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La Route (1963)

 


PRÉSENTATION

Une saison  - Diffusion sur l'ORTF à partir de décembre 1963.

Cette série est tirée du roman de Albert Aycard et a été réalisée par Pierre Cardinal. Elle évoque le monde des routiers de l'époque, un temps révolu, où nous découvrons par exemple les halles de Paris (qui n'étaient pas à Rungis) et la nationale 7 en lieu et place des autoroutes d'aujourd'hui.

Série/feuilleton, « La Route » nous permet de regarder des épisodes sans forcément avoir vu les précédents. Aujourd'hui, la série serait hautement politiquement incorrecte : dans chaque épisode, les routiers s'arrêtent dans des relais et lèvent leurs verres de vin (Pas d'alcootest) à l'époque. Ils fument aussi abondamment.

Le monde des routiers n'est pas montré comme solidaire à priori (C'est chacun pour soi). Un syndicaliste, le seul parmi eux, prêche dans le désert. Mais les routiers font front contre les affréteurs qui font la pluie et le beau temps. Le plus influent d'entre eux , Daumas (Michel De Ré), est présenté comme le « s alaud » de la série.

Singularité de la série : les personnages sont appelés soient par leur nom de famille, soit par leur prénom, les épouses interpellant leur mari par leur nom de famille. Il en va ainsi de Mathieu (René Dary) et de Dupuy (Jean Gaven). Pour leurs épouses, nous connaissons noms et prénoms – c'est l'exception - Françoise Mathieu (Jacqueline Corot) et Mireille Dupuy (Catherine Sola).

Catherine Sola, qui tourne toujours, ne semble pas interpréter un rôle. Marseillaise avec un accent à couper au couteau, on dirait qu'elle improvise ses dialogues et qu'elle parle comme dans la vraie vie.

Les autres, René Dary (vu dans « Belphégor » en commissaire Ménardier), Jean Gaven(« Maurin des Maures », « L'été meurtrier ») et Jacqueline Corot qui incarne Françoise Mathieu, une fille de 25 ans qui a épousé un homme de 50, tout comme Michel De Ré et Etienne Bierry (Beauvais, un routier alcoolique) font preuve de ce que l'on peut attendre d'un acteur. Catherine Sola réussit l'exercice périlleux de ne jamais sombrer dans l'amateurisme ou le ridicule en jouant « naturel ».

Les personnages sont en place et la série peut commencer. Elle va mêler drames et joies. Nous verrons l'opposition des routiers à la SNCF, leur joie lorsqu'il y a une grève et la façon dont ils font « monter les prix » de leur transport dans ces cas-là.

La série fut diffusée au Canada et a laissé un souvenir inscrit dans le marbre chez les routiers qui l'ont vu en 1963. L'INA déclarait ne pas retrouver le programme. Un ex routier téléphile, Edmond Barbaro, mena une campagne (avec des camarades de sa corporation) pendant six ans, réussissant à retrouver la trace de la série au Canada, pour obtenir que l'INA, puis KOBA Films Vidéo, éditent cette série. Grâce lui en soit rendu car cela a permis de redécouvrir une série en avance sur son temps pour la réalisation de Pierre Cardinal, et captivante.

Le lobby des routiers, ou plutôt des routiers retraités, a fait le forcing auprès de diverses instances (L'INA, Koba films vidéo, etc) pour obtenir l'édition en DVD d'une série sur les routiers: "La route" (1963) avec Jean Gaven et René Dary.

C'est un certain Edmond Barbaro, qui voulait absolument revoir cette série, qui a mené une croisade déjà pour que l'on retrouve le négatif de la série.

L'INA ne le retrouvant pas, il s'est adressé à un site canadien sur les routiers (La série a été en son temps diffusée au Canada) et à force de persévérance, retrouvé la trace du film.

Au terme de six ans de démarches, Edmond Barbaro, rassemblant les souhaits d'anciens routiers, a obtenu la mise en ligne de "La route" sur l'INA, qui l'a d'abord vendu à un prix prohibitif : 80 euros pour 15 épisodes.

Ce qui est assez extraordinaire est le fait que Nicolas Velle de Koba Films Vidéo, a fini par accepter d'éditer la série pour le grand public.

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1. ÉPISODE 1



Les premières images de « La route » nous montrent les phares d'un camion la nuit, près d'un panneau indiquant Sens.

