Attention, je n’ai pas fait de pause pour prendre des notes. C’est à la volée et si quelqu’un possède l’édition et qu’il a remarqué d’autres détails, qu’il n’hésite pas à les ajouter ! Don Leaver a plus de 80 ans au moment de l’entretien et cela se ressent tout au long de l’épisode. A vrai dire, sa présence est sympathique mais on n’apprend pratiquement rien car le bonhomme a des oublis inquiétants – il cherche parfois ses mots- et ne se souvient de…rien. C’est parfois pathétique même si cela prête à sourire dans certaines circonstances. L’épisode fut filmé vers le milieu du mois de janvier 66 et le réalisateur évoque la transition difficile entre la vidéo et le film. Il se rappelle que Julian Wintle voulait sa propre équipe, qu’il ne faisait pas confiance aux autres et que l’expérience ne fut pas plaisante. Leaver déclare qu’il n’était pas bien accueilli, simplement toléré. Il régnait une certaine antipathie des gens du cinéma pour ceux de la télévision. Don Leaver s’émerveille du superbe script de Brian Clemens et il est impressionné de revoir l’épisode (ndlr : un peu comme un gosse devant un nouveau jouet). Malgré ses oublis, le réalisateur a toujours Diana Rigg en plus haute estime (‘superb, very attractive and inventive’). L’arrivée de Diana Rigg fut un véritable challenge pour Patrick Macnee. Lorsque Wiseman évoque une seconde équipe de tournage pour la séquence de Pongo qui fait du stop, Leaver se souvient qu’il n’y avait qu’une seule équipe sur l’épisode. Il n’y avait pas la possibilité de tourner en extérieur d’où souvent l’utilisation du terme ‘back projection’ qui signifie que la scène est tournée en studio avec une image projetée à l’arrière-plan. A ce propos, Leaver évoque une conversation avec Roger Marshall qu’il a eue la veille de cet entretien : Dial a Deadly Number fut tourné exclusivement en studio. La fameuse demeure de Shenley Lodge pouvait se trouver n’importe où en Angleterre. Leaver et Wiseman s’entretiennent ensuite sur les doublures utilisées pour tous les plans un peu éloignés et, évidement, l’invention du DVD met en évidence ces défauts. Leaver constate ensuite que le script est plus riche qu’il pensait (ndlr : l’entretien devient de plus en plus hésitant). L’épisode fut tourné en une dizaine de jours (ndlr : 9 au 18 janvier 1966) et le réalisateur souligne le travail remarquable de Harry Pottle, le directeur artistique (qui a travaillé sur On ne vit que deux fois). Il n’y a pas eu beaucoup de prises pour chaque scène, pas beaucoup de répétitions. C’était merveilleux de travailler avec Diana Rigg et Leaver était au courant du passage d’Elizabeth Shepherd mais il ne fut pas impliqué. Devant le peu de souvenirs et les ‘trous’ de Leaver, Wiseman essaie de poser une variété de questions mais celles-ci tombent souvent ‘à plat’. Ainsi, successivement, Leaver avoue ne pas connaître le budget de l’épisode ni le nombre de saisons de la série …ni qu’il a réalisé Comment réussir un assassinat ? quelques semaines après The House That Jack Built....Il n’en a aucun souvenir et il est ravi que Wiseman lui ait rappelé (‘thank you for telling me’) ! Leaver ne fut pas approché pour le tournage d’épisodes couleur et il évoque l’importance de l’éclairage pour les épisodes noir et blanc car il détermine l’atmosphère. Le passage où Emma découvre son mémorial est un des rares à être en fait commenté ‘en live’. C’était une idée de Brian Clemens (avec un décor somptueux de Pottle). Wiseman demande à Leaver si les parents de la photographie étaient vraiment ceux de Diana Rigg. Le réalisateur trouve que la mère lui ressemble un peu et que cela est possible ! Lorsque Wiseman (qui relance la conversation comme il peut !) évoque que Diana Rigg n’aime pas évoquer la série ; Leaver est étonné et demande à Wiseman s’il l’a invitée à participer à cette collection de DVD. Wiseman lui répond que c’est vrai et qu’il aura peut-être une réponse avant la sortie (vu le ton, il n’y croit guère) et ajoute que c’est la série qui l’a catapultée au firmament et conclut par :’It’s a shame’. La fin est assez laborieuse car Leaver répond le plus souvent par ‘No’ à diverses questions ou a des commentaires étranges lorsqu’il dit, par exemple, que cela doit faire bizarre de détruire sa propre image à la vue de Mrs Peel déchirant la photo. Leaver ne fut pas approché pour tourner des épisodes d’autres séries, il n’était pas au courant du succès du Saint ni de celui des Avengers et il était seulement satisfait de réaliser l’épisode ! Il ne se souvient pas non plus que Diana Rigg avait une doublure pour les cascades et il dit ne pas savoir que des épisodes de la période Gale ont servi de remakes à quelques histoires de l’ère Peel. Wiseman en profite pour glisser à cette occasion des faits d’armes de Terry Nation : il a écrit exactement le même scénario pour deux épisodes de deux séries différentes, The Saint et The Baron, en changeant simplement les noms et ce fut consternant lorsque ces deux épisodes ont été diffusés la même semaine !
