Open menu

Volume 1Volume 3

La caméra explore le temps

Volume 2



1. L'ÉTRANGE MORT DE PAUL-LOUIS COURIER

Date de diffusion : 9 Mai 1958

Auteur : Alain Decaux

Résumé :

Paul-Louis Courier (1772-1825) mit à profit sa carrière d’officier d’artillerie en Italie, au service de la Révolution puis de l’Empire, pour acquérir une large érudition. Il négligeait en effet souvent les devoirs de sa charge, afin de dévorer les bibliothèques des lieux visités, devenant un grand spécialiste de l’Antiquité. Peu favorable au Bonapartisme, il s’oppose néanmoins avec acharnement à la Restauration. Il entre en politique via de retentissants pamphlets, à la cinglante ironie. Libéral et anticlérical, il s‘acharne, malgré plusieurs peines de prison. Son corps criblé de balles est retrouvé en avril 1825. Un mobile politique est soupçonné, mais un témoignage permet d’incriminer des domestiques, sans toutefois lever le doute, d’autant que les accusés sont acquittés.

Critique :

L’épisode manifeste une grande maîtrise de son écriture, mais ne peut toutefois empêcher que l’on ressente qu’il passe à côté de son sujet. En effet, ce qui nous intéresse au premier chef à travers la narration de l’affaire Courier demeure l’évocation de l’atmosphère empoisonnée  d’une époque. Mais cette peinture d’une période voyant les Ultras accéder enfin à la domination sociale et à la libre expression de leur haine revancharde, à la faveur du début du règne de Charles X, reste malheureusement sommairement brossée. Un évènement dramatique comme le meurtre du Duc de Berry, contribuant massivement à la radicalisation des esprits, se voit simplement cité dans la conversation et non explicité.

A ce passionnant volet politique, Alain Decaux, encore sans doute influencé par la précédente série des Enigmes de l’Histoire, préfère l’examen réellement par le menu du volet domestique de l’affaire et de ses coupables potentiels (l’épouse infidèle, son amant peut-être assassin). Dès lors l’intrigue devient celle d’un drame judiciaire, davantage qu’un récit historique. Pour l’essentiel, cette analyse des témoignages, des alibis, des éléments de procédure (etc.) pourrait de fait se dérouler à une toute autre époque, autour d’une victime quelconque. Les amateurs de ce type d’histoire y trouveront sans doute de l’intérêt, tant la narration complexe demeure très claire et organisée avec talent autour d’une étude de caractères. On apprécie notamment l’opposition entre un procureur soucieux avant tout de l’ordre public et d’un juge instruction bien davantage acharné à découvrir la vérité.

 La distribution apparaît tout à fait convaincante, avec une grande implication, aussi bien des premiers que des seconds rôles, malgré la pression du tournage en direct. La mise en scène s’entend à animer un tournage inséré en une poignée de décors, les caméras de Lorenzi parvenant à tenir le rythme d’un montage serré multipliant les scènes courtes changeant les décors et :maintenant souvent les personnages en mouvement. La voix hors champ se voit également optimisée comme fil conducteur de l’action. Il n’en reste pas moins que l’amateur de récit historique restera déçu du faible éclairage porté sur une période particulièrement délétère de notre Histoire.

Anecdotes :

  • En 1940, la Pléiade publia l’intégralité des écrits, correspondances et traductions de Courier, grand helléniste doublé d’un redoutable polémiste.

  • En 1949, le film La Ferme des sept péchés, de Jean Devaivre, narra l’affaire du meurtre de Paul-Louis Courier. Il fut tourné sur les lieux du drame, en Touraine, à Véretz.

  • L’Histoire poursuit son cours autour de la série, alors que les évènements dramatiques se précipitent en Algérie et à Paris. L’épisode est diffusé le 09 mai 1958, le 13 survient le Putsch d'Alger. La menace de chaos conduit alors le Général de Gaulle à revenir au pouvoir, avec un gouvernement investi le 01 juin. Le Général va proclamer l’avènement de la Cinquième République, dont la Constitution est approuvée par référendum en septembre.

  • François Chaumette (Le juge d’instruction) fut l’une des grandes figures de la Comédie Française, dont il fut sociétaire de 1960 à 1987. Il fut également un visage familier des séries historiques françaises, apparaissant dans de nombreuses productions de la RTF, puis de l’ORTF (Les Enigmes de l’Hsitoire, Le Chevalier de Maison Rouge, Schulmeister…). Il va participer six fois à La Caméra explore le Temps. Il se spécialisa également dans le doublage de personnages maléfiques de films de Science-fiction : Dark Vador, HAL 9000, Khan…

  • Jean-Roger Caussimon (Paul-Louis Courier) connut une carrière prolifique, à la fois comédien de théâtre et de cinéma, chanteur, parolier pour Léo Ferré, Julien Clerc, Bernard Lavilliers… Il apparut fréquemment à la télévision, dont il participa aux débuts expérimentaux, dans les années 40. Il va jouer huit fois dans La Caméra explore le Temps.