D'emblée, des deux chauffeurs, Mathieu (le patron) et Dupuy (L'employé), c'est le comédien René Dary (1905-1974), dans le rôle de Mathieu, qui par sa gouaille attire notre attention. René Dary a joué dans « Touchez pas au grisbi » avec Jean Gabin, et si « La route » est injustement tombée dans l'oubli, il deviendra en 1965 le policier qui enquête au Louvre sur « Belphégor ». 

Le jeu de Jean Gaven (Dupuy) est plus sobre. Les comparses rencontrent des chauffeurs qui font le trajet en sens inverse, Marius (Albert Rémy) et Combès (Yves Gabrielli). Les quatre routiers décident de s'arrêter chez Corneille, un relais routier. Corneille est aussi le nom du patron, joué par Alexandre Rignaud (Robert de Clermont, le seigneur à l'esprit dérangé dans « Les Rois maudits » de Claude Barma).

Mathieu s'éclipse et va téléphoner à sa femme, plus jeune que lui de 25 ans, et nous comprenons que cet homme est tiraillé entre l'amour pour sa femme et la passion pour son métier. Il se prend d'ailleurs de sérieuses réprimandes au téléphone.

Si le second convoi se dirige vers Marseille, celui de Mathieu arrive à Paris, occasion de redécouvrir les halles telles qu'elles étaient avant 1969. Tout ce monde picaresque a disparu, et la série sert de témoin de son époque.

Mathieu , qui prend comme taxi, une Ford Taunus, achète des huitres pour faire plaisir à Françoise sa femme, tandis que Dupuy dont l'épouse est à Marseille se propose pour aller décharger le camion aux halles. Les amateurs d'automobiles anciennes sont gâtés avec les scènes de circulation qui nous remettent en mémoire tous les véhicules de l'époque, 4cv Renault, Les Aronde, Dauphine, Peugeot 403 berline (Pas de « coupé » à la Columbo), sans parler des 2cv. Les camions semblent sortis de la seconde guerre mondiale tant ils font « vétustes », jusqu'à l'arrivée du camion moderne que s'achètera Dupuy au cours de la série.

Dans ce pilote, nous sommes familiarisés avec ce milieu des routiers du début des années 60, ses codes, ses lois, ses règles non écrites, son langage : on apprend ainsi que « dépoter » signifie en argot routier « décharger un camion ».

Les routiers dépendent des affréteurs, mais au lieu de constituer une corporation « ouvrière », chacun rêve de s'acheter un camion et de devenir son propre patron.

La caméra de Pierre Cardinal est étonnamment dynamique et « moderne » pour une série de l'époque. De plus, la copie qui est vendue en DVD n'a pas pris une ride, à la différence d'autres séries et téléfilms parfois plus récents que l'on peut voir sur le site de l'INA.

Un bon début : on attend la suite avec impatience, en se demandant pourquoi diable la télévision n'a jamais rediffusé cette série !

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2.ÉPISODE 2

Déjà en 1963, il est question de déplacer les halles hors de Paris, ce qui arrivera en 1969. Un maraîcher l'évoque ici. 

Dupuy perd plus de temps pour trouver le moyen de décharger sa marchandise qu'il n'en a mis avec son patron Mathieu pour faire le voyage. Les halles semblent un interminable bazar aux allures de gouffre de sueur et de chauffeurs fatigués. Long comme un guichet de la sécurité sociale, le chemin de croix des routiers pour livrer leur fret illustre la condition de vie inhumaine des chevaliers de la route.

Dans ce deuxième épisode, Mathieu se fait recevoir en beauté par sa trop jeune femme. Depuis cinq ans, Mathieu promet à sa femme (sa cadette de vingt-cinq ans) qu'il va arrêter la route.

Cet épisode nous montre une dispute entre Mathieu et Françoise. Plus avant dans la série, il ne sera plus question de ce dernier personnage qui exerce un chantage sur son mari, ce qui permet de penser qu'une seconde saison était envisagée.
« Si tu repars, c'est moi qui m'en irai »
« S'il y a du fret demain, je repars »

Cette série est à la frontière entre la réalité et la fiction. De nombreuses scènes des halles de l'époque constituent un précieux témoignage de ce lieu disparu.

