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Dracula, prince des ténèbres (1966)Une messe pour Dracula (1970)

Saga Hammer

Une messe pour Dracula (1970)


UNE MESSE POUR DRACULA
(TASTE THE BLOOD OF DRACULA)

Résumé :

Trois bourgeois victoriens en mal de sensations fortes participent à une messe noire qui tourne mal et qui permet la résurrection du comte Dracula. Lequel entreprend de venger son serviteur victime des trois coquins.

Critique :

Avec ce film, la Hammer commence à entrevoir son déclin. Malgré une idée intéressante et originale, cette quatrième histoire du comte Dracula tourne un peu à vide et convainc nettement moins. La faute à quelques erreurs factuelles, à un casting moyen, à un final très médiocre et, aussi, à un Christopher Lee pas très motivé.

L’idée de la vengeance n’aurait rien eu d’originale (c’était le thème du 3ème) si, pour une fois, le comte ne faisait pas preuve d’un peu d’altruisme. Il veut punir les trois imbéciles qui ont été complètement dépassés lors de la messe noire (une des meilleures scènes avec un Ralph Bates qui faisait ses débuts et montre déjà un charisme intéressant) et ont retourné leur peur en violence contre le serviteur du comte qui voulait ramener celui-ci à la vie. Ce qui est le cas au terme d’un procédé absolument pas canonique et, pour tout dire, disons, surprenant, pour rester courtois. Dracula va alors utiliser les enfants des trois bourgeois pour les retourner contre eux et les assassiner. Nouveau Monte-Cristo, Dracula collectionne les succès comme jamais !

Le portrait des trois Stooges est intéressant. Sous la respectabilité bourgeoise, ce sont trois jouisseurs. On lorgne vers une ambiance à la Dorian Gray ou à la Jekyll. William Fargood est un ivrogne à qui Geoffrey Keen donne à la fois une force brutale, un vernis social et le montre aussi répugnant que possible. Peter Sallis incarne Samuel Paxton, le suiveur de la bande que sa lâcheté conduira à sa perte au terme de scènes alternant émotion (on songe à Arthur Holmwood du Cauchemar) et horreur. Le dernier, Jonathan Secker, est joué par John Carson, que l’on connaît bien et qui tient là son meilleur rôle pour la Hammer ! C’est l’originalité de cet opus : les « héros » n’en sont pas. La victoire finale ressemble à celle du précédent film en encore moins bien.

La faute des pères retombera sur les enfants. C’est très biblique comme problématique pour un film sur Dracula ! Mais c’est très intéressant car le film développe une thématique sur les luttes générationnelles et il est dommage que le film manque d’énergie. Pour les enfants, mis à part un jeune homme inintéressant, il y a deux jeunes femmes et l’on retrouve évidemment le schéma classique avec cette petite nuance que l’une d’entre elle, Alice, jouée par Linda Hayden, est soumise mais toujours vivante. Ce qui est d’ailleurs invraisemblable. La jeune actrice avait été choisie pour donner une image d’innocence et c’est pleinement réussi sur ce plan. Elle participe pleinement à l’action et est un atout pour le film. L’actrice n’a cependant pas le charme ni le talent de Veronica Carlson ou de Barbara Shelley. Quant à son fiancé, il est là pour se plaindre du père, tourner en rond puis devenir un héros dans les dix dernières minutes. On a connu des évolutions plus convaincantes ! Par contre, le rôle du policier, qui devrait être parfaitement anecdotique, puisqu’il ne sert à rien, est transcendé par Michael Rippert, un habitué de la Hammer qui parvient à s’imposer.

La Hammer a fait des efforts pour ce film, notamment financiers. Les décors sont nombreux, soignés et parfaitement adaptés à chaque ambiance. On a ainsi le bordel très coloré (avec quelques nus fugaces, signe de l’évolution du studio vers plus d’érotisme et de violence), les appartements cossus de nos bons bourgeois et, bien sûr, la chapelle où se passe l’essentiel de l’action. Son habillage pour la messe noire est très réussi. Les décorateurs ont réussi à marier les ruines traditionnelles à un nouveau décor.

