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Les Rois Maudits (1972)

Les Rois Maudits


PRÉSENTATION

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Posted by Le Monde des Avengers on Saturday, October 24, 2015

Le 21 décembre 1972, la seconde chaîne ORTF nous propose de voir le premier épisode d'une adaptation des  Rois maudits , série de romans historiques relatant la fin du règne des Capétiens, écrite entre 1955 et 1960 par Maurice Druon.

Loin d'un film de cape et d'épées ou d'une reconstitution avec châteaux forts, tournois et armures, nous assistons ici à de formidables numéros d'acteurs, dans une ambiance dépouillée. On peut donc considérer que c'est une sorte de théâtre filmé. Cela résulte entre autres de la réticence de Druon à laisser adapter son texte à la télévision et qui repoussa  le projet de plusieurs années. Druon ne voulait pas que le décor l'emporte sur les personnages.
Quelques années après la série, il écrira un septième tome des Rois maudits  :  Quand un roi perd la France  (1977) qui ne sera jamais adapté, même lors du remake tourné en 2005 par Josée Dayan.

Les principaux comédiens de la distribution sont Jean Piat (Robert d'Artois), Hélène Duc (Mahaut d'Artois), Louis Seigner (Le banquier Spinello Tolomeï), Geneviève Casile (Isabelle de France), Muriel Baptiste (Marguerite de Bourgogne), Jean Deschamps (Charles de Valois), André Luguet (Hugues de Bouville),  l'acteur catalan José-Maria Flotats (Philippe V le long), Catherine Rouvel (Béatrice d'Hirson), Henri Virlojeux (Le Cardinal Duèze), Georges Marchal (Philippe le Bel), André Falcon (Enguerrand de Marigny), Jean Luc Moreau (Guccio Baglioni), Anne Kreiss (Marie de Cressay), Michel Beaune (Edouard II d'Angleterre), Claude Giraud (Le baron Roger Mortimer), Gilles Béhat (Charles IV Le Bel), Catherine Hubeau (Blanche de Bourgogne), Georges Ser (Louis X Le Hutin) et Jean-Louis Broust (Edouard III d'Angleterre). Les commentaires en voix off sont faits par Jean Desailly.

Toute la série s'articule autour du conflit entre Mahaut d'Artois et son neveu Robert, surnommé « Le baron écarlate », qui se disputent l'héritage des terres d'Artois.

L'adaptation a été confiée à Marcel Jullian, qui est resté fidèle aux romans, éludant cependant dans deux épisodes des scènes qui n'auraient pas convenu à la mise en scène de Claude Barma.

La musique, qui est presque un personnage à part, signée Georges Delerue, n'aura été éditée sur disque que…fin 2008.

DES ROMANS À LA SÉRIE : LE CHEMIN D’UNE ADAPTATION DIFFICILE

Pendant l’été 1949, Maurice Druon, qui vient d’obtenir le prix Goncourt, se repose à Rome. Il lit un ouvrage de Philippe Erlanger sur Henri III. Ambitieux, entouré de collaborateurs enthousiastes, Druon envisage alors d’écrire un pavé. « Je pensais alors écrire treize drames, un sur chacun des treize rois Valois. Mais en faisant l’introduction, j’ai découvert la tragédie des derniers Capétiens directs, victimes de la malédiction des templiers » (1). Druon se recentre alors sur Philippe Le Bel et ses descendants, mais a du mal à trouver un éditeur.  Ce n’est que cinq ans plus tard que Julliard accepte de le publier. En 1955, paraît « Le Roi de fer », le sixième volume, « Le lis et le lion » sortant en 1960. Mais en 1965-66, Druon décide  de faire une mise à jour des romans surtout sur la forme. C’est ce texte que nous pouvons lire depuis. Druon a écrit ses livres en se rendant sur les lieux où ont vécu les personnages. Il s’est livré à un véritable travail de « journaliste historique ».

Druon rejette alors toutes les propositions d’adaptation, tant cinématographiques que télévisées. « Je ne voulais pas de carton-pâte, de chevauchées, de tournois, de fastes  et de reconstitutions historiques ».

