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 saison 1 saison 3

X Files (1993-2002)

Saison 5

1/2. Le complot / La voie de la vérité (Redux)

3. Les Bandits Solitaires (Unusual Suspects)

4. Détour (Detour)

5. Prométhée post-moderne (Post-Modern Prometheus)

6/7. Emily (Christmas Carol/Emily)

8. Kitsunegari (Kitsunegari)

9. Schizogonie (Schizogeny)

10. La poupée (Chinga)

11. Clic mortel (Kill Switch)

12. Le shérif a les dents longues (Bad Blood)

13/14. Patient X (Patient X /The Red and the Black)

15. Compagnons de route (Travelers)

16. L'Œil de l'esprit (Mind's Eye)

17. L'âme en peine (All Souls)

18. Les nouveaux Spartiates (The Pine-Bluff Variant)

19. Folie à deux (Folie à deux)

20. La fin (The End)

Top 5 de la saison 5

 


1/2. LE COMPLOT / LA VOIE DE LA VERITÉ
(REDUX)


Épisode Mythologique

Scénario : Chris Carter
Réalisation :
R.W. Goodwin (1re partie), et Kim Manners (2e partie)

Résumé :

Mulder persuade Scully de le faire passer pour mort pour duper leurs ennemis. Mulder revoit Kritschgau à la Défense, qui lui raconte en détails toute la gigantesque Conspiration gouvernementale depuis 1945. Mulder n’a que quelques heures pour démasquer la vraie taupe du FBI et tenter de guérir sa coéquipière. L’Homme à la Cigarette vient le voir et lui propose un étonnant marché. Scully fait des expériences sur son ADN et découvre une stupéfiante vérité. Le First Elder, inquiet des initiatives bizarres du Fumeur, prend des mesures drastiques…

Critique :

Cette cinquième saison, qui verra la série atteindre des sommets absolus de popularité tout en achevant la période Vancouver, ne comporte que vingt épisodes. En effet, la réalisation de Fight The Future, majoritairement effectuée entre Gethsemane et Redux (et déjà en Californie...), a pris beaucoup de temps, d'autant que certaines scènes doivent être retournées ultérieurement. Cette priorité donnée au film fait également que la saison bénéficie d'une moindre structuration que la précédente, de nombreux amateurs lui reprochant d'ailleurs un certain côté patchwork et une moindre qualité d’écriture. Nous allons cependant voir que, loin d'apparaître phagocytée par FTF, la saison comporte de sacrés morceaux de bravoure et de magnifiques originalités ! Adonc, Redux !

Le triptyque engagé par Le baiser de Judas se conclut ici par un élargissement de l'intrigue tenant globalement ses promesses. La première partie emporte très largement l'adhésion, avec une brillante astuce scénaristique parfaitement assumée et bien valorisée par la mise en scène : nous remontons le temps en découvrant, en parallèle avec l'histoire racontée précédemment par Scully, ce qui s'est réellement déroulé, tant de son point de vue que de celui de Mulder. L'exercice de style s'effectue avec une parfaite maîtrise, voire une vraie maestria d'écriture. Le suspense est à son comble, tandis que le rythme s'accélère nettement et que la succession de scènes choc se rapproche des cimes d'Anasazi. La forte présence d’effets de narration me semble provoquer comme un témoignage entrecroisé entre Scully et Mulder, un effet intéressant et qui ne ralentit que faiblement l’action. Le paroxysme se voit atteint quand Mulder parvient enfin à pénétrer dans le saint des saints : l'antre du Fumeur au Pentagone, aperçue dès le pilote. On peut bien le dire : on exulte !

Les seconds rôles sont au diapason, avec un Homme à la Cigarette toujours aussi magistralement interprété par William B. Davis et qui se risque sur des stratégies aussi novatrices que périlleuses, apportant ainsi une nouveauté bienvenue quoique parfois déconcertante. Kritschgau bénéficie d’un passage peuplé d’inserts historiques absolument splendides. Jusqu'ici en retrait face à l'affrontement Homme à la Cigarette/Homme bien manucuré, le First Elder avait néanmoins déjà eu l'occasion de manifester une grande habileté face à Scully. Il accomplit ici un foudroyant bond au premier plan lors d'une passionnante lutte de pouvoir avec le Fumeur (les scènes du champ de courses sont somptueuses). Don S. Williams crée avec une étonnante présence ce personnage demeurant une véritable énigme, entre intellect froid et sanguine colère. Un bien joli monstre, dont la Conspiration ne cesse de nous offrir de superbes exemples pour notre plus grand ravissement !

Skinner paraît toujours contesté par ses troupes (en particulier Scully). Successivement menacé par une arme (à plusieurs reprises), frappé, défié, insulté, il aura eu bien du mérite à continuer à les aider de son mieux, envers et contre tout. Mitch Pileggi est formidable et parvient véritablement à faire de son personnage un des plus riches et attachants de la série. Sa réconciliation silencieuse finale avec Scully reste un beau moment d'émotion... la seule ombre au tableau demeure la participation minimaliste des Bandits Solitaires à l'action, mais le Trio aura largement l'occasion de se rattraper lors de l'épisode suivant !

La deuxième partie permet de reprendre la marche en avant de l’action. Toutefois le récit se caractérise par une surabondance de scènes psychologiques entre les personnages. Certes émotionnellement intenses, leur accumulation finit par plomber l’action, et on aurait pu faire judicieusement l’économie de certaines d’entre elles comme l’apparition de la pseudo Samantha. Mulder paraît décidemment troublé, lui qui ne conçoit même pas qu’il puisse s’agir d’un clone et semble bien perméable à l’argumentaire de Kritschgau. En fait, le double épisode résulte mal dosé, un meilleur équilibre entre ressenti et action aurait pu être recherché entre ses deux parties. On demeure également dubitatif après une aussi longue histoire voir Mulder démasquer Blevins sur une simple intuition ! Certes, il s’agit de Mulder, et Blevins, pris à la gorge, se montre singulièrement maladroit sur la fin, mais un indice aurait tout de même été moins frustrant… On ne peut s’empêcher de penser que l’intrigue a été partiellement sacrifiée à une surabondance d’effets lacrymaux. On regrette aussi certaines petites facilités (la capsule non découverte…).

Restent de magnifiques scènes, comme ce feu d’artifice final de moments forts posant avec efficacité le décor de la nouvelle saison. Redux (ou retour à la vie) mène avec succès sa mission principale : clôturer la saison 4 (exit le cancer !) et lancer la 5 sur de nouvelles bases. Alors que Le Baiser de Judas s’achevait sur la pseudo mort de Mulder, Redux se conclut sur l’assassinat de l'Homme à la Cigarette ! Mais comme Mulder, nous ricanons devant l’absence de cadavre… Allons, le bougre a la vie dure, et ce n’est pas fini !

La série est désormais diffusée en format widescreen plutôt qu’en 4:3, ce qui déconcerte dans un premier temps (surtout après avoir revu les quatre premières saisons), mais qui se révèle très positif sur grand écran.

Anecdotes :

  • Pour la neuvième fois, l’indicatif The truth is out there est remplacé par All lies lead to the truth. C'est la réplique de Scully quand Skinner la met en garde sur les conséquences de son mensonge.

  • Dana Scully est née le 23 février 1964. Michael Lee Kritschgau est né le 12 novembre 1955.

  • Redux désigne un retour actif après une période de maladie, d’absence, etc. Pour le premier épisode, il s’applique donc à la mission de Mulder après sa « résurrection », et pour le deuxième épisode, à la « résurrection » de Scully.

  • La discussion entre Mulder et Kritschgau sur la Conspiration s'inspire d'une scène similaire du film JFK (1991) d’Oliver Stone.

  • 1013 du jour : Mulder rencontre « Samantha » à 10h13.

  • 1121 du jour : un des numéros vérifiés par Scully a été appellé à 11h21. Plus subtilement, il est 12h11 (1121 à l’envers) quand le Fumeur va voir le First Elder aux courses. Kritschgau est par ailleurs né un 12/11.

  • Le mystérieux groupe Roush tire son nom de John Roush, journaliste de USA Today qui a écrit beaucoup d’articles positifs sur la série.

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3. LES BANDITS SOLITAIRES
(UNUSUAL SUSPECTS)


Épisode Mythologique

Scénario : Vince Gilligan
Réalisation :
Kim Manners

I heard it was a lone gunman.

No matter how paranoid you are, you're not paranoid enough.

Résumé :

1989. John Fitzgerald Byers raconte au sergent-détective John Munch sa rencontre avec Holly Modeski, une jeune femme qui recherchait son ex-compagnon qui avait kidnappé sa fille. Or, sa fille était fichée dans un document secret du site du Ministère de la Défense ! Malgré leurs rivalités, Byers appella deux connaissances, Melvin Frohike et Ringo Langly, pour pirater le site. Ils lui donnèrent le document, et la protégèrent de son némésis : l’agent Fox Mulder !! Le même soir, Holly de son vrai nom Suzanne fit irruption chez eux et changea à jamais leur vie mais aussi celle de Mulder…

Critique :

Débutons en saluant l'excellence du titre original (justifié par le savoureux gag du sucre et la structure narrative globale), bien plus amusant que sa très appliquée traduction. Il explicite parfaitement la double nature parfaitement assumée et maîtrisée de bout en bout de l'épisode, entre humour pétillant et redoutable intrigue policière. Situé en 1989, le récit a l'originalité de se centrer sur le Trio, laissant Mulder en marge tandis que Scully reste encore bien loin d'imaginer ce qui l'attend... Le tournage de Fight The Future explique le retrait de Duchovny et Anderson, mais l'épisode ne se contente pas de former un interlude, bien au contraire.

Au-delà de l'aspect mythologique absolument captivant pour le fan, l'intrigue bâtit un véritable suspense, captant l'intérêt du public alors qu'une vérité des plus troublantes se révèle peu à peu. Difficile de détourner le regard ne serait-ce qu'un seul instant tant le suspense reste au plus haut niveau jusqu'au terme de l'histoire. Mais chacun des effets chocs se voit ponctué d'une note d'humour caustique ou de dérision, venant agrémenter mais non édulcorer le thriller. Cela constitue le véritable tour de force de l'épisode, comme lors cette succession d'arrivées fracassantes dans l'entrepôt (les Bandits Solitaires, puis Mulder, puis les tueurs, puis les nettoyeurs, puis le SWAT !). On se situe dans le pastiche de haut vol, qui divertit sans altérer les qualités essentielles d'un genre.

Mais l'épisode présente bien d'autres richesses comme la description très fine des caractères des différents membres du Trio : Byers, romantique et idéaliste, Frohike l'homme d'action si viril, et Langly le Geek absolu. Chacun jouit d'une personnalité bien affirmée, dont l'association constitue un mélange des plus explosifs ! La différence de regard de Byers et Frohike envers Susanne reste très significative... La rencontre du trio (et celle avec Mulder) s'effectue d'une manière très fluide, sans effet emphatique déplacé. On apprécie de découvrir les trois plus grands paranos des séries télé encore naïfs et sans méfiance. On partage leur stupeur quand s'effondre la rassurante réalité consensuelle et qu'apparaît tout un univers aussi sombre que délirant. Cette mue de trois honnêtes citoyens en résistants acharnés s'effectue avec émotion et véracité, et, sans avoir l'air d'y toucher, nous titille sur la question de la responsabilité. Dès leur apparition, les Bandits Solitaires se révèlent tels qu'en eux-mêmes : certes des perdants magnifiques, drôles et dont on aime à se moquer affectueusement, mais aussi des combattants de la Vérité, non dénués de courage et d'une certaine grandeur. Dean Haglund, Bruce Harwood, et Tom Braidwood paraissent merveilleux de naturel et s'identifient pleinement à leurs personnages.

Aussi étincelant et central que demeure le Trio, la qualité d'écriture du récit permet de faire également exister les autres personnages. Mulder, avant même d'intégrer les Affaires Non Classées, est déjà le Martien, et son délire hallucinogène sur les Petits Gris s'avère aussi amusant que prophétique. Le scellement de son alliance avec les Bandits Solitaires lors de la scène finale reste un magnifique moment. Et l'épisode apporte une mine d'informations sur le personnage (né un 10-13…) !

La fabuleuse Signy Coleman, qui bénéficie déjà de pas mal de métier en ayant participé à nombre de séries des années 80, donne une vraie humanité et un étonnant charisme à son personnage. Cible émouvante, animée d'une flamme pure, capable d'une audace incroyable et d'un vrai courage physique, Susanne Modeski demeure l'un des plus beaux personnages féminins d'une série pourtant peu chiche en la matière. L'histoire la laisse en mauvaise posture, mais nous aurons la joie de la revoir dès la saison prochaine !

L'épisode nous permet également de retrouver X égal à lui-même, avec à la clef une nouvelle très solide prestation de Steven Williams. Les Bandits Solitaires lui doivent la paternité de leur nom (en référence à Dallas), mais la traduction désamorce totalement l'effet, parlant de « bandit solitaire » au lieu de « Tireur isolé » ! On remarque que tout comme son patron dans Musings, ou plus tard Fletcher, X les épargne, sans doute du fait de la faible dangerosité perçue...

La cerise sur le gâteau est apportée par le très étonnant cross-over dû à l'apparition de Richard Belzer dans son personnage fétiche de John Munch (Près de 450 épisodes de Law and Order et Homicide, mais aussi The Wire, Arrested Development, etc.). Outre son numéro de sceptique narquois et blasé très divertissant, sa présence comporte le mérite de mesurer le fossé existant désormais entre les X-Files à l'orée de leur cinquième saison et les séries policières classiques. Alors qu'à ses débuts la série pouvait apparaître composée d'enquêtes avec une simple connotation paranormale, ce sont bien deux univers qui se font face désormais dans une totale incommunicabilité, alors même qu'il s'agit d'un des épisodes contenant le moins de surnaturel. La Vérité est désormais totalement ailleurs ! Dommage que Munch et Mulder n'aient pas de scène en commun...

Enfin, Les Bandits Solitaires se pare d'un ultime attrait : une évocation particulièrement divertissante et ludique des années 80 à leur crépuscule (30 ans déjà...). Plusieurs symboles passent ainsi à la moulinette des très inspirés Kim Manners et Vince Gilligan : les monstrueux téléphones portables de l'époque avec un joli clin d'œil à ce qui deviendra l'une des images récurrentes de la série, les débuts très austères de l'Internet avec tout le frémissement existant autour, les jeux vidéos primitifs de ce temps-là mais, oh combien jouissifs et imaginatifs (rien de moins que... Digger !), Donjons et Dragons alors au sommet de sa popularité, bien avant la barbarie des jeux en ligne (et que j'ai pratiqués comme Langly, les fumées d'origines diverses en moins, les petits gâteaux en plus)... On se régale !

Les Bandits Solitaires restera un hommage au Trio particulièrement vibrant et superbement écrit, aussi enthousiasmant qu’a pu l'être Musings of a Cigarette Smoking Man la saison précédente. Un authentique régal pour le fan, très prometteur pour Au cœur du complot !

Anecdotes :

  • 100e épisode de la série.

  • Quatrième épisode sans Scully.

  • Suzanne Modeski se fait appeler Holly au début du film, une nouvelle référence à la petite amie du scénariste Vince Gilligan. Le dentiste de Suzanne s’appelle Michael Kilbourne, qui est en fait le nom du dentiste de Vince Gilligan ! Suzanne reviendra dans Brelan d’as (saison 6).

  • John Fitzgerald Byers est né le 22 novembre 1963. Il devait s’appeler Bertram mais ses parents changèrent d’avis en apprenant l’assassinat de JFK. En 1989, il travaillait comme agent de la Commission Fédérale des Communications ; c’est un bon hacker.

