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LA TOISON D’OR

( THE GOLDEN FLEECE)

Tournage : mai 1963

Diffusion : ITV, 7 décembre 1963 – 13ème Rue, 7 mai 1998

Scénario : Roger Marshall & Phyllis Norman

Réalisation : Peter Hammond

Warren Mitchell (Captain Jason), Tenniel Evans (Major Ruse), Robert Lee (Mr. Lo), Barry Linehan (Sgt. Major Wright), Yu Ling (Mrs. Kwan), Lisa Peake (Esther), Ronald Wilson (Private Holmes), Michael Hawkins (Jones).

Résumé

Un important trafic d’or volé se développe dans toute l’Europe, à destination de Hong-Kong. Mr Lo, le chef du gang chinois, se rend à Londres. Il a en fait recours aux services de militaires faisant passer l’or dans des livraisons de munitions, le métal étant fondu en forme de balles ! Ces militaires désirent financer une cagnotte pour aider des collègues lors de la difficile reconversion dans le civil. Steed et Mrs Gale mènent l’enquête dans le restaurant chinois servant de couverture à Mr Lo.


CRITIQUES


Estuaire44 20 février 2008


La toison d’or marque l’entrée en fanfare d’un futur élément clé de la série : la fantaisie. En effet jusqu’ici la majorité des intrigues restaient dominées par l’espionnage le plus traditionnel, les quelques moments amusants demeurant relégués à diverses parenthèses dispersées de-ci de-là. Nous observons ici une bascule, l’humour et l’imagination débridée occupant une place majeure dans la trame des événements.

Ainsi l’intrigue assume très habilement de se limiter à peu de développements pour privilégier une atmosphère très amusante. Les Avengers font face à une opposition particulièrement dérisoire, des soldats finalement sympathiques, tenant beaucoup plus des futurs Excentriques que de véritables adversaires. Mr. Lo demeure certes plus inquiétant, mais ne connaît aucune confrontation directe avec nos héros.

Surtout l’argument se résume à quelques traits schématiques, on passe presque directement de l’exposé de la situation à la résolution finale. Le meurtre du garagiste constitue la seule véritable action intermédiaire et aucun suspense ne s’installe jamais. De plus, comme souvent en cette période, la conclusion apparaît singulièrement brusquée. On apprécie la douce absurdité du sujet et l’inversion en force clin d’œil de la légendaire transmutation du plomb en or.

Ce qui aurait représenté de graves défauts dans le contexte relativement réaliste de la saison 2 se voit ici plus que compensé par la drôlerie des personnages. Le trio de militaires constitue de fait une saisissante galerie de portraits. Wright, comptable minutieux et appliqué, incarne le sous-officier, obséquieux face aux supérieurs et cassant envers les subordonnés tandis que Ruse (le bien nommé) est parfait en vieille baderne nostalgique de l’Empire, totalement déconnecté du monde réel et ne dissimulant pas une certaine condescendance méprisante envers les étrangers.

Si leurs acteurs s’affirment excellents, c’est Warren Mitchell qui s’impose comme vedette de l’épisode. Avec des effets autrement plus subtils que ceux qu’il déploiera plus tard pour l’ambassadeur Brodny, il distille des scènes très amusantes, comme sa mine effondrée devant la nullité de son chef ou lors de ses colères dérisoires, dressé sur ses ergots. En outre, sa déclaration d’amour finale à l’armée émeut réellement.

De leur côté, le pittoresque Mr. Lo et la suave Mrs. Kwan rajoutent un pastiche distrayant de clichés courants dans les romans policiers ou d’aventure, tels le Fu Manchu de Sax Rohmer.

Toujours alerte et pétillante, la mise en scène s’inscrit parfaitement dans cette optique comique, multipliant les effets amusants. Elle ne recule pas devant un gag énorme, aux limites de l’absurde, avec une caméra se fendillant lors du choc avec le malheureux garagiste. L’effet paraît particulièrement réussi ! Les décors très stylisés du restaurant (superbe travail d’Anne Spavin), démarquent également l’épisode du réalisme traditionnel, tandis que l’insertion de musiques chinoises souligne l’aspect volontairement caricatural de l’ensemble.

Le seul bémol consiste en la scène inutilement mélodramatique de la veuve éplorée, dont on ne comprend pas vraiment l’utilité. Le jeu très limité de Lisa Peake finit d’en désamorcer tout impact émotionnel.