Retour à l'index


2. LA MORT DE MARIE-ANTOINETTE

Date de diffusion : 19 Octobre 1958

Auteur : André Castelot

Résumé :

Le procès et les derniers jours de Marie Antoinette. Alors que Louis XVI ait été exécuté le 02 janvier 1793, elle comparait devant le Tribunal révolutionnaire, mené par l’accusateur public Fouquier-Tinville, le 03 octobre. Malgré la présence du jeune avocat Chauveau-Lagarde, son procès va s’avérer nettement plus sommaire et caricatural que celui de son mari, Entre temps Maximilien de Robespierre a pris le pouvoir et décrété la Terreur pour sauver la Révolution des menaces intérieures et extérieures. La mort de Marie-Antoinette est d’emblée décidée, comme nécessité politique. L’ »Autrichienne » est guillotinée le 13 octobre 1793.

Critique :

Avec cet épisode, la série continue à s’enraciner au sein du triptyque Révolution-Empire-restauration, mais nous délivre à cette occasion une magistrale narration d’une es pages les plus fameuses de cette partie de notre roman national. On ne peut qu’applaudir devant le grand souci d’historicité manifesté par Castelot, ce qui ne l’empêche par ailleurs nullement de rendre captivante cette ultime étape du parcours de Marie-Antoinette. L’opus débute ainsi par une saisissante évocation de la marche à la Révolution ayant conduit jusqu’au procès, en voix hors champ idéalement accompagnée de belles gravures. Les enjeux se voient parfaitement circonstanciés, avec un grand souci d’objectivité. De même les paroles prononcées par Marie-Antoinette l’ont effectivement été et la vie de ce qu’il demeure de la famille royale emprisonnée est dépeinte avec une grande profusion de détails. 

Même si l’on ressent une sympathie pour elle, Castelot évite le piège de l’hagiographie de la Reine (dont la correspondance prouvera par la suite qu’elle a bien transmis des informations aux adversaires de la France). De même si les aspects scandaleux et orduriers du procès sont mis en avant, le récit ne noircit pas Robespierre désireux de rendre irrévocable le fit révolutionnaire et de susciter l’unité de la Nation face aux périls, fût-ce au prix de la Terreur. En définitive, s’il fait belle part à l’émotion, l’épisode laisse le spectateur se forger son opinion sur l’ « affaire Marie-Antoinette », en ayant tous les éléments en main. 

La somptueuse distribution restitue toute la force de ce moment particulièrement dramatique, dont on comprend aisément qu’il ait tant inspiré le cinéma et la télévision. Annie Ducaux apporte toute une fragilité diaphane à la Reine et accomplit de superbes performances, dont la lecture hors champ de l’ultime lettre de Marie-Antoinette à sa sœur, tandis qu’elle monte à l’échafaud (la mise en scène à la pudeur de ne pas reconstituer l’exécution elle-même). François Maistre en visqueux Fouquier-Tinville et Michel Bouquet en Robespierre dominant toute la scène, s’avèrent magistraux. Les amateurs d’Angélique, Marquise des Anges pourront s’amuser de découvrir Jean Rochefort déjà interpréter l’avocat dans un procès politique truqué, six ans avant qu’il ne devienne Desgrez dans le film de Bernard Borderie.

Anecdotes :

  • L’épisode est diffusé deux semaines après la promulgation de la nouvelle Constitution, celle de la Cinquième République, après le référendum positif du 28 septembre. Le 23 octobre le FLN va refuser la « Paix des Braves » proposée par le Général, le conflit algérien se poursuit.

  • André Castelot semble pénétré de son sujet et, durant les années 50, ses premiers livres portèrent effectivement sur la famille de Louis XVI. En 1953, il publie une imposante biographie de Marie-Antoinette, ouvrage couronné par l’académie française.

  • Jean Rochefort (Chauveau-Lagarde) est encore surtout connu au théâtre, où il a débuté sa carrière à 23 ans, en 1953. Le succès au cinéma viendra en 1961, avec Cartouche, puis suivront Les Tribulations d'un Chinois en Chine et le cycle des Angélique, Marquise des Anges. Il participera également à l’épisode Les Templiers.

