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Frankenstein et le monstre de l’enfer (1974)Le Chien des Baskerville (1959)

Saga Hammer

Le redoutable Homme des neiges (1957)


LE REDOUTABLE HOMME DES NEIGES
(THE ABOMINABLE SNOWMAN)

Résumé :

Jon Rollason, éminent botaniste, décide de rejoindre une expédition menée par Tom Friend dans les montagnes de l’Himalaya. L’objectif est de percer les mystères du yéti.

Critique :

Un des premiers Hammer d’envergure avant le succès de la veine « gothique ». Si l’interprétation est parfois un peu théâtrale, les décors sont impressionnants, les scènes d’escalade excellentes, les trucages réussis ; il y a des moyens dans cette production et cela se voit. L’histoire est simple mais la réussite vient du fait que le scénario refuse l’aventure facile pour privilégier la fibre psychologique et le contemplatif. Val Guest sait parfaitement filmer cela. Il multiplie les plans sur les montagnes renforçant petit à petit le côté « surnaturel » et mettant le spectateur en condition pour le final.

La base de l’histoire est un classique que n’aurait pas renié Henri Vernes pour un Bob Morane et la composition de l’expédition Friend renforce cette impression. Si Jon Rollason est un savant idéaliste à qui Peter Cushing apporte un profond humanisme (amusant quand on sait que Peter Cushing va prochainement jouer Frankenstein !), il reste un peu en retrait. Le charisme est déjà là mais l’acteur n’a pas encore le plein impact qu’il aura bientôt. Tom Friend est un fort en gueule, un aventurier au sens le moins romantique du terme. Il est assisté d’un Edward Shelley qui ne songe qu’à piéger le yéti et, plus étrange, par un photographe Jock McNee. En fait, ce personnage incongru par sa sensibilité est le premier indice que nous ne sommes pas dans un simple film d’aventure.

C’est la « conférence » que fait Rollason qui montre le basculement. L’origine du yéti est rapportée avec un minimum de scientificité qui rend le discours « acceptable » pour un esprit rationnel. Sauf que l’interprétation que donne Rollason de l’évolution tient davantage du discours moral et montre une profonde réflexion sur soi et sur ce que veut dire « être un homme » (au sens de « appartenir à l’espèce humaine »). C’est à partir de là que les personnages exposent leurs motivations mais ce moment convenu prend de l’ampleur dramatique parce que ces discours sonnent vrais ; ce ne sont pas de simples morceaux de textes plaqués artificiellement sur l’histoire. Ils définissent réellement ce que sont les personnages et évitent également tout manichéisme puisque même Friend acquiert une profondeur psychologique. L’interprétation de Forrest Tucker (qui apparaît en premier au générique, signe du statut encore mineur de Peter Cushing) en fait un homme mercantile certes mais qui ne s’illusionne pas sur lui-même. Il n’est pas dénué d’émotions ni seulement motivé par la cupidité. De fait, le film fait l’économie d’un « méchant ».

Cela lui permet de se concentrer sur sa dramaturgie. Et c’est là que le personnage de McNee joue un rôle important. Il « entend » les yétis ; il a un « contact » psychique avec eux. Rollason parle de « transe » ; état que le spectateur a déjà vu auparavant mais chez le lama qui donne l’hospitalité aux voyageurs et qui a mis en garde sur le danger de l’expédition. Ce qui était une figure classique (sans mise en garde, pas de bravoure du héros) devient inquiétant. Quant à « l’hypersensibilité » de McNee, c’est une façon commode pour annoncer tout en le masquant un souffle fantastique sur le film. Le procédé rappelle Edgar Poe et la sensiblerie des nerfs du héros, particulièrement dans La Chute de la maison Usher. La réussite du film tient dans la parfaite interprétation des acteurs qui donnent à voir le dérèglement de leurs sens et trouvent cependant toujours une « explication » plausible aux phénomènes. Ressort classique du fantastique !