    Melvin Frohike (prononcer Frohiké) est le fondateur de la Frohike Electronics Corp. Il est aussi spécialisé en piratage informatique, à un niveau plus élevé que Byers. N.B. Tom Braidwood, l'acteur, détestait ce prénom !

    Ringo Langly a des acouphènes, et est le meilleur du Trio en piratage. La référence à cette pratique sous le terme « kung-fu » est un clin d’œil au hacker Kevin Mitnick qui mystifiait la police informatique en leur envoyant le message « My kung-fu is best ».

  • Fox Mulder mesure 6 pieds (1m83) et pèse 170 livres (environ 77 kilos) du moins en 1989. On apprend qu’il est adepte du Yin et Yang. Son numéro de téléphone est (222) 555-9355. Bien qu'il est dit qu'il soit célibataire, il porte une alliance qu'il portera toujours l'année suivante quand il interrogera Arthur Dales (Compagnons de route). L'épisode La Fin nous suggéra qui a pu être sa femme. En réalité, l'alliance est un clin d'oeil au fait que Duchovny allait se marier avec Téa Léoni.

  • Vince Gilligan bloquait sur un point important : comment justifier que l’assassin épargne les Lone Gunmen ? John Shiban eut l’idée que l’assassin fut Mr.X. : son attitude ambiguë rendait crédible sa grâce envers le Trio.

  • Présence du sergent-détective John Munch. Richard Belzer reprend son rôle de la série Homicide. Il sera ensuite de l’équipe de New York unité spéciale. Son personnage apparaît dans pas moins de 9 séries différentes, un cas quasi unique dans l’histoire des séries !

  • Quand Holly frappe à la porte des Lone Gunmen, ces derniers se rangent en file indienne comme dans Le Magicien d’Oz (1939) lors de l’apparition de Dorothée déclenchant la même réaction de ses trois futurs compagnons.

  • Extrait du CV de Mulder:

 

1983-1986 : études à l’Université d'Oxford, il en sort diplômé en Psychologie.
1986 : intègre l’Académie de Quantico, en sort premier de sa promotion.

1988 : entre à la Brigade Criminelle.

 

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4. DÉTOUR
(DETOUR)


 

Scénario : Frank Spotnitz
Réalisation :
Brett Dowler

- If we become blinded by the beauty of nature, we may fail to see its cruelty and violence.
- Walt Whitman ?
- No, "When Animals Attack." On the FOX Network
.

Résumé :

Dans une immense forêt de Floride, deux géomètres puis un chasseur sont agressés par des monstres invisibles. Les traces laissés par les agresseurs ne sont ni humaines ni animales, et démontrent une inattendue intelligence ! Accompagnés d’une shérif et d’un scientifique, Mulder et Scully se mettent en quête des corps et des deux monstres qui semblent avoir la capacité de se fondre dans le décor, rendant leur capture quasi impossible. Bientôt, ils sont perdus dans le forêt et à la merci des monstres…

Critique :

Après un début original et amusant nous rappelant que quelle que soit la série, les aventures naissent littéralement sous les pas des héros, on constate rapidement que cet épisode souffre de plusieurs faiblesses. La principale demeure la faiblesse des personnages secondaires certes plaisants (les amusants fonctionnaires moyens mais pas si inefficaces que cela, la shérif Sylvaine, la famille victime idéale) mais demeurant tous trop rapidement esquissés pour bénéficier d’une authentique profondeur et développer d’intéressantes interactions avec le couple vedette. La série nous a habitués à des personnages mieux croqués et le regret se ressent d’autant plus fortement qu’on pouvait y trouver du potentiel, notamment dans la confrontation de Mulder et de l’absurdité administrative. Une enquête commune avec Stonecypher et Kinsley aurait constitué un superbe sujet d’épisode !

L’intrigue reste également assez sommaire, de surcroît répétitive, avec pour conclusion une arrivée de cavalerie particulièrement providentielle. On pourrait aller jusqu’à se demander si cette relative vacuité n’a pas suscité cette volonté de lancement sortant de l’ordinaire, histoire de dissimuler quelque peu la misère… Parallèlement on peut regretter le caractère un peu ridicule de ces yeux rouges surgissant de nulle part ; les artistes de la série nous régalent habituellement d’effets autrement saisissants. Il en va de même pour ces disparitions qui ressemblent plus à une prise de pied dans un tapis qu’autre chose. Une exception notable vient partiellement contrebalancer ce jugement : la saisissante image où l’on aperçoit le monstre en mimétisme. Dommage que la mise en scène n’ait pas persévéré dans cette direction, sans doute par contrainte budgétaire (on est ici au summum de ce que l’époque pouvait produire). Je n’ai pas pu m’empêcher de songer au Gollum de Peter Jackson !

Heureusement, à quelque chose malheur est bon, et l’épisode ne gaspille pas l’opportunité d’optimiser la concentration de l’action sur le duo Mulder/Scully du fait de l’effacement des personnages secondaires. Nous avons droit à toute une succession de scènes très divertissantes, qui font tout le prix de cet épisode. On s’amuse ainsi beaucoup de voir Scully toute gênée par le mépris goguenard affiché par Mulder envers le fameux séminaire, alors même qu’elle ressent la même chose. Le souci de la respectabilité et du respect des règles reste bien ancré chez les Scully… Surtout on peut se demander si Scully (en souvenir ?), ne nous fait pas un plan à la Eddie Van Blundht quand elle vient partager une bouteille avec son collègue et déclare bien explicitement que normalement deux collègues de sexe opposé ne peuvent occuper la même chambre… Mais manque de chance, cette fois c’est le vrai Mulder qui se trouve là, et donc il est bien entendu hors de question de penser à autre chose qu’à l’enquête ! Mais ne s’agirait-il pas plutôt d’une angoisse devant une possible concrétisation ? En tout cas notre héros déguerpit bien vite, laissant une Scully bien dépitée de devoir boire toute seule ! Bien tournée, la scène apparaît autant ambiguë que plaisante.

La nuit passée « Into the Wild » paraît moins dense et aboutie que son équivalent dans Les Dents du Lac, mais réserve tout de même quelques bonnes surprises comme Scully chantant (atrocement) une berceuse à Mulder ! Leur conversation permet également de confirmer que la page du cancer a été définitivement tournée. On apprécie le clin d’œil à l’Homme Invisible, les choix d’inserts de films se révèlant toujours excellents dans les X-Files ! La fin développe un beau suspense, apportant une énergie bienvenue à l’épisode. Le récit voit également se dérouler un intense échange de vannes entre les deux collègues, notamment à propos des hommes-mites et consorts. Spotnitz montre toujours un authentique talent pour les dialogues, mais cette virtuosité l’entraîne à trop les privilégier au détriment de l’intrigue (et puis cette histoire de Fontaine de Jouvence… Pourquoi les Conquistadors seraient-ils demeurés dans la forêt ?).

Enfin, l’autre grande vedette du récit demeure la somptueuse forêt canadienne, à la beauté d’autant plus étincelante que nous savons que nous allons très bientôt en être privés, au moment où la série s’apprête à quitter sa terre d’élection pour migrer au sud. Par contre, avouons que l’on a beaucoup de mal à se croire en Floride ! Hélas, l’épisode illustre également ici sa plus grande lacune : si la forêt de Vancouver se montre ici enchanteresse et joliment filmée, on ne ressent pas un seul instant le sentiment de péril et d’isolement qui devrait normalement s’imposer aux personnages. La mise en scène de Brett Dowler manque cruellement du souffle et de la densité nécessaires pour que l’on retrouve l’enfermement et l’oppression incomparables du grandiose Quand vient la nuit, auquel l’histoire du jour fait inévitablement penser.

Anecdotes :

  • Mulder et son père ont été guides de forêt pendant l’enfance et adolescence de Fox. Il ne supporte pas le Ice Capades, spectacle américain de danse sur glace crée en 1940. Itinérant pendant un demi-siècle, il s’est implanté désormais dans neuf états américains. La VF remplace le Ice Capades par l’opéra !

  • La chevelure de Gillian Anderson ondule par temps humide. Détour ayant été tourné sous un temps pluvieux, sa coiffure apparaît inhabituellement négligée.

  • Scully chante (affreusement faux) Joy to the world (Elle descend de la montagne en VF). Cette chanson composée par Hoyt Axton est aussi connue sous le titre Jeremiah was a bullfrog, première phrase de la chanson. Louis regarde à la télévision L’homme invisible (1933), un film réalisé par James Whale d’après un roman de H.G.Wells.

  • Mulder trouve l’inscription « ad noctum ». Mais nox est un substantif de la 3e déclinaison de la grammaire latine (et non la 2e), et devrait donc se lire « ad noctem ».

  • Michelle Fazekas est en fait le nom de l’assistante personnelle de Frank Spotnitz.

  • Scully croit que la citation du guide sur les dangers de la nature est de Walt Whitman. Walt Whitman (1819-1892) est un poète américain qui fut le chantre de son pays, de ses beautés, de sa civilisation. Il est considéré avec Emily Dickinson comme le plus grand poète américain du XIXe siècle. Il a ouvert la voie au courant symboliste français.

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5. PROMÉTHÉE POST-MODERNE
(POST-MODERN PROMETHEUS)


Scénario : Chris Carter
Réalisation :
Chris Carter

Is there anything that you don't believe in, Mulder ?

Résumé :

Shaineh Berkowitz est agressée par un monstre. 3 jours plus tard, elle se réveille enceinte bien qu’elle ait eu une ligature des trompes il y a deux ans ! Le monstre serait en fait le « Grand Mutato », personnage de BD créé par Izzy, le fils de Shaineh, lui-même né dans des circonstances analogues. Izzy leur déclare que le monstre existe et se cache on ne sait où. Mulder et Scully visitent un scientifique fou qui prétend être sur le point de créer des humains de n’importe quel apparence. Peu après, sa propre femme se retrouve enceinte, et d’une manière certainement pas naturelle…

Critique :

Cette audacieuse variation sur le thème de Frankenstein (l’épisode comporte plusieurs clins d’œil au classique de Mary Shelley, dont son titre) doublée d’un bel hommage à l’univers des comics anciens, séduit d’abord par la beauté étrange de sa mise en scène. La première originalité réside dans le choix d’un noir el blanc intégral, chose jusque là rarissime dans l’univers des séries télé (Le rêve était presque parfait de Clair de Lune se situait dans les années 40 et n’était que partiellement en bichromie). D’abord déconcertante, on s’aperçoit bien vite que cette option correspond parfaitement à l’ambiance fantasmagorique de cette histoire présentée comme un conte de fées, proche de l’univers d’un Tim Burton ou des classiques de l’âge d’or d’Hollywood.

C’est d’autant plus vrai que ce classieux noir et blanc s’accompagne d’une réalisation poussant loin les limites de l’esthétique, par des angles de vue subtilement discordants ou des gros plans très suggestifs de visages pour le moins pittoresques ! La mise en scène regorge de trouvailles visuelles, dans le champ principal mais aussi disséminées dans le décor et chez les personnages secondaires. L’épisode s’offre également le luxe d’un extraordinaire final où la maestria de Chris Carter s’enflamme comme à l’ultime détonation d’un grandiose feu d’artifice. Sous les feux d’une boule à facettes brillant comme un soleil, la caméra virevolte en tous sens pour nous faire vivre d’une manière incroyablement intense l’excitation d’un concert, et l’émotion de Mutato. Le visuel s’entremêle à une musique aussi originale que formidable, puisqu’aux thèmes toujours si évocateurs de Mark Snow viennent s’ajouter quelques-unes des plus belles chansons de Cher.

Spectacle entier à la poésie onirique pimentée avec un goût très sûr par de l’humour absurde de haut vol, Prométhée post-moderne s’impose comme un authentique chef-d’œuvre de l’art audio-visuel, et un des épisodes expérimentaux les plus aboutis de l’univers des séries télé. On se surprend à le regarder trois fois d’affilée, avec toujours le même ravissement et la découverte de nouvelles pépites.

Mais l’épisode ne se contente pas de demeurer un étrange et fascinant objet d’art : il s’attache également à nous raconter une aussi riche que captivante histoire. Le portrait de groupe de cette petite communauté au fin fond d’un trou perdu de l’Amérique profonde se révèle caustique et très distrayant (on pense parfois à Lynch, avec un Twin Peaks mâtiné d’Elephant Man). Quelques belles individualités s’en détachent comme la mère et le fils Berkowitz, réellement incontournables ! L’intrigue montre cependant la finesse de ne pas tomber dans la caricature facile et trop à charge. La population, aussi crispante qu’elle puisse être, se montre finalement sympathique et capable de rédemption, en un mot très humaine.

L’adversaire du jour, joué avec brio par John O'Hurley (Seinfeld), développe une vision actualisée du savant fou, dont le but principal demeure l’accession à la notoriété, et dont la fatuité et la pédanterie dissimulent mal un côté minable assez croquignolet.

Néanmoins la grande figure de Prométhée post-moderne demeure bien entendu le Grand Mutato lui-même. Chacune de ses manifestations s’auréole d’une rare poésie, car bien loin d’être un monstre, il s’agit d’une personne sensible aux enthousiasmes très juvéniles. Repoussé par les humains, il s’est bâti un univers onirique se révélant très émouvant autour de Cher, son idéal féminin, même si ses actes s'avèrent moralement aussi critiquables que ceux d'un Eddie van Blundht dont il se montre étonnamment proche. Le très inattendu retournement de situation où on le découvre s’adressant à la foule synthétise cette dualité entre apparence extérieure et nature intérieure en une scène touchante mais toujours empreinte de l’humour si particulier de l’épisode ! L’étonnant maquillage prouve encore une fois si besoin en était le savoir-faire des artistes de la série. Ces travestissements dissimulent toujours de stupéfiantes découvertes car, alors que le légendaire Flukeman n’était autre que Darin Morgan, Mutato se voit incarné par Chris Owens, bien connu pour ses interprétations de l'Homme à la Cigarette jeune et bientôt de Spender ! Chapeau l’artiste, il confère beaucoup de vie au personnage, et parvient à en restituer à la perfection les émotions alors même que le visage demeure inexpressif.

L’épisode gagne encore en profondeur en questionnant sur le développement incontrôlé de la génétique, mais aussi sur l’influence pernicieuse de la téléréalité sur une population avide de reconnaissance médiatique. On remarque que Jerry Springer joue joliment le jeu, ce qui prouve bien que le gaillard est un malin (Roseanne et Cher, conviées, ne furent malheureusement pas disponibles) !

Enfin, last but not least, Prométhée post-moderne permet également au duo Mulder/Scully de briller de tout son éclat. Leurs dialogues crépitent réellement durant tout le récit ! Cela débute par la relecture acidulée de la lettre de Mme Berkowitz par une Scully exhalant l’irritation et l’ironie sceptique, tandis que Mulder, stoïque, encaisse silencieusement tout en ne perdant pas une miette du show. La scène déclenche vraiment l’hilarité et lance idéalement l’histoire. Par la suite, alors que Mulder prend d’entrée l’histoire au sérieux tout en s’amusant visiblement beaucoup, Scully est persuadée du canular et de la perte de temps au beau milieu de nulle part. Du coup elle s’énerve de tout, ce qui nous vaut un duel fort plaisant avec Mulder. On apprécie bien d’autres scènes amusantes comme l’incollable Scully prise en flagrant délit d’ignorance par le savant fou, ou la voir courir à toute vitesse pour rattraper les grandes enjambées de Mulder à l’approche de la fameuse maison ! (Pour l’anecdote, ce sont ici les doublures des acteurs qui jouent.) On note que Mulder continue sa période de scepticisme envers les Aliens.