Ce deuxième épisode où nous ne voyons pas de « route » mais uniquement l'intimité de Mathieu et les déboires de Dupuy aux halles remplit les promesses du premier. Nous nous trouvons là devant une série absolument géniale et injustement tombée dans l'oubli, alors que tant d'autres usurpent leur réputation. Il s'agit là d'une qualité française qui s'est perdue dans les années 80.

René Dary, avec sa bonhommie et son métier, domine encore la distribution, qui dans la moitié de la saison, permettra à Jean Gaven de reprendre les rennes et de tenir le premier rôle. Dary affiche ici une assurance un peu outrancière face à l'enjeu que représente le chantage de sa femme. Gaven dépeint fort bien l'épuisement de celui qui a traversé la France et se trouve devant l'absurde impossibilité de se frayer un passage dans les halles.
Un excellent épisode.

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3. ÉPISODE 3

Dans ce troisième épisode, Françoise a une attitude ambigüe avec Dupuy qui vient de dormir dans son camion. Elle est partagée entre l'envie de séduire le chauffeur, et de le faire parler sur les intentions de son mari de quitter la route. Dupuy ne lui laisse guère d'espoir, Mathieu fera la route jusqu'à sa mort.

Nous faisons ensuite connaissance avec Daumas, celui qui fait la pluie et le beau temps pour les routiers. Daumas (Michel de Ré) est l'affrêteur ignoble qui impose ses conditions que certains routiers acceptent et d'autres non. 

Mathieu, honteusement, fait partie de ceux qui plient, et il n'admet pas que Beauvais (Etienne Bierry) le lui rappelle : les deux hommes en viennent aux mains.

Ensuite, Daumas exerce un ignoble chantage sur Beauvais. Il lui reproche d'être mauvais routier et de ne pas lui « graisser la patte ». Mais aussi de s'adonner à la boisson.

Cet épisode nous permet de faire la connaissance de deux personnages importants de la série : le méchant Daumas, et le paumé Beauvais. Il écorne l'image de Mathieu que l'on voit « faire des concessions » pour avoir des frets, et Daumas au sommet de son ignominie en confiant un voyage impossible et peu rentable à Beauvais, se révèle l'une des plus belles fripouilles que les séries télé françaises nous aient jamais montrées.

« La route, ton univers impitoyable » pourrait-on paraphraser en pensant à « Dallas ». Dans ce joyau télévisuel, des caractères forts s'affrontent. Des routiers, des hommes. Les femmes auront peu de place dans la série, alors ne regrettons point que le casting ne nous offre pas de comédiennes confirmées. Notons que la série a ce côté actuel de la lutte pour le pouvoir que l'on trouvera dix ans plus tard dans «Les Rois maudits » de Barma.

Encore quatre melons pour un épisode d'une série qui n'a fini de nous réserver des surprises, pour notre plus grand plaisir.

En effet, "La route" fonctionne comme une anthologie, bientôt ce sera le combat de Dupuy qui voudra être patron et conduira de Marseille à Paris sans co-équipier, luttant contre le sommeil. La série aborde ainsi tous les genres : suspense, amitié, réalisme social, et spectacle aussi, tout simplement, sans parler des formidables numéros d'acteurs de Michel De Ré, Jean Gaven et René Dary.

Si la série "La route" n'était pas tombée dans l'oubli, Michel De René dans le rôle de Daumas,l'affreteur,qui causera la mort d'un routier, serait le plus ignoble méchant de toute l'histoire de la télévision française.

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4. ÉPISODE 4

Chez Corneille, Beauvais retrouve Mathieu et l'agresse d'emblée. Mathieu le met KO, et Beauvais se console avec une bouteille de vin.

Au relais routier, Mathieu reçoit les reproches du syndicaliste « Jésus » qui lui reproche d'accepter les conditions des affréteurs, au lieu de jouer sur la solidarité entre camionneurs. Mais les routiers sont peu sensibles aux arguments des syndicats.

Il apparaît que Beauvais s'adonne à la boisson depuis qu'il a surpris sa femme au lit avec un amant. C'est selon lui le sort de beaucoup de routiers.

Pris de remords, Mathieu prend en chasse le camion de Beauvais et lui demande d'arrêter de boire et de conduire à 60 km/h sans s'arrêter dans les relais. Dupuy s'étonne que son patron joue les « Saint Bernard ».

