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Merveilleuse AngéliqueIndomptable Angélique

Saga Angélique

Angélique et le Roy (1966)


ANGÉLIQUE ET LE ROY

classe 4

Résumé :

Philippe de Plessis-Bellières meurt durant les affrontements de la Guerre de Dévolution. Angélique est rappelée à Versailles par Louis XIV, qui lui confie une mission diplomatique très particulière : convaincre l’envoyé du Shah de Perse de signer un traité d’alliance. Batchiary Bey se révèle un homme aussi sophistiqué que pervers, mais Angélique triomphe. Elle récupère les biens de Peyrac et entre grandement dans la faveur du Roi. Elle devient dès lors une menace pour la cabale de Mme de Montespan, qui tente à plusieurs reprises de l’assassiner. Mais Joffrey de Peyrac réapparaît brusquement, avant de s’enfuir à nouveau, refusant qu’Angélique partage sa vie de proscrit. Avec la complicité de Desgrez, Angélique esquive la garde royale et part à la poursuite de Joffrey, vers la Méditerranée. 

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Critique :

Ce troisième opus apparaît sans doute comme le plus marquant de la saga cinématographique, tout comme le roman originel le fut pour la littéraire. En effet, après les choix scénaristiques parfois hasardeux du précédent opus, on en revient aux fondamentaux du style Angélique, tels qu’exprimés lors d’Angélique, Marquise des Anges, mais qu’il va parvenir à encore rehausser.

En lieu et place d’une narration alourdie par les répétitions et les variations de caractère inhérentes à une forme trop séquencée, on renoue ici pleinement avec le galopant récit d’une vie épique et romanesque/ Toujours interprétée avec vitalité et éclat par une sublime Michèle Mercier, la Marquise des Anges bondit d’aventures en aventures sur un rythme effréné, en sacrifiant avec bonheur le réalisme à la verve des populaires romans feuilleton de jadis. Cette forme purement linéaire sied idéalement à Angélique, car assurant la continuité de son caractère, trop flottant lors de Merveilleuse Angélique. Très fleur bleue jusqu’ici, Angélique ne cède finalement qu’une fois durant tout le film, avec le prince hongrois. Si le scénario fait volontairement défiler les années à toute allure, on parvient néanmoins à ressentir le temps qui passe pour une Angélique au tempérament désormais bien plus assuré qu’en début de saga, ce qui lui fait gagner en crédibilité.

L’une des grandes qualités du film réside d’ailleurs dans une peinture pareillement affutée de ses nombreux seconds rôles. Aussi fugitive soit-elle, la réapparition de Joffrey de Peyrac, campé par un Robert Hossein toujours aussi charismatique constitue ainsi le pic émotionnel du film et confirme à quel point le protagoniste nous avait manqué lors de l’opus précédent. Le petit monde de la Cour, avec ses ridicules et ses âpretés, est incarné avec saveur par plusieurs grands acteurs de la scène et du cinéma français. En pleine période de Gendarme de Saint-Tropez on apprécie de retrouver Michel Galabru et Jean Lefèvre dans des rôles fugitifs, mais croquignolets. 

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L’impressionnante prestation du ténébreux Sami Frey sauve de l’opérette son personnage ahurissant de vizir à la cruauté aussi raffinée que démente, mais il s’agit hélas d’un coup de semonce annonçant la suite de la saga. Estella Blain apporte de l’intensité au portrait fatalement à charge de >Françoise-Athénaïs de Montespan, érigée, non pas en simple rivale, mais bien en alter ego maléfique d’Angélique, une formule toujours efficace. Ses fourberies réitérées à train d’enfer nous font renouer avec la tradition également plaisamment Sixties des Esprits diaboliques, tandis qu’Angélique ressort bien entendu toujours triomphante des tentatives de meurtre à son égard.