Duchovny et Anderson n’hésitent pas à prendre le ton de l’atmosphère décalée de l'épisode en surjouant leurs personnages, mais toujours avec un goût très sûr et une absolue maîtrise. En trouvant toujours le ton juste et en élargissant leur répertoire, ils manifestent toute l’étendue de leur immense talent, en même temps que s’affiche leur parfaite complicité. L’épisode a la finesse de ne pas développer une caricature de ses héros (même jouissive comme dans d’autres épisodes décalés : Bad Blood est pour bientôt), mais laisse leurs sentiments profonds s’exprimer, sans doute du fait que Chris Carter en est l’auteur.

Le récital offert durant tout l’épisode débouche ainsi sur une magnifique apothéose lorsque Mulder convie Scully à danser et que celle-ci, un instant interdite, finit par le rejoindre, toute ravie. L’instant paraît purement magique, chargé d’émotion et non sans nous évoquer le grand souvenir de Danse macabre ! Tout comme Mutato, nos héros partagent un grand moment de félicité, et telle reste finalement la conclusion de Prométhée post-moderne : le bonheur reste possible, envers et contre tout.

Exemple stupéfiant d’audace de narration et de mise en scène, menant à la perfection le difficile exercice de mêler poésie, fantastique, et humour, et offrant de superbes partitions à ses interprètes, Prométhée post-moderne demeure l’un des épisodes les plus inoubliables des X-Files ! Il reçoit justement l’Emmy Award de la direction artistique en 1998. Il fut également nommé pour six autres catégories…

Anecdotes :

  • Episode intégralement tourné en noir et blanc.

  • Mark Snow déclara qu’il s’agissait de sa meilleure partition parmi les épisodes de la saison.

  • Le titre de l’épisode s’inspire du titre original du livre Frankenstein or the Modern Prometheus. Il existe d'autres références au magnum opus de Mary Shelley dans l'épisode.

  • Chris Carter écrivit l’épisode avec Cher en tête. Mais cette dernière, bien que fan de la série, déclina la proposition de Carter, estimant que son apparition serait de « mauvais goût ». Elle l’autorisa cependant à utiliser sa musique, ainsi qu’un extrait de Mask (1985), film que regarde Le Grand Mutato. Cher regretta par la suite ce refus en voyant la qualité de l’épisode. C’est Tracey Bell, un sosie de la chanteuse-comédienne, qui apparaît dans l’épisode. De même, le rôle de Shaineh Berkowitz fut pensé pour Roseanne Barr, indisponible au moment du tournage.

  • The Great Mutato est le nom d’un personnage qui avait déjà été utilisé dans Les Simpson. Carter dut demander l’autorisation à Matt Groening, le créateur de la série, pour utiliser ce nom.

  • C’est le dessinateur Claude St-Aubin - qui fit par ailleurs une adaptation en comics de l’épisode Gorge Profonde (saison 1) - qui dessina la couverture du livre visible au début et à la fin de l’épisode, ainsi que la photo finale crayonnée de Mulder et Scully dansant ensemble.

  • On entend trois chansons de Cher durant l’épisode : The sun ain't gonna shine anymore de Bob Crewe et Bob Gaudio, Gypsies, tramps & thieves de Bob Stone, et durant la scène finale, Walking in Memphis de Marc Cohn.

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    6/7. EMILY
    (CHRISTMAS CAROL/EMILY)

    xfiles 5 6


     

    Épisode Mythologique

    Scénario : Vince Gilligan, John Shiban, & Frank Spotnitz
    Réalisation :
    Peter Markle (1re partie), et Kim Manners (2e partie)

    Résumé :

    Alors qu’elle passe Noël en famille, Scully reçoit un coup de téléphone de... Mélissa !! Il provient d’une maison où une femme, Roberta Sim, vient de se suicider. Problème : la police est là depuis pas mal de temps et est catégorique : personne n’a appellé ! Scully pense que Roberta a en fait été assassinée, et remarque qu’Emily, leur fille adoptive, ressemble étrangement à Mélissa quand elle était petite. Emily, souffrant d’une maladie rare, subit des essais cliniques dans un hôpital qui cache de lourds secrets. Scully remarque des inconnus qui s’intéressent aux Sim...

    Critique :

    Le premier des deux doubles épisodes mythologiques traditionnels de la saison 5 présente l’originalité d’une particulièrement nette différence d’intérêt entre ses deux segments.

    Le premier, Christmas Carol, séduit par bien des points. Il y bien sûr l’originalité de retrouver Scully seule pour cette enquête très particulière, et la qualité même de cette histoire mêlant admirablement émotion et authentique sens du mystère. Gillian Anderson habite réellement cet épisode par l’intensité qu’elle donne aux tourments d’une Scully confrontée aux affres de la stérilité et à la découverte particulièrement déstabilisante d’Emily. Cela nous vaut un très beau portrait intimiste d’une femme dont les doutes face à son travail rejoignent ceux exprimés dans Never again, mais refusant d’abdiquer face au désespoir, et découvrant une raison d’espérer même au risque de replonger dans l’enfer d’une maladie qui serait cette fois celle de sa fille adoptive.

    Le tableau s’enrichit encore de la description de l’environnement familial. L’incommunicabilité régnant au sein de la famille Scully s’avère particulièrement prégnante en cette période de Noël : introversion de Scully, volontarisme bien intentionné mais finalement intrusif de Bill, incompréhension manifestée par Linda, souffrance réprimée de Margaret, fantômes des défunts… Justement, Melissa opère un retour très particulier dans cette histoire mettant joliment en œuvre le thème classique du coup de fil reçu d’outre-tombe, un sujet traité à moult reprises tant dans la littérature qu’à l’écran.

    Cette dimension familiale très forte constitue un des atouts de l’épisode, particulièrement mis en valeur par d’excellents comédiens connaissant parfaitement leurs personnages. À cet égard, les retrouvailles avec l’aussi belle que talentueuse Melinda McGraw, espérées durant tout l’épisode, apportent un vrai couronnement à celui-ci. Elle et Gillian fonctionnent à la perfection, et cela restera un des regrets suscités par la série que de n’avoir pas développé davantage la relation entre Melissa et Dana tant on apprécie ici leurs rencontres à l’occasion de Noëls successifs. La série parvient ainsi à reconstituer la magie de Noël (scène très émouvante où les deux sœurs reçoivent leurs croix), comme cela sera plus tard le cas pour Les amants maudits.

    La petite Emily, qui représente tant pour Scully comme le montre la déchirante confrontation avec la conseillère sociale, est elle aussi joliment interprétée par la très jeune Lauren Diewold, vraiment adorable.

    Parallèlement à cette intensité émotionnelle le récit n’oublie pas de développer un vrai mystère à résoudre, dont Scully démêle l’écheveau avec brio, mais aussi avec une approche très "Mulderienne". La disciple a beaucoup appris du maître en quelques années, tant la jeune élève jadis fraîchement émoulue de Quantico aurait été bien en peine de réaliser pareil exploit ! Le policier local, joué avec un naturel confondant par John Pyper-Ferguson (Jeremiah, Night Stalker), d’abord volontiers condescendant et passablement machiste va devoir vite changer de ton… On apprécie également la présence de l’habituelle autopsie par Scully, cette fois d’autant plus bizarre qu’elle résulte… banale !

    Cette première partie aussi riche que captivante, très littéraire (on ne dira jamais à quel point Mulder et Scully bénéficient d’une profondeur sans commune mesure avec les autres personnages de série télé), se conclut par le traditionnel cliffhanger hallucinant (quoiqu'ici assez prévisible), qui achève de faire basculer l’affaire dans le Non Classé ! Dès lors, on jubile en se disant que Scully n’a plus le choix et va devoir faire appel au spécialiste, quitte à irriter Bill, et que, de passionnant, l’épisode va désormais devenir génial…

    Patatras ! Après une magnifique introduction onirique (Scully face à la solitude de sa vie avec la croix offerte à Emily) faisant écho aux saisissantes scènes de rêve de la première partie, on déchante très vite. Que Mulder en sache d’entrée autant grâce à un providentiel piratage de Frohike tient du procédé, tandis que la référence à Crichton ressort plus de la faute de goût qu’autre chose... Surtout, après le mystère et l’originalité de Christmas Carol, on ne peut ressentir l’atterrissage sur les voies bien balisées de la Mythologie que représente Emily que comme une perte de dimension et d’intérêt, tandis que la famille Scully est promptement évacuée. Le fait que Mulder, le grand héraut de la vérité, ait caché autant de choses cruciales à Scully a aussi du mal à passer. Après la grande justesse de ton précédente, la maîtrise narrative paraît ici bien moins assurée. On commence à sentir comme de l’artificialité…

    Et puis présenter comme une immense révélation le fait qu'Emily soit une hybride s’avère un tantinet dérisoire tellement c’était évident (bon, techniquement, c’est un prototype de super soldat, comme précisé dans une scène coupée d’Essence, mais qui s’en soucie ?). Autant on appréciait de voir une Scully autonome, autant elle apparaît ici d’entrée à la remorque de Mulder. Et puis cela part dans une histoire de médecins à la Urgences : code déontologique, protocole de soins, effets larmoyants appuyés, dénonciation lourdingue du mercantilisme, jargon inepte (« J’espère que vous savez ce que c’est ? » « Une formation néoplasique !») enfin en un mot tout le barnum et le pathos coutumiers du genre. Donc, fatalement, cela ennuie très vite (litote). À un moment on a envie de crier : « Pouce, n’en jetez plus ! ».

    Pendant ce temps, Mulder oublie toute finesse et cela marche, puisque Calderon l’emmène directement au repaire des méchants. On se demande pourquoi il se montre si subtil d’habitude alors qu’il suffit de secouer les suspects… Le tout sous un soleil évoquant déjà la Californie ; eh bien cela promet ! On ne comprend pas vraiment pourquoi le membre de la colonie, se sachant suivi par Mulder, l’emmène directement chez les porteuses. Grâce à Dieu, Frohike accomplit une brève apparition, et cette fois c’est : « Non, ne pars pas, ne nous laisses pas seuls ! » que l’on a envie de s’écrier. Ensuite Mulder, dont le scepticisme envers les Aliens semble envolé, ouvre un frigo et tombe pile sur un clone issu de Scully. Il est stupéfait, mais moins que nous devant tant « d’aisance narrative ».

    Si Duchovny se montre au moins alerte et dynamique, on ne peut que ressentir de la tristesse pour une Gillian Anderson devant se cantonner à une seule expression faciale de désespoir durant toute l’histoire, et dont le rôle se résume principalement à du remplissage inutile avec plusieurs scènes totalement dénuées de la moindre justification. La mort d’Emily s’avère bien entendu un moment très touchant, conjointement à la naissance de Matthew. La conclusion de cette production hospitalière que reste avant tout Emily demeure cependant singulièrement démonstrative et pesante, bien dans la tradition du genre. Rarement on aura accueilli l'achèvement d’un épisode avec autant de soulagement !

    Malgré le naufrage de sa seconde partie, Emily brille cependant par l’étonnante qualité de Christmas Carol, qui reste l’épisode centré sur la famille Scully que l’on espérait depuis longtemps. Pour la suite, la séquence d’intro suffit à résumer l’épisode, dont on fera l’économie de la vision avec profit (c’est l’unique épisode mythologique où Carter n’a pas mis la main, on comprend mieux). Son seul intérêt reste de nous faire mieux comprendre la volonté inexorable de Scully à vouloir sauver l’enfant dans I Want To Believe. Pas cette fois !

    Pour l’anecdote, Scully adolescente est interprétée par Zoé Anderson, sœur cadette de Gillian !

    Anecdotes :

  • Le numéro de badge de Scully est 2317-616.

  • Le titre Christmas carol vient du roman du même nom de Charles Dickens. Les visions du passé de Scully et les messages de l’au-delà font d'ailleurs penser à ce roman. Alistair Sim, l’acteur jouant le rôle principal de l’adaptation cinématographique de 1951 du roman de Dickens, donne son nom à la famille Sim de l'épisode.

  • La lettre contenant le résultat des tests ADN de Scully a été écrite par John Gilnitz. C'est une nouvelle apparition de ce nom clin d’œil aux trois scénaristes (John Shiban, Vince Gilligan, Frank Spotnitz).

  • Emily est interprétée par la jeune Lauren Diewold (qui reprendra ce rôle dans L’âme en peine). Elle fut choisie car Kim Manners l’avait appréciée dans un épisode de MillenniuM, Le monstre (saison 2). Elle remplaça une précédente enfant qui s’était montrée incapable de jouer les scènes d’hôpital, le décor lui faisant trop peur.

  • D’après Vince Gilligan, les fans de l’époque ont peu apprécié la tragique fin de l’épisode : ils ont eu de la peine pour Scully !

  • Quand Mulder s’adresse au juge, il appelle Scully « Dana » en VO comme en VF ! Evénement assez rare pour être signalé.

  • Le chapeau porté par Mulder lors de sa fugitive apparition dans la première partie a été tricoté par sa future femme, Téa Leoni.

  • 925 du jour : dans la deuxième partie d’Emily, Frohike déclare que l’enfant né le 25 septembre 1994 est une « healthy baby girl ». Pour rappel, Piper Maru Anderson, fille de Gillian, est née le 25 septembre 1994 !

  • 1013 du jour : le prélèvement de Scully date du 10/13/94 (notation anglo-saxonne). 


  • 8. KITSUNEGARI
    (KITSUNEGARI)


    Scénario : Vince Gilligan & Tim Minear
    Réalisation :
    Daniel Sackheim

    Résumé :

    Le Pousseur (cf. épisode Autosuggestion, saison 3) s’échappe de l’asile où il avait été enfermé. Affaibli, fatigué, il dispose toutefois toujours de son terrible pouvoir d’autosuggestion. Le cadavre de Bowman, le procureur ayant instruit l’affaire contre lui, est découvert : il est mort en ayant bu de la peinture bleue jusqu’à asphyxie. Modell reprend son jeu du chat et de la souris avec Mulder, mais ce dernier est intrigué par son comportement moins meurtrier que de coutume. Il en vient à penser que Linda Bowman, la veuve du procureur, n’est pas innocente dans cette affaire…

    Critique :

    Un des rares regrets véritables que laisse la série demeure de n’avoir jamais revu l’Incendiaire, mais elle ne rate pas un autre rendez-vous longuement espéré : les retrouvailles avec Robert Patrick Modell alias le Pusher, l’un des plus formidables Monster of the week toutes saisons confondues. La question ne consiste pas à savoir s’il s’agit d’un retour vraisemblable compte tenu de l’état où nous l’avions laissé (après tout, nous sommes dans les X-Files !), mais si cette deuxième se révèle à la hauteur des sommets atteints par la première.

    On retrouve certes tout l’humour si particulier, la brillante intelligence, et le fascinant pouvoir si propice aux scènes chocs d’un Modell toujours aussi magistralement interprété par Robert Wisden. De plus, l’épisode est parsemé de clins d’œil amusants au précédent comme ce bleu céruléen devenu indissociable du personnage. Malheureusement, tout en demeurant d’une qualité très appréciable (le suspense demeure continu jusqu’à la conclusion), l’épisode prend le risque de s’embarquer sur d’autres voies.

    Certes, il reste louable d’avoir voulu éviter le « retour de la vengeance » de Modell, mais c’est tout de même bien la poursuite de l’étincelant duel avec Mulder que l’on attendait avant tout. Se priver de ce fort concept impose que la solution de remplacement soit à la hauteur, et force est de constater que cela n’est pas tout à fait le cas. Voir le Pusher devenu « gentil » décontenance quelque peu, même s’il conserve sa malice. La raison de ce revirement n’apparaît pas non plus très claire !