Beauvais s'endort au volant et Mathieu prend le volant. Au fond de lui, Mathieu se demande si Françoise sa femme ne le trompe pas elle aussi pendant qu'il est sur la route.

Dans cet épisode, René Dary montre en Mathieu une humanité qu'il ne gardera pas tout au long de la série, notamment quand Dupuy le quittera pour être son propre patron, alors que Jean Gaven montre une étonnante froideur.

Nous découvrons aussi qu'à la différence des cheminots par exemple, les routiers sont des « petits patrons » fort peu attirés par le syndicalisme et les revendications collectives. L'attitude de Mathieu étonne car c'est un peu « chacun pour soi » dans l'enfer du bitûme.

Trois melons seulement pour cet épisode qui n'est pas à la hauteur des trois premiers, et où l'on exagère dans le côté "moralisateur". La scène de poursuite de nuit entre les deux camions s'étire en longueur et est mal éclairée, d'autre part l'épisode s'éternise trop en bavardages.


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5. ÉPISODE 5

Dupuy et son patron se disputent au sujet de Beauvais. Mathieu est épuisé,et demande à Beauvais de prendre le volant. Il lui fait confiance, et Dupuy pense que son patron est devenu fou de faire confiance à un ivrogne.

L'épisode nous permet de voir, après de multiples scènes de nuit, les vieux camions sur la Nationale 7

Beauvais est repris par ses vieux démons, il sait d'autre part que Daumas ne lui fera pas de cadeau s'il ne mène pas son frêt à Marseille.

Fou de peur, Dupuy voit le camion devant lui zigzaguer et tente de le rattraper.

Le réalisateur Pierre Cardinal abuse des gros plans sur les visages de Jean Gaven et Etienne Bierry, au lieu de nous montrer la poursuite.

A la première station service, Dupuy donne une bonne rossée à Beauvais, mais Mathieu intervient et chasse son chauffeur. La tension entre les deux hommes est palpable et augure de leur future séparation à mi-saison.

Beauvais s'enfuit alors que le plein de son camion n'est pas terminé. Cette-fois, Pierre Cardinal, malgré les moyens de l'époque (1963) nous montre une poursuite qui se termine par le suicide de Beauvais dont le camion tombe dans le vide. A noter que juste avant, les camions manquent se percuter lors d'une valse dangereuse au bord d'un précipice.

Avec cet épisode disparaît l'une des « gueules » de la série, Etienne Bierry. Le comédien deviendra 13 ans plus tard le héros à part entière d'une série diffusée sur TF1 en mai juin 1976 en seconde partie du samedi soir sur TF1, « Grand Père Viking ».

Jean Gaven se montre de plus en plus antipathique en Dupuy. Peu à peu, lors de cette unique saison, il va voler la vedette à René Dary/Mathieu qui tenait jusque-là le premier rôle.

« La Route » est vraiment une série d'hommes. Dans cet univers de brutes où la loi du plus fort règne, nous découvrons des épisodes comme ce numéro 5 sans aucune présence féminine. Si je n'ai pas tari d'éloges sur la série jusqu'à ce jour, la production aurait pu faire un petit effort pour la musique. Celle-ci est un thème assourdissant et sans charme, répétitif comme le moteur d'un poids lourd. Le compositeur n'est d'ailleurs pas crédité au générique. Cela donne un petit côté « travail d'amateur » à « La Route » qui dispose de peu de moyens : pas de vedettes, seulement une intrigue forte qui prend aux tripes.


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6. ÉPISODE 6

A partir de cet épisode, qui se déroule entièrement à Marseille, c'est Dupuy (Jean Gaven) qui devient la vedette de la série, reléguant René Dary à quelques scènes où il se promène sur le port et appelle sa femme Françoise pour lui jurer que c'est son dernier voyage.

Dupuy veut absolument s'acheter un camion et se mettre à son compte comme patron. Il sait qu'aucune banque ne lui prêtera un sou, mais pense emprunter à Mathieu qui veut s'acheter un troisième camion, lequel Mathieu a promis à sa femme de laisser l'entreprise à Dupuy, mais comme employé.

L'épisode est illuminé par la présence de Mireille (Catherine Sola) qui joue avec un naturel désarmant, au point que l'on songe à une actrice non professionnelle ce que n'est pas Catherine.

Dupuy ne connaît pas sa chance, comme son patron, il préfère les camions aux femmes, et passe son temps à observer par la fenêtre si le camion de Mathieu ne va pas être volé.

