des pires tares qui soit : il est d’une timidité maladive telle qu’il est incapable de faire le moindre pas vers les femmes. Amoureux d’une femme aux signes extérieurs de richesse qui vont bien au-delà de ses moyens, il est alors assisté par Aldo, une sorte de coach. Dès lors, il va entreprendre tout un apprentissage pour trouver enfin la force et la confiance qui lui font défaut. Critique : Dans les films de Pierre Richard que j’ai revus récemment, celui-ci est pour le moment sans doute le plus décevant. Il souffre d'un manque de rythme effrayant, qui casse la dynamique du récit que l’histoire laisse à peine deviner. Je ne crois pas en effet que le scénario soit pris fondamentalement en défaut. On voit très bien ce qu’espéraient Jean-Jacques Annaud, Alain Godard et Pierre Richard, une sorte de quête initiatique pour le personnage principal. Pierre (Richard) aidé par Aldo (Maccione) entreprend un long apprentissage pour se défaire de sa timidité excessive et handicapante. La trame est linéaire, tout à fait logique, agrémentée de petites scénettes rigolotes. Ça coule de source… sur le papier. Le problème vient de la mise en image, ou plus généralement de la mise en scène beaucoup trop statique, trop peu imaginative et vivante, peut-être aussi d’un montage excessivement laxiste. Les séquences apparaissent trop longues, mal coupées. L’action ronronne et on n’est pas loin de s’ennuyer parfois. Un vrai gâchis que la photographie terne souligne sur le plan formel. Dommage, car il y a de bonnes idées, mais qui ne peuvent aboutir totalement, faute de percussion. Pourtant, le film eut un petit succès. Il est vrai que Pierre Richard jouissait d’une grande popularité et qu’Aldo Maccione commençait également à trouver son propre public. Aujourd’hui, ce succès apparaît tout de même mystérieux. On sourira devant les participations réjouissantes de Robert Castel, de Catherine Lachens ou Jacques François. Le duo Aldo Maccione / Pierre Richard forme une association plutôt réussie, qui fonctionne bien. On a le sentiment d’une bonne dynamique, d’une entente pleine de joie et d’envie entre les deux comédiens. Mais cela ne suffit pas. Cela ne transparaît pas assez à l’image de façon à produire un spectacle explosif comme on s’y attendrait. Non, c’est bien plutôt l’habillage, la manière de filmer très impersonnelle, la mise en scène un brin pataude qui laisse la déception l’emporter au final. Mou, c’est trop mou. Anecdotes :
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La moutarde me monte au nez (1974) par Sébastien Raymond Résumé : Pierre, un professeur de mathématiques, est victime d’une blague de ses élèves qui intervertissent le contenu de trois de ses dossiers. Les conséquences en sont désastreuses. Pierre va devoir rétablir la situation, et c’est bien loin d’être une sinécure. Il doit jongler avec son cours, des photos de paparazzi, un père politicien très austère, une fiancée jalouse et une star de ciné très attirante... Critique : Nom d’une choupinette ! Je n'avais pas vu ce film depuis une bonne vingtaine d'années et j'ai pris une bonne grosse claque sur le beignet, celle du temps qui passe. Tout ce film me paraît vieillot, que ce soit la vieille voiture de Pierre Richard, ou cette école de filles, ces personnages avec des balais mal rangés (Claude Piéplu ou Jean Martin) ou que ce soit le regard porté sur la morale. Sur ce dernier point, la récente actualité en France fait rejaillir encore ces vieilles badernes à la moralité mortifère qui de temps en temps viennent dégueuler leur haine du désordre, des lumières, du corps, des homos, de la libre pensée, etc. Donc, en y regardant de plus près, ce film n'est pas si vieux que ça… malheureusement. Je me retrouve donc une nouvelle fois devant un de ses mystères qui me laissent pantois, que je n'arrive jamais à comprendre. Ici, il s'agit du mystère Claude Zidi. Je ne comprends pas son cinéma. Je ne parviens pas à faire le lien entre tous ses films. Il n'y a pas à proprement parler de style Claude Zidi, ni même d'univers qui de près ou de loin ferait sens. La plupart de ses films me paraissent franchement mauvais et pourtant, trois ou quatre réussissent à sortir du lot et même me plaisent bien. L'Inspecteur la Bavure est formidable par exemple. Bien entendu, l'explication nostalgique est très attirante alors. Par exemple, avec cette moutarde, cela fonctionne à plein tube ! Une claque du temps qui passe et que j'aime à recevoir… si ce n'est pas un cas de nostalphilie aiguë ! J'ai aimé ce personnage lunaire, totalement irréel, ce corps élastique, ces yeux discrets, souvent étonnés par le monde qui les entoure. Pierre Richard n'est peut-être pas aussi fouillé que dans ses autres films, notamment ceux qu'il a lui-même écrit et réalisé. Mais le scénario qu'il a co-écrit avec Michel Fabre et Claude Zidi lui donne surtout un vaste espace pour exercer cette errance poétique. Son personnage ne tient pas en