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Le Chien des Baskerville (1959)L’homme qui trompait la mort (1959)

Saga Hammer

La malédiction des Pharaons (1959)


LA MALÉDICTION DES PHARAONS
(THE MUMMY)

Résumé :

A la fin du XIXème siècle, trois archéologues anglais découvrent en Égypte le tombeau d’une grande prêtresse, Ananka. Malgré les mises en garde d’un mystérieux Égyptien, ils entrent dans le tombeau. L’un d’entre eux va devenir brusquement fou puis périr assassiné. La malédiction est en marche !

Critique :

Un film splendide de l’époque inventive de la Hammer. Il règne une énergie, un allant qui transcende le manque de moyens, à commencer par « l’Égypte » plus que reconstituée en studio ! Mais l’histoire est solide, rythmée, monte progressivement en tension pour finir en apothéose. Chose rare, il y a même de courtes scènes d’humour ! Les acteurs sont en forme. On tient un des chefs-d’œuvre de la Hammer.

Qui dit malédiction dit maudits. Depuis Toutankhamon, c’est bien connu. On se doute que l’équipe d’archéologues est concernée mais l’originalité de Jimmy Sangster c’est d’en faire une famille. Il y a le père, Stephen Banning, à qui Félix Aylmer confère une allure à la fois bonhomme mais digne, absolument pas l’archéologue excentrique ou rapace, un père aimant et proche de son fils ; le frère, Joseph, campé plus classiquement par Raymond Huntley et le fils, John Banning joué par le grand Peter Cushing qui réalise une performance formidable, bon dans l’émotion (scène où il rend visite à son père affaibli) mais encore meilleur en homme déterminé. Pendant un temps, on se demande si Yvonne Furneaux n’est pas seulement la caution féminine, une jolie mais anecdotique silhouette et on aurait tout faux ! Les malédictions se mettent en branle de deux façons : soit les « victimes » les activent d’elles-mêmes (à leur insu bien sûr) soit elles sont guidées par des sectateurs, disons des cultistes pour faire un clin d’œil à Lovecraft (qui écrivit lui-même pour Houdini Prisonnier des Pharaons en 1924). C’est l’option retenue ici avec Méhemet, joué avec brio par George Pastell. Mettre en garde les « profanateurs » c’est courant mais, ici, la vigie est aussi le bourreau et l’acteur met une force dans son jeu qui le rend menaçant même sous un vernis mondain. La scène qu’il partage vers la fin avec Peter Cushing est fantastique par la courtoisie absolue que mettent à se parler deux hommes dont l’un sait que l’autre veut l’assassiner ! Il faut aussi écouter les arguments de Méhemet pour qui les « profanateurs » doivent être punis. Un discours d’une grande actualité !

Une malédiction vient toujours de quelque part. C’est quelque chose qui n’est pas désincarné. Le scénariste saisit le moment de calme qui vient après le premier meurtre pour revenir en arrière et exposer les tenants et les aboutissants. Le moment est important car le spectateur n’a pas besoin de tout savoir d’emblée, cela sacrifierait la tension et enlèverait tout rythme et surtout tout suspense. Il y a menace mais la victime, à la différence du spectateur, ne le sait pas. En exposant après le meurtre, le pourquoi de la malédiction, Jimmy Sangster relance le film et alourdit la menace sur les survivants qui, eux, ont désormais une chance. Tout ce passage dans « l’Égypte ancienne » fait gentiment sourire par la reconstitution aussi crédible que les fresques de Cnossos remaniées par Lord Evans. En clair, c’est du toc.

Parler de « sacrifices sanglants » est une pure invention du scénariste destinée à effrayer le spectateur. Si l’on a tué autrefois pour protéger la sépulture de la grande prêtresse Ananka, on peut tuer à nouveau ! Deux éléments sont à retenir néanmoins. Le premier, c’est la pudeur de Terence Fisher. Lorsqu’il filme la momification d’Anaka, il veille à montrer le moins possible le corps nu d’Yvonne Furneaux. Il filme de loin, place une colonne pour masquer la poitrine. Quel contraste avec le traitement plus « sensationnaliste » qu’adoptera le studio dans les années 70 ! Ensuite, Kharis, le grand prêtre, est incarné par Christopher Lee. On constate qu’en cette année 1959, il reste largement un second rôle pour la Hammer malgré le succès du Cauchemar de Dracula l’année précédente. L’acteur donne une allure grandiose, d’un sérieux papal à cet homme qui va commettre une profanation et en payer le prix.

Une malédiction a besoin d’un bras armé et quoi de mieux qu’une momie pour venger la profanation d’un tombeau égyptien ? En momie, Christopher Lee se débrouille très bien. Il a une allure dégingandée qui met mal à l’aise car la haute taille de la momie (« Au moins 2,50 mètres » selon un témoin !) lui confère d’emblée quelque chose de menaçant. Dans cette démarche, on retrouve également un peu de la créature de Frankenstein mais, son maquillage de boue séchée et le fait que la momie soit éveillée puis guidée par un parchemin (que l’invocation soit lue en anglais ne dérange semble-t-il personne !) l’apparente davantage au Golem de la Kabbale juive. Le Golem avait pour mission de protéger la communauté juive de Prague. Entre protéger et venger, il y a peu de chemin.