Mireille elle a des idées plus romantiques sur le dimanche à passer avec son mari, et avec un sourire lui lance "Tu n'as pas peur de te faire voler ta femme quand tu es sur la route ?"

On voit le couple se promener dans Marseille, sur une plage, puis dans un bal populaire avec un orchestre fort doué (On dirait un orchestre de jazz). Mireille désarme toutes les inquiétudes de son mari qu'elle appelle "Dupuy".

"La route" montre ces hommes qui mariés à de jeunes et jolies femmes préfèrent leur métier et leur camion. Il faut sans doute être routier soit même pour les comprendre.

Au début de l'épisode, Mathieu se reproche de n'avoir pas sauvé Beauvais, Dupuy lui s'en fiche, et Mireille encore plus : sans méchanceté, elle dira à son mari : "Tu penses encore à cet ivrogne". Dupuy lui répondra qu'elle ne peut pas comprendre et que c'est une histoire d'hommes.

La rupture d'amitié et la haine vont séparer les deux héros dont l'un veut céder son entreprise à l'autre en en gardant le contrôle, et l'autre emprunter de l'argent à son patron pour le quitter.

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7. ÉPISODE 7

Quiproquo dans le camion de retour de Marseille : Dupuy veut un prêt pour devenir patron, ce dernier veut le nommer responsable de sa société "Mathieu" pour rester avec Françoise. Mais l'orgueil de Dupuy va jusqu'à vouloir que son nom figure sur son camion. Condition inacceptable pour Mathieu. Le ton monte.

Mathieu qui considérait Dupuy comme un fils se sent trahi. On retrouve encore la morale de la série : les routiers sont des patrons et non des employés. Du moins dans l'esprit de l'auteur Albert Aycard.

Pendant ce temps, une vieille dame sourde prend sa bicyclette. Elle ne regarde pas où elle se dirige et va provoquer un drame. Sa fille a tenté de la retenir, mais l'autre n'a rien entendu et fait des zigzag sur la route.

Tel le fantôme d'un mauvais présage du destin, la cycliste en noir avance, avance, et met en fureur des automobilistes. Sourde, elle n'entend pas les klaxons.

L'épisode n'atteint que deux melons en raison des trop nombreuses scènes de disputes entre patron et employé, qui ressemblent à des scènes de ménage. Trop de bavardage et peu d'action. On ressent un sentiment de claustrophobie, puisque la majeure partie de l'épisode se déroule dans la cabine du camion après l'escape reposante à Marseille.

Absolument furieux, Mathieu est sur le point de licencier Dupuy quand surgit la vieille folle en noir sur son vélo. Pour éviter, le camion se renverse, tandis que la vieille continue son chemin sans broncher. Pierre Cardinal avait le sens du "Cliffhanger" car cet épisode de mi-saison nous laisse sur notre faim. L'accident est grave (le second après le suicide de Beauvais), nos héros ont ils survécu ? On retrouve la veine des feuilletons du début du 20e siècle qui paraissait dans les journaux, et où il s'agissait de toujours attirer le lecteur d'épisodes en épisodes.

Suite au prochain épisode ...

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8. ÉPISODE 8

Les automobilistes passent indifférents devant le camion accidenté. Il faut un autre camion qui arrive pour venir au secours de Mathieu et Dupuy. Tous les deux sont saufs, mais Mathieu accuse son chauffeur d'avoir délibérément causé l'accident. La cycliste solitaire échappée des aventures de Sherlock Holmes aura porté les fruits de la discorde.

Dupuy démissionne et laisse son patron en plan. C'est la fin de l'amitié entre les deux héros de la série avant le coup de théâtre final du dernier épisode, mais n'anticipons pas.

Malheureusement, très vite, de « bon », Mathieu passe du côté sombre et accuse de divers maux celui qu'il considérait hier comme un fils.

Mireille ne comprend pas pourquoi son mari a rejoint la capitale au lieu de rentrer chez lui. L'idée fixe de Dupuy est d'acheter un camion et de devenir son propre patron.

Nous retrouvons dans cet épisode des comédiens de l'époque, Pierre Collet (« Quand la liberté venait du ciel »), Henri Lambert (« Jean Roch Coignet »).