La mémorable scène d’ouverture confirme que Plessis-Bellières demeurera le grand sacrifié de la transposition cinématographique des romans, mais permet à Giraud et Toja de nous offrir un bel exemple de l’art du beau jeu selon les canons de la Comédie française des années 60, un régal agréablement daté. On pourra trouver cette séquence très théâtrale, mais elle reste emblématique de ces personnages du Grand Siècle pour qui la vie était une représentation permanente (Il est temps de faire bon usage de cette mort qui nous est donnée, disait la Marquise de Villars, sur le point d’être décapitée). L’impeccable Jacques Toja incarne une ultime fois un Louis toujours plus savoureusement humain derrière les feux du Roi Soleil, il manquera terriblement à la suite de la saga.

L’approche historique du film demeure dans la lignée pragmatique des opus précédents. La foule d’informations et de personnages du roman se voit inévitablement réduite, tandis qu’aucune énumération de dates ne vient alourdir le récit. Quelques éléments clés, comme Colbert, la Guerre de Dévolution ou l’ascension de Madame de Montespan aux dépens de Mademoiselle de La Vallière se voient néanmoins rapidement évoqués. Adossés à la peinture du jeune monarque, ils permettent à Angélique et le Roy d’efficacement dresser le décor de la glorieuse première époque du règne personnel de Louis, aux approches de 1670, quand tout semble contribuer à l’élévation de son Soleil. 

La mise en scène de Borderie continue à accompagner efficacement le rythme du récit avec un montage nerveux et de jolies perspectives. Les costumes décors témoignent d’un vrai savoir-faire, tandis que les vues de Versailles représentant un atout majeur pour le film, de même que les diverses scènes en extérieur. L’arrivée de Jardin rend du lustre et du piquant aux dialogues. La musique de Magne sait lorgner vers le Baroque pour accompagner cette évocation du XVIIème siècle et se montre toujours aussi subtilement romanesque et épique. On apprécie toutefois que ce film ayant tant joué la carte de la musique sache soudain faire silence quand Angélique et Joffrey se retrouvent, éberlués d’être ainsi face à face, un contraste soulignant l’intensité du moment.

Riche en péripéties et en émotions, Angélique et le Roy compose bien le saisissant portait d’une femme libre, décidant d’embrasser pleinement sa destinée et d’en devenir la seule maitresse, avec une modernité renversante pour les années 60 françaises et se percevant encore aujourd’hui. 

Anecdotes :

  • Les évènements narrés dans le film correspondent essentiellement à ceux du roman Angélique et le Roy, troisième opus de la saga littéraire d’Anne Golon (1959).

  • En France, le film enregistra 2 182 873 entrées, ce qui le place à la douzième place du box-office 1966. Le trio de tête se compose cette année-là de La Grande Vadrouille (17 272 987 entrées), de Le Docteur Jivago (9 816 054) et de Paris brûle-t-il ? (4 946 274).

  • Outre le rôle de Desgrez, Jean Rochefort assure une nouvelle fois la voix du narrateur.

  • L’historien Alain Decaux participa à l’écriture du scénario, aux côtés de Bernard Borderie et de Francis Cosne. Outre ses livres, il était alors connu pour son émission de radio La Tribune de l’Histoire, mais aussi pour la série télévisée La Caméra explore le Temps (1957-1966) ; ami d Robert Hossein, Decaux a de même participé à l’écriture de plusieurs de ses films et spectacles, dont la version sur scène d’Angélique.

  • Les dialogues ne sont désormais l’œuvre de Pascal Jardin, auteur ayant beaucoup écrit pour le cinéma durant les années 60 et 70, notamment pour Denys de La Patellière et Pierre Granier-Deferre. Il est le père du romancier Alexandre Jardin.