En Septembre 1971, Pierre Sabbagh devient directeur des émissions de la 2e chaîne, mais l’adaptation qu’il propose, comme celles que la télévision a soumis dans les années 1960, ne plaît pas à l’écrivain qui la refuse. Le hasard s’en mêla. Il  venait de faire ce refus quand  il rencontra Marcel Jullian et lui parla de son problème d’adaptations impossibles répétées. Ce dernier dit à Druon : « Je songe à des fauves, de la viande saignante. Orgueil, passion, violence, instinct, appétit, jusqu’à l’inconvenance et l’horreur » (2). Jullian vient sans le savoir de décrocher les droits. Plus tard, Druon dira « Si j’ai accepté la proposition de Claude Barma, c’est parce qu’il ne prétendait pas reconstituer, mais suggérer ». (1)

LE TOURNAGE

Claude Barma s’enferme dans les studios des Buttes Chaumont. Le tournage commence en décembre 1971. Jullian s’occupe de l’adaptation, avec l’aide du réalisateur. « J’ai cherché à jouer avec l’imagination du public. J’ai pris le parti de supprimer tout décor construit afin que les visages deviennent le seul élément dramatique. Les costumes et les objets suffisent à situer les personnages qui évoluent sur des fonds de tulle peints donnant à l’image une atmosphère floue et poétique » (1).

Barma s’occupe de la distribution. Il vient de produire « Maigret aux assises » et mise sur Muriel Baptiste pour le rôle de Marguerite de Bourgogne. Il engage également des fidèles de ses précédents feuilletons : Fred Personne (le bourreau de Béthune dans « D’Artagnan »), Georges Staquet (L’inspecteur Folco dans « Belphégor »), Robert Lombard (l’hôtelier dans « Maigret aux assises »), Christian Barbier (Louba dans « Corsaires et Flibustiers », énorme succès de l’époque pour l’acteur mais qui sera oublié suite au triomphe en 1968 de « L’homme du Picardie »). Ce sont ensuite les comédiens de théâtre qui vont constituer la majeure partie de sa distribution. Jean Deschamps sera le frère de Philippe le bel, Charles de Valois. Jusqu’à sa mort en 2007, il sera le président du festival de Carcassonne. Geneviève Casile, familière à l’ORTF  (elle a participé à la première dramatique de science fiction française en 1962, « Le Navire étoile ») mais plus connue sur les planches, obtient le rôle de la reine Isabelle d’Angleterre. A Jean Piat populaire  pour « les aventures de Lagardère » en 1967, qui est à la fois en version longue une série TV et courte un film de cinéma, sociétaire de la Comédie Française, il offre le rôle du baron écarlate, Robert d’Artois.

Ce personnage est crucial, Druon raconte (1) : « En Artois, j’ai compris, par exemple, le sentiment violent qui attachait Robert d’Artois à cette terre ». Hélène Duc, qui depuis 1952 se consacre au théâtre, parallèlement à une carrière de cinéma qui la déçoit la reléguant à des petits rôles, accepte le personnage de Mahaut d’Artois qui sera le rôle de sa vie. Louis Seigner, doyen de la comédie française, obtient le personnage du malicieux banquier italien Tolomeï. Barma engage enfin des comédiens de cinéma : André Luguet (dont ce sera le dernier rôle), Catherine Rouvel (« Borsalino »), Denise Grey, qui a connu le succès dans les années 40 puis sur le tard avec « La Boum, Georges Marchal, gloire du cinéma des années 50, qui obtient le rôle de Philippe Le Bel.

Des rôles importants sont tenus par André Falcon (Enguerrand de Marigny), le catalan José Maria Flotats (Philippe de Poitiers), Gilles Béhat (Charles de la Marche)  - Béhat deviendra réalisateur au cinéma  (« Rue Barbare ») puis à la télévision (« Commissaire Moulin », « Les Cordier juge et flic »). Béhat tenait un rôle assez proche du frêle et effeminé  Charles dans « La dame de Monsoreau » de Yannick Andreï, tourné l’année d’avant et diffusé pour Noël 1971, l’un des gigolos amants du roi Henri III ,  D’Epernon. Claude Giraud, célèbre pour « Sébastien parmi les hommes » à la TV (1968) et acteur de théâtre, sera Lord Mortimer. Michel Beaune, familier des films avec Belmondo, est Edouard II, que Mortimer fera tuer.

C’est le début de la carrière de Jean Luc Moreau, qui consacrera sa carrière au théâtre et à la télévision. Il est le neveu de Tolomeï, Guccio Baglioni.

Pour la réalisation, Barma a une idée originale, donner une couleur définie à chaque personnage. Robert d’Artois est vêtu de rouge, Philippe Le Bel apparaît en bleu, Louis X en brun et la reine Clémence de Hongrie en gris et bleu clair.

Sur le tournage, André Falcon se rappelait que les jeunes ne se mélangeaient pas avec les comédiens mûrs (3).