Quittant Mathieu, Dupuy est la proie des autres patrons qui savent qu'il est l'époux de Mireille, travaillant chez l'affréteur Fabre à Marseille, c'est un gage pour avoir des voyages et l'un d'eux dont le nom du personnage n'est cité ni dans le film, ni au générique (Pierre Collet) offre à boire à notre héros pour lui proposer de chasser son chauffeur et de l'employer. Les deux hommes manquent de peu d'en venir aux mains, Dupuy étant scandalisé de voir que l'on profite de la situation. Il est avant tout un homme d'honneur.

Voyant que les autres chauffeurs ne veulent pas l'aider à emprunter pour devenir patron, Dupuy se tourne vers le syndicaliste Jésus (Van Doude).

A ce stade de la saison, la qualité de la série stagne un peu, mais ne va pas tarder à retrouver son souffle avec Dupuy patron et les dangers qu'il va affronter. Jean Gaven va désormais porter « la route » sur ses épaules.

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9. ÉPISODE 9

Antoine Lambert dit « Jésus », le syndicaliste propose de monter une « coopérative » pour permettre à Dupuy d'acheter son camion. Mais l'entraide ne joue pas entre les routiers, et faire un prêt un taux zéro s'avère un échec.

Dupuy tente donc de demander un prêt auprès d'une banque. Un employé (Jacques Seiler,de « Vidocq ») se présente chez Mathieu. Ce dernier, malgré la perte de son camion et sa rancœur, accepte de se porter caution « morale » de son ex chauffeur.

Un autre enquêteur de la banque se rend à Marseille chez l'affrêteur Fabre sans savoir que la secrétaire de ce dernier n'est autre que Mireille, l'épouse de Dupuy.

Dupuy s'achète un camion dernier cri (1963!) et signe des traites à la banque. C'est là qu'en le voyant signer, nous découvrons enfin son prénom : Jean (comme son interprète Jean Gaven). Si nous ne connaîtrons jamais le prénom de Columbo et dans le dernier épisode celui de Mac Gyver, ce détail omis volontairement depuis le début est enfin révélé.

L'épisode nous montre plusieurs scènes aux anciennes halles de Paris, où l'on voit des dames d'un âge avancé choisir des légumes. « La route » reprend son côté témoignage d'une époque.

Mais surtout, passé dans le camp des patrons routiers, Dupuy devra désormais travailler comme une bête de somme pour payer des traites mensuelles, le banquier ne lui laissant guère d'espoir en cas de défaillance. Mathieu, lorsqu'il est interrogé par l'employé de banque, lance à ce dernier que la banque reprendra le camion dans six mois. Le banquier ne se donne même pas la peine de démentir.

Regrettons l'absence de Daumas dans cet épisode qui aurait pu y aller de son petit couplet sadique, comme avec Beauvais.

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10. ÉPISODE 10

Ce dixième épisode, partagé entre espoir et enfer, aurait pu conclure la série, mais cela aurait été trop facile.

Nous retrouvons d'abord l'infâme Daumas (Michel De Ré), qui profite de la méconnaissance comme patron de Dupuy pour lui confier beaucoup de frêts, alors que le routier ne possède pas de chauffeur et devra faire tout seul les 800 km Paris Marseille.

L'ensemble de ses collègues de la route n'ose pas lui dire qu'il a fait une folie en s'achetant un camion et en travaillant seul, tant Dupuy se montre fier sur la Nationale 7.

Un autre comédien rejoint la série, Marco Perrin (« La demoiselle d'Avignon ») dans le rôle d'un routier qui critique Dupuy.

Dans cet épisode, René Dary n'apparaît pas. Mireille (Catherine Solat) demande à Marius de la prendre dans sa cabine et d'aller à la rencontre du camion de son mari.

Et l'on peut se demander si Dupuy, personnage égoïste(Son camion avant sa femme) et ingrat envers celui qui lui a mis le pied à l'étrier (Mathieu) mérite un tel amour inoxydable de Mireille ?

Pierre Cardinal abuse des gros plans sur Jean Gaven sans jamais nous montrer le comédien conduisant la camion. Sans doute l'acteur n'avait pas les capacitiés de jouer fusse une scène au volant du camion ?

Un épisode qui abuse des scènes de « Nationale 7 » au son d'une musique de fanfare qui a été modifiée par rapport à celle très pesante des épisodes avec René Dary.