    Linda Bowman s’avère un intéressant personnage, parfaitement glaçant, mais moins pétillant et original que le Pusher. On en revient à une figure classique de serial killer, certes bien campée par une Diana Scarwid (Wonderfalls, Lost, Prison break, Pushing Daisies, etc.) lui donnant une vraie présence, mais sans les spécificités si stimulantes du Pusher. On s’amuse moins, mais les assassinats paraissent toujours bien amenés. Le récit tente de créer une ambiguïté intéressante (Mulder est-il ou non sous l’emprise de Modell ?), mais ne développe pas assez cette idée ; et puis notre héros a si souvent raison… Cette moindre dimension et qualité de l’histoire devient particulièrement évidente lors du duel final, considérablement plus faible que la fameuse partie de roulette russe qui demeure un des moments marquants de la série.

    Le pseudo-suicide de Scully se ressentant de manière aussi peu crédible que celui de Mulder lors de la saison précédente, le suspense et l’énigme de la situation s’en voient clairement désamorcés. On s’étonne aussi que Linda n’exerce son emprise que sur Mulder, négligeant tout à fait que Scully soit armée. La mise en scène paraît également moins dense que précédemment alors que cette histoire familiale et de vengeance ressemble parfois à du mélodrame. La scène finale entre Skinner et Mulder paraît inutilement appuyée.

    Ces défauts empêchent certes l’épisode de dégager un plaisir aussi intense que précédemment, mais Modell reste un joueur extraordinaire (et Mulder un sacré renard !). Le suspense se maintient à un niveau suffisamment élevé pour que Kitsunegari, qui avait un sacré défi à relever, demeure un fort agréable moment. Étrangement, Scully confond Budo et Bushido !

    Anecdotes :

  • Suite de l’épisode Autosuggestion (saison 3).

  • Le procureur assassiné s’appelle Bowman. Un clin d’œil à Rob Bowman, un des principaux réalisateurs de la série.

  • Comme dit dans l’épisode, Kitsunegari signifie en japonais Chasse au renard. Le renard étant ici Mulder, puisque son prénom Fox signifie renard.

  • Remarquez la forme étrange de la tumeur de Linda Bowman : elle ressemble à un diamant avec un S au centre. C'est peut-être une référence à Superman puisque Tim Minear, co-auteur de l’épisode, venait juste de quitter le staff de la série Lois et Clark pour lequel il a écrit 5 épisodes, et qu’il avait dirigé en tant qu'executive story editor pendant 22 épisodes.

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    9. SCHIZOGONIE
    (SCHIZOGENY)


    Scénario : Jessica Scott & Mike Wollaeger
    Réalisation :
    Ralph Hemecker

    Résumé :

    Bobby, un adolescent, ne supporte plus Phil, son beau-père. Un soir, il s’enfuit dans la forêt. Phil tente de le rattraper mais est aspiré par de la boue ! Plus tard, le père d'une amie de Bobby meurt dans des circonstances analogues. Mulder et Scully font la connaissance de Karin, la psychologue de Bobby, qui se dit capable de transformer la peur en « pouvoir ». Un arboriculteur déclare que tous les vergers de la région sont malades depuis qu’un « méchant homme » a été enterré ici. Mulder voit un lien entre les deux événements...

    Critique :

    Cette particulièrement sombre variation sur le thème de l’enfance maltraitée, une malédiction s’étendant aux victimes devenant bourreaux, compte de nombreuses réussites à son actif. L’aussi esthétique qu’imaginative mise en scène multiplie les perspectives audacieuses et les amples mouvements de caméra, assurant un vrai cachet à l’épisode. Surtout, Hemecker sait tirer idéalement partie de cet étrange paysage de vergers et noisetiers composant un étonnant mélange de bosquets et de plaines, comme on l’a rarement vu ailleurs. Magnifié par la belle luminosité des scènes diurnes (sublime photographie), le panorama paraît alors vraiment superbe, mais ces fuseaux de bois jaillissant comme des griffes deviennent la nuit venue un vrai décor de cauchemar. Le résultat obtenu se révèle aussi effrayant que la forêt profonde déjà admirée dans la série. On n’est guère surpris par la décapitation de Karin, tant ces courses hallucinées dans les ténèbres évoquent la légende du Cavalier sans tête !

    Les recours au patrimoine culturel nord-américain, à une ruralité revendiquée comme à un authentique sens de l’épouvante, préfigurent ici de manière frappante le succès de Supernatural dont les X-Files constituent bien une des principales sources d’inspiration. On y retrouve d’ailleurs Chad Lindberg dans le rôle du très particulier Ash, l’un des alliés récurrents des frères Winchester !

    L’intrigue se suit également avec plaisir, avec quelques coups de théâtre bienvenus. Seul bémol, Sarah-Jane Redmond ne donne pas beaucoup de dimension à son personnage, Karin Matthews apparaissant bien moins effrayante et troublante qu’à pu l’être B.J. (Aubrey), autre femme possédée par un sombre passé. Elle fera beaucoup mieux en interprétant la terrible Lucy Butler de MillenniuM ! Les jeunes comédiens ont eux certes un jeu légèrement démonstratif, mais demeurant convaincant.

    Mulder et Scully se lancent dans un duel assez pimenté, débuté lors d’une de ces autopsies dont Scully a décidemment le secret. Leur combat amical s’accompagne d’un humour bienvenu, d’autant que Mulder n’est pas en mal de calembours ! À noter de sa part un réflexe très Sherlock Holmes puisque c’est la boue présente sur les chaussures de Karin qui lui met la puce à l’oreille ! On regrettera qu’une fois sa défaite avérée, Scully reste à la remorque de Mulder et n’apporte pas grand-chose à cet épisode où le duo ressort franchement déséquilibré. On la voit même paniquée et appelant Mulder au secours devant le vieux forestier…

    Sans atteindre tout à fait les sommets de la série, Schizogonie reste un spectacle de haute qualité où la noirceur de l’âme humaine va jusqu’à corrompre la nature elle-même, avec une tonalité cauchemardesque très psychanalytique. Bienvenue dans l’univers chatoyant des X-Files !

    Anecdotes :

  • La schizogonie désigne un mode de reproduction asexuée. Mais le titre anglais est peut-être un mot-valise entre schizophreny (la maladie du méchant de l’épisode), et le suffixe -geny signifiant production, origine, dans le domaine de la reproduction ; ici il désignerait donc les enfants.

  • Les formules chimiques écrites au tableau pendant le cours de physique sont erronées : le chlorure de sodium (ou sel) et le chlorure d’hydrogène (gaz donnant au contact de l’eau l’acide chlorydrique) s’écrivent respectivement NaCl et HCl, et non NaCl2 et HCl2.

  • Lisa est interprétée par Katharine Isabelle, la fille de Graeme Murray, production designer de la série.

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    10. LA POUPÉE
    (CHINGA)


    Scénario : Stephen King & Chris Carter
    Réalisation :
    Kim Manners

    - Scully ?
    - Yes ?
    - Marry me !

    Résumé :

    Melissa Turner et sa fille Polly font leurs courses. La poupée de Polly se met à parler et Melissa a une vision d’horreur où elle voit la mort du boucher. Quelques secondes plus tard, toutes les personnes présentes deviennent folles et se mutilent atrocement le visage, et le boucher se tue en se plantant un couteau dans l’œil ! Scully est en vacances, mais vient à passer au village où a lieu l’événement. Elle apprend que Melissa a une réputation de sorcière maléfique. Sans l’aide de Mulder, Scully tente de résoudre cette obscure affaire alors que les morts se multiplient…

    Critique :

    Annoncée de longue date, la survenue dans l’univers des X-Files du « Roi de l’Épouvante », Sa Majesté Stephen King en personne, avait comme il se doit suscité les plus grandes espérances. Autant dire que l’on attendait immensément de cet épisode, et sans doute trop. En effet, la réception en fut globalement négative, de nombreux admirateurs de King comme des X-Files (ce sont souvent les mêmes !) trouvant le résultat et l’effroi suscité relativement décevants.

    En fait, on avait oublié que l’épouvante selon Stephen King (auteur bien plus littéraire qu'on ne l’imagine habituellement) naît autant de la nature profonde des personnages que de la dimension surnaturelle. Leurs névroses ou leur violence (King trace un portrait sans concessions d’une certaine brutalité de la société américaine), et davantage encore la propension qu’a l’esprit humain à se réfugier dans la folie face à l’horreur, participent aux passages les plus authentiquement effrayants de l’œuvre, au moins autant que les abominations perpétrées par Winnigos et autres Régulateurs.

    Or, cet aspect psychologique passe très malaisément à l’écran, un format plus propice et enclin à une horreur généralement visuelle et spectaculaire. Ceci explique en grande partie, outre un mercantilisme certain, pourquoi tant d’adaptations de King se sont révélées des échecs cuisants, le succès n’apparaissant que quand cette double dimension se voyait correctement prise en considération (Shining, Carrie au bal du Diable). Cette difficulté devient plus aiguë encore lors d’un épisode de série télé, fut-elle les X-Files, où l’on a moins le temps et les moyens nécessaires que dans un film pour se lancer dans des compositions aussi subtiles. C’est pourquoi, à bien y réfléchir, froidement, en laissant de côté un enthousiasme bien naturel, l’épisode paraissait bien plus périlleux que prometteur !

    Et ce qui devait arriver arriva.

    En fait, l’épisode réalise très bien le plus facile, soit le travail de production reconstituant le décorum des récits de King. Comme tous les autres fans du grand Steve, j’ai poussé un super cri de joie en voyant pour la première fois la plaque minéralogique du Maine, tant ce sauvage État est indissociable de son univers. Aidée par la topographie et la météo de la région de Vancouver (il était grand temps de tourner cet épisode), la mise en scène peint d’ailleurs avec justesse cette contrée du nord de la Nouvelle-Angleterre, aux confins du Canada. Elle s’offre même le luxe d’y rajouter un lac, qui pour les amateurs situe l’action non loin de la ville mythique de Castle Rock.

    Le récit se ponctue ainsi de nombreux clins d’œil comme le supermarché, cœur du rêve américain transformé en cauchemar, la persistance du puritanisme (à peine esquissé, malheureusement), l’artefact maléfique doté de conscience, le shining dont bénéficie Melissa (on lui doit les seules images réellement effrayantes de l’épisode), le souvenir de Salem, un shérif sympathique et solide (Larry Musser, l’impayable Detective Manners du Seigneur du magma !)… On a bien un épisode « à la Stephen King », mais pas un véritable car il échoue à en reconstituer l’essence.

    Malgré la très belle composition de Susannah Hoffman, on ne perçoit que très partiellement ses affres intérieures, qui constitueraient le cœur de l’ouvrage de l’auteur. Privé de ce ressort essentiel, la poupée et ses effets ridicules paraissent beaucoup plus grotesques qu’autre chose, tout simplement parce que nous les considérons de l’extérieur, au lieu de les voir à travers les yeux exorbités d’horreur de la mère ou des autres victimes. C’est bien là que réside la faute originelle de l’épisode. À ce moment-là, il aurait mieux valu jouer la carte du gore rigolard et jouissif d’un Chucky (la référence est citée, tout comme Elm Street), ce qui aurait été mieux que ce néant.

    C’est d’autant plus frustrant que les praticiens chevronnés de l’œuvre du Maître de Bangor voient littéralement se dérouler le récit écrit en même temps que se déroule l’épisode, qu’ils en apprécient toute la richesse, toutes les potentialités, en contraste avec le bien faible spectacle offert. On enrage ! Bien que rejoignant la tradition très X-Files des enfants inquiétants, la petite fille se voit plombée par le jeu crispant au possible de la jeune Jenny-Lynn Hutcheson. Si on ajoute à cela une mise en scène souvent figée et un final aux confins de la caricature la plus épaisse, le rendez-vous est bien manqué. Reste une fierté certaine pour notre série bien aimée, comme consacrée par l’onction du grand auteur, fan lui-même depuis bien longtemps (d’autant plus que le prochain épisode sera lui cosigné par William Gibson).

    Mais La poupée fut également coécrit par Chris Carter en personne, je pense que les autres auteurs de la série auraient volontiers tué pour pouvoir travailler avec King, et qu’il était assez inévitable que le Boss ne délègue à personne d’autre un tel honneur ! On doit sans doute à Carter ce qui finalement demeurera le plus mémorable de l’épisode : les hilarantes conversations téléphoniques entre Scully et Mulder, style Guerre des coprophages. Là où le départ en vacances de l’autre renforçait le désarroi et le spleen de Scully dans Never again, Mulder se retrouve lui à mater du porno (enfin, un reportage sur les abeilles tueuses) en dévorant ses graines, joue à la baballe en caleçon, connaît les affres du frigo de célibataire, et bien évidemment, s’amuse avec les légendaires crayons de bois, tout en s’entêtant à rechercher des solutions rationnelles grotesques à l’affaire (Scully le prend avec sa coutumière susceptibilité…).

    C’est finement observé, et très amusant, d’autant que Duchovny nous régale d’un de ses numéros de comique dont il a le secret. Cependant, au-delà de la plaisanterie, on voit bien que notre héros est lui aussi totalement déboussolé sans sa Scully, même si cela s’exprime d’une manière plus masculine…

    Au fil des saisons, Scully a gagné toute sa place dans les Affaires Non Classées, et Mulder a désormais le plus grand mal à travailler sans elle ! Un seul être vous manque… Allons, ces deux-là sont décidemment faits pour être ensemble ! (Évidemment, une vision cynique de l’épisode serait que sans Scully, Mulder soit lui aussi en vacances…). Le retour de Scully nous vaut une scène particulièrement réjouissante !

    Gillian réalise de nouveau une superbe prestation en composant une Scully sur laquelle le Maine (dont elle porte le nom sur son appréciable tee shirt) déteint visiblement, car elle n’a jamais paru aussi ouverte au surnaturel ! Scully aura tendance à éviter les supermarchés en pénétrant dans une ville car elle avait déjà connu une belle émotion dans La guerre des coprophages ! Alors que ses tailleurs demeurent au mieux tristement impersonnels, Scully sait visiblement s’habiller en dehors du bureau… on avait déjà remarqué un suggestif décolleté dans Small Potatoes, et elle nous régale ici en début d’épisode d’un tee shirt assez saisissant… Militons pour le Friday Wear au FBI ! On note également que bien avant Hollywood, elle s’offre un bain capiteux interrompu par un grossier téléphone ! Décidemment, le grand vent californien commence à souffler sur la série : il atteint les lacs du Maine pour bientôt toucher l’impénétrable forêt de Vancouver…

    Enfin, on se permettra un ultime regret, même avec ces réjouissantes discussions. N’en déplaise aux admirateurs (admiratrices !) de Scully, on aurait préféré que ce soit Mulder qui s’aventure quelque part entre Bangor et Derry. C’est tout de même lui qui présente la plus grande affinité avec le surnaturel, et dont on espérait la rencontre avec les sympathiques inventions de King, dont on ne dira jamais assez qu’il a fait immensément mieux que ce que pourrait suggérer cet épisode.

    Personnellement, j’aurais rêvé d’une rencontre et d’une aventure vécue en commun avec Roland Deschain de Gilead, celui-ci partageant finalement bien des points communs avec Mulder, y compris sa quête inexorable vers la Tour Sombre et sa Vérité secrète. Après tout, Roland a bien foulé notre Terre… Les discussions entre les deux personnages auraient vraiment valu leur pesant d’or. Enfin, chaque amoureux de cet immense écrivain américain qu’est Stephen King aura eu sa propre idée de la rencontre de celui-ci avec les X-Files, et c’est tant mieux ainsi !

