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Edward aux mains d’argent (1990)Mars Attacks! (1996)

Saga Tim Burton

Ed Wood (1994)


ED WOOD
(ED WOOD)

Résumé :

Passionné de cinéma, mais perpétuellement désargenté, Ed Wood endosse toutes les casquettes pour réaliser des films.

Critique :

Un film difficilement classable, une sorte de biopic sur « le plus mauvais réalisateur de tous les temps » tout autant qu’une réflexion sur le cinéma, sur la création en général ainsi qu’une mise en abyme. Si le film manque parfois de rythme, il ne manque pas de sincérité et la tendresse de Burton envers un cinéaste, qu’il considère à l’évidence, comme un devancier, est indéniable. Son Ed Wood s’arme d’optimisme face à l’humiliation et n’est pas aussi naïf et ringard qu’il semblait l’être. C’est un vaillant rêveur. Il incarne l’espérance et l’absence de compréhension que Burton juge méritoire.

A travers la création de trois films réellement réalisés par Ed Wood – Glen or Glenda (Louis ou Louise en VF), La fiancée du monstre et Plan 9 from outer space – Tim Burton met en scène le processus créatif et il n’élude aucun des problèmes techniques et matériels que rencontre ce qu’on rassemble sous le vocable de « production ». Le choix de tourner un film sur Ed Wood permet de raconter tout cela car il a justement connu tous ces problèmes et il s’est démené pour y apporter des solutions. Si Burton passe par la case comédie pour montrer les approximations parfois phénoménales du réalisateur (finir de nuit une scène commencée de jour par exemple) ou les réponses plus ou moins abracadabrantesques trouvées (comment se procurer une pieuvre ?), jamais il ne le fait passer pour un clown. Ce qui ressort des maladresses d’Ed Wood, c’est sa sincérité ; sa passion du cinéma. Comme le dit Johnny Depp dans une scène : « Je veux juste raconter des histoires ». Le film est aussi une satire tendre d’Hollywood quand Wood présente ses projets aux cadres des studios : c’est un mimétisme avec ce qu’a vécu Tim Burton !

Ed Wood est aussi un film sur l’amitié. Toute l’équipe qui entoure Wood est sans doute une vraie troupe de cirque mais la plupart sont des fidèles. A travers eux, c’est toute l’admiration de Tim Burton pour les marginaux, les phénomènes qui ressort. Mais le film raconte surtout la rencontre entre Ed Wood et Bela Lugosi au crépuscule de sa vie. Ce que l’on ressent à travers les scènes entre Johnny Depp et Martin Landau, c’est un véritable « coup de foudre » amical. Lugosi est aussi un père de substitution pour Ed. En retour de cet investissement sentimental (et pécunier), Ed attend de Lugosi qu’il donne de la crédibilité à ses films. Le jeune réalisateur ne cache pas son admiration et le vieil acteur fatigué et rongé par la déchéance est touché par cette joie sincère. A travers sa création, Tim Burton atténue ce qui s’apparente à un processus d’exploitation car Wood fait travailler Lugosi jusqu’à la corde alors que ce dernier est âgé et fatigué. Mais pour retrouver un peu de sa gloire, Lugosi s’aveugle. Procédé psychologique fréquent. Ce sont les meilleurs moments du film et Martin Landau est prodigieux dans son interprétation de Lugosi. Avec un maquillage génial, l’acteur (qui avait 65 ans au moment du tournage) se rajoute dix ans de plus mais surtout montre que la drogue a accéléré le vieillissement (Lugosi est mort à 74 ans). Il ne dissimule pas ses faiblesses mais il montre avec conviction les efforts de Lugosi pour être à la hauteur des attentes de Wood et retrouver un peu de sa gloire d’antan ; quitte à s’abaisser (scène avec la presse à l’hôpital).

