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Comédies françaises Années 90

Gazon Maudit (1995) par Phil DLM


GAZON MAUDIT (1995)

Résumé :

Loli, une jeune mère de famille, a une liaison amoureuse avec Marie-Jo, une homosexuelle à l'allure masculine. Elle culpabilise en raison de Laurent, son mari, qu'elle croit fidèle. Tout bascule lorsqu'elle apprend qu'en réalité, Laurent la trompe depuis le début de leur mariage avec toutes les femmes qui veulent bien de lui, y compris l'étudiante employée comme baby-sitter. Loli décide alors de vivre avec Marie-Jo, mais Laurent s'accroche, persuadé que Loli finira par le reprendre. Un curieux ménage à trois se met alors en place, à l'issue incertaine et où tous les coups semblent permis.

Critique :

Depuis les années quatre-vingt, libération des mœurs oblige, l'homosexualité est sortie de son ghetto, y compris dans le cinéma. Le succès des films basés sur ce thème, à l'image de Tenue de Soirée en 1986, a incité les producteurs à exploiter ce filon très rentable.

Josiane Balasko, actrice et cinéaste engagée dans le combat pour les droits des minorités, a saisi cette opportunité pour réaliser ce film sur l'homosexualité féminine qui, jusqu'alors, était sans doute moins présente au grand écran que son pendant masculin.

Pour ce faire, elle s'est réservée le rôle de Marie-Jo, l'homosexuelle masculine à souhait mais bien dans sa peau, qui traverse la France dans son camping-car pour aller chercher du travail en Italie, depuis qu'elle a quitté sa maîtresse et patronne, trop infidèle à ses yeux.

Ce n'est pas faire injure à Balasko d'affirmer qu'elle n'a jamais été un modèle de féminité. Elle a d'ailleurs souvent su tirer parti de son physique peu avantageux, à l'image de son compère de la troupe du Splendid Michel Blanc. Il a suffi qu'elle adopte la coiffure et les vêtements adéquats pour avoir le look « lesbienne » plus vrai que nature, et son talent de comédienne a fait le reste.

Marie-Jo est un personnage entier, au caractère bien trempé, pas du genre à faire des courbettes à ceux qu'elle n'aime pas. Elle est tiraillée entre son amour pour la belle Loli et son sentiment de culpabilité, de détruire un ménage avec deux enfants, sentiment d'ailleurs habilement exploité par Laurent.

Victoria Abril, la sympathique actrice espagnole, accomplit elle aussi une sacrée performance dans le rôle de Loli. Épouse fidèle, elle a pardonné à Laurent de l'avoir trouvé une fois au lit avec une autre femme. Mais « une fois, ça peut arriver », affirme-t-elle...

Les Espagnoles ont le sang chaud, et Laurent va subir la terrible colère de Loli lorsqu'elle apprend qu'il passe le plus clair de son temps libre à la tromper avec de multiples partenaires. L'infortuné mari va se voir gratifier d'un sonore et explicite « Hijo de puta ! », asséné devant les voisines, et dont il se souviendra.

Le tournage ayant lieu en été et dans le Sud, la belle Victoria traverse le film dans des robes toutes plus légères les unes que les autres, et on peut constater à quel point elle est sexy. Ah ! Quand elle danse le flamenco ! Et la scène où elle se balade toute nue !...

Alain Chabat n'est pas en reste avec sa performance de très haute volée. OK, les rôles de cyniques sont tout à fait adaptés à sa façon de jouer, mais il est vraiment étonnant de vérité, aussi bien dans la première partie du film, lorsque Laurent est ignoble, que par la suite, lorsque sa mésaventure le rend plus nuancé et qu'il décide de s'amender.

Ce que l'on peut reprocher à Balasko, c'est que, pour faire passer son message, elle a beaucoup trop forcé le trait concernant le personnage de Laurent, tellement « beauf », tellement macho et phallocrate qu'il en est caricatural. Alain Chabat n'en a que plus de mérite à se montrer aussi convaincant dans ce personnage sans nuances. Mais était-il nécessaire de présenter un homme aussi antipathique pour valoriser par opposition le couple de femmes ? A en croire le scénario, la vie est en noir-et-blanc, mais en réalité il y a aussi beaucoup de gris... Une description de l'homme qui s'apparente plus ou moins à la propagande extrémiste des « Chiennes de garde » ne paraissait pas opportune.