Mais une malédiction se terrasse finalement. C’est là qu’Yvonne Furneaux se révèle pleinement. Elle a profité de son temps de jeu pour donner un peu de crédibilité à son rôle d’épouse de Peter Cushing. Ça ne fonctionne pas tout à fait mais il est vrai qu’il est difficile d’exister aux côtés de cet acteur charismatique. En revanche, et Terence Fisher a raison d’insister, elle a des yeux magnifiques ; des yeux qui l’apparentent à travers les âges à Ananka. Avec habileté, le scénariste a comme « répété » la scène où Christopher Lee tente (une nouvelle fois !) de tuer Peter Cushing. Du coup, le spectateur a une crainte (car la tension est forte) et un espoir en même temps. Les scènes sont à la fois proches et différentes, si bien que, à la fois, on pressent ce qui va arriver, quel rôle important Yvonne Furneaux va jouer ; on se demande jusqu’au bout comment l’histoire va finir.

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Anecdotes :

  • Scénario de Jimmy Sangster

  • Réalisation de Terence Fisher

  • Sortie anglaise : 25 septembre 1959 Sortie France : 30 décembre 1959

  • La marche de la momie par Christopher Lee n’était pas évidente. En plus des blessures au dos et à l’épaule, il s’est également blessé aux genoux et aux tibias en faisant des scènes dans le « marais» du studio - il ne pouvait pas voir où étaient les divers tuyaux et raccords sous l’eau marécageuse.

  • Une porte que Christopher Lee doit percer a été accidentellement verrouillée avant que la scène ne soit prise. L’épaule de Lee a été disloquée quand il a cassé la porte, mais la scène reste dans le film.

  • Ce fut le premier film réalisé après que Hammer eut conclu un accord officiel avec Universal (alors Universal International) leur permettant de faire des remakes de leurs films d'horreur classiques. Dans ce film, par exemple, l'accord avec Universal leur a permis d'utiliser le nom de « Kharis ».

  • Le directeur de la photographie Jack Asher a voulu donner l’impression que le tombeau n’avait pas été ouvert depuis des milliers d'années. Il a donc fait monter un membre de l’équipe sur les podiums au-dessus de l'appareil pour pulvériser de l’eau avant chaque scène. À mesure que les particules d’eau descendaient, elles emportaient toute la fumée et la poussière, laissant l’air complètement dégagé.

  • Bien que conçu comme un remake de La momie (1932), l'intrigue du film et la plupart de ses principaux personnages sont tirés de La main de la momie (1940) et La tombe de la momie (1942). Il n’y a aucun crédit à aucune source préexistant du tout.

  • Dans Flesh and Blood: The Hammer Heritage of Horror (1994), Peter Cushing a affirmé qu’il a suggéré la scène dans laquelle il transperce la momie avec une lance. Il a été inspiré par l'affiche de pré-production qui montre la momie avec un axe de lumière qui la traverse.

  • Pour John Carpenter, « Dracula, Frankenstein et La momie forment la base sur laquelle s’est bâtie la Hammer »

  • Après la créature de Frankenstein, Christopher Lee reprend un rôle précédemment tenu par Boris Karloff

  • Yvonne Furneaux/Isabelle Banning-Princesse Anaka : actrice française, elle a fait l’essentiel de sa carrière dans le cinéma britannique. Lancée par L’Opéra des gueux (1953), elle joue dans Le Vagabond des mers la même année avec Errol Flynn. Michelangelo Antonioni lui confie un des principaux rôles de Femmes entre elles (1955) puis c’est Fellini qui la fait jouer dans La dolce vita (1960). Suivront Répulsion (1965), Le scandale (1967), Au nom du peuple italien (1971). Elle arrête ensuite sa carrière.

  • Eddie Byrne/inspecteur Mulrooney : acteur irlandais (1911-1981), vu au cinéma dans Révolte dans la vallée (1954), Vainqueur du ciel (1956), Dunkerque (1958), Jack L’Éventreur (1959), Les révoltés du Bounty (1962), L’île de la terreur (1966), Star Wars épisode IV : un nouvel espoir (1977). Il a joué également pour la télévision : Robin des bois (1957), Le Saint (1962, 1965, 1966, 1969), Alias le Baron (1967), Département S (1969).

  • Félix Aylmer/Stephen Banning : acteur anglais né Felix Edward Aylmer Jones (1889-1979), il a beaucoup joué au théâtre avec Laurence Olivier. Au cinéma, on a pu le voir dans Marie Tudor (1936), Train de nuit pour Munich (1940), Henry V (1944), Alice au pays des merveilles (1949), Quo vadis ? (1951), Ivanhoé (1952), Le vagabond des mers (1953), Exodus (1960), Le deuxième homme (1963). Il fut anobli officier de l’Ordre de l’Empire britannique.

  • Raymond Huntley/Joseph Whemple : acteur anglais (1904-1990), il a joué dans Train de nuit pour Munich (1940), Les briseurs de barrage (1955), Les griffes du lion (1972).

  • George Pastell/Mehemet Bey : acteur chypriote (1923-1976), né Nino Pastellides à Nicosie. Il a joué dans Les étrangleurs de Bombay (1960), Maniac (1963), Bons baisers de Russie (1963), Les maléfices de la momie (1964), La déesse du feu  (1965), Les turbans rouges (1967). Il meurt d’une crise cardiaque. A noter que jusqu’en 1960, Chypre est une colonie anglaise.

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