    Anecdotes :

  • Aka. Bunghoney. Le titre original Chinga fut refusé par la FOX lors de la première diffusion de l’épisode, car dans certains pays hispanophones, sa traduction est « baiser » dans le sens sexuel du terme ! Chinga est aussi le nom d’une météorite qui a atterri en Sibérie (non, pas à Tunguska) en 1913. Le script de l’épisode nous apprend que Chinga est le nom de la poupée, bien que son nom ne soit jamais prononcé.

  • Mulder regarde un film pornographique lorsque Scully lui téléphone. Vous avez dit X-Files ?

  • Si l’on excepte les séries créées par lui, La Poupée est un des rares épisodes de série télé sur un scénario original de Stephen King, et non une adaptation d’une de ses œuvres.

  • Gillian Anderson a un tatouage sur la cheville droite, ce qui ne cadre pas vraiment avec la personnalité de Scully. Le tatouage fut donc supprimé numériquement lors de la scène où elle tend sa jambe pour fermer la porte de la salle de bain.

  • La fille de Tom Maddox, co-scénariste de l’épisode suivant, apparaît dans l’introduction. Un cadeau d’anniversaire de Papa Chris !

  • Lorsque Scully passe devant le miroir de sa chambre d’hôtel après avoir pris son bain, on peut voir un membre de l’équipe dans le reflet.

  • Quand Scully envisage que la poupée de Polly soit possédée par des esprits de tueurs, Mulder mentionne Chucky. Il s’agit du monstre de la saga d'horreur éponyme créé par Don Mancini. Il est incarné d’ailleurs par Brad Dourif, une des plus mémorables guests star de la série (Le Message, saison 1).

  • La musique entendue quand Scully s’arrête à la station-service est le 1er mouvement Allegro moderato du Concerto pour piano n° 3 en si mineur op.89 de Johann Nepomuk Hummel.

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  • 11. CLIC MORTEL
    (KILL SWITCH)


    Scénario : William Gibson & Tom Maddox
    Réalisation :
    Rob Bowman

    Résumé :

    Donald Gelman tente de pénétrer une base de données informatique lorsque 8 dealers et 2 policiers, prévenus par un même coup de fil mystérieux de se rendre dans le café où il se trouve, arrivent. S’ensuit un carnage sans survivants. Mulder escamote l’ordinateur de Gelman, et, aidé des Bandits Solitaires, trouve la cachette de la hackeuse Invisigoth. Elle, Donald, et un autre collègue, ont créé il y’a 15 ans une Intelligence Artificielle. Mais elle a fini par échapper à leur contrôle et veut tuer ses créateurs avant de contaminer tous les ordinateurs de la planète ! C’est elle qui a passé le coup de fil fatal car Donald tentait de la tuer. Une seule solution pour l’arrêter : lui injecter le virus Clic Mortel, mais l’IA n’a pas l’intention de se laisser détruire…

    Critique :

    Mulder dans la Matrice ! Les X-Files traversent une période très littéraire : après le grand Stephen King, c’est au tour de William Gibson et Tom Maddox d’écrire un épisode. On assiste ici comme à une consécration de la série car si ces deux auteurs (dont se détache Gibson) apparaissent moins connus du grand public que King, ils n’en demeurent pas moins de considérables plumes de la SF. Gibson, accompagné de quelques autres dont Maddox, est le père d’une des chapelles majeures de la SF des années 80 et 90 : le Cyberpunk.

    Clic Mortel, épisode particulièrement calibré, s’articule autour de quelques-uns des thèmes majeurs de ce mouvement (la Toile, les IA, les univers virtuels), ce qui constitue à la fois son intérêt et sa limite. En effet, le Cyberpunk, novateur en son temps (et non exempt de tics irritants et globalement surcoté) s’est vu rattrapé par l’évolution de la société. Victime de son succès, ce qui fascinait jadis est devenu soit commun (le Net) soit s’est révélé chimère (la réalité virtuelle). L’attrait de cette prose diminue par conséquent, d’autant que transparaît avec davantage de vivacité sa faiblesse littéraire. Au total, la dimension archétypale de l’épisode fera qu’il sera considéré différemment que l’on apprécie ou non le Cyberpunk, ou qu’on ne connaisse tout simplement pas, ce qui reste toujours une option possible ! Choisis ton camp, camarade, le Cyber ne m’a personnellement jamais fait vibrer…

    Plusieurs aspects irritants du Cyber grèvent l’épisode, ce sont d’ailleurs les mêmes qui avaient coulé à pic Un fantôme dans l’ordinateur (saison 1). On assiste ainsi à une fascination un peu naïve devant le Réseau et la figure du Hacker. L’aventure de la Silicon Valley nous est racontée comme un conte pour enfants, avec une évocation gourmée des grands gourous. L’ensemble paraît franchement dépassé. Encore une fois, on se situe ici dans le subjectif, un amateur du genre sera aux anges ! Comme toujours, on ressent comme un certain mépris (plus diffus ici qu’ailleurs) pour tout ce qui n’est pas Cyber. Tous ces défauts se voient concentrés dans la figure majeure de l’épisode, l’incarnation jusqu’au-boutiste de la Cyberpunkette, comme jaillie de Shadowrun, qu’est Invisigoth (sic), soit l’un des personnages les plus datés et référencés (caricaturaux) de la série. Et pourtant, là où Ghost in the machine était tombé au champ d’honneur des épisodes ratés, Clic mortel parvient à rebondir et à représenter un épisode très plaisant à regarder. Mais quel est donc son secret, s’interroge (ou pas) mon public virtuel à l’autre bout de la toile ?

    Tout d’abord, quoique l’on pense du personnage, Gibson a un vrai talent de conteur et connaît son métier. Il développe une intrigue fort efficace, alternant scènes marquantes (l’introduction est un joyau), coups de théâtre, et vrai suspense. On ne s’ennuie pas un seul instant tout au long de cette balade de Mulder et Scully au pays merveilleux des machines qui font bip-bip, d’autant que la mise en scène de Rob Bowman se montre explosive à souhait (plus gros budget des cinq premières saisons !), et que les spécialistes des effets spéciaux de la série accomplissent encore des prouesses.

    Gibson et son acolyte résistent à la tentation du manifeste nous délivrant un panorama général de la thématique Cyberpunk. Ce choix judicieux conserve de précieuses marges de souplesse à l’histoire. On se rend également très vite compte qu’une des graves faiblesses des romans Cyber, la faible épaisseur psychologique des personnages, se révèle ici une force. On saisit bien toutes les dimensions de la personnalité d’Invisigoth (très tonique Kristin Lehman, une habituée du genre), à l’inverse des plongées en eau profonde de King très difficilement adaptables à l’écran, comme l’avait démontré La poupée.

    Surtout, Clic mortel introduit ce qui manquait dramatiquement à Un fantôme dans l'ordinateur : l’humour. La confrontation Invisigoth-Scully, que tout oppose, nous vaut ainsi plusieurs scènes divertissantes. Tout comme Mulder, qui visiblement s’amuse beaucoup, on suit le match avec intérêt d’autant que Scully nous rappelle qu’elle est capable de sortir les griffes à l’occasion ! Comme avec Phoebe et Bambi, mais pour des motifs différents, quoique… L’épisode a l’habileté de ne pas trop tirer sur la corde, et fait suffisamment vite évoluer cette relation vers une certaine solidarité, avant que la lassitude ne s’installe. La fameuse scène de la Matrice joue également brillamment la carte de l’humour, entre médecins et infirmières bimbos en folie (la meilleure scène hospitalière de la série !), tandis que Gillian nous régale d’une scène de kung-fu proprement hallucinante. Dans la suite de cette chronique des X-Files, ce sera désormais « Mme Anderson », on ne sait jamais ! Au-delà du gag, Gibson se situe ici à son meilleur en évoquant avec brio l’aberration et l’inhumanité de cette IA tentant de nous singer avec une folie manifeste. C’est plus habile que Néo ou Johnny Mnemonic !

    Mais la partie la plus pétillante de ce très réussi détour par l’humour demeure bien entendu la survenue des Bandits Solitaires. Langly et ses deux compères bidouillent suffisamment sur le Net pour que leur intervention paraisse toute naturelle, comme une heureuse évidence annonçant Maitreya (avec les mêmes auteurs). Les voir se décomposer d’admiration devant leur cyber-idole reste hilarant, d’autant que la belle leur manifeste comme il se doit un mépris des plus cinglants. La suite montrera cependant tout le contraire, nul ne résiste bien longtemps au Trio (n'est-ce pas, Miss Harlow ?) ! L’épisode bascule ici totalement dans la comédie, avec d’excellents à-côtés comme une Scully ayant visiblement la plus haute opinion des parutions de nos amis ! On ne peut que regretter que l’IA Invisigoth ne se soit pas manifestée dans Au cœur du complot, tant sa relation avec les Bandits Solitaires aurait été pétillante.

    Ainsi se déroule fort agréablement cet épisode, entre action spectaculaire, humour débridé, et Cyberpunk intelligemment épuré. Malheureusement, Clic Mortel, au lieu de se conclure sur la surprenante naissance de la nouvelle IA, débouche sur une énième réapparition du Monster of the week. C’était déjà le cas dans La poupée, mais au moins on s’insère ici davantage dans la parano inhérente à la série. Cette faute de goût n’entache pas profondément la réussite de l’épisode, une des bonnes surprises de cette saison 5 parfois sous-estimée. Et on n’a pas fini de rigoler !

    Les amateurs de Stargate reconnaîtront avec plaisir dans la scène d’introduction Peter Williams, le terrible Apophis !

    Anecdotes :

  • Les Bandits Solitaires surnomment Invisigoth « Princesse Ninja ». Il s’agit du nom d’un jeu vidéo japonais sorti en 1985 chez Sega.

  • Episode le plus cher de la période Vancouver, il fut aussi le plus long à tourner. Bowman déclare que ce fut un de ses tournages les plus difficiles !

  • La scène du « Scully-fu » (dixit Rob Bowman) est une idée de William Gibson qui voulait montrer une Scully plus combattive. Gillian Anderson déclare qu’elle a adoré tourner cette scène ! Une des infirmières bimbos serait par ailleurs membre de la SPCDD ou Society for the Prevention of Cruelty to David Duchovny !! Société ayant réellement existé, mais qui semble avoir été dissoute depuis.

  • Le groupe de métalcore Killswitch Engage a choisi ce nom en hommage à cet épisode. On entend par ailleurs la chanson Twilight Time du groupe The Platters.

  • Erreurs : On peut voir le micro lorsque Mulder et Scully examinent le corps de Figgis. Quand Invisigoth force Scully à raccrocher le téléphone, Mulder n’entend plus que la tonalité, mais les téléphones cellulaires n’émettent pas de tonalité après la fin d’un appel.

  • On peut voir un extrait de cet épisode à la TV dans l’épisode Démons intérieurs (saison 3) de la série MillenniuM, l’autre grande série de Chris Carter. Autocitation, quand tu nous tiens…

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    12. LE SHÉRIF A LES DENTS LONGUES
    (BAD BLOOD)


    Scénario : Vince Gilligan
    Réalisation :
    Cliff Bole

    Résumé :

    Mulder et Scully sont sur la sellette : Skinner veut leur rapport sur une affaire qu’ils ont mené dans un village du Texas. Mulder soupçonnait que des vampires habitaient dans ce village après que des vaches puis un homme furent retrouvés totalement vidés de leur sang. A la fin de l’enquête, Mulder a tué son suspect avant de se rendre compte qu’il s’est peut-être trompé d’homme. Sa possible bavure risque de les mener en prison ! Pire, les deux enquêteurs ont chacun leur propre version de l‘histoire…

    Critique :

    Mulder theVampire Slayer ! Gillian Anderson rappelle souvent au fil des interviews que Bad Blood constitue son épisode préféré. On comprend aisément pourquoi tant cette histoire particulièrement décalée se révèle hilarante et autorise d’étonnants numéros d’acteurs.

    L’idée de base reprend peu ou prou celle du Seigneur du magma, mais cette fois Scully n’est pas la seule a faire le pitch, et sa version s’oppose frontalement à celle de Mulder ! Ce duel ajoute du piquant d’autant qu’en filigrane, il permet de vaguement deviner à quoi ressemblent les scènes de ménages chez le futur couple… Outre les variations particulièrement amusantes sur tel ou tel point du récit (le shérif a-t-il effectivement les dents longues ? la gestion du lit mécanique…), cette très habile structure narrative nous vaut un double portrait inversé particulièrement acide et détonnant, chaque partenaire démolissant l’autre avec une jouissance narquoise particulièrement communicative ! Cela change très agréablement de la relation habituelle tout en demeurant à l’évidence si énorme dans le traitement qu’il ne faut pas le prendre au sérieux.

    C’est ainsi que Scully peint Mulder comme un agité en surchauffe permanente, incapable de raisonner, et dont le penchant pour le fantastique confine au pathétique. Il se révèle de plus un redoutable cuistre et un rude macho envers sa partenaire ! (On pense furieusement à sa description par Jose Chung !). On se régale tant l’ironie se révèle cinglante et fait mouche. Utilisant un langage à l’occasion obscène, en roue libre, et cumulant plusieurs traits du looser absolu, ce Mulder permet également d’entrapercevoir Hank Moody… La riposte de Mulder voit apparaître une Scully ayant tout d’un terrible dragon femelle dont la froideur narquoise puis la fureur déchaînée terrorisent littéralement son malheureux partenaire ! Avec de plus un cœur d’artichaut et une attirance idiote pour le bellâtre local (tiens, tiens, Mulder serait-il jaloux ?). Le seul regret devant ce brillant exercice de style demeure la faible durée de la version « Scullysienne » par rapport à la « Mulderienne ». Cet écart se justifie par le fait que Mulder est plus dans l’action, mais on avoue une préférence pour le style Scully dont on aurait bien repris encore un peu… Cette double caricature est bien sûr exagérée, mais est-elle totalement fausse ?

    Comme si ce n’était pas encore suffisant pour composer un épisode extraordinaire, viennent s’ajouter plusieurs gags absolument irrésistibles comme le pastiche des croquignolettes autopsies de Scully (gore un jour, gore toujours), le mobile home en folie, Mulder chevauchant le cercueil, ou cette idée géniale de vampires devenus de bons et inoffensifs citoyens payant leurs impôts. Cela contraste délicieusement avec les poncifs sur les Fils de la Nuit habilement disséminés au cours de l’histoire (qui n’oublie pas de faire peur de temps à autre), on se croirait parfois vraiment à Sunnydale !

    Gilligan est vraiment un fan authentique d’une série qu’il connaît sur le bout des doigts et dont il parsème de références l’épisode (El Chupacabra, les vaches déjà vues dans Ève, les graines de tournesol...).

    Gillian Anderson et David Duchovny, tout à fait exceptionnels, s’amusent visiblement beaucoup à donner des versions aussi comiques de leurs personnages et nous communiquent pleinement leur bonne humeur. On se régale devant leur originale prestation exactement comme on se réjouit de voir s’encanailler Patrick Macnee et Diana Rigg dans Who’s who ???. Luke Wilson (Scream) accomplit lui aussi un brillant triple numéro (shérif si délicieusement viril, bouseux à moitié débile, et Prince des Ténèbres), l’étincelante réussite de Bad Blood lui doit beaucoup !

    Au total, même après l’avoir vu et revu, c’est en riant ou en souriant à chaque instant que l’on visionne de nouveau cet épisode dont l’énergie ne faiblit jamais. Ce n’est pas selon moi l’épisode le plus drôle de la série du fait de la pure démence du Seigneur du magma (et puis la Morgan’s touch reste tout de même unique, même si on sait depuis Small Potatoes que Vince Gilligan est un disciple particulièrement éclairé, non un vulgaire copiste) mais Bad Blood arrive vraiment à une petite encablure derrière ! Vive les épisodes décalés !