  • Michel Bouquet (Robespierre) est alors déjà une figure du théâtre français, où il débuta en 1944. Il y connaît un succès rapide, aux côtés de Jean Anouilh, au Théâtre de l'Atelier, puis de Jean Vilar au TNP et au Festival d'Avignon. Le succès au cinéma viendra surtout durant les années 60 et surtout 70, avec des rôles d’autorité souvent antipathiques ou sombres (Deux hommes dans la ville, 1972 ; Le Jouet, 1976, etc.). Il va apparaître trois fois dans La Caméra explore le Temps.

  • Annie Ducaux (Marie-Antoinette) fut sociétaire de la Comédie française, de 1948 à 1982. Elle tourna également dans de nombreux mélodrames au cinéma (Prison sans barreaux, 1938). Elle devrait rependre le rôle de Marie-Antoinette dans la série Le Chevalier de Maison-Rouge (1963).

  • François Maistre (Fouquier-Tinville) est évidemment remémoré pour le rôle de M. Faivre dans Les Brigades du Tigre, mais compte bien d’autres rôles à son actif. Il va participer à pas moins de 15 reprises à La Caméra explore le Temps

Retour à l'index


3. IL Y A QUARANTE ANS…

Date de diffusion : 11 Novembre 1958

Résumé :

A travers images d’archives et témoignages, l’émission rend hommage aux Poilus de la grande Guerre, quarante ans jour pour jour après qu’ait été signé l’Armistice dans la Clairière de Rethondes.

Critique :

 Prenant la forme d’un pur documentaire, Il y a quarante ans échappe sans doute en partie à la  critique usuelle d’un épisode de série télévisée. Il n’en demeure pas moins un grand moment de télévision. Encore davantage que les éloquentes images d’archive, on apprécie par-dessus tout le témoignage sur le vif des survivants du terrible premier conflit mondial. Pour l’observateur de 2017, le fait qu’il s’agisse encore parfois d’adultes d’âge mûr apporte une nouveauté aux images équivalentes encore présentes voici quelques années. De fait leur narration présente une force particulière se communiquant aisément au spectateur d’alors.

Il faut dire qu’en 1958, la Grande Guerre reste plus proche de lui que le second conflit mondial, voire les conflits de la Décolonisation, de notre époque contemporaine. Souvent l’opus évoquera de terrible souvenirs de la génération précédente, avec en point d’orgue la solennité d’un Général Weygand présentant le célèbre Wagon de Rethondes, où fut signé l’Armistice (du moins sa copie à l’identique, l’objet ayant été emporté depuis par les Nazis). Un épisode tout à fait à part, devenu en soi un important document historique.

Anecdotes :

  • Dans ses mémoires, Alain Decaux exprime le souvenir ému de son père, qui participa à la Grande Guerre sur le front de l’Yser, en Belgique. En 1939, âgé de 51 ans et père de trois enfants, Francis Decaux n’hésita pas à se réengager afin de lutter contre Hitler.

  • Le narrateur de l’épisode est Pierre Fresnay. La carrière de l’acteur fut marquée par plusieurs rôles liés à la Grande Guerre, comme lors de films aussi différents que La grande illusion (1937) ou Les Vieux de la Vieille (1960).

  • Maxime Weygand (1967-1965) participa à la signature de l’Armistice de Rethondes en tant que chef d’état-major du Maréchal Foch. Il lui revint notamment de lire les conditions de l'Armistice à la délégation allemande. Par la suite il fut le chef en chef de l’armée française durant le désastre de 1940. 

Retour à l'index


4. L'ÉNIGME DE PISE

Date de diffusion : 11 Janvier 1959

Auteur : Alain Decaux

Résumé :

Après avoir vécu une existence aventureuse dans toute l’Europe et revêtu de nombreuses identités, en 1772 Ielizaveta Alekseïevna Tarakanova (1753-1775) se prétend l’héritière légitime du Tsar défunt Pierre III, en lieu et place de l’actuelle Tsarine, Catherine II. Sa beauté et son entregent lui valent un nombre croissant de partisans dans l’aristocratie, y, compris parmi les Polonais exilés, ennemis de la Grande Catherine. Alors qu’elle séjourne à Pise, en 1774, Tarakanova est séduite par le comte Orlov, commandant de la flotte russe en Méditerranée. Il la demande en mariage et lui propose de la conduire en Russie, où il soutiendra ses prétentions. Une fois à bord, elle est jetée aux fers, Orlov agissant sur l’ordre de Catherine. Emprisonnée dans une forteresse glaciale de Saint-Pétersbourg, Tarakanova y périra rapidement de la tuberculose.