Parmi les jeunes,  Il y avait Catherine Hubeau, comédienne anti-conformiste, dans le rôle de Blanche de Bourgogne, la femme de Charles de la Marche. Catherine Hubeau avait défrayé la chronique en jouant nue sur scène dans les années 60, et interprété des pièces d’avant-garde (« L’été », « Tessa »), avant de tourner plusieurs feuilletons TV dans les années 70, dont l’un où elle retrouve Georges Marchal,  son « beau père » dans la série, « Les peupliers de la prétentaine » (1975) puis de fonder la Compagnie Catherine Hubeau.

On peut citer aussi Patrick Lancelot, qui incarne l’amant de Marguerite. Devenu producteur, il trouvera la mort au Venezuela en avion le 28 novembre 2000 en faisant les repérages pour le film « Le raid » qui sortira en 2002.

Entre les anciens et les jeunes, quelqu’un reste seule dans son coin : Muriel Baptiste. Elle déclare (4) : « L’ambiance n’était pas fameuse, tous les autres comédiens pensaient que je ne ferai pas le poids. J’avais du mal à garder confiance en moi. J’ai perdu sept kilos. Il a fallu un mois pour que je m’impose ». Mais Muriel instable, dépressive, laisse un autre souvenir à ses partenaires. Quand j’interroge Catherine Hubeau en mai 2008 (3), elle se souvient ne l’avoir jamais vue en dehors des scènes nombreuses qu’elles ont tournées ensemble. André Falcon, en juillet 2006 (3) est plus direct : « Celle qui était dérangée, qui s’est empoisonnée » (nb : Muriel Baptiste s’est suicidée).

Il ne faut pas oublier Jean- Louis Broust (1942-2006), excellent Edouard III, qui malgré une carrière honorable, n’atteindra pas la notoriété qu’il méritait. Comme Béhat, c’est un transfuge de « La dame de Monsoreau ». Ni Georges Ser (Louis X le Hutin) qui curieusement bénéficiera d’un fan club en Espagne (sans atteindre la popularité de Flotats). On le reverra dans deux rôles importants en 1973 (Albin, le tueur sadique de la série « Ton Amour et ma jeunesse » tirée de Charles Exbrayat, et un rôle dans « Molière pour rire et pour pleurer »). Ce comédien qui débuta à Strasbourg au théâtre ne trouvera jamais plus un rôle à la hauteur de Louis le hutin.

Afin de faire profiter les téléspectateurs à l’avance de la série et d’attirer l’attention , Claude Barma propose un samedi après midi sur la première chaîne dans l’émission « Micro et caméras » un aperçu du tournage, le 8 janvier 1972. On l’y voit avec Geneviève Casile et Michel Beaune tournant le tableau de présentation prologue du « Roi de fer », puis Marchal et Falcon lors de l’agonie de Philippe Le Bel. Il y explique son tournage en vidéo, ayant « un faible pour l’électronique ». On aperçoit Jean Deschamps, Jean Piat et Fred Personne. La lecture de ce documentaire est gratuite sur le site de l’INA.

LA DIFFUSION

La programmation est d’abord prévue en septembre 1972 (5), puis l’ORTF trouve plus judicieux de garder la série pour les fêtes de fin d’année. Selon Télé 7 Jours, le montage a pris du retard, et avec les grèves, il n’est pas certain que Barma puisse déposer son cadeau au pied de l’arbre de Noël. Tout finalement s’arrangera et le 21 décembre, la France découvre « Les Rois maudits ».

 Le succès est au rendez vous, mais la mort sadique d’Edouard II d’Angleterre dans le cinquième épisode provoque un scandale et Barma est invité à venir s’expliquer au journal télévisé. Le public de l’époque était peu habitué à voir des scènes « crues » (Edouard est empalé par un tison ardent).

LE TRIOMPHE ET L’HERITAGE

Le succès de la série se portera sur Hélène Duc, Jean Piat, Louis Seigner et Muriel Baptiste. Dans la presse télévisée, on trouve des lettres de téléspectateurs, mais aussi des articles sur Hélène Duc et Jean Piat. Le moindre tournage ou pièce de théâtre de ces deux acteurs fait l’évènement. Jean Piat vient même présenter le mercredi 23 mai 1973 « Les Rois maudits » dans les émissions pour la jeunesse. La séquence le montre avec Muriel Baptiste, Catherine Hubeau et Bruno Balp, qui incarne le gardien Bersumée. C’est le prologue de « La Reine étranglée ».

