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Saison 3 Présentation

Journal intime d'une call girl

Saison 4


1. ÉPISODE 4.1



Scénario : Julie Gearey

Réalisation : Alex Garcia Lopez & Wayne Yip

Still, Poppy seems sweet ; you know, she's hardly the devil's spawn.

Résumé :

rois semaines après les événements de l’épisode précédent, Belle revient de son luxueux séjour à l’étranger avec un client fortuné. Hésitant à reprendre une relation amoureuse avec Ben, elle l'évite. Une bombe a éclaté entre-temps : Stéphanie a été arrêtée et est accusée de proxénétisme et de blanchiment d’argent. Stéphanie demande à Belle d’héberger pour quelque temps sa fille Poppy, dans l'ignorance de la véritable activité de sa mère. Belle accepte et regrette déjà son choix. Autre problème, Belle n’arrive pas à satisfaire Liam, un client impuissant depuis plusieurs mois…

La critique de Clément Diaz : 

La 4e et dernière saison de la série, tout en restant passionnante, va malheureusement s’en révéler la plus faible, la faute à plusieurs choix narratifs et de casting malencontreux apparaissant dès ce pilote de saison. Heureusement, le trio Belle-Ben-Stéphanie reste à son zénith d'écriture, tandis que les clients de Belle continuent de ravir par leurs pures démences comiques. La série n'abdique pas sur son ambition de traiter avec pertinence de thématiques sexuelles, sociales, et psychologiques.

Gearey se montre trop optimiste en voulant traiter pas moins de trois thèmes avec le client du jour ! L’impuissance (masculine), la routine sexuelle, et le fantasme du risque. Ce qui aurait pu donner une étude de cas intéressante est malheureusement minoré par cet encombrement et un trop grand espace à l’anecdote. On admire le professionnalisme de Belle, qui s’échine à satisfaire un client « en panne ». Ainsi, on éclate franchement de rire devant leurs foirades répétées lors de scènes sexuelles dynamitant tout érotisme torride par des tsunamis d’humour (soulignés par l'ouverture de Guillaume Tell de Rossini). Belle en avocate à perruque dominatrice (!) ne se montre pas moins comique. En avocat qui a toujours l’air de se demander ce qu’il fait là au juste, Adam Astill se montre aussi adorable que bouffon.

Le sujet de l’impuissance est vu ici que comme un symptome secondaire d'un mal plus grand, tandis que le fantasme de la surprise est lui aussi survolé. Le focus ne s’axe donc que sur le deuxième thème : la routine sexuelle. Journal intime d’une call-girl a toujours exploré le sexe sous ses deux visages : lumineux par sa joie physique, sa vitalité, son côté ludique, mais aussi sombre par son potentiel de corruption, son addiction destructrice, ou comme ici… l’ennui. Le sexe mécanique est un fléau de bien des personnes (non asexuelles) commettant l’erreur de ne pas chercher à « innover », « pimenter » leurs vies sexuelles tout comme l’originalité permet à un couple de ne pas s’enliser alors qu’il est dans la nature humaine de chercher toujours la nouveauté. Cependant, l'auteure se montre plus ambitieuse en faisant de Liam un représentant de ces hommes et femmes n’ayant plus d’appétit sexuel davantage par incapacité à trouver les bonnes personnes correspondant à leur libido que par « va-et-vient » à répétition. Les belles rencontres comme remède plutôt que du sexe « épicé », voilà un beau distinguo de l’auteur.

Dame de fer au cœur de fer adorné de velours, Stéphanie est une maîtresse femme, derrière une grille de barreaux ou non. Cherie Lunghi demeurera jusqu’au bout un joker de poids pour Secret Diary. Son emprisonnement nous vaut toutefois de la voir expliciter pour la première fois toute la confiance et l’affection qu’elle a pour son ancienne padawan ; un aveu si généreux de sa part qu'on a presque envie de sabler le champagne… quand tout dérape avec l’arrivée de Poppy.

La série a toujours eu le nez creux pour ses castings. Aussi, l’on tombe de haut avec la jeune Lily James, à peine sortie de son école de théâtre. Elle arbore certes des atours sexy et joyeux, mais manque cruellement de finesse de jeu : ses mimiques excessives usent déjà les nerfs. À sa décharge, il était difficile, a fortiori pour une débutante, de tirer quelque chose de ce personnage de Londonienne contemporaine post-adolescente en mode parasite irritant. Poppy va bel et bien saboter la narration de la saison. Il est cependant doublement amusant de voir Poppy (dont le sac à main n’a rien à envier à celui de Mary Poppins) se prendre pour une princesse quatre ans avant que l’actrice devienne Cendrillon à Hollywood, et bien entendu pour le nouvel involontaire télescopage avec Doctor Who, l’actrice étant aujourd’hui fiancée à Matt Smith, le Onzième Docteur lui-même ! (et qui rappelons-le eut l’honneur de partager la couche de Belle sans payer un penny en saison 1).

L’épisode réussit le mieux là où il était attendu : le duo Hannah/Ben, un des fils rouges de toute la série. Si le triomphe de la material girl qu’est Belle est total (lumineuse introduction), Hannah se perd dans une fuite en avant, verrouillée par sa peur de perdre le seul être comptant dans sa vie. La splendide coda, au romantisme intense, sonne comme une délivrance attendue depuis le pilote. Mais tout cela ne serait-il pas qu'un sursis ?

La critique d'Estuaire44 : 

Le faible nombre et la brièveté des épisodes de la série suscitent un perpétuel casse-tête chinois pour des auteurs devant caser tout un scénario en une poignée de minutes. La série y parvient d’habitude fort convenablement, mais a ici les yeux plus grands que le ventre. À l’occasion du démarrage de la nouvelle saison, les changements se montrent trop nombreux pour un seul opus : nouveau décor central, accélération foudroyante de la relation avec Ben, après qu’elle soit restée à peu près fixe durant trois saisons, plan à la Affranchis entre Stéphanie et Belle, apparition de Poppy… L’épisode ne fait pas que frôler le trop plein d’où un manque total de subtilité dans l’insertion de ces évolutions brusquées, déroulant comme une liste de commissions, avec la circonstance aggravante d’une Belle totalement passive devant cette succession d’évènements.

La litanie des changements s’avère également inégale. Changer le décor central représente un moyen souvent efficace de relancer une série, mais la maison d’Hannah apparaît très impersonnelle et froide, elle n’exprime pas sa personnalité, contrairement à son chaleureux appartement précédent. On adore que Stéphanie se montre aussi impériale en prison que dans ses cafés mondains et instituer Belle en remplaçante, sinon en héritière, est aussi émouvant que prometteur. Toutefois, Poppy se montre déjà totalement transparente, un simple ressort de vaudeville (même si Lily James s’avère irréprochable). On éprouve du mal à croire que Ben y aille autant à la hussarde, mais l’ultime scène de l’épisode se montre bouleversante, mais aussi prophétique vis-à-vis de la fin de la série : les vaisseaux sont brûlés.

Les standards de qualité de Secret Diary demeurent toutefois aussi élevés qu’à l’accoutumée concernant la réalisation et l’épatante bande son. On apprécie de retrouver quelques plans de Londres et de la City, devenus très rares la saison précédente. Bille Piper, en grande forme et superbe garde-robe, assure toujours le spectacle, à l’instar de l’ensemble de la distribution. Le client du jour s’avère divertissant et sympathique. On s’amuse de contempler Billie Piper en (très particulière) tenue d’avocate anglaise, toute comme Freema Agyeman, la Martha Jones de Doctor Who, dans Law & Order UK, à la même époque.

Anecdotes :

  • Changement de générique : Lily James intègre la distribution dans le rôle de Poppy, la fille de Stéphanie. Elle jouera ce rôle durant les 8 épisodes de la saison. Ashley Madekwe et James d’Arcy ayant quitté la série, ils n’y sont plus crédités.

  • Julie Gearey, qui signe ici sa dernière contribution à la série, est l’unique scénariste à y avoir travaillé sur ses quatre saisons. Elle fut avec la créatrice Lucy Prebble la plus prolifique des auteurs (6 épisodes chacune).

  • L'utilisation de l'Allegro vivace final de l'ouverture de Guillaume Tell  de Gioacchino Rossini pendant le rendez-vous de Belle et Liam est un hommage à Orange Mécanique de Stanley Kubrick. Le cinéaste popularisa auprès du grand public cette musique en l'utilisant lors de la scène de sexe filmée en accéléré entre Alex et les deux jeunes femmes rencontrées chez le disquaire.

  • Cet épisode comme les suivants n'existe qu'en VO, éventuellement sous-titrée ; cette saison n'ayant jamais été diffusée en France.

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2. ÉPISODE 4.2

Scénario : Richard Hurst

Réalisation : Alex Garcia Lopez & Wayne Yip

Did you just follow me home?