    La secrétaire de Skinner (le seul à garder la tête froide dans cette affaire, la fréquentation du duo l’a blindé) est interprétée comme souvent par la propre épouse de Mitch Pileggi, Arlene Warren Pileggi, qui servit aussi de doublure à Gillian Anderson.

    Anecdotes :

  • Mitch Pileggi (Skinner) rencontra sa future épouse sur le tournage de la série. Arlene fut non seulement une doublure de Gillian Anderson, mais fut aussi celle qui jouera le sosie de Scully dans Doubles (saison 7).

  • Cet épisode est inspiré d’un épisode analogue de The Dick van Dyke show. Vince Gilligan voulait écrire en réalité trois ou quatre versions de l’histoire, nombre qu’il ramena à deux pour des raisons de durée et de cohérence.

  • Le shérif de l’épisode s’appelle Hartwell, ce qui est le second prénom d’Holly, la petite amie de Vince Gilligan, scénariste de l’épisode. Par ailleurs, Ronnie, le vampire livreur de pizza, a comme second prénom LaVelle. C’est un clin d’œil à Xander LaVelle Harris (Alex en VF), un des personnages principaux de Buffy contre les vampires. L’autre grande série emblématique des 90’s venait de commencer l’année précédente.

  • Erreurs : Lors de la pesée des organes, Scully confond le petit intestin et le gros intestin. Toujours durant la scène de l’autopsie, Scully déclare à son magnétophone qu’elle va faire une incision sur le corps, mais quelques secondes avant, on a vu que le corps portait déjà la trace de l’incision (erreur de montage). L'acteur jouant le cadavre ne peut s'empêcher de respirer. Enfin, on peut voir un assistant de tournage donner (en bas à gauche de l'écran) à David Duchovny un pied de chaise supplémentaire s'apparentant à un pieu dans l'intervalle [32 min 37 sec à 32 min 45 sec]. (Merci à "Galou" pour cette dernière remarque).

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    13/14. PATIENT X
    (PATIENT X / THE RED AND THE BLACK)

    xfiles 5 13


    Épisode Mythologique

    Scénario : Chris Carter & Frank Spotnitz
    Réalisation :
    Kim Manners (1re partie) et Chris Carter (2e partie)

    One more anal-probing gyro-pyro levitating ectoplasm alien anti-matter story and I'm going to take out my gun and shoot somebody.

    Résumé :

    Kazakhstan. Une nuit, deux adolescents sont témoins d’un crash spatial et courent sur les lieux, mais l’un d'entre eux se fait tuer par « quelqu’un ». Au matin, Krycek enlève le second garçon malgré l’intervention de Marita Covarrubias. Mulder, sceptique depuis les révélations de Kritschgau, refuse de s’occuper de Cassandra Spender, une femme qui aurait été enlevée plusieurs fois par les aliens. Son fils Jeffrey ordonne à Scully de rester à l‘écart, mais un second crash a lieu à Skyland Mountain, où Scully fut enlevée. Pendant ce temps, un conflit interne déchire le Syndicat entre collaborationnistes et résistants aux « colons »...

    Critique :

    Épisode particulièrement dense et crucial pour la Mythologie, Patient X voit cependant son succès être entaché d’irritantes faiblesses.

    En particulier, c’est ici que se manifeste avec le plus d’éclat une des pires idées de la série : l’incompréhensible crise de scepticisme de Mulder (He doesn't want to believe anymore). On reste stupéfait de le voir bouleverser toutes ses convictions à partir des simples déclarations de Kritschgau. Cela ne fonctionne pas du tout et entrave le développement de l’histoire plus qu’autre chose, sans rien apporter. D’ailleurs, les auteurs de la très décevante seconde partie d’Emily avaient tout simplement tiré un trait dessus, ce qui constituait une belle facilité mais demeurait compréhensible ! Cela devient d’autant plus ridicule qu’au fil de l’épisode, tout le monde, de Cassandra à Skinner, l’exhorte avec des arguments convaincants, et que lui, raide comme l’as de pique, demeure totalement hermétique. Mulder autiste, vous n’en aviez pas rêvé, Patient X l’a fait.

    Le summum est atteint quand Scully devient une croyante à tout crin : on voit bien que les auteurs se sont grisés avec cette double inversion (la virtuosité c’est parfois périlleux), mais leur idée ne fonctionne pas et nous vaut essentiellement des scènes verbeuses, péremptoires, et frustrantes. De surcroît, la fin de l’épisode amorce un laborieux rétropédalage qui en dit long sur la validité de cette situation.

    Le corollaire de tout ce gâchis demeure une inertie assez inouïe de Mulder et Scully qui passent la majeure partie du double épisode à s’introspecter et à bavarder de la réalité de la nature de la Conspiration. Au niveau de l’action, Scully, à part une énième séance d’hypnose - ils y passeront tous - se contente de se rendre au rendez-vous mortel et d'y échapper miraculeusement (bon, ça c’était inévitable !). Ajoutons tout de même que les scènes avec Cassandra sonnent très justes, Gillian Anderson trouvant une remarquable partenaire avec Véronica Cartwright (Alien, Les Oiseaux, Body Snatchers…), une recrue de choix qui montre le renom désormais atteint par la série. Mulder, confiné dans son sublime isolement, n’entreprend rien de bien concret et il faut vraiment que Krycek vienne lui livrer l’affaire en main pour qu’il se décide à bouger. On s’étonne de ne pas le voir verser un pourboire à Alex ! La scène en résultant, assez faible, est d‘ailleurs expédiée dans les dernières minutes de l’épisode et vaut essentiellement par l’apparition toujours spectaculaire du Bounty Hunter. On se situe vraiment loin de la frénésie d’Anasazi !

    Et puis on subit une inflation de la dimension familiale de la Mythologie, alors qu’il ne s’agit pas selon moi, de la plus intéressante. C’est ainsi que l’on assiste à l’apparition fugitive du certes lumineux personnage de Cassandra et surtout à l’entrée en scène de Jeffrey Spender. Interprété avec subtilité par Chris Owens qui interprète également l'Homme à la Cigarette jeune, Spender s’affiche déjà tel que nous le découvrirons davantage par la suite : torturé par son passé familial, mais aussi très préoccupé par sa carrière et sa réputation. Très ambivalent, ce personnage falot au tragique destin n’aura guère eu de chance dans son parcours et ses rencontres (notamment avec Diana Fowley). Il demeure encore ici en devenir, et Patient X s’achève sur la révélation foudroyante (passablement éventée par la citation de William B. Davis au générique) que l'Homme à la Cigarette est bien vivant, et qu’il est son père. Il serait donc le demi-frère de Mulder. Toute une tragédie grecque… Rappelons que Jeffrey était alors là pour servir de remplaçant éventuel à Mulder en cas de départ de Duchovny (nous sommes en pleine crise « Los Angeles »).

    Et pourtant, malgré les prestations décevantes de Mulder et Scully, Patient X ne manque certes pas d’attraits. En effet, cette fois, c’est l’intérêt qui est ailleurs, dans les méandres méphitiques de la Conspiration et le bouleversement qu’elle affronte. L’inflexion majeure que représente l’entrée en lice d’une nouvelle puissance extraterrestre s’avère passionnante et apporte un renouvellement tombant à point nommé (on n’avait rien vu de neuf depuis quelques temps). Le seul bémol reste d’assister à quel point Mulder prend fait et cause pour la « Résistance » alors même que celle-ci brûle vif les gens comme d’autres cueillent des marguerites. Une mise en perspective (résistance et terrorisme) aurait été la bienvenue, mais qu’importe, ces nouveaux venus apportent une dimension supplémentaire et complexifient la donne au bon sens du terme.

    Plus captivant encore demeure le déroulement de la crise au sein de la Conspiration avec une éloquente évocation de la perte que représente l’absence du Fumeur. En effet, si les capacités d’analyse et de réflexion paraissent encore vivaces, c’est la panique au niveau du passage à l’acte. Voir les dirigeants ainsi décontenancés représente une originalité de plus. Les membres lambda ont des vapeurs, tandis que le Elder sort du lot mais demeure incapable d’une réaction dépassant les jeux de pouvoir où il excelle. Seul le vieil Anglais (génialissime John Neville, grande figure du théâtre canadien, OBE), avec une ténacité très insulaire, relève réellement le gant, notamment par son « alliance » avec Krycek scellée après une scène mémorable. Un schisme s’ouvre quand il saisit la possibilité d’une résistance alors que le reste du groupe demeure collaborationniste sous l’égide du Elder. Le conflit débouchera sur la résolution brutale de Fight The Future, qui verra disparaître un adversaire de grande classe comme on en aura rarement vu dans une sérié télé. Toutes ces scènes de confrontations se révèlent électriques à souhait et constituent le meilleur de l’épisode. On ne s’en lasse pas !

    L’ultime attrait de l’épisode réside dans le couple maudit de la série. La relation Marita-Krycek, subodorée lors de la dernière image de Zero sum, apparaît ici au grand jour. Le moins que l’on puisse dire est que ces deux-là ne lambinent pas comme certains (suivez mon regard). Le grand humaniste que restera continuellement Alex continue son flamboyant parcours, constamment victime de son destin si particulier le mettant toujours dans la pire situation possible ! Même après la trahison, sa sombre association avec Marita se poursuivra jusqu’à tard dans la série. Marita résulte ici plus énigmatique que jamaise, entre inféodation à la Conspiration (elle y apparaît comme une biche cernée par les loups) et sincère élan humanitaire qu’elle paiera d’ailleurs très cher. Quoiqu’elle ait commis par ailleurs, la terrible expérience subie le lui fera pardonner comme le fera Mulder lui-même ultérieurement. Suivre la trajectoire et l’étonnante association entre ces deux grands solitaires apporte un vrai plus à l’épisode, d’autant qu’ils sont interprétés par les très inspirés Laurie Holden et Nicholas Lea, que l’on adore et qui apparaissent trop rarement dans la série.

    C’est bien pour cette fascinante galerie de portraits des adversaires d’un Mulder restant, lui, aux abonnés absents, que Patient X se regarde toujours avec le même plaisir. On ne dira jamais assez à quel point les méchants sont primordiaux dans une série !

    Anecdotes :

  • Aka. Blood lines.

  • Pour la dixième fois de la série, l’indicatif The truth is out there est remplacé par Resist or serve (dans le générique de la deuxième partie de l'épisode). Il s’agit d’une réplique de Krycek signifiant que le combat contre les colons extraterrestres se résume à cette seule règle. Ce sera ultérieurement le nom donné au jeu vidéo adapté de la série en 2004 et se déroulant pendant la saison 7 de la série.

  • Première apparition des personnages de Cassandra Spender (Veronica Cartwright) et de Jeffrey Spender (Chris Owens).

  • Parmi la liste des morts de Skyland Mountain, on relève plusieurs noms de l’équipe technique des X-Files. Le jeune garçon messager qu’on voit au début et à la fin de ce double épisode est joué par Jack Finn, fils de Joseph Patrick Finn, producteur de la série.

  • Le prénom de Cassandra est bien choisi pour la Patiente X, car dans la mythologie grecque, Cassandre était une prophétesse dont personne ne croyait les oracles (souvent alarmistes), bien qu’elle eût toujours raison !

  • Dans l’introduction de l’épisode, Marita apostrophe Krycek en brandissant les articles 39 et 42 du chapitre 7 de la Charte des Nations Unies. L’article 7.39 indique que le Conseil de sécurité doit réagir immédiatement en cas d’agression ou de rupture de paix. L’article 7.42 indique que si la négociation diplomatique échoue ou est inadéquate (comme ici), le Conseil doit employer la force pour maintenir l’ordre.

  • Krycek se moque de l’Homme bien manucuré en lui disant qu'il a décroché son « bat-phone ». Il s’agit d’une référence au téléphone de Batman.

  • Le titre original de la deuxième partie de l’épisode The red and the black semble être un hommage au roman de Stendhal, mais il est plus plausible que ce soit à cause d’un film de propagande anti-communiste des années 50 ayant ce titre. Ou peut-être à cause de la chanson éponyme du groupe Blue Öyster Cult qui a écrit plusieurs chansons ayant pour sujet les hommes en noir !

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  • 15. COMPAGNONS DE ROUTE
    (TRAVELERS)


    Épisode Semi-Mythologique

    Scénario : John Shiban & Frank Spotnitz
    Réalisation :
    William A. Graham

    Résumé :

    1990, un shérif découvre un cadavre intégralement vidé de ses organes et de ses muscles mais à la peau intacte dans la maison d’un vieil homme, Edward Skur ! Il tue en légitime défense l’assassin qui expire en prononçant le nom de Mulder. Cinq jours plus tard, Arthur Dales, ancien agent du FBI, raconte à Mulder une affaire concernant le mort 38 ans plus tôt dont il s'était occupé. Une sombre affaire que l’intègre agent voulut résoudre en dépit de ses supérieurs qui lui imposèrent la loi du silence…

    Critique :

    Les X-Files continuent d’approfondir et d’enrichir leur univers en plongeant cette fois dans le passé du service des Affaires Non Classées. On apprend ainsi d’où vient le fameux X (à la différence du U de Unsolved, il y a toujours de la place dans ce tiroir estime la secrétaire !), mais au-delà du clin d’œil, cette balade dans de très sombres années 50 permet surtout une transposition très fine des thèmes majeurs de la série.

    C’est ainsi que l’on retrouve la paranoïa ambiante (autour du péril communiste et du spectre nucléaire), une Source assez trouble (le propre père de Mulder !), la Conspiration (une monstrueuse expérimentation mettant déjà en œuvre les pratiques nazies), l’atmosphère si particulière du FBI (il est très amusant de découvrir l’immeuble d’alors, et Hoover compose un Skinner vraiment particulier !), et bien entendu l’agent en quête de vérité, avec ce personnage très prometteur que constitue Arthur Dales.

    L’épisode ne se contente pas de constituer un exercice de style parfaitement abouti, mais nous conte une histoire parfaitement terrifiante. Elle se voit renforcée par l’habile mise en scène de William Graham, mêlant avec réussite une évocatrice reconstitution d’époque et un sens consommé de l’épouvante. On apprécie de voir les Fifties décrites sans nostalgie, entre Maccarthysme et FBI tout puissant. On retrouve l’ambiance si fascinante du fabuleux Quatuor de Los Angeles de James Ellroy ou de l’excellent film Mulholland Falls, un authentique plaisir ! L’intrigue mêle astucieusement présent (enfin, 1990, soit un léger flash-back) et passé via le personnage de Bill Mulder, dont l’ambivalence connue se montre ici particulièrement évidente.

    L’interprétation, particulièrement brillante, ajoute un attrait supplémentaire à l’épisode puisque celui-ci nous permet d’apercevoir Garret Dillahunt (le sombre Ross des 4400) et surtout Fredric Lehne (un méchant récurrent de Supernatural, mais aussi le Marshal de Lost !) qui nous régale ici d’une composition enthousiasmante de conviction. Mais la grandiose surprise de Travelers demeure l’apparition de Darren McGavin qui fut, entre bien autres choses, Kolchak the Night Stalker envers qui Chris Carter avoua toujours une grande admiration et qui constitua une des principales sources d’inspiration des X-Files. Quelle grande idée et quel bel hommage ! Sa rencontre avec Duchovny fonctionne totalement et résonne comme un passage de témoin, tant entre interprètes qu’entre personnages. On devine que Mulder va s’empresser de passer aux Affaires Non Classées ! Ainsi va cette saison 5, certes composée en patchwork, mais relevant haut la main le défi de la faible présence des interprètes principaux retenus par Fight The Future, et faisant de nécessité vertu en déployant des trésors d’imagination. Encore une fois, on oublie totalement l’absence de Gillian Anderson, ce qui on en conviendra ne représente pas un mince exploit !