Le réalisateur en parvient pas à nous faire trouver Jean Gaven sympathique mais plutôt fier et prétentieux.


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11. ÉPISODE 11

Fabre, le patron de Mireille, refuse de favoriser le mari de son employée. Depuis huit jours, Dupuy est immobilisé à Marseille. Une grève éclate, mais Dupuy décide d'aller chercher des melons à Cavaillon quitte à briser la grève.

Dupuy va voir un paysan. L'acteur qui joue le personnage semble être un non professionnel. Jouer mal et faux à ce point frôle l'amateurisme et lors du marchandage qu'il effectue avec Jean Gaven, son personnage n'est pas crédible une minute. Il y a tant de bons acteurs dans cette série qu'il est incompréhensible d'avoir confié ce rôle à un acteur amateur recruté sur place.

Le paysan lui propose de remplir trois tonnes de marchandises alors que le camion de Dupuy contient dix tonnes. De plus, il lui impose le prix de huit francs en faisant ainsi rouler Dupuy à perte.

Mais Dupuy doit livrer pour le lendemain minuit aux halles, ce qui revient à un suicide puisqu'il n'est pas assisté par un chauffeur. Il ne mange pas, s'arrête juste pour boire un café dans un relais et refuse même l'offre de l'aubergiste de dormir une heure et de le réveiller. La course contre la montre a commencé.

C'est l'épisode le plus palpitant de la série : Dupuy lutte contre un sommeil invincible et devient un véritable danger pour lui-même et pour les autres au volant. Il paie très le cher le fait d'avoir voulu devenir son propre patron.

A noter que l'on voit René Dary brièvement dans une séquence où chacun lève son verre. Nous avons vraiment changé d'époque avec les alcootests et les lois sur la délinquance routière.

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12.ÉPISODE 12

Alors qu'il est sur le point de s'endormir au volant, Jean Dupuy a une crevaison, il sait désormais qu'il doit faire 150 km en dix heures et ne sera pas à minuit aux halles.

A peine reparti, il s'endort au volant et fini par s'arrêter sur le bas côté de la route, il l'a échappé belle mais va devoir payer une amende à l'affrêteur.

Par chance, une grève intersyndicale des cheminots survient et met les paysans au pied du mur.

Les routiers se rendent à Cavaillon et cette-fois, ceux sont eux qui dictent leurs conditions aux paysans. Le prix pour un frêt passe de 6 à 25 francs. Dupuy assouvit ainsi sa vengeance sur le paysan qui l'avait acculé à faire un voyage à perte.

Nous retrouvons alors Mathieu (René Dary) qui vient chercher un frêt chez Farge (Albert Franval), le patron de Mireille. Mathieu est énigmatique, il n'a pas profité de la grève SNCF pour rouler, et reçoit un accueil froid de Farge qui en veut terriblement à Dupuy de l'avoir laissé tomber.

On ne parle plus de Françoise, et le visage torturé de René Dary nous donne à penser qu'elle l'a quitté. Mathieu demande à Mireille de l'accueillir pour le dîner. Il veut lui parler.

Beaucoup de retournements de situations et de péripéties dans cet épisode.

A noter qu'Albert Franval ressemble à s'y méprendre (physique et voix) à son frère l'acteur Jean Franval (« Sans Famille »).

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13. ÉPISODE 13

La série approche de la fin. L'épisode commence par un long dialogue entre Mathieu et Mireille, qui se parlent en tête à tête. Nous apprenons (même si nous ne voyons plus l'actrice) que Françoise fait toujours du chantage à son mari : c'est elle ou la route, et il a choisi sa femme, bien que cela semble lui coûter beaucoup. Il parle de "désintoxication" en raréfiant ses frets, comme si la route était une drogue !

Mireille est persuadée qu'un jour son mari et Mathieu se réconcilieront mais Mathieu est dubitatif : "Une amitié comme la nôtre, cela ne se répare pas".

Mathieu est venu dire à l'épouse de Dupuy que son chauffeur lui manque. On ressent que l'homme est comme un fils pour lui. Il demande à Mireille de lui dire si Dupuy se trouve dans l'embarras au sujet de ses traites, et qu'il l'aidera au cas où... Toutefois, cette conversation doit rester secrète. Mireille le lui promet.