La marginalité est présente à différents titres, mais c’est l’ambigüité sexuelle qui est la plus flagrante. Ainsi, Ed a un ami homosexuel qui songe à changer de sexe. Ed, lui-même, s’il proclame aimer les femmes (il en a deux dans le film), se travestit régulièrement et tourne même en tenue féminine ! On a une scène dans laquelle, sur une musique orientale, Wood/Depp fait une danse du ventre ; ce que l’acteur, dans les bonus appelle « un strip-tease dans un abattoir » ! Ce qui nous vaut un joli manifeste pour la différence lorsqu’Ed/Depp s’impose face à un producteur qui est aussi un homme d’Église ! Tim Burton ne juge pas mais il proclame tranquillement le droit à la différence, quelle qu’elle soit. Ed n’hésite plus à se montrer publiquement déguisé, y compris devant Orson Welles ! Cette dernière scène est brève mais, outre que Vincent D’Onofrio incarne avec une grande véracité un des réalisateurs les plus talentueux de l’histoire du cinéma, c’est là que se trouve la quintessence du film avec ce discours simple, bref mais puissant sur la création. « Quand ça marche, ça vaut le coup ».

Pour sa seconde participation aux œuvres de Burton, Johnny Depp réalise une jolie prestation. Son visage mobile reflète parfaitement les états d’âmes et la passion qui anime Ed. Bill Murray incarne Denis, l’ami homosexuel. L’acteur joue avec sobriété et c’est davantage son maquillage et une certaine préciosité qui révèle visuellement la sexualité du personnage. Celui-ci ne cache rien d’ailleurs et nous sommes pourtant dans les années 1950 ; il fallait du courage et c’est par la tranquillité du personnage que l’acteur fait ressentir ce courage. Petite amie de Burton à l’époque, Lisa Marie incarne Vampira, une actrice qui a réellement existé. Ultra maquillé – comme la vraie – Lisa Marie, parfois un peu statique, montre tout de même comment Vampira passe d’un certain dédain envers Ed Wood à membre de sa bande. Si l’amitié est réelle, c’est aussi – et pour le coup Tim Burton n’idéalise pas – qu’ils sont compagnons d’infortune.

Le travail de production est impressionnant. D’abord, on peut souligner le souci de réalisme de Burton qui tourna en noir et blanc ! C’est visuellement très beau et cela montre aussi le respect du réalisateur pour son sujet. Faute de moyens, Ed Wood tournait en noir et blanc. Le côté fauché des productions d’Ed Wood est aussi montré par les plateaux très « épurés » mais, à travers cela, c’est le travail de Burton qui est souligné puisqu’il a fallu reconstituer les studios où Wood tournait. Plutôt que prendre des extraits des œuvres de Wood, Tim Burton les a retournés ! Le réalisateur de 1994 montre donc comment travaillait le réalisateur de 1954 ; cette mise en abyme double et renforce le discours sur la création. Elle se raconte mais on nous la montre en action. C’est un « processus créatif en marche » qui se déroule sous nos yeux. Au-delà d’un film, c’est le cinéma lui-même qui se met en scène.

Anecdotes :

  • Sortie US : 28 septembre 1994 Sortie France : 21 juin 1995

  • Scénario : Scott Alexander et Larry Karaszewski d’après le livre Nightmare of Ecstasy de Rudolph Grey

  • La musique est signée Howard Shore, et non Danny Elfman, le compositeur habituel de Tim Burton, en raison d’un différend artistique qui a opposé les deux hommes pendant L’Étrange Noël de monsieur Jack.

  • Le budget était de 18 millions $. Le film en a rapporté 5.9 millions. Échec commercial (le pire fiasco de Burton), le film fut un succès critique.

  • Ed Wood (1924-1978) : réalisateur inapte qui comptait davantage sur la détermination que sur le talent. Ses films bons marchés manquaient souvent de cohérence au niveau du scénario et du montage, péchant aussi par leur rythme, la qualité de la production et le jeu des acteurs.

  • Le critique Derek Malcom vit dans le film le « tribut affectueux voire admiratif de l’échec jamais érigé ».

  • La Columbia se retira du projet quand Burton voulut tourner avec une authentique pellicule noir et blanc. C’est Disney qui prit la relève.

  • Bela Lugosi : De son vrai nom Béla Blaskó (1882-1956), cet acteur naquit en Transylvanie dans l’ancienne Autriche-Hongrie (actuellement Roumanie) et émigra en Allemagne puis aux États-Unis en 1919. Il décroche à Broadway le rôle de Dracula qu’il jouera des centaines de fois. Il reprend le rôle pour le film de Tod Browning (1931) mais, après qu’il ait refusé le rôle de la créature de Frankenstein, sa carrière va se ralentir et se cantonner aux films d’horreur. Traité pour des problèmes de santé avec de la morphine, il en devient dépendant.