Nos Avengers participent eux aussi à la joyeuse ambiance dans laquelle baigne l’épisode. Ainsi leur originale apparition au restaurant s’avère très amusante, de même que l’exacerbation de la petite marotte du secret habituelle chez Steed. Celle-ci nous vaut un joli coup de théâtre lorsque Cathy découvre le pot aux roses, débouchant sur un règlement de compte explosif. Mais, surprise, la scène s’avère désopilante, les Avengers s’envoyant des coussins à la figure et Cathy finissant par éclater de rire. Les temps changent !

On observe également les premières authentiques scènes d’appartement, appelées à devenir un classique de la série. Absentes durant l’essentiel de la saison 2, elles se révélaient ensuite au mieux purement fonctionnelles, et voici que nos deux héros, nantis d’appartements flambants neufs, se prennent au plaisir de la conversation. Ils nous offrent déjà ici des moments particulièrement savoureux. On sent que cette évolution convient à merveille aux acteurs. Ils donnent à plein dans cette relation désormais plus pétillante et moins conflictuelle, sans que Mrs Gale ait pour autant rentré toutes ses griffes !

EN BREF : Très amusant, cet épisode renouvelle agréablement le climat d’une série évoluant décidemment vers davantage de fantaisie. Steed et Mrs. Gale prennent davantage le temps de vivre et de s’amuser, pour le plus grand plaisir du spectateur !


VIDÉO


Steed et Cathy au restaurant chinois !


INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Tournage


Continuité  

o On observe dans le pare-brise arrière d’une voiture l’éclairage de l’équipe technique (31’55’’) :

 


Détails

o La fameuse Toison d’Or de la Mythologie grecque, représentant la prospérité, a été ravie au roi de Colchide par Jason et ses Argonautes. Le personnage interprété par Warren Mitchell s’appelle également Jason !

o La Toison d’Or cherche à pallier à la reconversion forcée de nombreux militaires. En effet la Décolonisation conduit à une réduction drastique des effectifs.

o Sa cagnotte s’élève à 56 000 livres (pounds), 19 shillings, et 7 pences. En 1963 la Grande-Bratagne connaît encore son système monétaire ancestral, où la Livre Sterling était divisée en 20 shillings, eux-mêmes divisés en 12 pences. Vient encore s’y ajouter la Guinée, valant 1 livre et 1 shilling… Le manque de simplicité et l’intégration croissante dans l’Europe provoqueront l’adoption du système décimal en 1971, un Livre valant 100 pences. Le passage à l’Euro continue à être refusé, la Livre, longtemps monnaie de référence mondiale, constituant un prestigieux héritage du passé.

o Cathy lit le Hampshire Times (titre imaginaire), alors que la ville de Blore se situe dans le Derbyshire, bien plus au Nord de l’Angleterre. Blore ne contient d’ailleurs aucun musée militaire !

o Fait très rare, le début de l’histoire est explicitement daté, lors de la réunion de la Toison d’Or : nous sommes le 14 septembre 1963, soit près de trois mois avant la diffusion de l’épisode.

o Le restaurant de Mrs. Kwan se nomme Yam Sing. Cela ne pouvait que plaire à Steed car Yam Sing (« Buvons au succès ») est la formule rituelle chinoise accompagnant le cognac, toujours bu cul sec. En Chine le Cognac tient un rôle similaire au… Champagne en Occident. Il accompagne souvent les repas au restaurant ou les banquets célébrant une joyeuse occasion (mariage, succès professionnel…). Le nombre de fois où Yam Sing est scandé, le verre levé, indique le degré de réjouissance des convives !

o Steed semble délaisser les cigarettes au profit de cigares beaucoup plus imposants ! Le cigare, très popularisé en Angleterre depuis l’époque victorienne, a longtemps été un domaine purement masculin. Les Messieurs se retiraient ainsi au fumoir pour discuter de leurs affaires, tandis que le fameux cigare Churchill contribuait à son image guerrière. Les années 60 voient les femmes commencer lentement à oser fumer en public (Mrs Gale, toujours aussi libérée, n’en fait d’ailleurs jamais mystère) mais en se limitant le plus souvent aux cigarettes. Le cigare demeure encore de nos jours associé avant tout à la virilité. « Woman is only a woman, but a good cigar is a smoke. » déclarait Kipling...

o Les accords de Bretton-Woods, signés le 22 juillet 1944 par l’ensemble des nations alliées, instaurent le nouvel ordre économique et financier mondial. Ils créent ainsi le FMI et la Banque Mondiale, posent les jalons du GATT et instituent le Dollar comme monnaie étalon mondiale (changes fixes). Si il y est fait référence à l’or (convertibilité Dollar/Or, jusqu’en 1971), les valeurs par once décrites dans l’épisode restent purement imaginaires !