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Un commentaire intéressant qui commence par la musique de Laurie Johnson. Brian Clemens souligne que la musique de Johnson est plus importante que la précédente sans faire ombrage à celle de John Dankworth à qui il avait été proposé de faire la musique de cette saison. Il a décliné préférant se consacrer à ses projets au cinéma. La musique de la saison 4 devait être différente pour chaque épisode ; un peu comme au cinéma. C’est Julian Whittle qui permit d’avoir Laurie Johnson pour la musique de la série. Le changement de la saison 3 à la saison 4 permit d’avoir un style film noir de grande qualité. Au sujet d’Elizabeth Shepherd, Brian Clemens dit qu’il n’était pas impliqué à ce moment dans la série et dans le choix de l’actrice. Elisabeth était une excellente actrice mais il lui manquait le sens de l’humour et de la finesse, tout ce qu’avait Diana Rigg. Elle n’avait pas été recrutée sur film ce qui fut une erreur. Pour son remplacement, les différentes postulantes ont passé un test filmé. Roy Ward Baker souligne que Diana Rigg avait l’intelligence et l’esprit (‘wit’). Il se souvient des nombreuses plaisanteries dans les dialogues mais elles n’étaient pas divulguées (‘not cracking the jokes’) et c’était aux téléspectateurs (‘the audience’) de les détecter. Elizabeth Shepherd voulait que son boyfriend de l’époque participe à la série et elle n’hésitait pas à changer le script. Brian Clemens n’aimait pas cela. (‘I don’t like the actors changing the script’). Il souligne qu’elle le faisait dès le début et qu’il n’ose imaginer les conséquences que cela aurait pu avoir en plein milieu de saison. Roy Ward Baker n’a pas vu les passages avec Elizabeth Shepherd car ils étaient déjà coupés lorsqu’il s’est occupé de l’épisode. Roy Ward Baker se souvient du lieu de tournage dans le Norfolk dans une base de l’armée désaffectée ; une petite ville avec une église. Les endroits abandonnés étaient très prisés dans The Avengers. Il n’y avait pas de difficulté pour avoir les acteurs. En fait, beaucoup voulaient participer à la série. Les vilains ne devaient pas trop ressembler à des vilains et devaient même être physiquement présentables. Il n’y avait pas d’audition mais seulement des interviews pour engager les acteurs. Dans la scène du pub de l’épisode The Town of No Return, Baker avait peur que les méchants aient l’air ‘too strong’. Brian Clemens parle ensuite des premières images de Mrs Peel. On a un visage derrière un masque et une femme en action. Puis elle retire le masque et un joli visage. C’est une bonne introduction au personnage. Une quarantaine d’actrices furent pressenties et dix, dont Gabrielle Drake, ont fait un test sur film ce qui était couteux pour l’époque. Brian Clemens parle ensuite de la femme qui a trouvé le nom de Emma Peel (Man appeal) mais il a oublié son nom (‘poor thing, she’s dead now’) mais les noms - Peel, Steed- avaient une forte connotation britannique. Brian Clemens évoque ensuite la Jill Manson de la première version et il regrette qu’il n’existe pas de reste filmé. Patrick Macnee et Diana Rigg avaient un respect mutuel et il existait une osmose entre les deux acteurs. Pour Brian, les deux personnages, Emma et John, ont eu une liaison torride et c’est maintenant terminé ce qui explique leur décontraction bien qu’il y ait toujours une attirance. Lorsque Mrs Peel rentre dans l’école en mini jupe, Clemens souligne qu’il avait été à Paris pour voir les prémices de la mini jupe et les producteurs furent enthousiastes pour l’utiliser dans la série avant que la mode ne soit lancée. Brian Clemens cite le film d’Hitchcock The Lady Vanishes pour souligner l’immortalité des Avengers et Roy Ward Baker lui glisse qu’il était second assistant réalisateur sur ce film. Chaque épisode était traité comme un film et la qualité était le souci majeur. Brian Clemens souligne qu’il a rencontré récemment Jeremy Burnham (le vicaire dans l’épisode) maintenant barbu et qu’il serait tenté de rejouer. Piggy Warren est tout simplement un nom que Clemens a emprunté à son passé, chose qu’il avait l’air de faire assez souvent. La tenue de Mrs Peel lors de la fouille à l’école est prisée et Clemens souligne que la scène lorsque Mrs Peel ouvre la porte et se fait capturer ne resterait pas sans parole de nos jours. Il est aussi évoqué la scène où Ray Austin a doublé Jeremy Burnham lorsqu’il tombe dans le trou dans le final (Austin est visible). Pour Clemens, Patrick Macnee est aux Avengers ce que la colonne Nelson est à Trafalgar Square : irremplaçable ; il apporte le charme britannique à la série et il compare la dernière scène (lorsque Steed s’est débarrassé de tous les soldats avec son chapeau) à un passage digne des films de Clint Eastwood.
