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La malédiction des Pharaons (1959)La nuit du loup-garou (1961)

Saga Hammer

Les Deux Visages du Docteur Jekyll (1960)


LES DEUX VISAGES DU DOCTEUR JEKYLL
(THE TWO FACES OF DR JEKYLL)

Résumé :

Chercheur obsédé par la double nature de l’homme, le docteur Jekyll teste sur lui une drogue qui libère un homme charmeur et dangereux, Mr Hyde. Jekyll tente de reprendre le contrôle.

Critique :

Une adaptation intéressante du célèbre roman de Stevenson mais, passé la bonne surprise de l’inversion (ici Hyde est un beau jeune homme et Jekyll un homme vieilli), le film ne développe pas grand-chose et compense par beaucoup de va et viens. Dommage car Fisher a bon œil. Les acteurs sont corrects, mais pas beaucoup plus.

C’est en effet un film qui manque d’imagination. Ainsi, Jekyll incarne la classique figure du savant obsédé par ses recherches. La comparaison avec Frankenstein saute aux yeux et tourne au désavantage de Jekyll. Classiquement, le film commence par un exposé que fait un Jekyll très sûr de lui sur les deux forces en présence chez chacun à un ami, le docteur Ernst qui tient le rôle du témoin (et de voix de la raison) et sert à Jekyll à développer ses arguments. Le cadre est posé en cinq minutes : un savant isolé, aux recherches controversées obsédé par son travail et qui néglige femme et maison. Pour sa maison, on n’en sait rien mais, pour sa femme, c’est une évidence puisqu’elle a un amant, un dénommé Paul Allen, jouisseur de profession. Voilà qui aurait pu permettre de faire quelque chose de nouveau. Mais le scénario se calque beaucoup trop sur le déroulement du roman.

Évidemment que Jekyll va tester la drogue sur lui. C’était bien vu de le faire hésiter avant le saut fatidique car cela le fait entrer dans la dimension tragique. Habilement, Terence Fisher va filmer la transformation de face (tremblement, regard fixe) avec changement de musique mais le résultat est filmé d’abord de dos. C’est en passant sous une lumière que Jekyll se rend compte qu’il a pris les traits d’un bel homme. A l’issue d’une soirée dans un cabaret du demi-monde que Terence Fisher va se faire un plaisir de filmer sous tous les angles possibles avec une prédilection pour les numéros de danse, il a la première crise : il se parle à lui-même avec deux voix. Une façon habile de traiter le conflit intérieur et de le rendre visible.

Tout le film va montrer le plan de Jekyll/Hyde pour se venger de sa femme et de Paul Allen. On aurait pu avoir une vision du Londres d’époque ou interlope. Quelques saynètes gentillettes sont censées nous le représenter. Mais, on ne parvient pas à s’y intéresser parce que les personnages sont sans relief. Jekyll est interprété par Paul Massie qui, pour le rôle, porte une fausse barbe plutôt criante. Il sera bien plus convainquant dans son interprétation de Hyde, notamment par la fixité de son regard très dérangeante mais complètement dans le rôle. Il n’empêche qu’il est très fade. Christopher Lee, de son côté, n’arrive pas à animer son personnage. C’est trop plat. En outre, Paul Allen est aussi peu attachant que Jekyll. A aucun moment, le spectateur ne s’intéresse vraiment à eux. C’est toute la différence avec Frankenstein où, malgré soi quelque part, on est aux côtés du machiavélique docteur parce que sa folie scientiste fascine. Jekyll est obsédé par son travail. Il n’est pas le premier ! Il manque clairement du grain de folie nécessaire.

Il y a cependant une exception, Dawn Addams. Elle perpétue avec talent la tradition des jolies femmes de la Hammer. En plus, elle a un vrai rôle, sachant interpréter les différentes facettes de Kitty : épouse recevant une relation de son mari avec urbanité, coquette se laissant conter fleurette, amoureuse sincère. Elle est vraiment la carte maîtresse d’un film qui n’aurait pas eu grand intérêt sans elle. Elle est ainsi bouleversante quand Kitty se réveille en tenue de prostituée et découvre le corps de son amant. Le gros plan sur son visage rend compte du chagrin et de la détresse de cette femme. Avec une certaine cruauté, Fisher passe de la femme brisée à une salle joyeuse. Entre les deux, une verrière.

La victoire de Hyde n’est pas une surprise mais elle est montrée d’une manière intéressante. Fisher la filme en se centrant sur la main qui écrit à la plume (nous sommes en 1874) et qui se met à trembler pour continuer à écrire d’une façon différente. Le procédé est habile et sera repris dans « Double identité » de Chapeau melon et bottes de cuir quelques années plus tard.

Anecdotes :

  • Le film sortit en France le 25 juin 1969 en toute illégalité.

  • Scénario de Wolf Mankowitz (1924-1998) : ce fils d’un émigré russe écrivit en 1952 Faites-moi une offre qui fut un succès et fut adapté pour la télévision et le cinéma. On lui doit notamment le scénario de Casino Royale (1967). Il fut aussi imprésario de théâtre et écrivit des comédies musicales (Pickwick, 1963). Son style de vie extravagant le mena à la faillite en 1981.

  • Réalisation de Terence Fisher.

  • A l’époque, Christopher Lee était un peu en délicatesse avec la Hammer parce qu’il avait refusé de reprendre le rôle de Dracula pour jouer d’autres rôles. Du coup, il lui fut confié un temps des seconds rôles (comme ici ou dans Le Chien des Baskerville). La même année, il tourna La Corde et le fouet en Italie.

  • En 1966, Serge Gainsbourg écrivit la chanson « Dr Jekyll et Mr Hyde »

  • Le film connut un échec commercial.

  • L’étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde : roman écrit en 1886 par Robert Louis Stevenson. Dans le roman, Hyde est un nabot répugnant. L’ouvrage connut de très nombreuses adaptations. La première est un court-métrage muet de 1908.

  • Le docteur Jekyll est un des personnages de la Ligue des Gentlemen Extraordinaires.

  • Jekyll : mini-série (6 épisodes) créée par Steven Moffat en 2007. Le Docteur Tom Jackman est à la fois un tranquille père de famille, discret et effacé, et Hyde, un personnage fantasque et violent. Désirant à tout prix cacher ce dédoublement à ses proches, Jackman a « signé un pacte» avec son double maléfique. Dans l'espoir de cohabiter pacifiquement, ils communiquent par l'intermédiaire d'un dictaphone et d'une « infirmière ». Mais un jour, ils découvrent tous deux qu'une organisation secrète s'intéresse à leur existence. Au casting, James Nesbitt (Match Point, La loi de Murphy) incarne Jackman et Hyde.

  • Paul Massie/Docteur Jekyll et Mister Hyde : né Arthur Dickinson Massé (1932-2011), cet acteur canadien commença dans Ordre de tuer (1958). Il tourna notamment dans Chapeau melon et bottes de cuir (1965), Les médecins (1969-1970). il devint professeur de théâtre à l’Université de Floride du Sud (1970-1996).

  • Dawn Addams/Kitty Jekyll : actrice anglaise (1930-1985), elle joua dans Un roi à New York (1957, de Charlie Chaplin), Le diabolique docteur Mabuse (1960, de Fritz Lang), The Vampire Lovers (1970, de Roy Ward Baker). Retirée dans les années 70, elle décéda d’un cancer.

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