Not in a creepy way.

Résumé :

Remplaçant temporairement Stéphanie à la tête de son entreprise, Belle éprouve beaucoup de mal à asseoir son autorité, particulièrement auprès de la dominatrice Charlotte. Parallèlement, elle est désarçonnée par Tim, un client vierge qui est parti après les préliminaires sans explications. Plus chargée de travail que jamais, Hannah se débat pour conserver un peu de vie privée avec Ben.

La critique de Clément Diaz : 

Richard Hurst atteint une brillante intensité dramatique en portant au paroxysme la schizophrénie psychique de Belle/Hannah. Son scénario est une éloquente démonstration d’une société toujours plus absurde dans sa course au progrès social et à la performance (à tous les sens du terme). Avec comme conséquence que cela hypothéque la santé d’une vie privée pourtant moteur indispensable de la vie des hommes. Selon la recette de la série, cette thématique sombre est traitée avec humour, Belle essuyant des revers clownesques dès lors qu’elle tente de reprendre le contrôle. Charlotte entre en scène, et va tout dynamiser par ses apparitions pêchues.

Le combat vie professionnelle/vie privée est explicitement évoqué par les reports continuels du rendez-vous avec Ben, pour cause d'« obligations professionnelles ». Ben devient une respiration urgente à prendre pour Belle pour ne pas devenir une workaholic. En dominatrice persifleuse, Gemma Chan crève immédiatement l’écran, alors que les filles remportent la première manche face à leur nouvelle patronne pas assez ferme. Le vaudeville de Charlotte énonçant à Poppy la liste des jouets sexuels à commander est hilarante, on remercie les auteurs d’avoir réduit le temps de présence de Poppy pour elle. La meilleure scène de l’épisode restera sans doute les tirs de mortier entre Belle et Charlotte pour l'occupation du trône de fer, où les répliques fusent comme dans une screwball comedy. Si austère soit-elle, Stéphanie a toujours été très empathique envers ses filles, une qualité dont fait preuve Belle, mais non une Charlotte trop glaciale. C’est finalement plus grâce à Hannah qu’à Belle que cette dernière obtient la confiance de Stéphanie, une conclusion morale.

Sans atteindre les cimes du dépucelage de Levon (avec une call-girl aussi sympa que Belle) dans Californication, on apprécie l’humour très vert du rendez-vous Belle/Tim. On est content qu’Hurst ne cède pas à la facilité avec des maladresses de Tim (subtil George Rainsford), mais plutôt un étonnement comique devant ce corps nu de femme qu’il touche et voit pour la première fois. Voir Tim déverser toute sa prose devant une Belle réduite à l’état de psychologue (une posture peu appréciée des call-girls) rajoute au délire ambiant, tout en pointant un effet incontrôlé de la libération sexuelle : le questionnement de sa propre sexualité. Depuis qu’Alfred Kinsey et plus tard Fritz Klein ont découvert qu’hommes et femmes ne sont pas tous uniformément homosexuels ou hétérosexuels (même pour ceux se revendiquant purement comme tels), mais peuvent être un « mélange inégal des deux », les gens et plus particulièrement les jeunes cherchent à définir avec précision leur sexualité, ce qui est le cas de Tim. Malgré l'angle comique, le questionnement de Tim rappelle que ce n’est pas un enjeu à prendre à la légère.

L’émotion passe avec Ben encaissant les reports continuels du rendez-vous. La rencontre avec la mère, passage rituel dans toute série n’oubliant pas la comédie romantique, se montre aussi amusante que malaisée, Belle subissant la question qu’elle s’était jusqu’ici évitée de se poser par fuite : peut-elle être call-girl et petite amie de la personne qu’elle aime le plus au monde ? Qu’elle ne réponde pas à la question laisse un malaise que ne peut balayer la coda, l’un des moments les plus romantiques de Belle-Ben. Elle sonne également comme un hommage à Byron, auquel ce genre de « surprises » fait penser. Ben a tiré d’excellentes leçons de son amitié avec le cher aristo !

La critique d'Estuaire44 : 

Cet épisode particulièrement divertissant nous invite à découvrir une journée presque comme toutes les autres dans la vie de Belle, c'est-à-dire menée à une vitesse paroxystique (la belle aurait sans doute bien besoin d’un TARDIS en ce moment). Écartelée entre ses activités désormais dédoublées et sa vie personnelle toujours aussi compliquée, Hannah fait face à une succession de péripéties menées à train d’enfer, revêtant la forme de sketchs unis de manière assez lâche mais souvent hilarants. Outre l’élégance coutumière de la mise en scène, l’épisode remplit pleinement sa mission de divertissement vitaminé, grâce à une interprétation hors pair, notamment une tonique Billie Piper à qui la comédie déjantée convient décidément à merveille.

Le récit utilise également comme carburant l’insertion de saynètes très cartoon et surtout de nouveaux personnages pas piqués des verts, comme le sympathique client gay découvrant les charmes féminins, l’irrésistible Charlotte, dominatrice totalement jetée et au culot d’acier. Pour ce dernier aspect, elle m’a par moments évoqué la Ling d’Ally McBeal, on connaît de pires références. Ses clients doivent vivre de mémorables moments, encore plus qu’avec sa collègue plus aimable et mature de la première saison. Introduire de nouveaux personnages aussi tardivement dans une série relève toujours de la gageure, ici Secret Diary y parvient haut la main. Tant mieux, car cela ne sera pas le cas lors du prochain opus. Mais l’épisode ne se contente pas de faire rire, car les tribulations de Belle remplaçant Stéphanie (toujours de superbes cafés) présenteront une résonance particulière pour les praticiens de la vie de bureau, tant elle accumule des erreurs en fait très similaires à celles souvent commises par des chefs nouvellement promus au sein de métiers davantage conventionnels.

Se la jouer copain n’apporte que des déboires, les gens vous verront toujours comme le gradé, et prendre pour soi les corvées pour éviter de les attribuer à autrui sera perçu comme un signe de faiblesse. Heureusement notre Belle est futée et apprend vite, sa confrontation avec la Dominatrice (en latex ? Good Lord) remet les pendules à l’heure, Stéphanie a choisi judicieusement. La confrontation avec la mère de Ben apporte une dramatisation bienvenue car donnant du corps au récit. Face à la lancinante question de la dualité impossible entre son métier et une relation à long terme, Belle ne sait répondre encore et toujours que par la fuite en avant, espérant un improbable bonheur. C’est à la fois émouvant et déjà alarmant pour la suite. Félicitations à Ben pour ce final éminemment romantique, il a été à bonne école avec Byron.

Anecdotes :

  • Nouveau changement au générique : Gemma Chan intègre la distribution en tant que Charlotte, une escort-girl de l’agence de Stéphanie à qui il ne vaut mieux pas baver sur les rouleaux. Elle va jouer ce rôle pendant 5 épisodes. Gemma Chan avait auparavant joué dans Doctor Who (qui révéla Billie Piper) Mia Bennett, un des membres de la base scientifique Bowie One installée sur Mars dans l’épisode La conquête de Mars.

  • L’agence de Stéphanie se nomme « Discreet Elite ». Il n’existe pas d’agence de ce nom à Londres, mais il en existe réellement deux de ce nom dans le monde : une à Toronto, l’autre à Melbourne.

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3. ÉPISODE 4.3

Scénario : Simeon Goulden

Réalisation : Alex Garcia Lopez & Wayne Yip

God! Can't a girl get some erotic photos without constant interruption?

Résumé :

Alors qu’elle commence juste à équilibrer vie professionnelle et personnelle, Belle rencontre le sergent détective Harry Keegan, connaissance de Stéphanie. Mystérieux et addict au risque, il flatte le côté extraverti de Belle et tente de l’éloigner de son côté « Hannah ». Poppy voit sa vie chamboulée en ouvrant un tiroir, tandis que les retrouvailles d’Hannah avec sa sœur sont pour le moins polaires…

La critique de Clément Diaz : 

Depuis la saison 2, la série introduit comme feuilleton les amours de l’héroïne, mais le nombre réduit d’épisodes force la série à accélérer les événements en fin de parcours après avoir dû prendre le temps de présenter le nouveau couple. Ben étant installé depuis longtemps, la saison peut mieux gérer son temps et fêler l'harmonie Belle/Ben dès ce troisième épisode, tout en ajoutant l’émotion apportée par ce dernier. Cependant, les moyens employés résultent discutables. La survenue d’Harry-le-tentateur va apporter un sensationnalisme hors sujet au ton de la série.