o Steed semble être un grand amateur des Aventures de Tintin et Milou ! Nous le voyons ici lire, en Français, Tintin au Pays de l’Or Noir. L’album ne sortira en effet traduit en Grande-Bretagne qu’en 1972. Dans L’homme aux deux ombres (saison 3) il lira Tintin in Tibet, dans Le retour du traître (saison 3) ce sera The secret of The Unicorn et dans Clowneries (saison 6) Le Lotus Bleu (de nouveau une atmosphère chinoise) encore en Français. Ce dernier ouvrage n’a effectivement été traduit qu’en 1983 !

o Les affiches de pantomimes qui décoraient l’ancien appartement de Steed refont ici leur apparition.

o On retrouve un instant Junia, le chien de Steed. Ce dernier se montrera moins affectueux par la suite envers la race canine puisque la cravate ornée d’un chien que lui offre Mrs Peel (qui semble, elle, beaucoup les apprécier) ne lui plait pas du tout (Un petit déjeuner trop lourd, saison 5) et qu’il tentera de se "défausser" sur Tara King de la garde d’un molosse (L’homme au sommet, saison 6).

o Cathy Gale lit des revues chez Steed. Les publicités concernent une marque réputée encore aujourd’hui : Martin and Webb. Cette prestigieuse bijouterie, fondée en 1774, commercialise également différents produits de luxe (porcelaine, montres…). Elle est l’orfèvre officiel de la reine Elizabeth II et du prince Charles. Bendix, société américaine fondée en 1924, produit non seulement des réfrigérateurs mais aussi de nombreux appareils électroménagers ou électroniques.

o Cathy, qui a passé une partie de sa vie au Kenya, connaît bien la révolte des Mau-Mau, dont le souvenir semble la troubler. Celle-ci débute en 1952 et se prolonge jusqu’en 1960. Les troubles provoqués par les rebelles, puis la féroce répression britannique, causent plus de 11 000 morts. Vainqueur militairement, l’Empire doit politiquement céder et l’indépendance du Kenya est déclarée le 12 décembre 1963, soit 5 jours après la diffusion de l’épisode. Rarement la tendance de l’époque Cathy Gale d’évoquer l’actualité aura été aussi manifeste !

o La bataille de Dresde s’est bien déroulée 150 ans avant l’épisode, les 27 et 28 juillet 1813. Il est cependant surprenant d’y voir s’intéresser l’armée britannique, car elle n’y a pas participé ! Napoléon y remporte en effet sa dernière victoire majeure durant la Campagne d’Allemagne, battant l’armée coalisée : Prusse, Autriche et Russie.

o Cathy Gale et le Colonel Ruse évoquent la bataille de Corona, selon le sous-titre. Il s’agit en fait de la bataille de La Corogne (Corunna en Anglais traditionnel, Coruña en Espagnol) qui, malgré de hauts faits d’armes, voit les troupes napoléoniennes écraser un corps expéditionnaire anglais en 1809. Comme indiqué dans l’épisode, ce désastre, en grande partie dû à des problèmes de logistique et de coordination, provoquera une réforme profonde de l’armée anglaise et de son commandement.

o Brandy : Durant les années Cathy Gale, Steed reste longtemps un fervent partisan du brandy, comme ici, avant de progressivement lui préférer le champagne. Le terme de Brandy désigne une eau-de-vie, le plus souvent très proche du cognac. Le brandy est toujours très populaire en Grande-Bretagne, et se consomme couramment dans les pubs. On l’alterne durant la soirée avec la bière, en l’allongeant éventuellement de ginger ale. À l’inverse, le brandy millésimé, fort goûté par l’aristocratie, est soigneusement catalogué et se conserve traditionnellement sous chais, à Bristol. Il se boit lors d’occasions exceptionnelles.

o Imperial War Museum : Censé avoir envoyé Cathy Gale réaliser un inventaire à Blore, l’IWM est le musée national de l’armée britannique. Fondé en 1917 en hommage aux victimes de la Grande Guerre, son édifice principal est, depuis 1930, l’ancien fameux hôpital psychiatrique de Bedlam. Le musée comporte d’autres sites dans diverses villes du Royaume et occupe également le navire de guerre HMS Belfast, amarré en face de la Tour de Londres. Le musée mène désormais une politique d’ouverture à un plus large public, avec des expositions variées, comme celle qui sera consacrée en 2008 à James Bond, à l’occasion du centenaire de la naissance de Ian Fleming.