Le film baigne dans une grande humanité. Si l’on trouve la figure traditionnelle de l’Anglais en expédition, il est indéniable que son mépris pour les « superstitions » locales n’est pas partagé. Rollason traite au contraire avec grand respect le lama et écoute ses avertissements. Même Friend ne prend pas de haut les indigènes. Certes, la Hammer n’innove pas avec ses personnages de « Tibétains » très superficiels et superstitieux mais le personnage du lama est vraiment intéressant et interprété avec dignité et sans excès d’onctuosité.

C’est véritablement le yéti qui est considéré avec le plus grand respect. Du « redoutable homme des neiges », nous ne verrons presque jamais rien. La Hammer ne fera pas mieux dans le genre « rétention de l’information » et suggestion ! Tous les moments forts sont suggérés par le son et jamais montré. Des coups de feu sont tirés mais on ne voit jamais sur quoi. Toutes les descriptions sont faites par les discours et on notera le troublant portrait que Rollason trace du visage du yéti. Quelque part, et c’est intéressant pour un film de 1957, l’espèce humaine est sévèrement remise à sa place !

Anecdotes :

  • Sortie anglaise : 26 août 1957 Sortie US : novembre 1957 Inédit en France

  • Scénario de Nigel Kneale. Il adapte une histoire pour la télévision, The Creature, qu’il avait lui-même écrite.

  • Le tournage se déroula dans les Pyrénées et dura 10 jours.

  • Réalisation de Val Guest. Valmont Guest (1911-2006) commença comme acteur puis scénariste sur des comédies dans les années 1930. Son premier film comme réalisateur est Miss London Ltd (1943). En 1951, il fonde la société de production Conquest Production. En 1954, il entre à la Hammer et réalise les premiers films en couleur de celle-ci (La revanche de Robin des Bois, 1954). Suivront Le jour où la Terre s’arrêta  (1961), Casino Royale (1967, co-réalisateur), Quand les dinosaures dominaient le monde  (1970).

  • Curiosité : l’épouse de Rollason s’appelle Helen. C’est le prénom de l’épouse de Peter Cushing qui joue Rollason !

  • Forrest Tucker/Tom Friend : acteur américain (1919-1986), il a joué dans Le cavalier du désert (1940), Les indomptés (1946), L’homme du Nevada (1950), Pony Express  (1953), Les rôdeurs de l’aube (1955). Il tourna aussi pour la télévision : Columbo (1972), La petite maison dans la prairie (1975).

  • Maureen Connell/Helen Rollason : actrice britannique née à Nairobi (Kenya, à l’époque colonie britannique), vue au cinéma dans La route de l’ivoire (1954), Traqué par Scotland Yard (1957), Contre-espionnage à Gibraltar (1958). Elle a également tournée pour la télévision : The count of Monte Cristo (1956), ITV Television Playhouse (1956, 1958, 1960), Espionage (1964). Elle ne tourne plus depuis 1972. Elle fut l’épouse de John Guillermin.

  • Richard Wattis/Fox : acteur britannique (1912-1975), vu au cinéma dans Il importe d’être constant (1952), Les indomptables de Colditz (1955), L’homme qui en savait trop (1956), La nuit est mon ennemi (1959), Le Jour le plus long (1962), Les aventures amoureuses de Moll Flanders (1965), Gonflé à bloc (1970).

  • Robert Brown/Edward Shelley : acteur britannique (1921-2003), vu au cinéma dans Passage Home (1955), La vallée de l’or noir (1957), Un million d’années avant JC (1966), Les sept cités d’Atlantis (1978). Il incarna M, le supérieur de James Bond, dans quatre films entre 1983 et 1989. Il a aussi tourné pour la télévision : Ivanhoé (1958-1959), Le Saint (1963, 1964), Chapeau melon et bottes de cuir (1965), Columbo (1975).

  • Michael Brill/Andrew McNee : acteur britannique (1928-2011), il n’a pratiquement tourné que pour la télévision : Robin des Bois (1956), The Vise (1957-1958), Emergency Ward-10 (1965), The Adventure of the Prince and the Pauper (1969).

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