Le marbre de la relation entre Ben et Hannah est attaqué à coups de pioche via l'exacerbation du double de cette dernière. Belle apparaît aussi lorsqu'Hannah se perd dans les chimères de son métier, une réaction émouvante car dépendant seulement de ses choix. Aussi, faire apparaître une Belle au masculin, symbolisant à lui tout seul les plaisirs, les valeurs, les illusions de cette vie, et tentant l’héroïne comme le ferait le Diable, relève d’une métaphore franchement lourde. Une direction d'autant plus hasardeuse qu'Harry est un ripou imbuvable, prétentieux, dominateur jusqu’à la caricature. Belle, dans une position de soumise, créé avec lui une relation évoquant un futur best-seller : Christian-Anastasia de Cinquante nuances de Grey seulement dépouillé de son acception sadomasochiste soit l’un des plus grands bras d’honneur à la littérature érotique (voire la littérature tout court, l'auteur de ses lignes ayant saigné régulièrement des yeux devant cette prose).  L'interminable jeu de piste et la scène de l’hôtel, par leur outrance et leur sulfure à trois sous, écrasent la thématique sexuelle du jour : le plaisir de coucher en pouvant être surpris à tout moment, et l’exhibitionnisme, ici expédiés en deux répliques. Billie Piper navigue à vue dans cette trahison de son personnage, mais s’en sort mieux que Paul Nicholls, qui ne fait rien pour nuancer son personnage boulet. L’épisode remplit son contrat en montrant que la vie d'Hannah peut éclater si elle se laisse trop aller à la complaisance envers son double, mais avec force outrances.

Poppy ne redresse pas l’épisode : sa crise de larmes rendue pénible par le cabotinage d’une Lily James incapable de nuances irrite. Bourgeoise dans le plus mauvais sens du terme, Poppy infuse un ton réac certes dénoncé, mais trop vulgaire. Le reste du temps, l’énergie joyeuse de son interprète fait illusion, mais demeure superficiel.

Si Goulden chausse de lourds sabots pour le drame, il sauve les apparences avec la comédie. Le trépidant vaudeville (idéalement accompagné par une mandoline décalée) avec la sœur de Belle avec portes et tiroirs qui claquent, répliques aux lance-missiles, et hilarants quiproquos, nous valent une rafale de bonne humeur irrésistible. Pour son ultime tour de piste dans la série, Joanna Bobin se dépasse en diva bobo blessée à pleurer de rire. On aime aussi les belles scènes de complicité entre Belle et Ben, cœur vivant de la série, et luttant pour maintenir leur couple à flot. Mais malgré une coda couronnant une première victoire d’Hannah sur Belle, la sensation que le ver est dans le fruit tient après le générique de fin.

La critique d'Estuaire44 : 

Une séance photo particulièrement torride débute en fanfare cette nouvelle journée en Enfer pour Belle (Jack Bauer ne connaît pas sa chance). Evidemment, amasser autant tant d’évènements en aussi peu de temps participe autant d’une nécessité pour les scénaristes qu’à la réjouissante effervescence propre à la série. Pourtant l’attente du festival habituel ne se voit cette fois que partiellement satisfaite, avec cet épisode particulièrement segmenté et aux différentes phases manifestant un intérêt très inégal. Si l’épisode bénéficie du talent toujours aussi expressif de Billie Piper, on regrettera que Belle reste en définitive très passive tout au long de ce récit.

Même si passablement gratuit, le retour de la sœur s’impose comme la partie la plus divertissante du lot. Le call back de personnages ayant séduit par le passé demeure une technique scénaristique souvent efficace pour peu qu’on lui en donne les moyens, et ce vaudeville assez vachard (la malheureuse refusant autant que possible de croire que Ben et Hannah soient de nouveau ensemble) se montre suffisamment piquant pour séduire. On reste plus circonspect quant à la découverte de la vérité par Poppy. Si Lily James se sort honorablement de la péripétie, l’événement demeure en lui-même très prévisible (l’introduction du personnage n’aurait pas eu de sens, sinon). Le plus attristant demeure l’absence totale d’imagination dans son processus, parfaitement quelconque. Secret Diary nous a habitués à davantage d’originalité et d’ambition. 

Mais ce qui achève de nuire à l’épisode est l’arrivée peu concluante d’Harry. Amener un nouveau personnage aussi tardivement dans une série, qui plus est feuilletonnante, s’apparente toujours à un exercice délicat, dont la concrétisation manque ici de finesse. On s’étonne ainsi de ce personnage-clé au sein de l’organisation de Stéphanie, dont Belle n’a curieusement jamais parlé jusqu’ici. Jouer sur l’attraction de cette dernière pour le frisson de l’aventure n’est pas inepte en soi, elle l’a souvent évoqué comme l’un des grands intérêts de ce métier qui la passionne. Mais cela provenait de la confrontation à l’inconnu que représentait chaque client. C’est antinomique par rapport à ce jeu de rôle qui se met en place, où au contraire tous les ressorts sont révélés et réitérés. Pour que l’ensemble fonctionne, il aurait fallu que manifestât une aura ténébreuse allant bien au-delà du jeu assez terne de Paul Nicholls. Au total cette entrée en matière résulte assez artificielle.

Anecdotes :

  • Dernier changement de générique avec l’entrée de Paul Nicholls, qui va incarner le sergent détective Harry Keegan pendant 3 épisodes de la saison. Le numéro de portable d’Harry est 07700 900898.

  • 10e et dernière apparition de Jackie, la sœur d’Hannah, interprétée par Joanna Bobin.

  • La page web de Belle (http://www.bellescort.co.uk, adresse fictive) nous apprend qu’elle mesure 5 pieds et 6 pouces (soit 1m68). C'est à peu près la taille exacte de Billie Piper (5 pieds et 5 pouces et demi ou 1m66). Ses mensurations sont 36C-24-34 en mesure anglaise, soit 95C-61-88 en mesure française. Si quelqu’un peut faire la vérification avec Mrs.Piper, on est preneur. Son numéro de portable professionnel est 07700 900069. Sa page a pour slogan « Maximum pleasure, very discreet », vante sa pratique des services de nuit (Overnight specials), de sa maîtrise du massage érotique (bien qu’on ne la verra jamais faire cette pratique), et ses qualités de dame de compagnie. Étonnemment, la page la définit comme bisexuelle alors que l’épisode Fais-moi mal (1.04) avait pourtant indiqué qu’elle préférait ne pas assurer de services lesbiens (sans y fermer la porte). Cela peut soit indiquer un changement dans ses habitudes, soit un simple coup de pub. Au reste, nous ne verrons jamais Belle avec une cliente.

  • Discreet Elite, l’agence de Stéphanie proposant des filles en Europe et aux États-Unis, a pour accroche « Welcome to London’s Highest Class Escort Agency ». Sa hotline est atteinte en composant le 0909 8797 0069. Si au Royaume-Uni, les numéros commençant par 0909 sont bien des « premium-rate », (numéros surtaxés proposant des services particuliers) dédiés aux services sexuels, les 09 n’ont pourtant que 11 chiffres, et non 12 ! Le numéro affiché sur le site n’est d’ailleurs pas le même que sur la carte professionnelle de l’agence : 0909 8797 6969 !

  • Envoyer GIRLS au numéro 0770 090 6969 est un autre moyen de contact, 07 étant utilisé pour tous les téléphones portables britanniques (à l’exception du 076 qui sert pour les pagers, lui-même supportant une exception : les 07624 étant les portables de l’Île de Man).

  • L’adresse mail du site est http://www.discreetelite.co.uk, l’adresse est fictive.

  • La page d’accueil du site dit :

  • « Welcome to London’s finest Escort Agency. We are a well establishment Escort Agency in London with the aim of providing a high class escort service. We have enlisted London’s sexiest and beautiful female escorts, along with their genuine photographs and contact details. We are perfectly able to offer you an ensnaring list of London Escorts who are no less than the aforementioned paragons of beauty! Each of these London Escort girls may even surpass the legendary figures with their perfect curves, sexy body, and wonderful smile. We ensure that our London Escort ladies will fulfill your every need, with care and offer you comfort and absolute satisfaction.

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  • Keegan donne rendez-vous à Belle à l’hôtel Denham, Garrick Street. Aucun hôtel ne porte ce nom à Londres. Garrick Street est une petite rue dans le quartier de Covent Garden, mais ne comporte aucun hôtel.

  • Belle prétend avoir obtenu le « grade six » au violon. Il y a généralement 12 « grades » au violon dans le système anglo-saxon : Elementary-1-2-3...-10et un grade d’excellence. 6 désigne donc un niveau moyen, à mi-chemin entre le débutant et le virtuose de concert. Ben reste sceptique. À sa décharge, on n’a jamais vu l’héroïne jouer du violon (bien qu’on l’ait vue dans le pilote jouer désastreusement du piano).

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4. ÉPISODE 4.4

Scénario : Laura Neal

Réalisation : Alex Garcia Lopez & Wayne Yip

Mum, l'm visiting you in prison.

There's no need to make a fuss about it.