Acteurs – Actrices

o Warren Mitchell (1926) tient le rôle du fameux Brodny dans Un Steed de trop (saison 4) et L’homme transparent (saison 5). Il a également participé à un autre épisode de la troisième saison : Les charmeurs. Petit-fils d'émigrants juifs russes, il a servi dans la RAF pendant la seconde Guerre Mondiale puis a étudié à la RADA (Royal Academy of Dramatic Art). Il est connu en Grande-Bretagne pour le rôle d'Alf Garnett dans la série Till death us do part (1965-75) pour laquelle il fut élu acteur de l'année en 1966. Il a tourné à la TV dans des productions diverses dont Destination Danger (six épisodes) et Le Saint (trois épisodes, même comportement que Brodny !). Naturalisé Australien, il déclarait dans une interview en 1997 au sujet des Avengers : "Diana Rigg used to giggle behind my back, the bitch !... But it was wonderful to work with Patrick Macnee and Honor Blackman" [Diana Rigg avait l'habitude de ricaner derrière mon dos, la garce !… Mais c'était merveilleux de travailler avec Patrick Macnee et Honor Blackman].

o Tenniel Evans (1926) a également participé aux épisodes Please don’t feed The animals (saison 1), Le grand penseur (saison 2) et Étrange hôtel (saison 6). Tout en connaissant un beau parcours au théâtre il participe à de prestigieuses séries (Z Cars, Le Saint, Dr Who, Wycliffe, Inspecteur Morse…) mais demeure dans les mémoires pour ses multiples interprétations dans la très populaire sitcom radiodiffusée The Navy Lark (1959-1976). Né à Nairobi, sa jeunesse kenyane lui inspire des mémoires ayant connu un grand succès : Don’t walk in the long grass (1999).

o Barry Lineham (1925-1996) participe également à l’épisode Les évadés du monastère (saison 6). Il apparaît dans de nombreuses autres séries : Softly Softly, Les Rivaux de Sherlock Holmes, Le Saint, Destination Danger

o Robert Lee, acteur anglais d’origine chinoise, est vu dans de nombreuses séries : The Chinese detective, Gangsters, Dixon of Dock Green, Jason King, Les Professionnels

o Yu Ling (?-1997) tient ici le premier rôle de sa carrière. Par la suite elle participe à diverses séries, parfois référencée avec son prénom, Barbara, (Destination Danger, The Troubleshooters…). Au cinéma elle joue dans The satanic rites of Dracula (1975), avec Christopher Lee et Peter cushing. On se souvient de son apparition dans L’arrivée, le premier épisode du Prisonnier, où elle interprète la conductrice du Taxi (en fait un Mini-Moke, assez proche de celui de Mère-Grand dans Brouillard, saison 6).

À noter que…

o Les transformations de plomb en or peuvent s’effectuer dans les deux sens. Dans le chapitre 14 de ses mémoires, Patrick Macnee rapporte que le commanditaire français de plusieurs épisodes de la deuxième saison des New Avengers disparut brusquement, alors même que les fonds venaient à manquer. Il avait contracté d’importantes dettes pour financer la série, gagées sur des lingots d’or déposés en caution dans une banque française. Après vérification, il s’avéra qu’il s’agissait de barres de fer ou d’acier enduites de peinture dorée ! (p 319, édition Presses de la Renaissance).

o Peter Hammond (1923-2011) est une figure importante de la série car il a réalisé pas moins de 19 épisodes, durant les saisons 1 (neuf épisodes, dont Passage à tabac), 2 (Warlock, Le point de mire, Mort d’un grand danois, Les œufs d’or, La loi du silence) et 3 (Plaidoirie pour un meurtre, La toison d’or, Ne vous retournez pas, Le piège à rats idéal, Seconde vue). Il a participé à de nombreuses autres séries (Rumpole of The Bailey, Shades of greene…). Plus récemment il a tourné neuf épisodes du Sherlock Holmes de Jeremy Brett.

o Roger Marshall (1934) fut un des auteurs les plus importants des Avengers. Il écrivit pas moins de quinze épisodes, de la saison 2 à la saison 5, donnant naissance à quelques-uns des plus beaux moments de la série. Il a ainsi écrit : Tueurs à gage, Mort d’un grand danois, La loi du silence (saison 2), La toison d’or, Mort d’un ordonnance, La cage dorée, La mandragore (saison 3), Meurtres par téléphone, Avec vue imprenable, La poussière qui tue, L’heure perdue, Maille à partir avec les taties, Les chevaliers de la mort (saison 4), Une petite gare désaffectée et Un petit déjeuner trop lourd (saison 5). . Il a participé à l’écriture d’autres séries : Public Eye, Armchair Theatre, Lovejoy

o C’est apparemment le seul scénario référencé de Phyllis Norman. Peut-être s’agit-il d’un pseudonyme ?

o Anne Spavin aura réalisé les décors de cinq épisodes : Missive de mort, La boîte à trucs, L’homme dans le miroir (saison 2), La toison d’or et Le marchand de secrets (saison 3).