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Gerry O’Hara évoque le tournage de l’épisode ; c’est parfois intéressant mais certains passages, qui n’ont rien à voir avec la série, sont également pénibles. Le réalisateur est, à certains moments, difficilement audible et on l’entend boire en aspirant assez souvent ; Gerry O’Hara a 86 ans ! Il se souvient avoir voulu acheter le chien qu’on voit traverser devant la Bentley. Le réalisateur précise, comme il le fera pendant tout l’épisode, que le script de Roger Marshall était exceptionnellement bon, le meilleur sur lequel il a travaillé. Le script est avant tout visuel ce qui convient parfaitement au réalisateur : 90% de l’épisode provient du script original et n’importe quel réalisateur serait mort d’envie de tourner un tel épisode. Il y a beaucoup d’échanges plein d’esprit entre les deux acteurs, Patrick Macnee et Diana Rigg. Cette dernière était l’inventrice dans ce genre de scènes et Patrick savait ce qu’il avait à faire. Diana Rigg était une fille très inventive, toujours très polie et agréable. Le passage où Mrs Peel marche sur le parapet du pont est une idée d’O’Hara. Diana Rigg donnait son avis et lorsque quelque chose la dérangeait, elle refusait poliment de le faire. Les scènes de l’accident et le réveil de Steed, seul, dans la Bentley furent tournées le même jour. L’épisode fut pratiquement tourné qu’en extérieurs, à un ou deux miles des studios Elstree. Les scènes du mess sont en studio et les décors de Harry Pottle sont remarquables et le piano est ‘a lovely touch’. Gerry O’Hara s’est rendu à l’aérodrome Bovingdon deux semaines avant le début du tournage et il fut ravi de ce qu’il trouva. Roger Marshall avait confié à Gerry O’Hara qu’il s’était inspiré de l’énigme de la Mary Celeste pour bâtir l’intrigue de l’épisode. O’Hara souligne qu’un bâtiment de l’aérodrome avait la forme d’un chapeau melon et une scène fut tournée où Steed passe devant et met son chapeau sur la tête. Le réalisateur était débutant à l’époque et il ne fut pas consulté pour la distribution mais il connaissait Julian Wintle. Il n’a pas réalisé que la série avait une tournure plus fantastique dans la saison quatre ; le tournage dura onze jours et il se souvint de la difficulté à faire bouger les chaines. Il apprécie particulièrement la séquence avec Roy Kinnear, le clochard. On n’avait pas besoin de le diriger, il savait ce qu’il fallait faire. A ce moment, Gerry O’Hara va parler pendant cinq bonnes minutes du tournage de son autre épisode de la saison, Small Game for Big Hunters, et plus particulièrement de Bill Fraser, le colonel Rawlings, un grand acteur de théâtre qui savait, lui aussi, ce qu’il avait à faire. C’était aussi un très bon script visuel (NDLR : de Philip Levene) mais il était trop court pour O’Hara et il a parfois dû meubler et rallonger des scènes. Il y avait quatre ou cinq minutes de bon en moyenne par jour de tournage. Gerry O’Hara a souvent déjeuné au restaurant avec Patrick Macnee et il n’a jamais changé, toujours très bien habillé : il est Steed comme Sean Connery est James Bond. Les tenues vestimentaires étaient inspirées de Carnaby Street ; Pour les scènes d’action, le final, c‘était Ray Austin qui s’en occupait. Ce qui était intéressant est qu’on pouvait tout faire avec The Avengers. La conversation, vers la fin de l'entretien, s'égare sur d'autres réalisations d'épisodes de séries de Gerry O'Hara : L'homme à la valise mais surtout Les professionnels, une série de bons et de méchants qui convenait mieux au réalisateur.