  • Vampira : Maila Nurmi (de son vrai nom Maila Elizabeth Syrjäniemi) fut une actrice finno-américaine (1922-2008) qui crée le personnage de Vampira dans les années 1950 quand elle présente Movie Macabre sur ABC qui diffuse des programmes d’épouvante. Mise sur liste noire pendant le maccarthysme pour ses opinions politiques et sa vie privée jugée trop scandaleuse, elle se retrouve à jouer pour Ed Wood. Son look influença profondément la représentation gothique de la femme vampire.

  • Le film remporta l’Oscar du meilleur maquillage pour Rick Baker.

  • Ce sont Harry et Michael Medved dans le livre « The Golden Turkey Award » (1980) qui ont baptisé Ed Wood « pire réalisateur de tous les temps ».

  • Martin Landau/Bela Lugosi : acteur américain (1928-2017), il se décide pour la comédie à l’exemple de Charles Chaplin. Au cinéma, on a pu le voir dans La Mort aux trousses (1959), Cléopâtre (1963), La plus grande histoire jamais contée (1965), L’île au trésor (1985), Crimes et délits (1990), The X-Files, le film (1998), Sleepy Hollow (1999). Il a également beaucoup tourné pour la télévision : La Quatrième Dimension (1959), Les mystères de l’Ouest (1965), Colombo (1973), FBI : Portés Disparus (2004-2009). Il est surtout connu pour sa participation à Mission : Impossible (1966-1968, Golden Globe du meilleur acteur dans une série télévisée) et Cosmos 1999 (1975-1976). Pour Ed Wood, il reçut l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle.

  • Sarah Jessica Parler/Dorothy Fuller : actrice américaine, on l’a vu au cinéma dans Footloose (1984), Lune de miel à Las Vegas (1992), Mars Attacks ! (1996), Où sont passés les Morgan ? (2009), Happy New Year (2011). Elle a également tourné pour la télévision, et surtout Sex and the City (1998-2004 ; Golden Globe de la meilleure actrice dans une série télévisée musicale ou comique en 2000, 2001, 2004) adaptée au cinéma (2008, 2010).

  • Patricia Arquette/Kathy : actrice américaine, elle joue aussi bien au cinéma qu’à la télévision. Sur grand écran, on a pu la voir dans Les Griffes du cauchemar (1987), True Romance (1993), Rangoon (1995), Lost Highway (1997), A tombeau ouvert (1999), Dans la tête de Charles Swan III (2013), Boyhood (2015, Golden Globe et Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle). A la télévision, elle a joué dans Les contes de la crypte (1990), Medium (2005-2011), Boardwalk Empire (2013-2014), Les Experts (2014), Les Experts : Cyber (2014-2016).

  • Bill Murray/Bunny  Breckindrige : acteur américain, vu dans Tootsie (1982), SOS Fantômes (1984), SOS Fantômes 2 (1989), Un jour sans fin (1993), Sexcrimes (1998), Charlie et ses drôles de dames (2000), Lost in translation (2003), A bord du Darjeeling limited (2007), Bienvenue à Zombieland (2009), Moonrise Kingdom (2012), Monument Men (2014), SOS Fantômes (2016).

  • Lisa Marie/Vampira : Mannequin et actrice américaine, née Lisa Marie Smith. Elle a été la compagne de Tim Burton de 1993 à 2001. C’est son premier rôle au cinéma. Elle sera de tous les films de Burton jusqu’à leur séparation. Depuis, elle a joué dans The lords of Salem (2012), Dominion (2015).

  • Juliet Landau/Loretta King : actrice américaine, fille de Martin Landau et de Barbara Bain. Elle commence comme ballerine avant de devenir actrice. Ed Wood est un de ses premiers films. Elle a enchaîné avec Theodore Rex (1995) puis de faire beaucoup de doublage. Elle est davantage présente à la télévision : Parker Lewis ne perd jamais (1992), MilleniuM (1999), Esprits criminels (2012) mais elle est plus connue pour son rôle de Drusilla dans Buffy contre les vampires (17 épisodes entre les saisons 2, 5 et 7) et Angel (7 épisodes des saisons 2 et 5). Elle a également coscénarisé deux numéros du comic book Angel : After the Fall (2009).

  • Jeffrey Jones (Criswell) a joué dans Beetlejuice.

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