Peter Sasdy hérite d’un rôle compliqué avec celui de réalisateur de cet opus. Il s’y applique et c’est plutôt pas mal. La manière dont il filme la prostituée qui danse avec un serpent (emprunt aux Deux visages du docteur Jekyll) est rapide, fluide, restituant l’atmosphère licencieuse et fin de siècle. Citons également la fuite d’Alice devant son père ivre qui est tendue et ne s’apaise qu’avec l’apparition de Dracula ! Le monstre devient le sauveur ! La mise à mort de Paxton est un moment vraiment horrible par la violence de la scène…même si le sang, d’un très beau rouge que Terence Fisher aurait adoré (on a aussi le miroir que le réalisateur affectionne) jaillit d’une manière pas tout à fait convaincante. Enfin, la défaite de Dracula est filmée avec une énergie maîtrisée, rapide car le monstre est brutalement désorienté mais brève pour en accentuer la force. Dommage alors que Christopher Lee en fasse trop et que ce final s’avère, au final, décevant. Un peu à l’image du film.

Anecdotes :

  • Sortie anglaise : juin 1970  Sortie américaine : 16 septembre 1970 Sortie française : 7 octobre 1970

  • Scénario : John Elder

  • Réalisation : Peter Sasdy. Né en Hongrie, il émigre en Grande-Bretagne en 1956 et travaille pour la télévision avant d’être engagé par la Hammer. Une messe pour Dracula est son premier film. Il tourne ensuite La fille de Jack L’Éventreur (1971) et Comtesse Dracula la même année puis se fixe au Canada en 1975 et se consacre à la télévision : Le retour du Saint, (1978-1979), La maison de tous les cauchemars (1980).

  • Quand Paul porte Lucy, censée être morte, dans ses bras, on voit très nettement le bras de l’actrice bouger. Son partenaire ne devait pas bien la tenir !

  • Christopher Lee annota sa copie du scénario marquant sa frustration : « Ridiculous » écrivit-il p. 99

  • Christopher Lee demandait plus cher pour reprendre le rôle. La Hammer tenta de le remplacer par Ralph Bates mais la Warner refusa de financer le film sans Lee.

  • A l’origine, le film devait être un « Dracula sans Dracula » à la manière des Maîtresses de Dracula.

  • Dans la plupart des copies exploitées du film, de notables coupes furent pratiquées puis ultérieurement corrigées. L'essentiel des coupes concernait la séquence de visite de la maison close par les trois bourgeois.

  • Épuisé et en mauvais terme avec la Hammer, Anthony Hinds démissionna du conseil d’administration le 20 mai 1970. En 1987, Don Sharp dira : « Je pense que personne ne pouvait remplacer Tony Hinds avec cette même compréhension des intrigues de base pouvant s’adapter à tous les genres (…). Pour moi, Tony Hinds était la Hammer. »

  • L'acteur Vincent Price devait initialement assurer le rôle d’un quatrième bourgeois convié à la messe satanique. Mais le budget trop restreint obligea la production à libérer le comédien de son contrat.

  • Linda Hayden/Alice Fargood : actrice anglaise, elle débute dans un rôle de Lolita avec Baby Love (1968). Elle accepta le rôle d’Alice en partie parce qu’elle ne devait pas ôter ses vêtements. Elle joue ensuite dans Blood on Satan’s Claw  (1971) considéré comme son meilleur film et aussi Vampira (1974). Elle se retire en 1984.

  • Anthony Corlan /Paul Paxton : acteur britannique né Anthony Higgins, vu au cinéma dans Promenade avec l’amour et la mort (1969), Le cirque des vampires (1972), Flavia la défroquée (1974), Les aventuriers de l’arche perdue (1981), Le secret de la pyramide (1985). A la télévision, on a pu le voir dans Meurtre à l’anglaise (2004), Miss Marple (2010).

  • Geoffrey Keen/William Fargood : acteur britannique (1916-2005), vu au cinéma dans L’île au trésor (1950), Rapt (1952), Face the Music (1954, de Terence Fisher), Coulez le Bismarck (1960), Le docteur Jivago (1965). Il tint le rôle récurrent du ministre de la Défense Frédérick Gray dans James Bond  entre 1977 et 1987.

  • Peter Sallis/Samuel Paxton : acteur anglais (1921-2017). En 2007, il est élevé officier de l’Ordre de l’Empire britannique. Il a fait l’’essentiel de sa carrière à la télévision : L’Homme invisible (1959), Destination Danger (1961), Chapeau melon et bottes de cuir (1964), Docteur Who (1967), The Troubleshooters (1970), Amicalement vôtre (1971), Les rivaux de Sherlock Holmes (1973), Last of the summer wine (1973-2010 : il est le seul acteur présent dans les 295 épisodes), Les fantômes du château (1976-1978).

  • John Carson et Michael Rippert sont des habitués de la Hammer.

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