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Les commentaires de cet épisode sont particulièrement décousus. On peut se féliciter de la spontanéité mais c'est parfois au détriment de la fluidité et de l'intérêt. Ainsi, à des questions de Wiseman, Roger Marshall répond souvent : 'I can't remember' ou 'Yes' suivi d'un long blanc. Marshall trouve que le titre de l’épisode est très bien. On pensait que la musique de Dankworth ne pouvait être améliorée mais celle de Laurie Johnson colle mieux au style sophistiqué de la série. D’où vient l’idée des ‘pagers’ utilisés dans l’épisode ? A l’époque, bien entendu, les téléphones portables n’existaient pas mais les médecins dans les hôpitaux avaient ce genre d’appareil et l’idée fut de généraliser l’usage pour l’épisode et de le faire porter dans des poches proche du cœur ce qui pourrait entraîner la mort. Les décès de l’épisode sont donc parfaitement plausibles pour Roger Marshall. Certaines recherches furent faites auprès de médecins. L’intrigue de base était les ‘pagers’ dont une aiguille permettait de toucher le cœur. Par conséquent, rien de fantastique dans le scénario pour Roger Marshall car cela aurait pu arriver. On apprend seulement que Marshall était intéressé par le monde de la haute finance par un ‘yes’. L’intégralité de l’épisode fut tournée en studio y compris la scène du garage même s’il y a un échange entre les deux hommes où Wiseman pense que cette scène fut filmée dans un parking de la production tandis que Marshall pense que c’est un studio. L’épisode eut beaucoup de succès lors de sa sortie en cassette vidéo. La distribution est magnifique ; Cliff Evans, un charmant acteur, et Peter Bowles, un acteur Avengers. Les acteurs réalisaient que c’était une bonne série et ils voulaient y participer. Roger Marshall ne savait pas qui serait Mrs Peel lorsqu’il a commencé à écrire le scénario de Dial a Deadly Number. Il se souvient d’avoir été sur le tournage de The Town of No Return dans le Norfolk avec Brian Clemens et il vit Elisabeth Shepherd dans le rôle. Un après-midi, ils ont trouvé l’aérodrome qui servira de tournage à l’épisode The Hour That Never Was. Le budget fut augmenté à partir du passage au film mais les scénaristes étaient moins impliqués que durant les saisons Gale. Il n’y avait pas de ‘bible’, pas de directives impliquant les personnages principaux. Steed et Mrs Peel auraient pu être amants mais trois personnes qui regardent la série auraient eu un point de vue différent. La conception d’un script durait deux à trois semaines et les réécritures étaient en fonction de l’urgence. Deux semaines après la remise du script, il revenait au scénariste avec des idées provenant de quelqu’un d’autre. Brian Clemens, le script editor, modifiait beaucoup ce que les scénaristes proposaient. Pas pour les deux premiers qui furent terminés avant le début de tournage de la série. La réalisation de Don Leaver fut excellente pour le scénariste ; les gros plans, Mrs Peel à travers le verre lors du duel à la cave… Pour Marshall, on pouvait déjà pressentir que Diana Rigg allait faire une grande carrière. Julian Whittle était l’éminence grise au bout du couloir et Harry Pottle a fait un excellent décor mais il ne l’a jamais rencontré. Les Américains étaient en avance et ne prenaient pas de vidéo. Les épisodes de la saison quatre étaient conçus comme de véritables films et les metteurs en scène d’expérience apportaient plus que les jeunes pour les séries télévisées. Le noir et blanc avait une superbe atmosphère et le passage à la couleur fit perdre quelque chose. La série fait partie des ‘swinging sixties’ et de la culture pop des années 60. Jaz Wiseman oriente la discussion sur les autres épisodes écrits par Marshall ; The Danger Makers avec la fameuse scène où Mrs Peel doit passer un test électriquement dangereux ; The Girl from Auntie que le scénariste n’apprécie pas du tout même s’il ne se souvient pas si Diana Rigg était en vacances pour l’occasion. Silent Dust, il ne sait plus pourquoi le titre initial a été changé, ‘Everything dies’. Au sujet de A Funny Thing Happened on the Way to the Station et la réécriture de son scénario sous le nom de Brian Sheriff, Marshall déclare que c’était l’humour de Clemens ce qui le laisse froid. Cet épisode est ‘a travesty’, il y a quelques bonnes scènes mais il s’égare ; ‘it lost its way’ ; c’était la fin de la série comme il la concevait. La discussion s’égare souvent sur d’autres séries, comme Maverick, où Henry Mancini produisait une musique de jazz pour chaque épisode, ou The Sweeney (Regan en France) pour laquelle Roger Marshall semble avoir des souvenirs plus vivaces. Contrairement à The Avengers, il n’y eut aucun problème à faire The Sweeney 52 semaines par an. Dans le final, il précise que l’idée de lire l’étiquette de la bouteille est de lui et il est triste lors du générique de voir tous ces noms d'acteurs si chers aujourd'hui disparus.
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