 Claude Giraud et André Falcon se retrouveront dans le populaire « Les aventures de Rabbi Jacob ». Hélène Duc accède à la popularité, publiera ses mémoires « Entre cour et jardin », éditions Pascal, en 2005, année où elle joue dans le remake des rois maudits de Josée Dayan, version contreversée pour laquelle, contre toute attente, Druon apportera sa caution. Jean Piat tente une carrière au cinéma avec « La rivale » de Sergio Gobbi en 1974, mais se consacrera essentiellement au théâtre, cumulant les succès comme « Le tournant », de Françoise Dorin (1973) et « La maison du lac » (2009). A noter que son épouse, Françoise Engel (1920-2005) incarnait madame de Bouville dans la série. Muriel Baptiste tournera encore un feuilleton « Le Premier juré » et trois téléfilms, mais une maladie de la thyroïde et la dépression l’écarteront  définitivement du métier dès 1974. Jean-Luc Moreau  deviendra un metteur en scène de théâtre renommé mais dans ses mémoires « J’y étais » (Lafon, 2013, il n’évoque pas la série. Notons qu’il connut un second succès télévisuel en étant le héros de la série « Merci Sylvestre » en 1982.

 Le grand public fera une ovation à Louis Seigner, grand-père des actrices Mathilde et Emmanuelle Seigner. Avant de mourir dans l’incendie de son appartement le 20 janvier 1991 en s’endormant avec une pipe, il aura été la vedette d’une mémorable soirée TV « Le grand échiquier » en son honneur organisée par Jacques Chancel où seront réunis sa famille mais aussi ses nombreux partenaires.

Claude Barma est décédé le 30 août 1992 sans connaître un aussi gros succès après la série. Antenne 2 diffusera en hommage le soir de sa mort « Le roi de fer » et « Le lis et le lion ». Interrogé par mes soins au téléphone début avril 2008, Bruno Balp (Bersumée) qui avait un site internet, ne se souvient plus de la série. Il me dirige vers Catherine Hubeau dont le numéro de téléphone est public (celui de la compagnie théâtrale qui porte son nom). Un mois plus tard, j’apprends avec émotion le décès de Bruno Balp consécutif aux suites d’une opération au genou. Au fil des ans, les comédiens s’en vont mais je note que la voix de Catherine Hubeau entre 1972 et 2008 n’a pas changé. André Falcon, flatté de l’intérêt porté à son interprétation, restera en contact avec moi jusqu’à son décès brutal le 22 juillet 2009. Son témoignage sur le fossé entre « anciens » et « jeunes » sur le tournage était une information inédite. Tout comme André Falcon, Catherine Hubeau était émue de savoir que cette série traversait les décennies sans tomber dans l’oubli.

 Maurice Druon nous a  quittés en 2009 à 90 ans.  

 

(1)   Télé 7 Jours N°660/16 décembre 1972.

(2)  Les feuilletons historiques de  la télévision française, de Jean Jacques Schléret et Jacques Baudou, éditions 8e art, 1992.

(3)  Entretien avec l’auteur.

(4)  Télémagazine N°897/30 décembre 1972

(5)  Télé Poche N°335/12 juillet 1972 dans l’interview sur Muriel Baptiste.

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1. LE ROI DE FER

Mars 1314

Pour récupérer son comté dont il se dit dépouillé, Robert d'Artois va intriguer à Londres auprès de sa cousine Isabelle, fille du roi Philippe et dénoncer l'adultère commis par les princesses de Bourgogne dont l'une est la future reine de France.

L'ordre des templiers a refusé de plier devant le pouvoir royal. Cette organisation doit sa gloire et sa fortune aux croisades. Philippe le Bel fait arrêter les templiers en 1307 et brûler le grand maître Jacques de Molay qui avant de mourir maudit le roi et ses descendants jusqu'à la treizième génération. Le scandale éclate au sujet de l'adultère des princesses qui sont emprisonnées. La mort naturelle du pape Clément V, du chancelier Guillaume de Nogaret (empoisonné) et de Philippe Le Bel d'une attaque cérébrale, semblent donner raison à l'existence d'une malédiction.

Ce premier épisode d'emblée se devait de fidéliser les téléspectateurs. Si les décors sont des panneaux volontairement flous, cela porte l'attention sur les comédiens et les personnages qu'ils incarnent. D'emblée, Jean Piat en baron écarlate s'impose comme le héros (ou plutôt l'anti-héros) de la série : truculent, menaçant, rarement tendre, prêt à tous les complots et toutes les bassesses pour récupérer son comté. Face à lui, Hélène Duc en Mahaut est la seule adversaire à sa taille. L'épisode tourne autour de l'affaire de la tour de Nesle où les princesses royales retrouvent leurs amants.