Entre l'amitié et l'amour, il n'y a qu'un lit de différence et l'on découvre dans cet épisode à quel point les routiers qui ont travaillé longtemps ensemble s'aiment. René Dary est assez émouvant dans cette scène et l'on sent que sa femme Françoise a moins d'importance à ses yeux que ses camions et son chauffeur.

Jean Dupuy roule sur l'or depuis la grève SNCF et a profité au maximum de l'aubaine. Il a multiplié les voyages entre Marseille et Paris et échange avec Corneille quelques considérations sur le métier. Puis il retrouve sa femme, content de s'être enrichi et de pouvoir payer sa prochaine traite largement, mais Mireille lui reproche de ne pas lui avoir consacré un instant.

Mireille se rend compte que son patron est devenu rancunier au point de presque remplacer Daumas comme méchant de la série : il a été délaissé pendant la grève et n'a pas eu de frêt à confier. Décidé à se venger, il envoie promener un routier qui a joué le jeu de Dupuy, c'est à dire profité de la grève SNCF pour traiter directement avec les paysans. "Vous êtes rancunier" dit Mireille. C'est peu de le dire.

A deux épisodes de la fin de la saison (hélas unique), la série est à son zénith. Les comédiens sont parfaits et même Catherine Sola a un peu fait des progrès en jouant moins le rôle superficiellement ne comptant que sur son naturel et son accent.

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14. ÉPISODE 14

Dupuy est au chômage. Mireille lui propose de rouler en faisant de la publicité pour une marque de bananes qui lui accorderait un frêt. Indigné, Dupuy refuse, il veut que son camion roule sans fioritures, et à présent sans travail à cause de la rancune de Fabre (Dont Mireille est la secrétaire), il lui demande de faire du chantage. Ou Fabre lui accorde un frêt, ou elle démissionne. Fabre, ce qui ne manque pas de surprendre le téléspectateur, cède.

En préparant son frêt, c'est le drame. Jean Dupuy tombe et se casse le bras, il ne pourra rouler pendant deux mois. Il comprend que l'on va lui saisir son camion, et la présence de sa jolie femme n'est même pas un réconfort. Au contraire l'accuse-t-il presque d'avoir voulu cet accident pour l'avoir auprès d'elle ! Ces routiers ne sont décidément pas des gens ordinaires.

Dupuy regarde "amoureusement" son camion dernier cri. Il "parle" avec lui et dit qu'il le jettera dans un fossé si on veut le saisir.

Finalement, avec des pneus lisses, résultat de sa dêche, Dupuy se lance sur une portion de route verglacée avec un frêt. La série va-t-elle se terminer tragiquement ? Dupuy franchit un barrage que les routiers ont dressé pour empêcher la circulation sur la route verglacée.

Mathieu arrive sur ces entrefaites et vole au secours de son ex chauffeur.


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15. ÉPISODE 15

Episode spectaculaire, cette fin nous montre Mathieu pousser et retenir le camion de Dupuy au risque de sa vie. La première partie, sans dialogues, joue donc la carte du spectaculaire. C'est ainsi qu'avec des pneus lisses, Jean Dupuy franchit un col.

Une fois l'exploit réalisé, les deux hommes parlent. Mathieu révèle à son ex chauffeur qu'il n'a pas acheté son troisième camion, gardé l'argent, et qu'il rachète celui de Dupuy. Mathieu propose de fonder les transports Mathieu Dupuy, où les deux hommes seront associés à part égales.

Avec cette fin en forme de point d'interrogation, Mathieu ne renonce pas à la route, et l'on peut aisément penser que sa femme l'aurait quitté dans une seconde saison. Image symbolique, la série se conclut par le passage de la cycliste âgée et imprudente qui avait provoqué l'accident au même endroit un an avant. C'est à l'endroit de leur brouille que les deux héros de la série se réconcilient.

Cette série est un document sur un monde disparu, mais illustre aussi l'amour du métier qu'ont des hommes pour de durs labeurs comme les mécaniciens dans "La Princesse du rail".

Cette génération à mi chemin entre la classe ouvrière et les petits patrons est merveilleusement illustrée par ce joyau télévisuel oublié et sorti de l'ombre par la volonté d'un téléspectateur routier et par la magie du DVD.

La qualité made in France comme cette "Route" de 1963 a hélas elle aussi disparu.

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Crédits photo : Koba Film.

Images capturées par Patrick Sansano.