Fiche de La toison d'or des sites étrangers :

En anglais
http://theavengers.tv/forever/gale2-11.htm
http://www.dissolute.com.au/avweb/ gale/304.html
http://deadline.theavengers.tv/GaleS2-11-GoldenFleece.htm

En flamand
http://home.scarlet.be/~pvandew1/avengers/gale38.htm

 

Retour à la saison 3

 
 

LE COCON

( THE NUTSHELL)

Tournage : mai 1963

Diffusion : ITV, 19 octobre 1963 – 13ème Rue, 9 avril 1998

Scénario : Philip Chambers

Réalisation : Raymond Menmuir

Charles Tingwell (Venner), John Cater (DISCO), Patricia Haines (Laura), Christine Shaw (Susan), Edina Ronay (Elin), Ian Clark (Anderson), Ray Browne (Alex), Jan Conrad (Jason), Edwin Brown (Military Policeman).

Résumé

Steed et Mrs Gale sont convoqués en urgence au Cocon. Il s’agit d’un vaste complexe souterrain servant d’abri anti-atomique aux plus hautes autorités du Royaume, ainsi que de chambre forte pour les documents les plus sensibles. DISCO, chef des services secrets, leur révèle qu’une copie de BIG-BEN, liste des agents doubles implantés à l’Est, a été dérobée, un traître ayant permis à une jeune contorsionniste de se glisser jusqu’à ce microfilm stratégique. Les Avengers ne disposent que de quelques heures pour mettre hors d’état de nuire le réseau adverse, et empêcher que BIG-BEN ne quitte le pays. La tâche s’avère d’autant plus difficile que Steed paraît très vite compromis…


CRITIQUES


Estuaire44 6 février 2008

Le Cocon constitue un épisode à l'atmosphère très singulière, résonnant admirablement en phase avec Concerto. En effet, après avoir célébré dans la joie et l'entrain l'avènement de la Détente, la série nous rappelle ici l'horreur glacée et inhumaine de la Guerre Froide.

En effet, s'il n'oublie pas de nous offrir une intrigue passionnante, plus complexe et enchevêtrée que de coutume, l'intérêt principal de l'histoire réside dans l'atmosphère qu'elle dégage. Tout concourt ici à nous faire vivre un réel cauchemar. Le premier élément frappant les esprits demeure bien entendu l'extraordinaire décor : couloirs s'entrecroisant sans fin, bruits lancinants des ordinateurs, omniprésence des caméras de surveillance (Steed se réfère explicitement à 1984), décoration standardisée et déshumanisée au possible... Nous ressentons avec un rare impact la folie de la confrontation des Blocs et de la course aux armements, dont l'absurdité nous est d'ailleurs énoncée dès l'ouverture de l’épisode.

Au cœur de la caverne d'acier et de béton réside l'effroi ultime de cette chambre des tortures moderne, où le fer rouge des bourreaux de jadis se voit remplacé par des décharges électriques du dernier « cri ». Nous nous trouvons face à une des visions les plus sinistres de la série, d'autant plus troublante qu'elle émane des « bons » et non du cerveau dérangé d'un Diabolical Mastermind.

Cette superbe, autant que horrifique, création se met au service d'une mise en scène rehaussant habilement l'angoisse ambiante : plans serrés et obliques sur les visages, tonalité froide, voire clinique, de nombreuses scènes. Les dialogues sont incisifs à souhait, la surabondance de sigles venant renforcer la déshumanisation du contexte. Par ailleurs l'exposition sous toutes les coutures, sans avoir l'air d'y toucher, du nouveau décor de l'appartement de Steed représente un joli exercice de style !

Les personnages secondaires s'insèrent eux aussi idéalement dans ce cauchemar en gris.

John Cater est admirable dans sa création de DISCO. Brillant et volontiers caustique, ce personnage symbolise à merveille cette machinerie administrative devenue folle, s'emballant jusqu'à planifier l'Apocalypse article par article, codicille par codicille. Lui-même est aussi glacé que son environnement, machine parmi les machines. On est bien loin de l'humanité bourrue et sympathique de One-Ten !