place : il lui faut bouger tout le temps, quitte à faire des va-et-viens incessants, gauche-droite, haut-bas ; il monte à la corde, il descend de la corde ; il sort d'une baignoire pour monter sur le toit d'une caravane d'où il redescend pour retomber dans la baignoire ; sa voiture passe, puis repasse à toute berzingue. La seule fois où il stoppe vraiment, c'est quand il se heurte à la belle Jane Birkin. Cette histoire d'amour paraît peu crédible tout de même ! Jane Birkin a du mal à me faire oublier Gainsbourg quand elle est dans les bras de Pierre Richard. C'est bête, hein ? Qu'y puis-je ? Mais au moins cet improbable couple libère quelques papillons. La scène dans cette Camargue, toute généreuse dans son horizontalité, libre, pleine de promesses, est rafraîchissante. Même si l'on ne meurt pas de rire sous les coups de boutoir pas toujours fins des gags physiques qui font le costume de ce film, au moins sommes-nous baignés dans une atmosphère gentiment douce, heureuse. Je crois que c'est ce qui a le plus touché les spectateurs dans le cinéma de Claude Zidi : cette exubérante insouciance. Et qui fait aujourd'hui encore rire les enfants. De L'inspecteur la bavure aux Sous-doués, des Charlots aux Ripoux, Claude Zidi a toujours créé des comédies souriantes, souvent empreintes de cette insouciance post-soixante-huitarde. On n'est plus là dans la génération qui a connu la peur et les privations de la guerre ; on n'est pas encore dans celle d'aujourd'hui qui craint de perdre son travail et d'avoir faim. Zidi, c'est la France de l'entre-deux. Et cette moutarde, comme la plupart de ses autres films, ne semble pas maquiller la réalité, mais possède tellement ce pouvoir de légèreté propre à sa génération qui lui impose sa volonté de sourire avant tout. Alors que dans le parcours de Pierre Richard, dont l'autonomie et la personnalité ne sont plus à démontrer, il y a une part beaucoup plus forte d'incertitude. Derrière le masque du clown, toujours cette récurrente image mélancolique, quasi stéréotype, je sais. Surtout pour Pierre Richard, qui n'a pas l'air neurasthénique. Mais, il n'empêche... plus que le petit prince dans le désert, il se dégage autour d'un regard, d'un silence quelque chose de triste, tout au fond, bien caché chez ce comédien. C'est d'ailleurs sûrement ce qui fait qu'il n'est pas pour le public juste un pantin désarticulé, une coquille vide, mais bel et bien un personnage attachant, qui parvient malgré toutes les emmerdes qui lui tombent dessus à aller de l'avant, à bouger encore et encore et à sourire. Sur ce film-là, avec un récit aussi remuant, échevelé par la bourrasque Jane Birkin ou le mistral, l'association Zidi/Richard se complète bien, alimentant une aventure riche en rebondissements joyeux et finit par emporter l'adhésion. Moments légers et tendres, délicats, aimables, ce film moyen reste pour moi d'une saveur particulière. Anecdotes :
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Les Bidasses en folie (1971) par Sébastien Raymond Résumé : Un groupe de jeunes désœuvrés font ce qu’ils peuvent pour participer à un concours de musique. Ils vont même être obligés… horreur... de travailler pour arriver à leurs fins. Mais l’armée les appelle sous les drapeaux : c’est l’heure du service national et ses corvées. Critique : Premier film de Claude Zidi derrière la caméra, premier film des Charlots devant, premier film du producteur Christian Fechner, c’est toute une histoire de premières, qui se solde par un fracassant succès. L’aventure des “Charlots” est lancée ainsi que le développement d’un sous-genre cinématographique à part entière : la “bidasserie”. “Quand on a vu une bidasserie, on les a toutes vues” n’est pas une phrase bateau qu’on pourrait contredire aisément, tellement la thématique va être consommée jusqu’à plus soif au cours des années 70/80, explorée, exploitée jusque dans les moindres replis nanarisants de la production bis française. Aussi, ce premier opus se révèle une pierre angulaire difficile à écarter avec désinvolture. Un film porteur a sans aucun doute des qualités qu’il faut aller détailler et mettre en lumière, juste retour des choses. A titre personnel, et je suppose que ce titre est partagé par beaucoup de monde de ma génération, les Charlots n’ont jamais été pris très au sérieux, mais ont été l’objet d’une sérieuse affection. Ils ont bercé mon enfance, et leurs pitreries à deux francs six sous, commencées sur ce film-là ne sont pas sans effets agréables. Ils ont diverti, ils ont fait sourires des nuées d’enfants. Eux même enfants des 30 glorieuses, ils sont le bonheur incarné. De nos jours, le film peut paraître comme un OVNI : voyez comme cette bande de zozos lutte pour éviter de travailler, combien d’efforts ils concèdent pour se faire virer de leurs boulots. Une société du plein emploi a pu produire un film où s’amuser à faire de la musique et rien d’autre est la source d’un rire désormais