  • Jardin s’amusa malicieusement à insérer des propos du Général de Gaulle, quelque peu modifiés, dans les dialogues de Louis XIV. Une pratique quelque peu ironique, en cette l’époque de grande révérence de l’audiovisuel envers le Président de la République, et où le Canard enchainé évoquait le Général dans la rubrique Les Nouvelles de la Cour. La fameuse apostrophe de Madame de Montespan par le Roi (Ha non, Madame... Pas de hargne, pas de rogne, pas de grogne !) correspond ainsi à allocution radiotélévisée le 12 juillet 1961, où il abordait la fermeté et la stabilité des nouvelles institutions : Chaque remous met en action les équipes diverses de la hargne, de la grogne et de la rogne. D'où le contraste entre l'agitation qui trouble parfois la surface et le calme raisonné de la profondeur française.

  • L’exécution à la roue durant laquelle Angélique rencontre le Bey, censée se dérouler à Suresnes, est en fait tournée devant la cathédrale de Senlis. Les extérieurs de l’Hôtel Beautreillis, résidence parisienne de Peyrac censée se situer dans le marais, près du Cimetière des Innocents, furent également tournés à proximité de Senlis.

  • Lors qu’Angélique retrouve Louis pour la première fois, la Cour siège au château de Saint-Germain-en-Laye, mais les extérieurs sont en fait ceux de celui de Chantilly.

  • La Guerre de Dévolution (1667-1668), voyant la mort de Plessis-Bellières, est la première guerre menée par Louis XIX. Le Roi Soleil entame le versant guerrier de son long règne par un brillant succès sur une coalition européenne menée par une Espagne désormais en déclin après le Siècle d’Or. Le traite d’Aix-la-Chapelle attribue à la France nombreuses villes et places fortes situées dans les Flandres espagnoles, dont Lille et Tournai, bientôt renforcées par Vauban.

  • Quand Desgrez retrouve Angélique en début de film, il évoque ses travaux menés de concert avec Monsieur de la Reynie. Nicolas de La Reynie (1625-1709), collaborateur de Colbert, fut le premier Lieutenant général de police de Paris. Il modernisa considérablement les forces de l’ordre et est considéré comme le fondateur de la police judiciaire moderne. Par ailleurs il améliora notablement l’hygiène de la capitale, ainsi que son éclairage.

  • La Reynie jouera un rôle clé dans la résolution de la sinistre Affaire des Poisons (1679), évoquée au cours du film et qui va effectivement secouer le règne et compromettre de grands noms de l’aristocratie, comme promis par Desgrez à Angélique. A la tête de cette cabale d’empoisonnements, la Voisin fut brûlée vive en place de Grève le 22 février 1680. Ses aveux achevèrent de provoquer la disgrâce de Françoise-Athénaïs de Montespan, déjà débutée auprès d’un Louis XIV effaré par l’ampleur du scandale. Madame de Monstespan semble toutefois n’avoir été concernée que pour des philtres d’amour destinés à lui assurer la faveur du roi, sa participation à des messes noires ou l’empoisonnement de rivales n’ont jamais été prouvés.

  • Michel Galabru incarne ici le fameux Alexandre Bontemps, plus célèbre représentant d’une famille tenant la charge de premier valet de chambre ordinaire du Roi, de Louis XIII à Louis XV. L’influence de l’homme de main du Roi, également Intendant de Versailles et de Marly, était crainte jusque par les principaux ministres de Louis XIV. Saint-Simon écrivit de lui : C'était par lui que passaient tous les ordres et les messages secrets, les audiences ignorées qu'il introduisait chez le Roi, les lettres cachées au Roi et du Roi, et tout ce qui était mystère.

  • Louis fait découvrir à Angélique un vin blanc pétillant nommé Champagne, ayant l’heur de divertir la Marquise. Si son existence remonte au Moyen-âge, c’est bien vers 1660-1670 que le vin de Champagne devint effervescent, sous l’influence du progrès technique (découverte du bouchon de liège, de la bouteille résistante et du sulfitage des barriques), de l’évolution météorologique et des recherches en cépages menées par Dom Pérignon. Le Champagne connaît dès lors un vif succès à la Cour de France et, plus encore, d’Angleterre.  Un penchant britannique bien connu des amateurs de Chapeau Melon et bottes de cuir !

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