Dans un ensemble drôle, tendre et passionnant, le seul autre bémol sera pour la scène entre Laurent et la prostituée sur le retour, qui sonne faux. Ces petits défauts font que Gazon Maudit sera certes un grand film qui mérite bien la note attribuée, mais pas un film exceptionnel admissible au terme de « culte », comme Tenue de Soirée.

Hormis les trois personnages principaux, l'excellent et regretté Ticky Holgado tient lui aussi un rôle consistant, celui d'Antoine, l'associé de Laurent au sein de leur agence immobilière. Laurent est un homme sympathique et jovial, un peu naïf et tout aussi cavaleur que Laurent.

Abandonné par sa femme, il n'a pas vu ses enfants depuis douze ans, et une scène d'émotion autrement plus réussie que celle de la prostituée a lieu lorsque sa fille vient à l'agence pour retrouver son père : il ne la reconnaît pas et se met à la draguer ! Elle lui avoue la vérité, s'enfuit et la laisse consternée. Ici, Balasko ne donne pas dans la caricature de bazar. Elle montre un homme certes cavaleur, mais surtout victime de ses pulsions, et néanmoins doté de sentiments.

Le retournement de situation en faveur de Laurent va se produire avec la visite inattendue de deux amies de Marie-Jo, Solange (Michèle Bernier) et surtout Dany (Catherine Hiegel), ancienne maîtresse de Marie-Jo, lorsqu'elles appartenaient au même groupe de rock.

Laurent va habilement exploiter la situation. Il comprend immédiatement que Loli est jalouse de Dany. Il se montre donc très cordial avec les visiteuses et insiste pour qu'elles passent la soirée, puis la nuit chez eux. Laurent ne va pas tarder à atteindre son objectif, mettre de l'eau dans le gaz entre Loli et Marie-Jo, afin de récupérer son épouse pour lui tout seul.

Autre scène marquante, dans un registre plus comique, la fin de soirée de Laurent et Marie-Jo « entre quatre z'yeux », qui se termine par une partie de jambes en l'air : Marie-Jo accepte de partir définitivement, mais en échange, Laurent doit lui faire un enfant !

Le film s'achève par un sympathique clin d’œil : Laurent se retrouve troublé par le propriétaire d'une grande villa qu'il se propose d'acheter, interprété par le jeune et sémillant Miguel Bosé. Je trouve que ce final apporte beaucoup au film. Cette allusion habile à l'homosexualité masculine, toute en nuances, est une grande réussite, et change des habituelles « happy end » rivalisant entre elles de banalité.

Malgré quelques clichés et de petits défauts, Gazon Maudit est une comédie qui atteint tout à fait son objectif de divertir tout en faisant réfléchir et en contribuant à l'évolution des mœurs.

Anecdotes :

  • Le tournage s'est déroulé dans le Vaucluse et dans les environs.

  • Le film a obtenu le César du meilleur scénario. Les lauréates furent Josiane Balasko, ainsi que Telsche Boorman qui a écrit le script avec Balasko. Mais l'actrice anglaise l'a reçu à titre posthume. Interprète avec sa sœur Katrine des sœurs Crumble, Telsche Boorman a été emportée par le cancer peu après le tournage, à l'âge de 38 ans.

  • Les quelques scènes tournées à Paris révèlent une incohérence : lorsque Laurent et Loli se font expulser de la boîte pour femmes en compagnie de Marie-Jo sur le point d'accoucher, ils se retrouvent au carrefour de l'Europe, près de la gare Saint-Lazare, dans le huitième arrondissement. Or, la boîte est censée se situer rue de Vaugirard, dans le quinzième arrondissement...

Séquences cultes :

Je vous ai pris la main dans la culotte

Chez moi, je me balade à poil

Je vais me faire une chèvre

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