Beetlejuice (1988) Résumé : Adam et Barbara Maitland sont un jeune couple très amoureux et qui adorent leur maison. Malheureusement, suite à leur décès, ils doivent la hanter 125 ans. Ce qui risque d’être long surtout lorsque la famille Deetz, mélange de stupidité et de snobisme, emménage « chez eux » ! Ils veulent à tout prix les chasser.
Critique : Un bon moment que ce film, une comédie horrifique pleine de trouvailles et de drôleries. Dommage que sa structure soit plus celle d’un film à sketches (certes bons) que d’une véritable histoire. On évolue entre le burlesque (scène du mambo) et la poésie macabre (têtes réduites). Cette présence du comique dans le macabre va devenir un marqueur du réalisateur au point que l’on pourra à bon escient créer l’adjectif « burtonien » ; un style immédiatement reconnaissable. La structure du film est celle de mondes emboîtés et cela commence dès l’ouverture qui est un trompe-l’œil ! Le spectateur est ainsi saisi d’emblée par ce souple mouvement de caméra qui fait dérouler une ville sous nos yeux en même temps qu’une musique entraînante, très dynamique captive l’oreille ; à la fois étrange et drôle. Mais cette ville est une maquette, la reproduction à l’identique de la vraie ville ! Peut-être une manière pour Tim Burton de dire que deux mondes se superposent. Il pousse même l’entourloupe plus loin avec la manière dont il nous présente, en même temps qu’à ses protagonistes, qu’ils sont morts ! On apprécie aussi l’ironie du « Manuel pour personnes mortes ». Ces mondes emboîtés sont bien évidemment ceux des vivants et des morts et il y a déjà un thème « burtonien » avant la lettre dans la manière dont ils nous sont présentés. Celui des vivants n’a rien de spécial et on sent bien qu’il n’intéresse pas Burton qui le caricature à travers la famille Deetz. Par contre, le monde des morts ! Quand les Maitland cherchent de l’aide pour se débarrasser des nouveaux venus, ils arrivent dans une salle d’attente aux tons jaunes et verts sales, glauque et, après une longue attente (!) rencontrent leur « assistante sociale », Junon, à qui Sylvia Sydney donne une allure élégante – même si la fumée de sa cigarette lui sort par le cou ! – et un peu blasée. La représentation de la Vie éternelle est à la fois hilarante et déroutante : c’est une bureaucratie formaliste, débordée, absolument dénuée de sentiments (« Les resquilleurs seront punis de la double peine capitale », déjà la lutte contre la fraude !). Ultérieurement, le monde des morts sera plus coloré et plus « vivant » chez Burton qui se cherche encore dans cet opus. Notons un fait étrange dans cette salle d’attente : les morts qui patientent (l’éternité c’est long surtout vers la fin !) portent les stigmates de la manière dont ils sont décédés mais pas les Maitland ! Pour habiter ces mondes emboîtés, il fallait des personnages « habités » justement et là aussi, c’est festival ! D’un côté, nous avons la « normalité » des Maitland mais ils sont morts ! Le couple Maitland nous a été présenté en quelques saynètes pleines de joie de vivre. Alec Baldwin et Geena Davis débordent d’énergie et on croit d’emblée à leur couple désireux de profiter de leurs vacances pour fonder une famille et profiter de leur maison qu’ils adorent. Beaux projets interrompus par leur décès. Un décès qui est loin d’être filmé comme une tragédie, presque comme un gag ! De l’autre côté, la famille Deetz est un joli morceau de bravoure ! Charles est très terre-à-terre, Délia est une artiste « branchée » d’un snobisme stupide et la fille de Charles, Lydia, une gothique. On comprend que les Maitland soient effondrés ! Commence un long moment de « cohabitation » entre des morts essayant maladroitement de faire peur (les clichés sur les fantômes sont passés à la moulinette d’une ironie mordante façon « Le fantôme de Canterville » d’Oscar Wilde) et des vivants qui sont loin de tout cela. Sauf Lydia qui voit le couple défunt. Dès sa première scène, Wynona Ryder a crevé l’écran et imposé sa présence. Bien que plus jeune que Jeffrey Jones et Catherine O’Hara, elle profite de son large temps de présence pour leur voler la vedette. La connexion avec Alec Baldwin et Geena Davis est aussitôt une évidence. Elle incarne une fille malheureuse mais sensible en quête d’une raison d’aimer vivre.
C’est tardivement dans le récit que survient le personnage qui lui donne pourtant son titre ! Beetlejuice nous a d’abord été présenté via une publicité à la télé puis les Maitland font appel à lui pour chasser les Deetz. C’est en effet un « bio-exorciste » que le film « L’Exorciste » (vu 2749 fois) fait « rire comme un bossu » ! A la base, Tim Burton voulait Sammy Davis Jr pour le rôle mais la Warner refusa. C’est le producteur David Geffen qui suggéra Michael Keaton. Lequel commença par refuser le rôle car il trouvait le personnage haïssable mais Burton insista et se dit ouvert à tout ce que Keaton pourrait proposer. L’acteur crée un clochard sorcier friand de blattes totalement déjanté, excentrique, d’une grossièreté confondante ! Il va aider les Maitland mais à sa sauce et c’est un mélange de fantaisie délirante et d’horreur ; en outre, le serpent dont il prend la forme a un visage qui n’est pas sans évoquer le Joker de Batman…le film suivant de Burton. Le nom du personnage est « Bételgeuse » ainsi que l’on peut le voir à plusieurs reprises car Michael McDowell faisait référence à l’étoile souvent citée chez Lovecraft mais la Warner se décida pour « Beetlejuice » plus facilement prononçable ! Le final est le meilleur moment du film car il joue sur plusieurs plans simultanément. On a une part dramatique avec Lydia qui veut se suicider et Barbara qui la réconforte (« Être mort ne rend pas la vie plus facile » ; ce film est un festival d’aphorismes délicieux !), loufoque avec les Deetz qui veulent créer un « centre paranormal », un parc d’attraction et un hôtel de luxe car avoir des fantômes chez soi apportent un cachet et une plus-value !!!, le macabre avec la séance de spiritisme qui tourne mal puisque les Maitland risquent de mourir (!), le délirant avec la façon dont Beetlejuice sauve ses clients – une prestation hallucinante de Michael Keaton qui s’est emparé du rôle avec une autorité qui donne une force à chacune de ses apparitions – et on termine avec l’atroce et l’abjecte façon dont le « bio-exorciste » veut se payer de ses efforts. Malgré la tension grandissante et les manières outrancières de Beetlejuice, le spectateur n’a cessé de sourire voire de rire franchement tellement le grotesque est partout. Les dernières scènes montrent qu’un modus vivendi a été trouvé mais c’est surtout Lydia qui est transformée et le sourire, la joie de vivre retrouvé ainsi que l’énergie mise par Wynona Ryder dans ces dernières scènes qui sont toutes pour elle fait vraiment plaisir par leur tendresse. Finalement, mourir n’apparaît pas si terrible !
Anecdotes :
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