inconcevable. De ce film qui accumule des petits gags gentillets semble se dégager une drôle d’idée, très courte finalement, celle d’une vie simple, sans réel heurt, sans angoisse non plus, sans tristesse, sans conséquence. Enfance prolongée, comme une garantie éternelle même. Les Charlots font rire les enfants parce qu’ils sont restés immatures et irréels. Le monde des Charlots est parallèle, dans une autre dimension. Ceux qui les côtoient en acceptent plus ou moins la folie. Marion Game en joue avec autant de gentillesse que de beauté. Jacques Dufilho et Jacques Seiler en font des frais plus douloureux. Chez les Charlots proprement dit, Gérard Rinaldi reste celui qui semble le plus à son aise dans le jeu. J’ai un petit faible pour Luis Rego, par ailleurs l’avocat du tribunal des flagrants délires de France Inter, le portugais à qui on a osé refuser la nationalité française. Luis Rego a une place dans mon coeur. Pour les trois autres, je serais moins enthousiaste. Le film avance doucement mais surement, énumérant ses gags, en file indienne, avec un bonheur varié et mesuré. Le film clairement composé de deux parties assez distinctes parait un peu déséquilibré de fait. La première partie est plus vivante, innovante, animée par la joie de vivre, le projet musical du groupe, alors que la deuxième partie, toute militaire et qui donne son titre au film me semble plus lourde et un peu plus commune. Dans l’ensemble, le film distille une poésie de l’humour un peu naïve, flower power, aujourd’hui très datée, mais qui n’est pas sans charme, avec ses couleurs criardes, son inventivité exagérée, à la Gaston Lagaffe et ses petits jeux enfantins où l’absurde n’est jamais trop loin. Le film se laisse regarder. Dans la série des Charlots, il y en aura de bien mauvais. Celui-là ne fait pas d’étincelles, mais n’arrache pas l’oeil non plus, restant dans un entre-deux acceptable. Anecdotes :
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Je sais rien, mais je dirai tout (1973) par Sébastien Raymond Résumé : Fils d’un grand marchand d’armes, Pierre souffre des aspirations toujours déçues de son père à son encontre. En effet, il rêve plutôt d’un monde apaisé, sans violence, se veut assistant social pour une petite bande de voyous. Entre rêve et réalité, Pierre est le jouet d’un peu tout le monde. Critique : Co-écrit par Pierre Richard et Didier Kaminka qu’on voit également dans la distribution, le scénario est très ancré dans son époque, dénonçant les ventes d'armes, décrivant les rapports sociaux au sein de l'usine avec sans doute beaucoup de stéréotypes. Sur cette critique politique, aujourd'hui, le film apparaît un peu naïf et simple. Certains diront qu’il l’était déjà à l’époque. Pas suffisamment violent pour dénoncer le cynisme des personnages, mais pas non plus très clair avec les bons sentiments affichés par d’autres, on ne sait trop où situer le véritable propos de fond. Entre comédie burlesque où le physique élastique et la clownerie de Pierre Richard sont maîtres, et comédie satirique pour ne pas dire politique post-soixantehuitarde, le film cherche son orientation sans trouver. Quelques gags par-ci, quelques scènes par-là font que le film peut être visionné avec plaisir. A ce propos, si l'on aime les acteurs, quelques numéros sont sympathiques. Je pense à Francis Lax, Bernard Blier évidemment, ou bien Daniel Prévost en duo avec Pierre Tornade. Mais un aspect un peu décousu de ses participations laisse un goût un peu amer, une impression de “inaboutissement”. Le film peut également être considéré comme une curiosité, un objet historique témoin du style de son époque et des nombreuses comédies françaises plus ou moins revendicatrices, qui auraient voulu représenter un cinéma de révolte à l'image de la comédie italienne qui faisait alors office de modèle. Même si la filiation peut paraître aujourd'hui très aventureuse, je suis cependant presque sûr que ça devait trotter dans la tête de ce jeune cinéma français. Que ce soit Jean Yanne avec Tout le monde il est beau, Christian Gion avec C’est dur pour tout le monde, ce cinéma comique s’essaie à montrer les dents, avec des bonheurs variés. Et Bernard Blier en trait d’union, cela dit en passant. Je suis convaincu que Pierre Richard n'échappe pas à cette tendance ici. On peut aussi songer fortement à Jacques Tati. Pierre Richard propose un personnage au fond très bon, mais déconnecté du monde, un funambule qui essaye tant bien que mal de s'extirper de la gangue familiale oppressante en se libérant par ce qu’il considère comme la réelle modernité. Avec Le distrait, peut-être que ce film est celui qui m’a le plus convaincu parmi les films réalisés par Pierre Richard. Je le préfère largement dans les comédies des autres, plus incisives, ou Pierre Richard est comme canalisé et peut-être même mieux filmé tout bonnement. Anecdotes :
Séquences cultes : À la préfecture Il a la mâchoire bloquée Tu lui dis vous ! |