Résumé :

La vie de Belle commence à partir en surchauffe : chaperon d’une Poppy de plus en plus incontrôlable depuis qu’elle a appris son secret et celui de sa mère, client aux fétichismes imprévus, hésitation à accepter un voyage à New York pour superviser une adaptation de son livre, disputes avec Ben au sujet de son emploi du temps et de Poppy… la voilà au bord de la crise de nerfs…

La critique de Clément Diaz : 

Après trois épisodes consacrés à planter le décor de cette nouvelle saison, il n’en reste que cinq pour développer et conclure les différents arcs. Aussi l’épisode va-t-il devoir, en seulement 22 minutes, entamer le développement en menant une crise crédible dans le couple Ben-Hannah, que l’on avait quittés plus soudés que jamais. La débutante Laura Neal y réussit en compressant l’emploi du temps de l’héroïne, multipliant déplacements et imprévus jusqu’à épuisement. Belle est alors dans l’état idoine pour provoquer une crise, c'est très fin ! L’humour n’en a pas moins bonne place, tandis que le client du jour alimente la thématique de la régression avec talent. Malheureusement, pour donner corps à sa crise, la scénariste se voit obliger d’accorder un temps démesuré à la pénible Poppy.

Mené tambour battant (l’épisode est un des plus rythmés d’une série pourtant efficace en la matière), l’épisode passe de la lumière souriante des premières minutes à la tension rageuse de la coda via un dégradé saisissant. Material girl assumée, Hannah est devenue Belle pour s’assurer un mode de vie et un succès précoces. Dans son esprit, être adaptée outre-Atlantique correspond à une consécration, après qu’elle ait renoncé à être courtisane de luxe en fin de saison 1. Sa danse de la joie (aussi allumée que celle d’un Deathwok) regorge d’allégresse, Billie Piper se lâchant comme jamais… Mais notre héroïne n’est pas une tête brûlée, elle sait qu'accepter pourrait porter préjudice à ses affaires en cours, mais aussi à Ben, d’où un dilemme crédible. L’avalanche de péripéties va être un gouleyant moteur d’humour, en même temps qu’elle va transformer ses nerfs en pelote : on rit de ses malheurs qui vont pourtant l’amener à commettre plusieurs erreurs. On retient surtout l’explication de gravures Belle-Poppy-Stéphanie, virant très rapidement au tir de lance-roquettes. On apprécie de voir pour la première fois Stéphanie fendre son masque lorsque sa fille la confronte à ses manquements à son devoir de mère. Cherie Lunghi ne cesse jamais de nous surprendre par son métier au service d'un personnage qu’elle aurait pu rendre cabotin, quel brio ! À la mauvaise foi de Poppy et Stéphanie, Belle va également subir une de ses plus mémorables vacheries professionnelles de la part de l’impayable Charlotte (on se prosterne tous devant la craquante Gemma Chan). En passant, l’on apprécie que Belle affiche son féminisme à une Poppy dubitative, l’on croit entendre en filigrane Brooke Magnanti, la vraie Belle de Jour, qui dut plus d’une fois défendre son ancien mode de vie qu’elle avait elle-même choisi.

Le client du jour (John Hopkins), très attachant, rejoint un des grands combats séculaires de la série : l’acharnement inhumain du capitalisme à transformer les hommes en machines à monter (ou pas) l’ascenseur social, une quête sans repos ni fin, les hauts placés subissant une pression sociale écrasante. La régression apparaît comme dès lors comme une échappatoire, recherche désespérée d'un réconfort donné par un ersatz de mère, figure restant liée à la douceur, le confort, la sécurité que tout enfant devrait connaître. Voir Belle improviser difficilement ce rôle assure un rire continu, mais renvoie aussi à son malaise quant au devenir de son couple, et à l’attitude à adopter face à Poppy, pour qui elle se sent obligée d’agir comme une mère de substitution. Les provocations d’une Poppy plus enfant gâtée que jamais, jointes à l'épuisement mental de Belle, provoquent la crise. C’est malheureusement à cause de Poppy, poids mort de la saison, que l’épisode n’atteint pas la perfection. On sature devant ce personnage rappelant les pires adolescentes télévisuelles, notamment la Dawn de Buffy (et encore, Michelle Trachtenberg manifestait un jeu autrement plus étudié qu'une Lily James brouillonne). Avec un personnage mieux écrit, l’indéniable énergie de l’actrice aurait pu faire des merveilles.

Devant la coda tempestueuse, Neal laisse le spectateur prendre son parti : Poppy déraille certes, mais même si ses motivations sont compréhensibles, Belle ne se montre pas sous son meilleur jour en surprotectrice, agissant sous le coup de l’émotion, et s’en déchargeant finalement sur un pauvre Ben qui n’a rien demandé. Mais cela est raccord avec une série qui n’a jamais hésité à montrer son héroïne commettre des erreurs. Le talent de Billie Piper et l’impuissance blessée et émouvante d’Iddo Goldberg (dont on ne cessera jamais de dire à quel point il a tant apporté à la série) assurent la tension et préservent la sympathie de leurs personnages faillibles mais si attachants. Le cliffhanger lance excellement le tremplin vers l’épisode suivant.

La critique d'Estuaire44 : 

On reprochera à l’épisode de manquer d’unité thématique, une méthode certes très balisée, mais qui, me semble-t-il, apportait une densité supérieure à nombre d’épisodes des saisons précédentes. Ici on assiste derechef à la suite de la chronique de la vie de Belle, certes ô combien remplie, mais saucissonnée à nouveau sur une journée, à la manière d’un film à sketchs. Assez inévitablement dans ce cas de figure, le résultat apparaît inégal.

Parmi les regrets on trouvera une nouvelle scène de rêve peu concluante en ouverture d’épisode, car passablement déstructurée, à l’image de l’épisode lui-même. De ce point de vue on préfère clairement les immersions oniriques de Californication, série à laquelle on pense beaucoup au moment où se développe la carrière d’écrivain de Belle et où un tournage américain se profile. Par ailleurs, Belle reste une fois de plus trop passive d’événements où elle sert uniquement de simple observatrice, ses quelques décisions n’intervenant qu’en fin d’épisode (avec un suspense assez factice sur son départ ou non pour l’Amérique).

Les personnages secondaires prennent donc le relais et là la série passe quelque peu de Charybde en Scylla : après un épisode plombé par le policier ténébreux et lourd, on trouve ici l’épisode plombé par le numéro mélodramatique jusqu’à la caricature de Poppy. On ne croit à aucune de ses scènes. La série devient ici totalement outrée et se rapproche des pires telenovelas, y compris dans le jeu dépourvu de finesse d’une Lily James manquant encore d’expérience. (plus tard bien meilleure dans Orgueil et Préjugés et Zombies).

 

Heureusement l’épisode retrouve des couleurs et demeure globalement divertissant grâce au reste de la galerie de portraits proposée. Charlotte s’épanouit en garce vicieuse et rivale très azimutée de Belle. On se régale sans restriction aucune, tandis que l’on retrouve avec plaisir Stéphanie, même si brièvement (quel dommage de l’avoir troquée contre Poppy). Le client du jour vaut aussi le détour, en matière d’excentricité on atteint ici un sommet, et la série parvient une nouvelle fois à éviter tout élément pouvant devenir scabreux. Le producteur de cinéma très excité par le jackpot à venir se montre également irrésistiblement cynique.

Billie Piper brille toujours autant sur le registre de l’humour et rend Belle réellement hilarante par moments, même cantonnée à du passe-plat. Cet ensemble globalement joyeux apporte plus d’impact à la cruelle scène de ménage opposant avec d’autant plus de force Hannah à Ben qu’on ne l’avait pas vraiment vue venir. Cette scène, sans nul doute la plus forte de l’opus, doit aussi beaucoup à une mise en scène conservant ses qualités de pertinence et d’élégance. Cela nous vaut quelques beaux effets comme les jolies vues de Londres, cette fois à l’extérieur de la City, ou l’animation très réussie de l’affiche, très à la Neil Gaiman (Media dans American Gods ou la star défunte de l’antique Hollywood dans The Goldfish Pool and Other Stories).

Anecdotes :

  • Premier scénario de la carrière de Laura Neal.

  • Dans le bureau du producteur, l’on peut voir une affiche pour un film (juste avant qu’il ne se change dans l’esprit de Belle en film centré sur elle) intitulé « Diego’s story ». Il s’agit d’un court-métrage sorti en 2009, écrit et réalisé par les réalisateurs de l’épisode, Alex Garcia Lopez et Wayne Yip. Un peu d’autopromo ne fait jamais de mal !

  • La danse de la joie de Belle se fait sur Girls just want to have fun. Écrite et composée par Robert Hazard en 1979, elle fut l’un des plus grands succès de la carrière de Cyndi Lauper quand elle la chanta quatre ans plus tard, et demeure l’une des plus populaires chansons de pop. Malheureusement, pour des questions de droit, une musique générique, beaucoup moins mémorable, figure sur les DVD. La scène originale figure ici.