En Philippe Le Bel, on retrouve un Georges Marchal serein et froid, autoritaire sans avoir à élever la voix. C'est aussi l'épisode de tous les affrontements : celui de Charles de Valois, frère du roi, ambitieux et colérique contre le représentant des marchands et des épiciers, Enguerrand de Marigny, le bourgeois qui s'oppose aux nobles. Jean Deschamps et André Falcon, dans cet épisode et le suivant, vont s'empoigner, se déchirer.

Et puis, il y a la belle Marguerite, qui croque la vie à belles dents, et est une féministe avant l'heure, face à sa froide cousine la fille du roi, Isabelle. Muriel Baptiste trouve là le plus beau rôle de sa carrière. Lorsque, dénoncée, rasée, jugée, elle clame encore : « Moi, j'ai eu le printemps, la chaleur d'un homme », nous assistons à l'un des plus beaux moments que la télévision nous ait offerts.

L'épisode passionne aussi par la présence des templiers et de leur trésor, sujet inépuisable pour le cinéma et la télévision.

o Jean Piat, en 1972, était populaire pour avoir incarné le « Lagardère » de la télévision en 1967. Sociétaire de la Comédie Française, il était surtout un comédien de théâtre. Le personnage de Robert d'Artois dans « Les rois maudits » sera le rôle le plus populaire de sa carrière. On le reverra dans d'autres mini-séries qui n'auront pas le même écho : Les jeunes filles (1977), L'affaire Saint Romans (1988).

o Geneviève Casile est surtout connue comme comédienne de théâtre. Elle est née en 1938, et a connu deux autres succès à la télévision : Le chevalier tempête (1967) et Electre (1973).

o Jean Deschamps, directeur du festival de Carcassonne,nous a quittés en septembre 2007. Il reste surtout connu pour sa composition de Charles de Valois.

o Patrick Lancelot, qui joue l'amant de Marguerite, est devenu producteur de films. Il s'est tué le 28 novembre 2000 en faisant des repérages pour un film au Vénézuela.

O Gilles Béhat s'est reconverti comme réalisateur, d'abord au cinéma (Urgence, Les longs manteaux, Rue barbare) puis pour les séries policières de TF1 ( Navarro, Cordier, Moulin, Une femme d'honneur).

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2. LA REINE ETRANGLEE

De Novembre 1314 à avril 1315

L'héritage de Philippe Le Bel est dilapidé par le conflit entre les hauts barons (Charles de Valois, Robert d'Artois) et les bourgeois (Marigny). De sa forteresse, la reine de France prisonnière, tient tête à son époux, mais Blanche De Bourgogne a perdu un peu l'esprit et menace de se suicider. Marguerite finit par abdiquer en rédigeant une lettre. Marigny ne veut pas que le mariage de Louis le Hutin soit trop vite annulé, et brûle la lettre signant ainsi son arrêt de mort et celui de Marguerite. Pour se passer de pape afin d'annuler le mariage, Le Hutin et Charles de Valois décident de faire assassiner Marguerite dans sa prison et de pendre Marigny.

Un couple d'amoureux, Guccio, neveu de Tolomeï le banquier, et la noble Marie de Cressay, vit un bonheur clandestin pendant ce drame.

Le ton est donné dès le départ avec la famine, le froid, la prison. L'ambiance est sinistre.

C'est l'épisode de Muriel Baptiste. Elle est d'ailleurs première au générique. Elle ne dispose pourtant que de trois scènes. Sa composition reste étonnante car on voit petit à petit son corps et son visage dépérir, ses yeux rougir de fièvre. La scène finale, sur fonds de musique de Delerue, qui voit Blanche pleurer devant le cercueil de sa cousine, a de quoi ébranler le cœur le plus sec.

Le personnage de Marguerite est présent dans l'histoire puisque objet de l'annulation du mariage. L'affrontement à mort entre Valois et Marigny donne à cet épisode une tonalité sombre. Beaucoup d'incontournables de la série ne sont pas présents: Mahaut, Béatrice, Isabelle. L'épisode marque le départ de Catherine Hubeau (Son personnage qui survit ne sera plus qu'évoqué), Muriel Baptiste et André Falcon.