Critique :

L’histoire du jour ne manque certes pas d’intérêt, on avouera d’ailleurs qu’il s’agit d’une belle découverte, car nous n’en avions tout simplement jamais entendu parler. Contemporaine aux dernières années du règne de Louis XV, l’aventure permet enfin à la série de quitter la période révolutionnaire/impériale où elle se cantonnait jusqu’ici (hormis pour la commémoration du Onze Novembre), tout en présentant l’originalité d’être totalement externe à la France. Le sujet en apparaît parfaitement romanesque, avec un beau portrait de femme, sans doute semi-aventurière, semi-mythomane, dont l’existence devint l’enjeu d’un duel opposant deux parties pareillement cruelles et déterminées, la coterie des exilés polonais et l’émissaire de l’impitoyable Catherine de Russie. L’issue tragique nous renvoie toutefois au monde réel, tandis que le récit parvient à insérer quelques informations sur le règne de la Tsarine, remarquable à plus d’un titre.

Si, dès son introduction, l’épisode se situe dans la légende noire de la Russie impériale, forcément stimulante pour l’imagination, il n’évite toutefois pas toujours le piège du mélodrame, notamment lors de la longue confrontation finale. Cela influe également sur le jeu des acteurs, beaucoup trop théâtralisé chez Françoise Prévost, mais aussi chez Piccoli, même si celui-ci tire davantage son épingle du jeu. On pourra également estimer que, même bénéficiant de décors améliorés, la mise en scène de Lorenzi résulte moins inspirée qu’à l’accoutumée, avec trop de scènes de dialogues à deux, filmées de manière rigide. Le débat entre Decaux et Castelot, légèrement plus fébrile qu’à l’accoutumée, nous semble également quelque peu survendre la thèse d’une Tarakanova membre de la famille des Tsars. Néanmoins l’épisode demeure une belle évocation de ces multiples destins singuliers s’inscrivant en large de la Grande Histoire, dont raffolera toujours Alain Decaux.

Anecdotes :

  • Le mystère des origines de l’ascendance de Tarakanova intéressa plusieurs historiens, même si aucun élément ne vint confirmer son étonnante histoire. Plusieurs films lui furent consacrés, dont Knyazhna Tarakanova, dès 1910.

  • Françoise Prévost (Tarakanova), malgré une belle carrière au théâtre, ne se fit véritablement connaître au cinéma qu’avec l’arrivée de la Nouvelle Vague. Elle devint alors la muse du réalisateur et scénariste Pierre Kast (Le bel âge, 1960). Elle est la fille de Marcelle Auclair, cofondatrice du magazine Elle avec Hélène Lazareff, en 1945.

  • Michel Piccoli (Orloff) débute lui au théâtre et doit pareillement attendre la nouvelle Vague pour se faire connaître au cinéma, avec Le Mépris, de Jean-Luc Godard (1963). Il va devenir l’une des grandes figures du cinéma français, collaborant avec les plus grands réalisateurs, en particulier Claude Sautet et Luis Buñuel. Piccoli va participer trois fois à La Caméra explore le Temps.

  • François Maistre (Le père Chanecki) évidemment remémoré pour le rôle de M. Faivre dans Les Brigades du Tigre, mais compte bien d’autres rôles à son actif. Il va participer à pas moins de 15 reprises à La Caméra explore le Temps.

Retour à l'index


5. LE VÉRITABLE AIGLON

Date de diffusion : 27 Février 1959

Auteur : André Castelot

Résumé :

La destinée de Napoléon François Charles Joseph Bonaparte, dit l’Aiglon, fils de Napoléon et de Marie-louise. Considéré avec méfiance par sa propre famille, les Habsbourg, il est Napoléon II, l’héritier de l’Empereur, pour le camp bonapartiste. Il vécut comme un semi prisonnier au palais de Schönbrunn auprès de son grand-père François 1er, considéré comme un risque pour l’équilibre européen par le Chancelier Metternich et dédaigné par sa mère remariée et régnant à Parme, pour qui il rappelle ce qu’elle considère comme une humiliation. Son état de santé se dégrada rapidement et il mourut de tuberculose à l’âge de 22 ans.