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5. ÉPISODE 4.5

Scénario : Simeon Goulden

Réalisation : Samuel Donovan (crédité comme « Sam Donovan »)

You are a commodity, your services are a commodity that you sell for a price. And your price rises with experience, exclusivity, etc. But you also factor in risk, future earning capacity, asset value deterioration as you get older, perhaps put on weight, have kids, wrinkles, it all detracts from the value.

Résumé :

Belle arrive à New York en tant que consultante pour la future adaptation cinéma de son premier livre. Mais l’actrice principale et le réalisateur ont une idée bien à eux de l’adaptation, très éloignée de la sienne. Entre deux séances éprouvantes, Belle se détend dans la Grosse Pomme, mais finit par s’ennuyer. À Londres, électrisée par Charlotte, Poppy passe en mode allumeuse et tente de séduire Ben…

La critique de Clément Diaz : 

Coincée dans des storylines exogènes à la série, la saison 4 de Secret Diary tente de se relancer par la diversion d’un voyage de l’héroïne. Malheureusement, l’escapade bute à nouveau contre le poison de la caricature. Lestée d’une Poppy franchissant un bond de plus dans la lourdeur et d'un scénario statique, les auteurs parviennent à donner un vrai récital à Billie Piper, dont le personnage parcourt plusieurs gammes émotionnelles avec la même belle énergie. Quelques observations malignes sur l’éphémère du métier d’escort, sur une Amérique schizophrène à propos du sexe, et sur les liens si spéciaux entre auteurs et réalisateurs permettent à l’épisode de surnager.

Dans les séries américaines, les britanniques sont traditionnellement des fourbes, vilains, etc. Il est donc de bonne guerre que nos scénaristes s’amusent en dépeignant une galerie de ricains rivalisant de cuistrerie. Mais ils ont la main lourde : Barbie blonde étouffante, réalisateur obtus, producteurs obsédés, modiste gay excessif, client rivé à son pager… Dépeindre seulement l’aventure cinéma de Belle et renoncer aux intermèdes Londoniens et au client aurait sans doute été préférable, mais sans doute le cahier des charges de la série impose un client par épisode. L’épisode souffre de la comparaison avec la version effectuée plus tard par Californication dans 30 minutes or less (7.08). Cela dit, on peut trouver quelques pépites, comme la méthode Actor’s studio version très hard de la comédienne, qui n’est pas sans rappeler la méthode Eddie Nero, l’un des personnages les plus allumés (c’est pas peu dire) de la sus-citée Californication. Le plus intéressant est que Belle se reprend en pleine figure la vision dégradante des « braves gens » de son métier, a fortiori dans une Amérique pudibonde derrière sa vulgarité la traitant comme une honte de la société. Dans une Amérique schizophrène émoustillée par le sexe, mais dont le poids puritain le condamne en même temps, il n’est tout simplement pas possible aux yeux de l’intelligentsia du 7e art aux States d’être une femme complexe, brillante, saine d’esprit, joyeuse… en étant escort girl (ce n’est pas pour rien qu’HBO échoua à produire un remake de la série). Cela n’est pas une spécificité Outre-Atlantique : Duncan, en engageant une gourde vulgaire comme lectrice du livre de Belle, se comportait de la même manière, Belle a d’ailleurs la même réaction dégoûtée d'être réduite à un jouet sexuel de luxe.

Si le client livre une pertinente explication de texte à Belle sur l’éphémère de son boulot, la scène se prolonge au-delà du raisonnable, le personnage étant bavard et colérique, tandis que la doublure poitrine de Billie Piper jure terriblement avec l’actrice. À travers les mages de Belle écumant les magasins de luxe de la capitale du monde, on voit qu’Hannah est de plus en plus écrasée par son double qu’elle ne contrôle visiblement plus. Ce panorama est malheureusement prétexte à des dialogues médiocres ou des réflexions assez pauvres sur le thème « On ne sait ce qu’on a que quand on ne l’a plus ».

En cinq épisodes, Poppy a épuisé toutes nos réserves de patience. De casse-pieds, elle devient ignoble quand elle tente de séduire Ben. Le cabotinage de Lily James est un supplice, tandis que la série fonce vers un nouveau rebondissement de telenovela. Heureusement, la tonitruante Charlotte (toujours amatrice de tenues spectaculaires) nous régale d’une mémorable apparition où elle dévergonde Poppy. Gemma Chan restera comme l’atout sacrifié de cette saison. Elle apporte en une minute à la série bien plus que Poppy ne le fera jamais en huit épisodes.

La critique d'Estuaire44 : 

L’épisode suscite une véritable déception tant le dépaysement de l’action dans la Jungle de béton apparaît comme une fausse bonne idée. La découverte de New York séduit initialement par la jolie perspective offerte lors de la séquence d’introduction, et de fait les inserts, toujours élégants, composeront le meilleur de l’expérience. Pour le reste, la série se laisse ici rattraper par les contraintes de son format court, le manque de temps l’empêchant de réellement tirer parti de cette originalité (qui peut aussi se percevoir comme une rustine de scénariste ne sachant plus vraiment quoi raconter à Londres).  On aurait pu jouer sur les différences culturelles, par exemple en organisant une rencontre entre Belle et une collègue américaine. Ici on se limite à une discussion sentimentale, à du shopping, à un client assez ennuyeux… toutes choses qui pourraient advenir pareillement à Londres. On pourrait imaginer exactement la même histoire autour d’une adaptation théâtrale du livre au West End.

L’épisode pèche également par le manque de crédibilité de son volet « business ». On ressent un fort scepticisme devant cette représentation sur scène destinée à convaincre des investisseurs en cinéma, en lieu et place d’une projection. Cela aurait été davantage pertinent avec une pièce se préparant à Broadway. Il reste également hautement improbable que l’actrice mette fin aussi brusquement à une conversation avec l’auteure, dont l’acquiescement au projet est vital. Au total, le véritable sujet de la péripétie (Belle confrontée à son image) se limite à une scène aussi expéditive que caricaturale.

Le traitement de cet épisode américain s’avère d’autant plus frustrant qu’il aurait nécessité la complète immersion de Belle en New York. Or les allers et retours avec Londres ne cessent de se multiplier, sans rien apporter de bien nouveau au récit principal. Ces séquences demeurent plutôt l’occasion d’affirmer une constance dans les choix les plus désastreux imaginables concernant Poppy tombant ici dans le cliché de la tentative de séduction de Ben. La jeune femme s’affirme toujours davantage comme le boulet de cette ultime saison (contrairement au Levon de Californication, qui avait fini par trouver sa voie).

En dehors des vues de NYC, l’épisode échappe au naufrage grâce à deux hilarantes scènes, le pastiche égrillard de la sacro-sainte Méthode et le numéro en roue libre de Charlotte, porté par le sensationnel abattage de Gemma Chan. Sa tenue de dominatrice donne envie d’entonner le En Rouge et Noir de Jeanne Mas (certes en changeant « un peu de douceur » par « un peu de douleur »). Les Whovians nostalgiques de Rose Tyler s’amuseront en constatant que belle se présente comme une « English Rose » à ses clients américains et qu’elle arbore la bannière étoilée sur sa tenue, là où se trouvait jadis l’Union Jack dans The Empty Child. Cette virée américaine plus qu’en demi-teinte laisse malgré tout le regret d’une similaire escapade parisienne, idéale destination traditionnelle des héros de séries britanniques.

Anecdotes :

  • Le numéro personnel d’Hannah est 07770 900521. Celui de Ben est 07700 900874.

  • En jouant Belle devant les producteurs, Dava déclare qu’elle n’aime que le champagne de luxe, citant le « Dom Paragon ». Elle voulait sans doute dire Dom Pérignon, car le Dom Paragon est en fait un magasin d’antiquités sis à Manchester-by-the-sea dans le Massachusetts !

  • Le portable d’Hannah semble confondre le matin et l’après-midi (a.m et p.m) : lorsqu’Hannah consulte son portable sans rien envoyer, il indique 5h01 du matin bien qu’il fasse manifestement plein jour sur New York. Il devrait en fait indiquer 17h01. D’ailleurs, le portable de Ben indique à ce moment 22h15, ce qui correspondrait aux 5 heures de décalage horaire entre les deux villes. Il y a le même problème quand Belle envoie un message à 19h10 alors qu’il devrait indiquer 7h10 : Ben recevant le message au matin et non le soir vers minuit. On peut certes dire que Ben petit-déjeune curieusement tard, vers midi, mais c’est plus plausible que le soleil brillant de tous ses feux à minuit à Londres !

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6. ÉPISODE 4.6

Scénario : James Graham

Réalisation : Sam Donovan

When are you gonna get it? There is no Belle, and there is no Hannah. There's just you. lt's just you who won't stop fucking this up. It’s just you who doesn't know what you want.