Jean Piat quitte lors de l'assassinat de Marguerite son apparence de force pour lui aussi s'émouvoir. Le même texte, tourné en 2005 par Josée Dayan et des acteurs moins inspirés, nous laisse froid.

o Muriel Baptiste était une vedette de télévision. Elle avait connu un grand succès en étant la petite gitane Annunciata de La princesse du rail en 1967. Marguerite de Bourgogne fut le rôle de sa vie, dont elle ne se remit jamais. Epuisement lors du tournage (elle perdit sept kilos, et dut voyager pour se reposer et oublier), impossibilité de retrouver ensuite un autre rôle de cette importance. Elle jette l'éponge en 1974, se réfugie dans le silence, s'éloigne des plateaux de tournage. Elle s'est suicidée le 7 septembre 1995, oubliée de tous.

o Catherine Hubeau, après Les rois maudits, enchaîne les feuilletons télé : Les fleurs succombent en Arcadie (1973), L'hiver d'un gentilhomme (1973), Les peupliers de la Prétentaine avec Georges Marchal (1975), puis s'oriente vers le théâtre et fonde La compagnie Catherine Hubeau encore en activité.

o André Falcon, né en 1924, est Enguerrand de Marigny, aujourd'hui directeur de théâtre, il a beaucoup tourné dans les films de Lelouch.

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3. LES POISONS DE LA COURONNE

Juillet 1315

L'épisode commence par la bataille entre l'armée de Louis X et les flamands. Les français sont enlisés dans la boue. Trop heureux d'aller se marier avec sa nouvelle élue Clémence, Louis X bat en retraite et se rend à Reims pour le mariage. La famine a manqué emporter Marie de Cressay que Guccio Baglioni sauve en faisant du chantage auprès du prévôt. Les deux amoureux décident de se marier en secret, Marie est enceinte et Guccio est obligé de s'enfuir. Clémence de Hongrie va de désillusions en désillusions Elle découvre que Marguerite a été assassinée. Clémence demande alors à Louis de faire un pélerinage pour obtenir le pardon.

A peine délivrée de Dourdan, Jeanne de Bourgogne (Catherine Rich) tombe, avec Béatrice d'Hirson, entre les mains des partisans de Robert d'Artois. Son mari Philippe vient la délivrer, avec une véritable armée, et fait comprendre aux amis du baron écarlate qu'ils offensent le roi. Philippe joue ainsi le parti de Mahaut contre Robert.

Toutefois, Charles de Valois aide Robert. Il persuade Louis X d'exiger de Mahaut la restitution de ses terres. Mahaut parvient à l'empoisonner. La nouvelle de l'assassinat du roi alarme la cour et Hugues de Bouville est chargé de protéger l'enfant à naître de la reine Clémence.

Cet épisode, à la différence des deux premiers, s'écarte du roman de Druon en raison de la volonté de Barma de faire du "théâtre filmé". Nous ne vivons pas ainsi le début de l'histoire où Clémence de Hongrie, future seconde épouse de Louis X, Guccio Baglioni et Hugues de Bouville manquent de périr dans une tempête en Méditerranée.

C'est un très bon épisode, moins triste que le précédent, riche en rebondissements, et qui permet le retour d'Hélène Duc et Catherine Rouvel absentes du second volet. Nous assistons à l'affrontement de Mahaut et de Robert, et les comédiens Hélène Duc et Jean Piat dominent l'épisode. Georges Ser (Louis X) dont c'est le second et dernier épisode en vedette, est en quelque sorte relégué au second plan. Quelques grands numéros d'acteurs : en tête, le catalan José Maria Flotats en Philippe, Louis Seigner toujours incontournable en Tolomei, Catherine Rouvel envoûtante en empoisonneuse.

o Le comédien Georges Ser se spécialisera dans la télévision ( Ton amour et ma jeunesse, Molière pour rire et pour pleurer , Les brigades du tigre) mais on perd sa trace dans les années 90.

o Jean Luc Moreau (Guccio) fut la vedette de la série Merci Sylvestre en 1982. Metteur en scène au théâtre, on l'a vu avec Alain Delon dans Le passage (1986).

o Ce fut le dernier rôle du sympathique André Luguet, comédien dont la carrière s'est déroulée au cinéma des années 10 à 70 !

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4. LA LOI DES MALES

Juin 1316

A Lyon, Philippe de Poitiers est décidé à devenir régent. Il complote avec brio, dupe Charles de Valois, Robert d'Artois et même son propre frère Charles de la Marche pour prendre le pouvoir. Il oblige les cardinaux à élire un pape.

C'est Monseigneur Duèze qui se faisant passer pour moribond, va par ruse se faire désigner par ses pairs, dont son rival, le cardinal Caetani. Reste qu'il n'y a pas de roi, sauf l'enfant à naître de Clémence. Si c'est un mâle, le trône lui revient. Mais si c'est une fille, la petite Jeanne, fille de Marguerite de Bourgogne, lui serait préférée. Les deux parties en présence, Mahaut avec son gendre Philippe, et Charles de Valois et Robert d'Artois, conviennent de revenir à loi salique qui empêche une femme de régner. Jeanne (la fille de Mahaut) met au monde un fils. Clémence aussi.