DISCO est admirablement secondé par Laura, qui incarne la secrétaire parfaite d'efficacité, du même métal que son patron. Quand on la compare avec l’excentrique Cynthia (La dynamo vivante, saison 5), on mesure à quel point on se situe loin, ici, de la future joyeuse tonalité de la série. Patricia Haines est parfaite dans ce rôle à des lieues de la délurée Lola. Cette talentueuse actrice, trop tôt disparue, aura elle aussi beaucoup apporté aux Avengers.

La spectaculaire et pétulante Edina Ronay accomplit ici une fort agréable apparition. Sa scène commune avec Steed, accompagnée dans un décor insolite par les efforts d'un contorsionniste amateur (!), apporte à l'épisode une petite note de fantaisie (et de sensualité) fort appréciable. Edina ne s'en sort pas si mal en tant que comédienne. Comme dans Tueurs à gage elle revêt un accent exotique très divertissant. En toute sincérité, on ne peut que regretter son absence dans la suite de la série !

Si les adversaires (très convainquant Charles Tingwell) semblent plus anecdotiques, on note avec intérêt que, malgré tous leurs défauts, ils manifestent une plus grande émotivité que les serviteurs robotisés du Cocon.

On peut compter sur nos Avengers pour ne pas se laisser gagner par la paranoïa contagieuse des lieux. Cathy Gale ne se dépare pas de son humanité coutumière et, toujours superbe d’indépendance, n’hésite pas à remettre en cause le discours dominant lors de la brillante scène d’introduction. Avant d’être dévorée d’inquiétude pour son partenaire (Honor Blackman montrant encore une fois ses grands talents de comédienne), elle continue à lui décocher quelques piques, apportant une bouffée d’humour bienvenue à l’épisode. Toutefois, comme cela demeure régulièrement le cas en ce début de saison, alors même qu’il restait assez régulièrement en retrait durant la saison 2, c’est ici Steed qui apparaît en vedette. Patrick Macnee, tout en énergie et humour cynique, parvient à insuffler de la vie à un environnement particulièrement sinistre. Grâce à Steed, l’épisode parvient à susciter un véritable amusement, sans rien perdre de son terrible impact.

Enfin, à cet épisode déjà très riche, le spectateur de 2008 peut également trouver un intérêt supplémentaire. En effet, au fur et à mesure que se déroule l’épisode, on éprouve une impression toujours plus forte de déjà vu : le compte à rebours stressant, le rythme trépidant vécu par le héros durant toute l’histoire, le quartier général – forteresse remplie de dispositifs high-tech (pour l’époque !) – la sinistre salle d’interrogatoire où se pratique une torture sophistiquée, le personnage principal n’hésitant pas à recourir à des méthodes bien tordues sans en référer à sa hiérarchie, des traîtres haut placés, des coups de théâtre perpétuels, une séduisante mercenaire solitaire (bon, ce n’est pas une tueuse…), la partenaire convaincue de l’innocence du héros et l’aidant finalement en sous-main, des tumultes évoqués dans la sphère supérieure (Whitehall) et une réflexion sur ce que la dérive sécuritaire peut engendrer dans nos démocraties…

Décidemment, tout comme Warlock (saison 2) avait comme une saveur de X-Files, Le Cocon fait furieusement penser à 24 heures Chrono ! Revisionner l’épisode dans cette optique s’avère particulièrement réjouissant…

EN BREF : Ce passionnant épisode s’avère particulièrement engagé, soulignant brillamment la folie de la Guerre Froide. Sans hésiter à prendre parti, la série fait clairement référence aux tumultes de son époque. Cette intéressante caractéristique de l’ère Cathy Gale aura rarement été aussi fascinante que dans les méandres du Cocon !


VIDÉO


Un entretien original !


INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Tournage


Continuité

o Encore une fois, le sous-titrage indique Melle Gale.

o Durant la séquence d’introduction on aperçoit à plusieurs reprises l’ombre de la caméra sur le sol (2’27’’ et 2’33’’) :

o On remarque une superbe faute d’orthographe dans le sous-titre : « Et bien, cet endroit vient d’être violer ! » déclare DISCO (10’38’’).

o Patrick Macnee serait-il troublé par Edina Ronay ? Il laisse choir les brosses à dents (18’18’’) avant de heurter la porte en sortant (18’39’’) !

o Toujours maladroit, il fait également tomber l’émetteur–radio ! (26’11’’) :

o En fin d’épisode (49’44’’) Macnee se surprend à fixer un instant l’équipe technique :

 


Détails

o The Nutshell ne signifie pas Le Cocon mais La Coquille de noix. Le titre espagnol de l’épisode est lui fidèle à l’original : Cáscara de Nuez !