Résumé :

Souhaitant blesser Hannah, Poppy piège Ben et fait croire à notre héroïne de retour de New York qu’elle a une liaison avec lui. Bouleversée, Belle se noie dans le travail, mais doit faire face à forte partie : sa rivalité professionnelle avec Charlotte atteint son pic. Leur duel sera sans merci…

La critique de Clément Diaz : 

Engoncée dans des arcs pénibles (Poppy-la-peste), trop artificiels (montée en puissance de Belle par son addiction au luxe et au danger), ou tardant à éclore (crise Belle-Ben), la saison 4 maintient difficilement l’intérêt. Après la peu concluante diversion New Yorkaise, James Graham va avoir l’idée lumineuse de revenir (presque) au format de la saison 1 avec un épisode centré sur Belle en plein travail. Mais surtout, il déroule le tapis rouge pour la flamboyante Charlotte, plus que jamais la pompière de la saison, qui nous régale d’un irrépressible affrontement au sommet contre Belle. Graham ne peut toutefois éviter la désolante continuation des caprices de Poppy pour amener enfin la crise attendue entre Hannah et Ben. L’intensité de l'événement pallie à sa marche forcée.

Poppy ne nous aura rien épargné : après la post-ado gâtée, la pleureuse de telenovela, le parasite nuisible, l’allumeuse indigne, voilà la manipulatrice en toc. Lily James réussit à être encore pire à chacune de ces configurations, une performance en soi. Si l’on comprend le choc émotionnel de son petit monde bourgeois mis en pièces, s’envoyer en l’air avec le premier venu, tenter de séduire Ben, ou de briser son ménage avec Hannah, ne provoque que des crispations irritées. Son rétropédalage final montre bien sa complète inanité. Alors, ne nous attardons pas et voyons plutôt la réaction d’Hannah.

Nous savons que notre héroïne a le défaut de faire face à ses problèmes en les fuyant via son double faisant souvent office de rustine trompeuse. La parenté avec Californication est de nouveau visible, les héros de cette série se servant comme elle du sexe pour ignorer leurs problèmes au lieu de les résoudre, jusqu’à ce que ces derniers finissent par les broyer. Belle s’hypertrophie en réaction aux aléas sentimentaux d’Hannah, ce qui ne peut qu’être désastreux à terme. Pourtant, cette folle journée va bien être celle du rire pour nous tant l’épisode se trouve un des plus drôles de la série. Voir Belle retrouver difficilement ses réflexes de chef d’entreprise suscite déjà l’amusement, mais lorsque Charlotte devient son Iznogoud, l’épisode fait joyeusement voler tout sérieux à la corbeille. C’est que Charlotte constitue une opposition de choix pour Belle, qui ne lui arrivera jamais à la cheville sur son terrain (qu’on se rappelle son fiasco SM en saison 1).

Les vannes fusent, tandis que l’épisode vire dans un délire à la Scrubs où les deux dames s’affrontent dans une parodie de Western spaghetti à tomber par terre (J.D. est demandé sur scène). Le niveau supérieur est atteint dans le pastiche de jeu vidéo avec David en arbitre dépassé. Le bougre ne s’attendait visiblement pas à voir deux des escorts les plus douées de Grande-Bretagne se crêper le chignon pour son plaisir (charnel). La tête d’ahuri affichée par Roger Barclay ajoute à l’hilarité de ce duel explosif. Le double strip-tease des deux femmes restera comme l’une des images les plus érotiques de la série. Si Billie Piper s’amuse comme jamais, elle se fait voler la vedette par une Gemma Chan totalement badass. L’épisode nous fait bien voir que le succès de Belle est dû à son professionnalisme, capable de passer de longues heures embarrassantes rien que pour satisfaire au mieux un client. La scène avec le japonais réussit l’exploit d’apparaître très décalée dans un show pourtant souvent pimpant de ce côté, tout en faisant du client un présage de ce qui attend l’héroïne si Belle triomphe d’Hannah : une vie routinière sans bonheur personnel, avec comme seuls expédients l’éphémère de rencontres sans lendemain. Charlotte, moins polyvalente, se focalise plus sur l’intensité du moment. Un fan de Buffy y trouvera comme une transposition (certes très particulière) des duels Buffy-Faith, les deux Tueuses. Leur armistice est vibrant de chaleur pétillante. La colère de Ben, fatigué de voir sa compagne accorder une importance démesurée à la « partie » qui ne lui revient pas, est impeccable de dramatisme. À deux épisodes de la fin, Hannah comprend enfin la source de son problème que dans son aveuglement elle refusait de voir : elle n’a qu’un seul vrai moi, comme tout humain. Maintenant elle est face à un dilemme : renoncer à Belle ou à Hannah. Un déchirement qui sera tout l’enjeu des épisodes finaux.

La critique d'Estuaire44 : 

Les journées au tempo infernal se succèdent pour Belle, d’ailleurs de manière continue puisque les divers évènements de cette quatrième saison semblent bien se concentrer sur une unique semaine. Quelle santé ! Même s’il s’agit d’une fuite à terme désespérée dans le royaume de Belle afin d'échapper aux tourments d’Hannah, on apprécie vivement que l’héroïne cesse d’être passive et décide de réagir face aux complications de sa vie. 

Ce procédé s’avère d’autant plus réjouissant que les divers personnages rencontrés résultent souvent hilarants. Les collègues de Belle au cerveau de pois chiche pimentent ainsi son marathon téléphonique. Par ailleurs on aime que le sympathique client japonais emprunte à la culture de son pays, tout en s‘affranchissant des divers clichés coutumiers. Une nouvelle fois originale, l’excentricité du jour permet à Billie Piper de se mettre en avant, sans recourir à une doublure.

L’épisode a également l’excellente idée de jouer pleinement la carte de l’irrésistible Charlotte, au shot de vodka plus dure que moi, tu meurs (à quand une série dérivée lui étant dédiée ?). La rivalité avec Belle atteint ici un paroxysme, avec l’astucieuse reprise des Westerns spaghettis. D’ailleurs avec Belle, Charlotte et le vendeur de rêves qu’est le chirurgien esthétique, on trouve effectivement ici la bonne, la brute et le truand. Après un affrontement particulièrement sexy, on débouche bien entendu sur un happy end amical, afin que la fête demeure entière.

 

Mais la magie finit toujours par s’estomper et la morne réalité par reprendre ses droits. La crise existentielle vécue par Hannah souffre certes d’un fait générateur immédiat réduit à une nouvelle navrante idiotie de Poppy. Il doit exister quelque part un comité chargé de lui trouver la pire idée de la semaine, du bon boulot. Il n’en reste pas moins que Ben, un tantinet réduit au rôle de juge cette saison, trouve les mots justes pour interpeller Hannah sur le dilemme dans lequel elle s’est désormais enfermée et qu’elle doit résoudre par un choix aussi difficile que cruel. De quoi entamer idéalement le final de la série.

Anecdotes :

  • Lors de la guerre des Dieux au bar, Belle commande un Singapore sling, précisant qu’il requiert du jus d’ananas et du Bénédictine (une liqueur normande). Ce cocktail assez fort a en réalité une composition plus complexe : selon l’International Bartenders Association, il demande :

12 cl de jus d’ananas

0.75 cl de Bénédictine

3 cl de gin

1.5 cl de liqueur de cherry

0.75 cl de Cointreau (une liqueur triple sec angevine d’oranges douces et amères)

1 cl de grenadine

1.5 cl de jus de lime (fraîche)

1 larme d’angostura (concentré caribéen d’essences diverses pour cocktails)

  • Charlotte de son côté, n’a bien sûr que faire de subtilités et demande une vodka, boisson moins élaborée mais qui arrache davantage ! Non mais, c’est qui la badass, ici hein ?

  • Hannah semble avoir un certain niveau en arts martiaux, réussissant quelques belles prises de judo sur le client japonais.

  • Assez injustement, cet épisode est le plus mal noté de la série sur Imdb, avec une moyenne de 6.2/10. Avec seulement 67 votes, c’est toutefois très relatif !

  • Si l’on en croit le portable de Belle, l’épisode se déroule le 6 octobre 2010 (un mercredi), soit cinq mois avant sa première diffusion sur ITV2, le 8 mars 2011.

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7. ÉPISODE 4.7

Scénario : Daniel Sefton (crédité comme « Dan Sefton »)

Réalisation : Sam Donovan

He wasn't even 40. l mean, that's not even half a life.

At least he got the best half. l mean, think about it : never have to see that first grey hair in the mirror, never have to get up in the middle of the night and pee.