    Arthur Dales était un personnage trop formidable pour que Chris Carter s’en tienne là. Il le fera revenir dans Agua mala, puis l’inouï The Unnatural.

    À noter un gag très étrange : avec son imperméable, sa cigarette, et sa coupe de cheveux, Mulder ressemble ici étrangement à l'Homme à la Cigarette ! On remarque aussi qu’il porte une alliance, mais que les fans de la relation Mulder/Scully se rassurent, il s’agit bien de celle de Duchovny ! Autres temps…

    Anecdotes :

  • 5e épisode sans Scully.

  • 2e et dernier épisode à se dérouler intégralement dans le passé (après Les Bandits Solitaires).

  • Arthur Dales reviendra dans Agua Mala (saison 6), tandis que son frère apparaîtra dans Le grand jour (saison 6). Arthur Dales fut un nom de plume utilisé par Howard Dimsdale, un professeur de l’American Film Institute black-listé durant le McCarthysme. Il l’utilisa pour continuer à publier ses œuvres. Il fut un des professeurs de John Shiban et Frank Spotnitz, les scénaristes de cet épisode qui lui rendent ici hommage.

  • Travelers est le surnom donné aux américains qui développèrent des liens avec les communistes durant la chasse aux sorcières du McCarthysme.

  • La tirade de J. Edgar Hoover adressée à Arthur Dales est en réalité tirée d’un discours du sénateur McCarthy.

  • 2111 du jour : Fox Mulder rencontre Arthur Dales le 21 novembre 1990.

  • La voix de la chanteuse entendue dans le disque est d’après l’inscription Paula Rabwini, une allusion au producteur de la série Paul Rabwin.

  • Le partenaire de Dales s’appelle Michel Hayes, nom du fiancé de Mary Astoudian, assistante personnelle de Chris Carter.

  • Anachronisme : dans l’histoire de 1952, on peut voir dans l’appartement du cadavre un tourne-disque de marque DUAL 1214 qui ne fut pas commercialisé avant les années 60.

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    16. L'ŒIL DE L'ESPRIT
    (THE MIND'S EYE)


    Scénario : Tim Minear
    Réalisation :
    Kim Manners

    Résumé :

    Marty Glenn, 27 ans, est retrouvée dans la même chambre qu’un cadavre d‘un trafiquant de drogue. Sa cécité, l’absence de mobile, ainsi que son tempéramment cynique et méprisant n’aident pas la police à faire avancer l’enquête. Mulder pense que Marty, bien qu’aveugle, a développé un sixième sens lui permettant d’avoir des visions. Lorsqu’un second meurtre est commis, elle s’accuse du crime. Mulder, convaincu de son innocence, persiste, et veut comprendre le revirement de Marty ainsi que son secret…

    Critique :

    Cet épisode détonne clairement vis-à-vis des précédents. Même si l'idée de base paraît astucieuse, elle a été traitée ailleurs avec quelques variations d'une manière bien plus intense (Souvenirs d'oubliette). Ici, l'histoire met beaucoup de temps à évoluer une fois indiqué le postulat, ce qui nous vaut une succession d'entretiens Mulder/Marty certes individuellement réussis, mais à force répétitifs. Il ne se passe pas grand chose entre Mulder et Scully qui n'ont que quelques scènes minimalistes ensemble. De plus, on remarque que Mulder s'étonne d'entendre Pennock lui reprocher son scepticisme alors même qu'il vient d'en manifester un étonnant d'exemple dans Patient X. Non seulement cette idée ne fonctionne que très médiocrement, mais en plus seulement par intermittence.

    Ce manque de nervosité de l'intrigue se voit renforcé par la mise en scène un peu en retrait de Kim Manners, dynamisant moins l’épisode que de coutume. Même les effets spéciaux, une des grandes forces de la série, se révèlent ici peu heureux, les visions de Marty demeurant laides et sans cachet. Pour tout dire, on goûte assez peu cette incursion très prononcée dans le domaine policier (on voit même un assistant du procureur intervenir dans une scène caricaturale au possible). Les X-Files ont désormais acquis leur propre ton, développé leur propre univers, et l'on ne comprend pas vraiment l'intérêt de s'aventurer dans du policier hyper classique et peu relevé, avec un argument fantastique tenant davantage du prétexte qu'autre chose.

    Fort heureusement, l'épisode bénéficie du renfort de comédiens que l'on aime beaucoup : le vétéran et toujours excellent Blu Mankuma (déjà vu dans Ghost in the machine) dont le métier permet de donner une dimension supplémentaire au Détective Pennock, personnage sinon dépourvu de toute originalité, et surtout Lili Taylor (Mystic Pizza, Six Feet Under...). Celle-ci réalise une reconstitution particulièrement convaincante de la cécité mais sans se limiter à ce déjà fort bel exploit. Elle compose en effet un formidable personnage féminin (une fois de plus dans cette série) dont le courage et l'esprit combattif forcent l'admiration, de même que la volonté d'assumer ses actes.

    Le récit a l'habileté de ne pas faire d'elle une victime, bien au contraire. Ce n'est pas si souvent que l'on vainc Mulder au concours de vannes et Marty y arrive haut la main grâce à son humour caustique apportant une vie dont l'épisode a terriblement besoin. C'est grâce à Lili que, dans sa toute dernière partie, l'épisode trouve un second souffle grâce à cette idée émouvante d'une aveugle de naissance découvrant le mystère et la beauté de la vision, pour s'enfoncer de nouveau dans la nuit de son propre chef. Malheureusement, comme lors du très indigeste Si j'étais toi où elle retrouvera Duchovny, son beau talent ne suffit pas à sauver cet épisode trop long à éclore, mais lui permet d'éviter une catastrophe absolue.

    L'auteur, le très imaginatif Tim Minear, saura par la suite épurer et dynamiser son écriture et fera les belles heures de Angel, Firefly, Wonderfalls...

    On note au cours du récit plusieurs clins d'œil à la première affaire O.J. Simpson, qui vient alors de défrayer la chronique.

    Anecdotes :

  • Mind’s eye désigne une capacité de visualisation d’images autre que par la vue : par la pensée. C’est ce dont est atteint Marty.

  • D’un plan à l’autre, les mains de Mulder et Marty changent de position entre les barreaux dans la scène finale. 

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    17. L'ÂME EN PEINE
    (ALL SOULS)

    Scénario : John Shiban & Frank Spotnitz, d’après une histoire de Billy Brown & Dan Angel
    Réalisation :
    Allen Coulter

     

    Résumé :

    Dara Kernoff, 16 ans, gravement handicapée, se lève de son fauteuil roulant, marche vers une silhouette qui l’enveloppe dans une lumière foudroyante, et meurt les yeux carbonisés en position de prière ! Dara a trois sœurs jumelles introuvables. Le père Grégory s’intéresse de près à elles et voudrait les « sauver de Satan ». Mulder et Scully tentent de retrouver les trois sœurs au plus vite, mais Scully est saisie de flashes où elle voit Emily, ce qui la bouleverse. Elle comprend que les quatre filles sont au cœur d’un duel où des forces surnaturelles bataillent violemment…

    Critique :

    Ce fascinant et superbe épisode prolonge brillamment la thématique d’Emily, en s’inspirant fort heureusement de la première partie de ce double épisode inégal.

    En effet, il s’attache de nouveau à explorer la psychologie si richement dessinée de Dana Scully, à travers sa douleur devant la perte de son enfant et sa profonde relation avec la foi catholique. L’ensemble ressort écrit très subtilement, en évitant toute espèce de caricature. Le récit se voit également magnifié par le jeu particulièrement sensible et émouvant de Gillian Anderson, principalement mise en avant ici, et qui réalise à cette occasion une de ses prestations les plus subtiles. Elle est servie par la structure narrative de l’épisode qui recourt de nouveau à la technique si efficace du flash-back narratif, ce qui nous vaut plusieurs scènes très touchantes au confessionnal, notamment une sublime conclusion sur le deuil.

    Assez inévitablement, Mulder (toujours accro au porno) se voit relégué au second plan. Cependant, même si son registre sceptique apparaît moins riche que la palette d’émotions ressenties par Scully, il fonctionne ici beaucoup mieux qu’envers la Conspiration. En effet, Mulder s’est toujours montré rétif devant le fait religieux (sauf lorsqu’il s’agit de pleurer Samantha…), et on devine sa méfiance naturelle s’exacerber devant toute vérité révélée. Sa passion envers le paranormal se heurte également à la relecture globalisatrice et finalement rationaliste qu’en effectue aujourd’hui l’Église. Ceci débouche au cours du récit sur l’inversion déjà observée dans Patient X, mais fonctionnant avec davantage d’acuité et de pertinence.

    L’épisode ne s’attache pas uniquement à la personnalité de héros figurant décidemment parmi les personnages de série télé les plus subtilement et profondément écrits, mais nous offre une intrigue fantastique particulièrement relevée par son intervention directe du Divin. Au cinéma, comme en littérature ou à la télévision, ce genre d’histoire comporte toujours une dimension supplémentaire, voire transcendante pour peu que la qualité et l’ambition soient au rendez-vous. Et Dieu sait que c’est le cas ici ! Spotnitz et les autres auteurs vont chercher leur inspiration dans le mythe si passionnant des Séraphins et Néphilims qu’ils retranscrivent avec virtuosité et sensibilité.

    La mise en scène d’Allen Coulter demeure également très efficace, bénéficiant des apparitions réellement spectaculaires du Séraphin et de l’image aussi morbide qu’esthétique de ces jeunes femmes foudroyées, une des plus inoubliables de la série. On pénètre ici dans une atmosphère évoquant très clairement MillenniuM, l’autre grande série de Chris Carter. Mark Snow et sa musique réalisent encore des miracles ! La fausse piste menée loin dans l’épisode s’avère redoutable… Les apparitions d’Emily ponctuent superbement le récit, évitant toujours d’en faire trop - le grand péril de ce genre d’exercice. La séparation définitive avec une Scully la laissant partir reste un grand moment.

    L’interprétation des seconds rôles se montre également au diapason, avec un triple numéro d’Emily Perkins (Ginger Snaps, Juno) forçant l’admiration. Se détache également Glenn Morshower qui campera un autre Aaron dans 24h chrono (un clin d’œil des auteurs de cette série ?), le Prétorien constituant un des rares alliés sûrs de Jack Bauer. Il compose ici un Satan particulièrement convaincant, aussi habile dans la ruse qu’impitoyable dans la violence. On note à cette occasion la seule faute de goût de cet épisode particulièrement abouti : les cornes du Diable se reflétant sur le sol. Cela paraît quelque peu enfantin, mais il fallait bien un indice à Scully alors que même Mulder n’y avait vu que du feu ! Avoir mené l’enquête avec le Malin sans se douter de rien restera parmi les plus grandes contre-performances du meilleur agent du FBI…

    Si l’univers des Néphilims vous intéresse, allez jeter un œil sur le jeu de rôle homonyme, superbement écrit et très évocateur. La série des « En remorquant Jéhovah » de James Morrow introduit également le Divin dans le fantastique avec une Diabolique malice !

    Assez inexplicablement (sans doute l’intervention divine dans l’univers très SF des X-Files n’a-t-elle pas convaincu le public), cet épisode connaît l’audience la plus faible de la série. Bon, avec 13,4 millions de spectateurs, tout est relatif !

    Anecdotes :

  • Le titre original vient d’une fête chrétienne inspirée d’une ancienne fête païenne : le jour des morts, fêté traditionnellement le 2 novembre. Dans les pays anglophones, on nomme cette fête All souls’day (jour de toutes les âmes).

  • Deuxième épisode où Mulder et Scully luttent contre le Diable lui-même, après La main de l’enfer (saison 3).

  • Le prêtre qui confesse Scully est joué par Joseph Patrick Finn, le producteur en chef de la série. Tracy Elofson, assistant du co-producteur exécutif R.W.Goodwin, joue le séraphin apparaissant à Scully.

  • La musique entendue lorsque Scully contemple en pleurant la photo d’Emily est une version pour piano du 3e mouvement Largo de la Symphonie n° 5 en ré mineur op.47 de Dmitri Shostakovich.

  • Erreurs : Contrairement à ce qui est dit dans l’épisode, les Séraphins n’ont qu’une seule face, et non quatre. Ce sont les Chérubins qui ont quatre faces. La comédienne jouant la sœur décédée pendant l’enterrement bouge.

  • Lorsque Mulder consulte la Bible aprocryphe, il se demande s’il n’y a pas là-dedans des chansons de Jesus-Christ Superstar. Il fait référence au fameux opéra-rock d'Andrew Lloyd Webber et Tim Rice, adapté en film en 1973 par Norman Jewison.

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    18. LES NOUVEAUX SPARTIATES
    (THE PINE-BLUFF VARIANT)


    Scénario : John Shiban
    Réalisation :
    Rob Bowman

    Résumé :

    Le FBI et la CIA tentent d’interpeller Jacob Steven Haley, numéro 2 de l‘organisation terroriste Les nouveaux spartiates. Haley s’échappe d'une souricière en laissant derrière lui un cadavre horriblement dévoré par une bactérie inconnue ! Scully soupçonne Mulder d’avoir aidé Haley à s’enfuir et le prend en filature. 14 nouveaux cadavres sont retrouvés dans un petit cinéma, victimes de la bactérie inconnue. Nos agents sont pris dans un infernal jeu de dupes où personne ne semble être ce qu’il est en réalité…

    Critique :

    Ne touchez pas aux réglages de votre téléviseur, vous êtes bien en train de regarder un épisode des X-Files

    Cette histoire surprend car elle se rapproche bien plus d’un récit très classique mêlant des thématiques de police et d'espionnage (symbolisé par l’alliance du FBI et de la CIA) que d’un épisode des X-Files. On assiste ainsi à une totale absence de surnaturel, tandis que le complot suggéré ne se rattache même pas véritablement à la Conspiration (comme dans Les Bandits Solitaires). Tout juste distingue-t-on une reconstitution de la paranoïa propre à la série. Pour le reste, nous avons droit à un véritable catalogue de clichés des deux genres : agents doubles, attaque de banque hyper nerveuse, collègue qui doute de l’autre mais demeurant solidaire devant l’autorité, mais en fait l’autre est en service commandé, intrigue relativement complexe, manipulation des individus… Rien qui ne constitue des éléments particulièrement identifiants moult fois vus ailleurs. L’amateur de science-fiction et des X-Files tels que nous les connaissons depuis très bientôt cinq saisons échues, se demande ce qu’il fait là et d’où peut bien sortir ce proto épisode de 24h chrono.

    Certes, ce n’est pas pour autant que l’on s’ennuie en regardant Les nouveaux spartiates. Intrigue, musique, et réalisation demeurent des modèles d’efficacité, tandis que le défilé de gueules pittoresques chez les terroristes reste très amusant. De plus, les auteurs, comme sentant bien la faiblesse de leur propos, s’efforcent non sans succès de le pimenter par quelques coups d’éclat, maintenant éveillée l’attention du spectateur. Le somptueux parc, les masques rigolos, la scène d’épouvante du cinéma (les artistes de la série s’en donnent à cœur joie), l’étrange décor à l’abandon où se réunissent les Spartiates constituent autant de faits hauts en couleurs destinés à faire oublier la grisaille de l’histoire. On note également une guest star de luxe avec le toujours impressionnant Sam Anderson (Lost, Angel, Urgences, Picket Fences…) dans un rôle finalement très proche de l’inoubliable Holland Manners de chez Wolfram and Hart, on en frémit ! Au total, l’épisode paraît loin de représenter une catastrophe, il s’en faut de beaucoup ; simplement quand on regarde les X-Files, c’est pour retrouver Mulder et Scully, pas Jack Bauer et Chloe O'Brian.