o Steed possède un tableau d’un ancêtre lui ressemblant trait pour trait : R.K.J. de V. Steed.

o « Big Brother is watching you » déclare Steed à Cathy Gale en montrant les caméras du Cocon (8’30’’). Il fait référence au célèbre roman 1984 de George Orwell, où le dictateur Big Brother épie chaque faits et gestes des citoyens grâce aux télécrans, dont la vie privée n’existe plus, même la nuit. De gigantesques affiches rappellent ce slogan dans chaque rue, avec un portrait du Guide, celui-ci devant être présent à chaque instant dans l’esprit de tous. Autres temps, autres mœurs, Big Brother est également le titre de la version anglaise de Loft Story…

o Quand DISCO énonce que la vanité est la faiblesse de Steed (39’44’’), Cathy Gale ne le conteste pas …

o De nombreux codes parsèment l’épisode : WISHMAKE, BRUTUS, BISMARCK, ZENITH… NUTSHELL signifie Thermonuclear Underground Target Zone Shelter, BIG BEN Bilateral Infiltration of Great Britain, Europe and North America, et DISCO : Director of Intelligence, Security and Combined Operations.

o Connaissant l’existence des caméras, il est étonnant que Elin ne porte pas de masque !

o Jason s’enfuit dans un Kingfisher [Martin-pêcheur], un hydravion développé par la marine américaine durant la seconde Guerre Mondiale. Catapulté depuis les navires, il servait à la reconnaissance et à la prise de photographies. Après le conflit, sa grande manœuvrabilité lui vaudra d’être repris par de nombreuses marines dont la britannique et... la soviétique !

o Steed semble apprécier les plages françaises, puisque, après la French Riviera dans Tueurs à gage (saison 2), nous apprenons qu’il a passé des vacances à Deauville. On se souvient également qu’il convie Mrs Peel à un séjour très romantique dans notre beau pays (Qui suis-je ?, saison 5 : Paris, Montmartre, Saint-Tropez…), tandis qu’il y passe également ses vacances dans Le visage (saison 6), ramenant du parfum à Tara King. Steed est bien un amoureux de la France !

o Deauville, avec sa belle station balnéaire et son très chic Casino (1912), lancés par le Duc de Morny, constitue traditionnellement une destination très appréciée par la clientèle la plus huppée et le Gotha. On ne s’étonnera donc guère de voir y séjourner John Steed ! Deauville commence cependant à se populariser durant les années 60.

o Whitehall : Centre de l’exécutif britannique, Whitehall est une célèbre rue de Londres, située à proximité du Parlement. Elle tire son nom de l’immense palais royal qui s’y élevait, détruit par un incendie en 1698. Les bâtiments subsistant accueillent désormais le Ministère de la Défense. Dans le langage courant, Whitehall désigne en fait le gouvernement britannique, car on y trouve ses principales institutions : résidence et cabinet du Premier ministre, l’Amirauté, le Trésor, la Horse Guard, le Foreign Office, le Ministère de la Santé, les représentations de l’Écosse et du pays de Galles, la Direction des Impôts et celle des Douanes etc. S’y élève également le Cénotaphe, le plus grand et prestigieux Monument aux morts de la Grande-Bretagne, érigé en 1919 en hommage aux soldats tombés durant la Grande Guerre. Chaque année la Reine y préside aux cérémonies du 11 Novembre.

 

Acteurs – Actrices

o Charles Tingwell (1923) « Bud » Tingwell, d’origine australienne, débute au cinéma dès 1946. Il devient célèbre durant les années 50 dans des films de guerre, avant de s’installer en Angleterre durant les années 60. Il y devient une grande vedette de la télévision, tenant le rôle principal de Emergency Ward 10, assurant de nombreuses voix secondaires des Thunderbirds et participant à de très nombreuses séries (Detective, Z Cars, Adam Adamant lives !, Destination Danger…). Au cinéma il joue l’Inspecteur Craddock dans une série de films consacrés à Miss Marple. Dans les années 70 il revient en Australie où sa carrière se poursuit encore aujourd’hui (Antigravity, 2008).

o John Carter (1932) participe également aux épisodes Mort en magasin (saison 4) et Le mort vivant (saison 5) Il est appercu dans un très grand nombre de séries anglaises (Destination Danger, Le Baron, Docteur Who, Department S, Z Cars…) et joue dans le film de Brian Clemens Capitaine Chronos, chasseur de vampires, avec également Caroline Munro et Ian Hendry (1974). Il continue encore à tourner aujourd’hui (Bad Girls, The last detective…).