Résumé :

Blessé que Belle prenne trop d’importance dans la vie d’Hannah, Ben demeure distant. Poppy en profite pour faire une nouvelle tentative de séduction. Belle s’occupe d’un client adepte de jeux de rôles, mais le rendez-vous tourne de manière catastrophique. Harry revient et tente de persuader Belle de renoncer complètement à Hannah et de ne vivre désormais plus que pour son métier…

La critique de Clément Diaz : 

En cette saison 4, la série fut atteinte par deux mauvais arcs : le soap opera vaseux (écriture paresseuse de Ben/Hannah, Harry en clone masculin exogène de Belle), et le vaudeville lourd (Poppy). Malheureusement l’épisode va les pousser au paroxysme, débouchant sur le néant. Belle s’emberlificote dans une attraction/répulsion avec son alter ego masculin dans un développement sensationnaliste. Poppy réitère son numéro de séductrice à trois sous à un Ben bien trop tolérant en ce qui relève presque du harcèlement. Le bilan final est désastreux : dans une saison de 8 épisodes de 22 minutes, qui lutte sans cesse pour développer des histoires denses avec un temps riquiqui, ce 7e épisode est tout simplement inutile.

Le client du jour commence par amuser, non seulement parce qu’il nous vaut un mémorable maquillage de Belle en scream queen période Hammer, mais aussi par sa satire hilarante des Fils de la Nuit, le tout sous les yeux d’un majordome au flegme à toute épreuve typiquement britannique ! Malheureusement, le rendez-vous bascule dans l'excès et le pathos qui ne se prête absolument pas à l’atmosphère de Secret Diary ; on y va à gros sabots. La thématique du jeu de rôles est ici rapidement expédiée, contrairement à l’épisode consacré à 007 la saison précédente.

Imbu de lui-même jusqu’à la caricature, roulant des mécaniques, jouant de sa mâle assurance avec vulgarité, Harry est insupportable. Son acharnement sur Belle, en état de faiblesse, le fait comparer à un charognard fondant sur sa proie agonisante. Si au moins un lien s’était plus développé, on aurait pu l’envisager comme un Big Bad s’amusant à souffrir notre héroïne. Avec seulement deux épisodes de 22 minutes, il apparaît compliqué de lui donner une ampleur dont il est dépourvu. Paul Nicholls n’est pas à son avantage. Ses moyens de pousser Belle loin d’Hannah sont au pire malsains au mieux risibles avec des dialogues tournant en rond dans la trivialité. Belle ressasse son dilemme tout au long de sa promenade, qui aboutit sur du vent, tout ça pour ça… le fait qu’Hannah résiste encore nous traverse à peine l’esprit.

Si la vision d’un Ben blasé refusant les tendres assauts (à tous les sens du terme) de sa petite amie en dit long sur leur crise, l’épisode échoue à développer leur conflit, délayant sur du vide, et revenant au point de départ comme si rien ne s’était passé. Les scénaristes persistent dans leurs erreurs en faisant de Poppy une marionnette tout entière soumise à un Ça capricieux et idiot, qui ne se définit jamais que comme trouble-fête (pour rester poli) du quotidien de Ben et Belle. L'extrême indulgence de Ben finit par ne plus être crédible.

La seule consolation de ce coup dans l’eau est que le final ne peut pas faire autrement que de résoudre les crises de cette saison mais aussi celles de la série entière. Offrir un final répondant globalement aux attentes après un tel échec tient du miracle, c’est pourtant ce qui va se passer...

La critique d'Estuaire44 : 

Idéalement, l’avant-dernier épisode d’une série doit servir à mettre en orbite le grand final, tant du point de vue des péripéties que de l’évolution des personnages. Force est de constater qu’ici c’est exactement le contraire qui se produit. Le récit ne fait que ressasser une situation déjà connue et présentée antérieurement, sans qu’aucun élément nouveau ne soit introduit. Ben supportant toujours plus difficilement de voir Belle toujours phagocyter davantage Hannah, Hannah résistant encore, mais davantage pour ne pas rompre avec Ben que par réelle inclination. L’opus aurait au moins pu broder avec talent dans son surplace, mais, circonstance aggravante, il l’effectue plutôt avec une rare pesanteur

Avec Dan Sefton, on peut s’étonner que l’écriture d’un épisode aussi important ait été confié à un auteur n’ayant jusqu’ici jamais écrit pour la série et n’étant donc qu’imparfaitement imprégné de son esprit. Assez inévitablement le scénariste retrouve la tonalité des soap operas et des dramas médicaux par lesquels il s’est fait connaître (EastEnders, Holby City, Doctors...), avec leurs rebondissements visant davantage le mélodrame que la subtilité et la crédibilité. On abandonne ici ce qu’il subsistait de crédibilité et d’intérêt chez Poppy (comment a-t-elle pu suivre Ben alors qu’elle venait de partir en taxi ?) avec des scènes de roman-feuilleton à l’eau de rose. On ne supporte davantage Keegan que parce que le personnage résulte moins usé, car étant apparu moins souvent que Poppy. Mais ses scènes caricaturales et absurdes avec Belle suscitent la même incrédulité navrée.

Jusqu’au bout Poppy et Keegan auront constitué autant de boulets pour une saison malheureusement quasiment privée de Stéphanie jusqu’ici. L’épisode peut néanmoins compter sur le talent et la complicité de Billie Piper et Iddo Goldberg pour insuffler de l’intensité aux retrouvailles de façade le concluant. L’événement se justifie toutefois par l’intermède des téléphones relevant du plus mauvais vaudeville, tout ceci manque terriblement de subtilité. Le seul moment réussi demeure l’intermède d’humour noir autour de l’infortuné Vampire, la série a la bonne idée de s’essayer à un style de comique qu’elle n’avait pas usité jusqu’ici, même si la finesse y évoque plutôt le Grand Guignol.

Anecdotes :

  • On apprend le nom de famille de Poppy lorsqu’elle fouille sa boite à souvenirs : on y voit un diplôme de la Mid Kent Riding School au nom de « Poppy Charlton ». L’épisode suivant nous confirmera qu’il s’agit bien du nom de famille de sa mère. Le bracelet de naissance de Poppy nous indique qu’elle est née en 1991. La saison se passant en 2010, elle a donc 19 ans.

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8. ÉPISODE 4.8

 

 

Scénario : Nancy Harris

Réalisation : Sam Donovan

After all, every decision has consequences... and there’s always a day of reckoning.

Résumé :

Après avoir corrompu sexuellement le juge, Stéphanie est acquittée de ses charges. Elle se réconcilie avec sa fille et donne une grande fête pour célébrer sa libération, à laquelle Belle est conviée. Désespéré de voir Hannah ne plus contrôler sa double vie, Ben exige qu’elle choisisse entre une vie avec lui et sa vie d’escort girl. Harry encourage Belle à se défaire totalement d’Hannah pour vivre avec lui. Quel sera le choix final de Belle ?…

La critique de Clément Diaz : 

Il est d’autant plus difficile de terminer une série lorsque les précédents épisodes n’augurent rien de bon. En arrivant au seuil du finale de Secret diary of a call-girl, le spectateur ne peut qu’être pessimiste : Poppy le boulet, Harry le bad boy lourd, le conflit trop abrupt Belle-Ben, voilà les trois arcs médiocres de la saison à clôturer en 22 minutes. Nancy Harris, surtout connue comme auteur de théâtre, doit déployer tout son métier pour parvenir à l’improbable : donner une fin satisfaisante. Elle parvient à limiter les dégâts de ses confrères, mais ne peut empêcher Harry de pénaliser la fin. Heureusement, la scénariste parvient à insuffler du suspense alors qu’Hannah se lève pour porter une ultime bataille contre son double. L’inoubliable coda, d’une émotion renversante, est la digne conclusion d’une série qui n’aura jamais cessé d’impressionner par sa qualité et ses audaces.

Le duel Belle/Hannah, raison d’être de la série, est logiquement au centre de ce finale. La sourde introduction résonne déjà de l’imminence du drame à venir, dans un étonnant miroir à un autre adieu porté par Billie Piper qui fit chavirer tant de fans : celui de Rose Tyler dans les premières secondes d’Army of ghosts/Doomsday de Doctor Who : « This is the story of how I died » : le final de Secret Diary est en effet la chronique d’une mort, celle d’une des personnalités de l’héroïne. On félicite l’épisode de supprimer simplement Poppy de l’équation, réduite à 3 apparitions silencieuses, cela fait un boulet de moins. Stéphanie quitte la scène sous les fleurs et les vivats, fêtant sa victoire avec une nouba à son image : phénoménale, sexy, lumineuse. Stéphanie est l’incarnation du second rôle parfait : dynamique, originale, poursuivant des buts proches des premiers rôles mais avec sa voie bien à elle, et bénéficiant d’une interprète enthousiaste : Cherie Lunghi, qui aura tout donné à la série avec tant de talent. Avec le recul, on reste frustré du sous-emploi de Charlotte (surtout avec Poppy et Harry à côté), personnage destroy, explosif, qui a donné le meilleur épisode la saison. Son dernier pied-de-nez nous vaut une scène hilarante, mais sonne a posteriori comme d'une ironie terrible envers Hannah, tout comme l’était le mariage Bambi-Byron. Merci à Gemma Chan de nous avoir enchantés. On apprécie aussi le retour de l’avocat du season premiere désormais épanoui dans sa vie privée (merci qui ?), le caméo rigolo de Melanie Brown, oui oui, l’une des Spice girls (Stéphanie tient à assurer le standing), et à travers quelques brefs flashbacks, des personnages importants du show comme Alex et Duncan.