    Le rôle de la jeune caissière est tenu par la fille de Tom Braidwood, assistant de direction important des X-Files et de MillenniuM, « accessoirement » interprète de l’inénarrable Melvin Frohike. Kate Braidwood est apparue dans deux autres épisodes ; les X-Files étaient une grande famille !

    Anecdotes :

  • La scène de l’interrogatoire de Mulder ressemble beaucoup à celle du Faucon maltais (1931) de Roy del Ruth, et présente dans les trois remakes (dont celui de 1941, le plus connu).

  • Scully soupçonne Mulder de trahison et le suit jusqu’à l’hôtel Aaron Burr. Aaron Burr fut le troisième vice-président des Etats-Unis (pendant le mandat de Thomas Jefferson). Il fut convaincu de haute trahison après la découverte du complot qu’il ourdissait contre l’Etat pour fonder un nouvel état dissident indépendant du pouvoir.

  • Dans ce même hôtel, Mulder utilise comme faux nom Kaplan. Il s’agit d’un clin d’œil à La mort aux trousses d’Alfred Hitchcock, où le héros est pris pour un agent secret du nom de George Kaplan.

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  • 19. FOLIE À DEUX
    (FOLIE A DEUX)


    Scénario : Vince Gilligan
    Réalisation :
    Kim Manners

    Scully, you have to believe me. Nobody else on this whole damn planet does or ever will. You're my one in five billion.

    Résumé :

    Gary Lambert a la conviction qu’un monstre visible de lui seul se promène dans son entreprise, tuant puis « zombifiant » ses collègues qui ne s’aperçoivent de rien. Il craque et prend en otage ses collègues dont son chef Greg Pincus - qui serait le monstre - mais aussi Mulder qui devait enquêter sur Lambert quand le FBI est tombé en possession d‘une cassette qu'il leur a envoyé. Le SWAT, accompagné par Scully, est sur le point de lancer une attaque. Mais Mulder, à sa grande horreur, finit par voir Pincus sous les traits du monstre décrit par Lambert…

    Critique :

    Cet épisode particulièrement virtuose se révèle un aussi troublant que terrifiant voyage au pays du cauchemar. Dans un premier temps, l'histoire, suprêmement habile, distille savamment l'ambiguïté entre surnaturel et folie autour du personnage de Gary Lambert.

    Mais Vince Gilligan ne se contente pas de cette interrogation certes brillante mais à l'issue prévisible, après tout nous sommes dans les X-Files ! Il apporte une dimension supplémentaire tout à fait déstabilisante par sa description de la folie, dans laquelle le paranormal agit uniquement comme facteur déclenchant.

    Car Gary Lambert n'est pas un héros comme David Vincent qui après avoir aperçu l'horreur derrière le voile rassurant de la vérité consensuelle, se montre capable d'une riposte rationnelle. Dépourvu du statut de héros, sa fuite dans l'irrationnel explicitée par Mulder nous touche d'autant plus qu'il s'agit d'un simple individu comme nous. Son basculement se voit traduit par une grande conviction grâce au jeu très ardent de Brian Markinson (Dark Angel, The L Word), mais aussi par une mise en scène au terrible impact de l'un des monstres les plus terrifiants de la série, et des maquillages de zombie méphitiques à souhait, bien supérieurs à ce que l'on a pu souvent voir sur grand écran. En patron sympathique et sincère, John Apicella accomplit également une belle performance, accroissant le doute sur la nature paranormale de l'affaire.

    Les jeux de lumière, les gros plans sur les visages et les travellings, concourent efficacement à cette atmosphère de cauchemar éveillé, portée, sublimée par la musique d'un Mark Snow toujours incroyable. L'épisode se double aussi d'une critique caustique de l'entreprise moderne, de ses open-spaces déshumanisants comme de son management méprisant, au mieux paternaliste. Univers déshumanisant, folie et individus insectoïdes, les auteurs nous offrent en fait une variation « X-Filienne » très aboutie de Kafka, un immense classique à lire et à relire.

    L'intrigue se montre toujours plus ambitieuse en décrivant de manière très parlante cette fameuse folie à deux, soit la transmission du dérèglement mental de Lambert à Mulder. Notre héros évolue ainsi au fil de l'épisode selon un dégradé aussi terrifiant qu'inexorable. De prime abord sceptique, Mulder voit d'abord son intention éveillée par un détail lié aux Dossiers X relevant comme d'une idée fixe chez lui. Cette affaire l'intéressant toujours davantage, il appelle Scully en renfort avant la rencontre avec Lambert (joli parallèle avec la prise d'otage de Duane Barry, où cette fois la conviction était partagée au préalable).

    Après la révélation, le cours des choses s'accélère, et Mulder finit par apparaître aussi instable (notamment avec Skinner) et paniqué que Lambert. Et ce alors même qu'il a traversé sans défaillir tant de périls insensés et jusqu'ici réservé ses crises à Samantha et à ses ennemis de la Conspiration ! La nature si hors normes du monstre, plus effroyable encore que le Flukeman, rend parfaitement crédible cette évolution conduisant à la scène terrifiante de l'hôpital, filmée comme une pure abomination onirique.

    Nous sommes bien ici face à l'un des épisodes les plus inquiétants et fascinants de la série, où l'effondrement de Mulder raconté comme un pur cauchemar paranoïaque, terrorise davantage que le Monster of the week lui-même. Ultime exploit du récit, celui-ci nous montre comment la contagion vient finalement se briser sur les murailles du cartésianisme de Scully, après avoir ici également semé habilement le trouble : autopsie jouant le rôle de catalyseur telle la phrase « se dissimuler dans la lumière » pour Mulder, paroxysme final de la scène de l'ascenseur... c'est bien grâce à l'obstination raisonnée de notre héroïne que le cycle infernal se trouve finalement brisé. On a assez raillé le scepticisme scientifique de Scully tout au long de ces cinq saisons tout en célébrant l'ouverture d'esprit de Mulder, pour ne pas saluer cette audace ressentie comme une justice enfin rendue ! Les Affaires Non Classées c'était un travail d'équipe, rappellera fort justement Mulder dans I Want To Believe...

    On remarque que Mulder porte encore des attelles suite à ses doigts brisés par les Spartiates, c'est à ce genre de petit détail que l'on devine qu'une série est écrite avec sérieux !

    Mulder évoque le Syndrome d'Helsinki, alors qu'il s'agit de celui de Stockholm !

    La "folie à deux" n'est pas un terme choisi au hasard, il recouvre une forme de démence partagée (expérience commune de schizophrénie), syndrome étudié et traité en psychiatrie.

    Roger R. Cross (24h chrono) réalise sa quatrième apparition très efficace dans la série, toujours dans un rôle de policier.

    Enfin, on s'autorisera un petit instant d'émotion lorsque l'épisode nous offre encore un superbe paysage de la région de Vancouver. Encore 50 minutes et ce sera la Fin !

    Anecdotes :

  • Nouvelle référence à Holly Rice, la petite amie du scénariste de l’épisode Vince Gilligan : l’agent chargé de l’opération est l’agent Rice.

  • La quantité de sang sur les lèvres de Mulder varie d’un plan à l’autre.

  • L’affaire similaire à cet épisode s’est déroulée le 9 août 1992 comme le dit Scully au téléphone. Gillian Anderson est née un 9 août.

  • Le film vu par la dernière victime est Le petit colonel (1935) de David Butler.

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    20. LA FIN
    (THE END)

    Épisode Mythologique

    Scénario : Chris Carter
    Réalisation :
    R.W.Goodwin

    Résumé :

    Gibson Praise, 12 ans, prodige du jeu d’échecs, mate un grand maître russe. A ce moment, un tireur embusqué tue ce dernier. Mulder est tenu à l’écart de l'enquête ; il intervient quand même et découvre que la cible du tueur n’était pas le russe mais bien le jeune garçon ! Aidé par Scully et Diana Fowley, son ancienne coéquipière des Affaires Non Classées, Mulder découvre que le Syndicat est derrière cet attentat manqué et que Gibson serait la clé de tous les dossiers X : sa quête trouverait enfin sa conclusion ! Mais Mulder ne voit pas que le Fumeur lui a ourdi un piège diabolique…

    Critique :

    La Fin, comme ultérieurement Le Commencement lançant la saison 6, souffre d’un cahier des charges très contraignant : introduire Fight The Future sans empiéter sur son déroulement, et clore la période Vancouver.

    On y retrouve donc les défauts traditionnels des épisodes de présentation : très longue exposition des nombreux nouveaux personnages (Fowley, Gibson Praise, Spender qui connaît ici son vrai lancement) et sacrifice concomitant de l’intrigue, celle-ci se résumant ici à peu d’éléments. L’espace s’étendant entre la scène de début et l’accélération finale demeure bien trop statique et prolongé.

    Heureusement, il se ponctue de quelques moments forts, comme les si chaleureuses et émouvantes retrouvailles des membres de la Conspiration et du Fumeur. Pour son retour dans la série, à l’issue d’une cinquième saison dont il fut quasiment absent, William B. Davis remporte encore la partie grâce à une composition foudroyante d’intensité et de talent. Un authentique récital. La dimension supplémentaire que l'Homme à la Cigarette et son interprète octroient à la série s’avère décidemment indéniable. On observe également que l’association très improbable entre le vieil Honorable Anglais madré et raffiné avec le jeune Américain impulsif et sanguinaire fonctionne en fait à merveille. Dommage qu’elle doive si vite prendre fin… La trouvaille des messages insérés dans des emballages de Morley s’avère une très bonne idée !

    Mais l’intérêt de l’épisode semble surtout résider dans la qualité et la profondeur pour la présentation desquelles il sacrifie son intrigue. Tout en représentant une intrigante énigme, Gibson nous émeut tant il paraît fragile face aux prédateurs le convoitant. Ses scènes avec Mulder, et surtout avec Scully, s’avèrent touchantes et subtilement écrites. Bien loin de se poser en comparse ou en simple utilité, Spender existe et s’impose avec des sentiments et des tourments à fleur de peau. Malgré son côté veule et arriviste, on ne peut s’empêcher de le prendre en pitié face à son incompréhension devant cet univers étrange et inquiétant pour lequel il n’est visiblement pas taillé. Le voir autant dominé par Mulder devient presque pénible, surtout que la révélation paternelle n’occasionne qu’un trauma supplémentaire et qu’il s’apprête à tomber dans les crochets d’une redoutable mante religieuse.

    Car la grande révélation de La Fin demeure bien entendu l’entrée en scène de Diana Fowley, qui va bientôt devenir l'être le plus universellement honni de la série. N’en déplaise à ses détracteurs (détractrices), le personnage montre de solides qualités personnelles, dont le charisme et l’intelligence non dénuée de cynisme, avec une Mimi Rogers lui apportant une présence et une autorité très naturelles.

    C’est bien à une adversaire d’une toute autre trempe que la fugace Phoebe Green qu’est désormais confrontée Scully, d’autant que Mulder (qui conserve inutilement un piteux silence sur son passé avec Fowley) semble décidemment toujours très proche de ses ex ! Le match débute d’ailleurs d’emblée avec une Diana débinant Scully en toute solidarité auprès de Mulder et tâchant de se placer (ce n’est pas gagné), tandis que Scully interrompt la discussion sur l’affaire en cours pour interroger les Bandits Solitaires à propos de sa rivale ! Quoiqu’elle s’en doutait visiblement déjà, sa mine quand lui est révélée cette relation passée vaut le coup d’œil (jolie performance de Gillian Anderson). Prudemment, les Bandits Solitaires s’abstiennent de tout commentaire…

    Hélas, ces personnages demeurent essentiellement pour l’instant à l’état de promesses, et ne contrebalancent que partiellement la vacuité de l’histoire. L’épisode est cependant sauvé grâce à une brusque accélération en fin de parcours, où l’on retrouve enfin comme un écho du rythme infernal du triptyque Anasazi. Le parallèle entre la partie d’échecs initiale et la partie remportée par le Fumeur aux dépens de Mulder reste fort bien troussé. Malheureusement, l’épisode ne se conclut pas par l’époustouflant cliffhanger de rigueur, car bien entendu, le public de Fight The Future ne devait pas se limiter aux fidèles de la série ! La déchirante scène finale n’y pallie pas intégralement, malgré un grand Duchovny.

    Ainsi se conclut cette cinquième saison comportant nombre d’excellentes surprises, mais surtout la première période de la série, car Fight The Future a déjà été tourné à Los Angeles. Les X-Files, même s’ils vont perdurer et parfois trouver de nouvelles inspirations en Californie, vont laisser une partie de leur âme entre les sublimes et impénétrables forêts canadiennes, les inaccessibles montagnes, et la si paisible et raisonnable cité de Vancouver au climat perpétuellement gris et pluvieux, où l’irruption du paranormal ne s’y manifestait qu’avec d’autant plus d’impact. Quand j’évoque la série, c’est toujours cette atmosphère que je retrouve, bien davantage que la suivante en tout cas. L’épisode salue élégamment cette cité en y débutant explicitement pour la première fois, et avec 12 000 fans locaux spécialement conviés à la scène initiale, et plus tard en tournant plusieurs vues du Vancouver Science World. Mais il en faudra bien plus pour calmer la légitime ire de ses habitants, qui forcera encore Duchovny à s’en expliquer quand I Want To Believe viendra y prendre ses quartiers !

    Après le générique, on apprécie également le post-it dédié à Samantha sur le poster légendaire, et les photos de Tooms et de Duane Barry sur le mur du bureau. Une manière raffinée de faire le bilan au moment où la page se tourne. Le spectaculaire incendie s’explique également par cette migration : le décor devant être détruit puis reconstruit à Los Angeles, Carter craignait que les fans les plus intégristes de la série ne s’indignassent des inévitables différences ; l’excuse est ainsi toute trouvée pour justifier les modifications !

    Anecdotes :

  • Pour la onzième fois, l’indicatif The truth is out there est remplacé par The End, titre de l’épisode et fin symbolique de la première période de la série.

  • Première apparition de Diana Fowley (Mimi Rogers) et Gibson Praise (Jeff Gulka). Le casting de Diana Fowley est une idée de David Duchovny qui avait déjà tourné avec elle dans le film The Rapture où ils jouaient un couple marié.

  • Les habitants de Vancouver étaient si enthousiastes de jouer dans la série (l’introduction) que l’équipe dut refuser du monde dans le stade faute de place ! D’après R.W.Goodwin, ce fut son expérience la plus inoubliable. La scène fut tournée pendant huit heures !

  • Les Bandits Solitaires sont toujours aussi paranos : ils n'ont pas moins de sept verrous sur leur porte d’entrée !

  • Il y a un problème de montage dans l’introduction : le grand maître russe prend la tour de Gibson avec son roi (Rh8xg8 en notation échiquéenne), mais le coup de Gibson qui est vu ensuite est le coup précédent (Tg4-g8+) ! Par ailleurs, quand l’adversaire de Gibson est touché par la balle, il s’écroule en faisant tomber l’échiquier qui est sur la table au plan suivant.

  • Le Inget Murray Hospital est nommé d’après deux membres de l’équipe technique : Shirley Inget et Graham Murray.

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    TOP 5 SAISON 5

    1) Les Bandits Solitaires
    2) Prométhée post-moderne
    3) Le shérif a les dents longues
    4) Folie à deux
    5) Compagnons de route

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    Crédits photo : FPE.

    Images capturées par Estuaire44.