Critique :

Outre l’amusant intermède du duplex entre Decaux et Castelot, l’épisode débute par le désormais coutumier discours en voix hors champ, accompagné de gravures et reconstituant le contexte historique à la perfection (les amateurs des Brigades du Tigre seront en terrain connu). Après ce résumé tout en fureur de la trajectoire guerrière de l’Empire, le scénario doit faire face à la difficulté d’y faire succéder un récit essentiellement psychologique, que la nature même de la singulière destinée de l’Aiglon, un cas quasi unique dans l’Histoire, prive par nature de tout développement politique. Le choix d’une historicité la plus absolue possible, basant la plupart des dialogues sur les correspondances de Napoléon II ou de sa mère avec leurs proches, rend plus difficile encore le tournage, du fait de nombreuses scènes figées voyant les protagonistes écrire encore et encore une lettre. Et pourtant l’épisode va captiver de bout de bout.

L’analyse très fine et sensible du caractère de l’Aiglon rend ainsi réellement poignant son parcours comme son vide existentiel, face à son statut de semi prisonnier, ridiculisé par la presse officielle, épié par la police politique sous l’apparente douceur de vivre du Palais, à l’absence d’un père dont tout son entourage l’incite à nier l’existence, à une mère toujours lointaine, à la difficulté de se forger un destin en dehors de sa dimension de fils de l’Usurpateur, etc. La dimension psychologique du récit devient dès lors une force et non une faiblesse, avec quelques à-côtés très réussis, la tendresse du grand-père comme seule lumière, ou l’omniprésente figure de Metternich. Admirablement interprété par Jacques Castelot, en contrepoint l’opus nous vaut un superbe portrait de ce gouvernant essentiel, à la fois parfait homme d’esprit et du monde et maître d’œuvre acharné du maintien du système d’équilibre européen qu’il forgea au Congrès de Vienne, prêt à tout sacrifier à la raison d’Etat.

Castelot sait également pallier à l’inertie politique forcée de son protagoniste, en incorporant au récit les grands évènements de l’époque, sous l’optique de potentielles occasions pour l’Aiglon d’enfin embrasser son destin (mort de Napoléon, Trois Glorieuses parisiennes, irruption soudaine du Printemps des Peuples menaçant d’emporter le Système de Metternich). Admirablement servie par les caméras de Lorenzi, la formidable distribution apporte immensément à l’épisode, par son talent (Jean-François Poron est formidable dans l’expression des nuances de l’identité complexe de Napoléon II), mais aussi celui des costumières et maquilleuses rendant les interprètes étonnamment ressemblants aux personnages historiques. Plus que jamais, cette distribution provient du théâtre, on peut y voir un écho de l’interprétation célébrissime de l’Aiglon par Sarah Bernhardt dans la pièce d’Edmond Rostand. Seule femme présente, la regrettée Claude Gensac participe activement à la défense d’une Marie-Louise non caricaturée, restituée dans sa vérité.

Anecdotes :

  • La même année que la diffusion de l’épisode, André Castelot va publier une importante biographie de l’Aiglon, L’Aiglon : Napoléon II.

  • Durant l’émission Alain Decaux se trouve à Munich, où se tient une importante vente aux enchères d’éléments de la correspondance de l’Aiglon. Il discute avec plusieurs passionnés du personnage, avant de passer l’antenne à André Castelot demeuré à Paris, à l’occasion d’un des premiers duplex référencés de la télévision française. 

  • Claude Gensac (Marie-Louise), disparue en 2016, est notamment remémorée pour avoir joué à de nombreuses reprises l’épouse du Gendarme Cruchot et d’autres rôles de Louis de Funès. Elle futt également une figure du théâtre français, au début comme tragédienne, puis en s’orientant progressivement vers la comédie de boulevard. En 2015 elle remporte le César de la meilleure actrice dans un second rôle, pour Lulu femme nue. Elle va participer trois fois à La Caméra explore le Temps.

  • Lucien Nat (L'empereur François) intervint surtout au cinéma et au théâtre, mais apparut à diverses reprises à la télévision durant les années 60 et 70 (Les cinq dernières minutes, les enquêtes du commissaire Maigret…). Il va participer trois fois à La Camera explore le Temps.

  • Jean-François Poron (L'Aiglon) est alors à l’orée d’ue superbe carrière au théâtre, où il va jouer Jean-Paul Sartre, Jean Anouilh, Jean Giraudoux… Il va également tenir de nombreux rôles à la télévision, le plus souvent dans des productions en costumes.

  • Jacques Castelot (Metternich) joua de très nombreux rôles d’aristocrates ou de personnages d’autorité durant sa longue carrière. Il est ainsi l’Archevêque de Toulouse ans Angélique, Marquise des Anges (1964). Il est le frère d’André Castelot. Jacques Castelot va en tout participer six fois à La Caméra explore le Temps.

Retour à l'index