La tentation est grande pour Mahaut d''éliminer Jean, le fils de Louis X et de Clémence de Hongrie, et se concrétise. Comprenant qu'on va empoisonner le petit roi, Hugues de Bouville et son épouse substituent l'enfant à celui de Marie de Cressay et Guccio. Et Mahaut avec un mouchoir empoisonné tue le fils des amours du jeune couple interdit et persécuté. Philippe devient roi sous le nom de Philippe V. Robert s'est révolté.

Sommé de se rendre devant l'armée de Philippe, il demande un procès où il compte révéler que Mahaut et Philippe V ont fait assassiner le petit Jean. Philippe V déjoue la manœuvre en le mettant au cachot.

Si Muriel Baptiste portait l'épisode 2 sur ses épaules, José Maria Flotats réussit à nous passionner par sa composition pour une intrigue tellement creuse que Josée Dayan n'adaptera pas l'épisode en 2005. Le comédien catalan est omniprésent et réussit une performance peu commune : la scène où il toise Jean Piat lorsque le baron écarlate se rend et croit triompher reste un des grands moments de la série. Bien évidemment, l'empoisonnement de l'enfant, la fin des amours de Guccio et Marie, la folie de la reine Clémence, prennent à nouveau le téléspectateur aux tripes. Les intrigues politiques de cette histoire qui se déroulent en 1316 ont gardé un accent très actuel dans notre époque où violence et terrorisme ont remplacé les poisons.

o José Maria Flotats, né en 1939, célèbre en Espagne, se consacre au théâtre comme acteur et metteur en scène. Il fut le héros d'une autre série française en 1980, Les visiteurs où il retrouvait un familier des séries de Claude Barma, François Chaumette.

o Dans cet épisode, on peut noter la participation dans un court rôle (Madame de Bouville) de l'épouse de Jean Piat, Françoise Engel, décédée en 1995, et qui était une professeur de théâtre de grande réputation.

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5. LA LOUVE DE FRANCE

1326

Cette fois, nous traversons la Manche et laissons tous nos personnages familiers pour retrouver Isabelle "la louve de France", dont le mari, Edouard II, est homosexuel et lui préfère un favori, Hugh le Despenser. Isabelle se réfugie en France où règne son dernier frère, Charles., Philippe V s'étant empoisonné en buvant de l'eau polluée. Elle n'y vient pas seule, et devient la maîtresse de Roger Mortimer, un baron anglais en révolte. Mais devant les menaces de Edouard, le lâche et médiocre Charles IV, conseillé aussi par Mahaut qui veut se venger d'Isabelle, expulse sa soeur vers l'Angleterre. Mortimer a le temps de fomenter un coup d'état et Edouard est destitué, tandis que Hugh est cruellement exécuté. Edouard abdique en faveur de son fils, mais Mortimer, jaloux, le veut mort. Edouard sera assassiné "par où il a péché" avec un tisonnier. Un crime sans traces...

Cet épisode nous réserve une surprise : le retour éclair (une scène de flash-back) de Marguerite de Bourgogne (Muriel Baptiste) lorsque Isabelle devient la maîtresse de Mortimer et regrette amèrement sa dénonciation de 1314. Mais ce qui est un peu dommage, c'est la trop rapide disparition de José Maria Flotats (dont Jean Luc Moreau/Guccio nous explique le sort dans le résumé des épisodes précédents), la disparition d'un autre personnage clef et picaresque, Charles de Valois, qui meurt d'une attaque cérébrale. Tous les nouveaux personnages anglais nous proposent de nouvelles intrigues qui n'ont plus guère de rapport avec ce qui s'est passé dans les épisodes 1 à 4, et cela désoriente le téléspectateur.

Claude Giraud vole la vedette aux Hélène Duc, Jean Piat, Louis Seigner, qui jusque là tenaient les rennes de la série. Surtout, on nous présente beaucoup trop de nouveaux personnages : le fils d'Isabelle, Edouard prince de Galles (Jean Louis Broust) ou encore Tors Col (William Sabatier) .Les quatre premiers épisodes nous avaient familiarisés avec une intrigue née du supplice du grand maître des templiers, Jacques de Molay, et de la malédiction lancée de son bûcher.

o William Sabatier a participé à la plupart des séries de la télévision françaises des années 50 à 70. Citons : La caméra explore le temps, Corsaires et Flibustiers, Les cinq dernières minutes, Arsène Lupin. Il est de ces visages familiers sur lesquels les téléspectateurs ne savent donner un nom mais ont retrouvés régulièrement dans des seconds rôles.