Tout cela est fort bien, d’autant que le dernier client de la série, Lewis (très bon Iwan Rheon), surprend par sa complicité légère avec notre héroïne. Mais Lewis la questionne aussi sur son rapport à son métier et à sa vie personnelle : Hannah ne peut que mesurer l’échec de cette dernière, dû à sa volonté de se scinder en deux personnalités, et qui présage la scène finale. Cette bataille est métaphoriquement menée par les deux hommes de la vie de Belle : Ben, son amour raisonnable, et Harry, promesse de plaisirs et d’ivresses, dans un dilemme qui n’est pas sans rappeler le flamboyant Two lovers de James Gray. L’ultimatum désespéré de Ben saisit au cœur. Tout est en place pour un dernier tour de montagnes russes émotionnel, mais voilà Harry…

Pesante allégorie des dilemmes de l’héroïne, ce monument de « sexytude » arrogante est exaspérant. Paul Nicholls caricature un personnage déjà empesé dont le côté « bad boy » revendiqué toutes les dix secondes lui ôte tout charme, alors même que Belle est sensée perdre pied face à lui. Qu’il puisse supporter la double vie de Belle mieux que Ben ne fait aucun doute, mais il est si détestable que le dilemme en devient faussé. Et puis, on déteste voir Belle à l’état de proie, ce n’est pas le personnage d’être impuissante face à la domination masculine (on connaît un éditeur Londonien qui s’en est mordu les doigts…). Dialogues navrants et monolithisme fanfaron occupent dès lors une majeure partie de l’épisode.

Alors vient le miracle de la scène finale. Au son d’une des plus déchirantes chansons d’amour jamais composées (Someone like you d’Adèle), Hannah réalise qu’elle ne peut se détacher de Belle : quitter la prostitution de luxe reviendrait à nier sa vraie personnalité : Hannah n’est pas la « vraie femme » et Belle son « alter ego de luxe », c’est la même femme. Féministe revendiquée, Belle ne renoncera pas à elle-même, même pour son grand amour. D’où cette rupture, aussi logique que déchirante. De même on salue son refus de partir avec Harry : le personnage n’a jamais voulu faire dépendre son bonheur d’un homme. Pour une série renommée pour son comique, cette fin bouleversante de noirceur et de chagrin constitue bien une ultime transgression : pas de happy end Hollywoodien à la Pretty Woman ni une victoire de la morale incarnée par Ben, seulement un final logique et tragique. Mais ainsi, Hannah renonce au bonheur amoureux, et se condamne à une vie solitaire, semée de plaisirs éphémères, mais sans la joie réelle de l’amour. Lorsque la onzième heure sonne, Hannah meurt, et seule Belle survit. L’adieu ultime d’Hannah et Ben constitue bien l’une des plus bouleversantes fins jamais réalisées pour une série télévisée, portée à incandescence par Billie Piper et Iddo Goldberg, qui sortent le grand jeu des larmes et des regrets : un mélodrame fataliste de la plus belle eau, filmée avec la beauté crépusculaire de la mise en scène de Sam Donovan. Car ce n’est pas seulement l’amour que perdent nos héros, mais aussi cette magnifique amitié qui donnait tant de sens à leurs vies respectives. Ce lien chéri maintenant détruit se voit magnifiquement exprimé par le fondu au noir final, figurant symboliquement Belle entrant dans les ténèbres.

Ainsi s’achève avec brio Journal intime d’une call-girl, après quatre saisons de comédie pimentée, de drame moral, et de regards compatissants sur une société piégée par les fléaux du capitalisme, du culte de la performance, de la schizophrénie humaine. Ayant dépassé avec réussite son statut de simple adaptation d’aventures sexuelles d’une call-girl réelle, la série marqua par la force émotionnelle du portrait de sa drôle, touchante, et duelle héroïne et son proche entourage. Malgré la perfection de la scène finale, on éprouve la vive envie qu’un (télé)film fasse suite à la série, comme cela a été envisagé, ne serait-ce que pour espérer un meilleur destin à la si adorable Belle…

La critique d'Estuaire44 : 

On a vu souvent rejaillir le feu d'un ancien volcan qu'on croyait trop vieux. Il est, paraît-il, des terres brûlées donnant plus de blé qu'un meilleur avril. Après une saison hélas plus qu'en demi-teinte, où l’accumulation de choix malheureux aura fini par réellement impacter l'intérêt-même de la série, Secret Diary parvient à retrouver toutes ses couleurs pour ce final aussi enthousiasmant que dramatique. Dans son ensemble, le final opère un bilan tout à fait convaincant du parcours du Belle, conduisant inexorablement à une implacable conclusion. Les irrésistibles scènes du procès ou de la party chez Stéphanie nous permettent de totalement retrouver le pétillement des premières saisons, avec leur humour malicieux (Charlotte et Stéphanie superstars jusqu’au bout) accompagné d’une vraie étude de caractères.

L’émotion a d’ailleurs aussi voix au chapitre, notamment avec une Poppy disposant enfin d’une scène sonnant vrai quand elle étreint sa mère, un précieux instant de sincérité en lieu et place de son mauvais théâtre habituel. Keegan demeure par contre trop artificiel pour intéresser, mais nous en avons désormais pris notre parti. L’épisode s’offre même le luxe d’un ultime client particulièrement passionnant, original non par son excentricité, mais par sa relation avec Hannah. L’occasion d’un joli moment intemporel d’introspection, habile préambule à la décision définitive de Belle. Secret Diary rattrape ici partiellement son avant-dernier épisode de la saison, à peu près vide. Après le Onzième Docteur, Belle s’offre une rencontre de choix (et contrastée) avec l’ami des bêtes Ramsay Bolton, ou plutôt son excellent interprète, Iwan Rheon, l’un des meilleurs talents de Game of Thrones.

Ce moment de paix retrouvé s’impose avec une force singulière au sein d’une saison particulièrement chaotique (que cela soit de manière désirée ou subie). On y voit l’épiphanie voyant notre héroïne comprendre que Hannah peut subsister en tant qu’élément intégré de Belle, et non plus dans une dualité fatalement antagoniste. Subtilement souligné par la symbolique du Tower Bridge comme pont jeté entre deux rives, cet événement couronne l’intelligente narration nous ayant exposé en quoi la vie de Belle, aventureuse et festive, constitue un alcool trop capiteux pour que l’on y renonce (c’est dans le sang, comme l’énonce très justement Stéphanie).

Dès lors qu’Hannah n’est non pas annihilée, mais placée sous le joug de Belle, la rupture avec Ben résulte de facto consommée, et Belle en tire immédiatement les conséquences, avec une lucidité que l’on peut estimer non exempte de brutalité. Portée par le bouleversant Someone Like You d’Adèle, la formidable scène finale refuse courageusement le happy ending, en parfaite cohérence avec le parcours de Belle, quoique sans doute davantage cruelle encore pour Ben. Une conclusion sans doute plus vraisemblable que l’envol de Californication. Jusqu’au bout cette épatante série aura su conserver son identité anglaise et non américaine.

Anecdotes :

  • Le final de la série est écrit par Nancy Harris, auteure irlandaise de pièces de théâtre. Elle reçut en 2012 le prestigieux Rooney Prize for Irish Litterature.

  • Poppy (Lily James) ne prononce aucun dialogue dans cet épisode.

  • Comme l’épisode précédent le présageait, nous avons la confirmation que le nom de famille de Stéphanie est bien Charlton, comme nous l’apprenons lors de son procès.

  • Stéphanie donne sa réception à Hanson Hall. Il s’agit de la plus grande salle de réception du St Pancras Renaissance, un prestigieux hôtel cinq étoiles de Londres situé près de la gare de King’s Cross. Hanson Hall est souvent réservé pour des soirées luxueuses et spectaculaires, ce qui est un choix tout à fait logique pour Stéphanie !

  • Dans la scène finale, la chanson d'Adèle est supprimée hélas des DVD pour une stupide question de droits.

  • Ben donne rendez-vous à Hannah à « l’embankment », ce qui fait référence sans doute au Victoria Embankment, une artère de Londres longeant la Tamise, et située non loin du Palais de Westminster., "celle à qui nul n'échappe", elle est représentée portant les traditionnels attributs de la justice et conduisant un char mené par des griffons.

 

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Toucher le fond… (Broken - Part 1)