O Claude Giraud fut la vedette des séries Les compagnons de Jéhu (1966), Sébastien parmi les hommes (1968) et l'un des principaux interprètes du film Les aventures de Rabbi Jacob (1973). En janvier 1973, la dernière scène de cet épisode, diffusé en "prime time" fit scandale, celle du supplice du roi Edouard. Le lendemain de la diffusion, Claude Barma dut venir s'expliquer au journal télévisé de la seconde chaîne ORTF. C'était une autre époque où le public n'était pas habitué à des scènes de ce genre, qui ne feraient plus broncher personne aujourd'hui.

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6. LE LIS ET LE LION

Janvier 1328

Le fils d'Isabelle, Edouard III, se révolte contre Mortimer qu'il fait pendre. Isabelle décide de se retirer et de ne plus paraître en public.

Robert par mariage est devenu le beau-frère du nouveau roi, Philippe VI de Valois, fils de Charles de Valois. Il fait fabriquer de fausses preuves et profite de l'amour de Béatrice d'Hirson qui empoisonne pour son compte Mahaut d'Artois et Jeanne de Bourgogne. Mais la sœur cadette de Marguerite, Jeanne la boîteuse, devenue reine, a enfin trouvé sa vengeance. Elle se sert de son royal époux pour confondre Robert qui refusera de renoncer et s'exilera en Angleterre. De là, il persuade le fils d'Isabelle, Edouard III, qu'il est l'héritier du trône de France. Robert complote aussi avec les flamands. Il finit par déclencher la guerre de cent ans entre les deux pays mais trouve la mort après avoir reçu une flèche à Vannes.

Retour au combat de Robert d'Artois pour reconquérir son comté. De fait, c'est ce personnage qui est mis en lumière tout au long de l'épisode, et non un monarque Jean Piat est d'un bout à l'autre la vedette de l'épisode, omniprésent dans chaque scène.

L'épisode est celui qui est le moins fidèle au roman de Druon. Toute la scène de la mort de Robert où il regrette d'avoir fait étrangler Marguerite a été inventée pour l'écran. Druon ne termine pas le roman avec la mort de Robert mais s'intéresse au sort du petit roi Jean, fils de Guccio, partie du roman que Barma a décidé de ne pas adapter.

Il faudrait citer tous les comédiens tant ils sont brillants : Jean Paul Zenacker en notaire vénéneux, Maître Tesson, Jean Louis Broust un roi plein de charisme et de force évoquant un jeune Georges Marchal, Benoît Brionne un truculent nouveau roi de France, la jolie nouvelle reine d'angleterre Françoise Burgi alias Philippa de Hainaut.

Robert d'Artois l'avoue lui-même: sans Mahaut, il n'a plus d'adversaire à sa hauteur et le regrette. Jean Piat et Georges Staquet (son fidèle Lormet) marchant dans un Artois de pacotille, très blé jaune made in SFP, réussissent à nous faire oublier les décors et à nous captiver. Jean Piat marque à tout jamais de son talent et de son empreinte le personnage du baron écarlate. Il a trouvé là le plus beau rôle de sa carrière.

La scène de la mort de Tolomeï permet une ultime formidable création de Louis Seigner, tout comme celle de Mahaut pour Hélène Duc.

Catherine Rouvel joue aussi ses plus belles scènes après avoir été dans l'ombre de Mahaut.

La série se termine en beauté et reste inégalable. Ce n'est pas le médiocre remake 2005 de Josée Dayan qui la fera oublier.

o Après Les rois maudits, le comédien Louis Seigner fut l'invité d'un mémorable Grand échiquier de Jacques Chancel. Il était le grand-père des comédiennes Mathilde et Emmanuelle du même nom. Il est décédé en 1991 dans l'incendie de son appartement, s'étant endormi en fumant.

o Catherine Rouvel, née en 1939, a connu deux gros succès au cinéma : Le déjeuner sur l'herbe (1959) et Borsalino (1970).

o A noter une courte apparition de Christian Barbier (L'homme du Picardie) en comploteur flamand.

o Jean Paul Zenacker a été la vedette des séries La poupée sanglante (1976) et L'île aux trente cercueils (1979).

o Jean Louis Broust, né en 1946, fut la vedette de Roméo et Juliette (1973). On l'a vu aussi dans La dame de Monsoreau (1971) et La juive du château trompette (1974). Son décès en 2006 est passé inaperçu, et n'est même pas mentionné sur Internet Movie Data Base.

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Captures réalisées par Patrick Sansano

Crédits photo : TF1 Vidéo.