o Patricia Haines (1931-1977),  trop tôt décédée d'un cancer, fut mariée à Michael Caine. Elle a participé à deux autres épisodes des Avengers : Holly Trent dans Les aigles, saison 4 et Lola dans Qui suis-je ?, saison 5. Elle a également joué dans les séries : Destination Danger, Les Champions, Le Saint, Département S, Paul Temple, Poigne de Fer et Séduction. Dans la série humoristique Up Pompeii !, elle interprète "Pussius Galoria" dans un épisode intitulé Jamus Bondus ! (1970)

o Edina Ronay (1945) apparaît également dans l’épisode Tueurs à gages (saison 2). Elle s’est surtout fait connaître comme mannequin, sa carrière d’actrice se limitant à quelques apparitions durant les années 60 (Les Champions, Department S, Prehistoric Women), avant de devenir créatrice à succès de vêtements. Elle est la fille du célèbre critique culinaire d’origine hongroise Egon Ronay, auteur des très populaires Egon Ronay’s guides to British eateries. Dans son propre restaurant, The Marquee (en face d’Harrods), il contribua au renouveau de la cuisine française dans le Londres d’après guerre. Steed fait terriblement penser à lui dans son interprétation de Monsieur Gourmet, dans Avec vue imprenable (saison 4). Edina Ronay est aussi la mère de Shebah Ronay, également modèle et actrice. Edina, qui fut très proche des Beatles et des autres vedettes de l’époque, raconte que durant les années 60, tout ce petit monde ne se nourrissait que de steaks et de salade (la minceur étant une obsession), avant de devenir hippie et végétarien durant les années 70, au grand dégoût de son père !

À noter que…

o L’idée d’un abri protégeant les trésors du Royaume sera reprise dans Homicide et vieilles dentelles (saison 6).

o Tara King tentera elle aussi de s’infiltrer dans un zone de haute sécurité dans Affectueusement vôtre (saison 6), mais pour en tester les défenses !

o Torse nu dans Dragonsfield (saison 1), déshabillage dans Monsieur Nounours, tenues de plage dans Tueurs à gage et Le Cocon… Les premières saisons des Avengers voient un Steed n’hésitant pas à se montrer en petite tenue, ce qui ne sera plus le cas par la suite !

o Avec cet épisode nous découvrons le nouvel appartement de Steed, qui demeurera le sien jusqu’à la fin de la saison. Comme pour Mrs Gale, l’amélioration est sensible, l’ensemble apparaissant agrandi et plus cosy. Mais là où sa collaboratrice privilégie le modernisme et les gadgets à la mode, Steed en reste à une décoration anglaise très traditionnelle, à dominante maritime, remplaçant les affiches de pantomimes. On retrouve le thème du tableau au-dessus de la cheminée, qui deviendra central dans les saisons ultérieures.

o Raymond Menmuir a également réalisé l’épisode Le clan des grenouilles (saison 2) et a participé à de nombreuses séries des années 60 et 70 (The Troubleshooters, Zodiac, Duchess of Duke Street…). Il a produit 15 épisodes des Professionnels (deuxième saison, 1978-1979).

o Philip Chambers a aussi écrit l’épisode Le retour du traître au cours de cette saison. Durant sa très courte carrière télévisuelle il a également participé à Adam Adamant lives !. Son activité principale demeure l’écriture de romans policiers : il est notamment l’auteur de nombreuses aventures de Sexton Blake, détective privé.

Fiche du Cocon des sites étrangers :

En anglais

http://theavengers.tv/forever/gale2-4.htm
http://www.dissolute.com.au/avweb/ gale/303.html
http://deadline.theavengers.tv/GaleS2-04-TheNutshell.htm

En flamand
http://home.scarlet.be/~pvandew1/avengers/gale31.htm

 

Retour à la saison 3

 
 

PLAIDOIRIE POUR UN MEURTRE

( BRIEF FOR MURDER)

Tournage : septembre 1963

Diffusion : ITV, 29 septembre 1963 – 13ème Rue, 2 avril 1998

Scénario : Brian Clemens

Réalisation : Peter Hammond

Harold Scott (Miles Lakin), John Laurie (Jasper Lakin), Helen Lindsay (Barbara Kingston), Alec Ross (Westcott), June Thody (Dicey), Anthony Baird (Wilson), Alice Fraser (Miss Prinn), Fred Ferris (Marsh), Michael Goldie (Bart), Robert Young (Judge), Pamela Wardel (Maise), Walter Swash (Foreman of the Jury).

Résumé

Depuis quelques temps de nombreux assassins voient leur procès pour meurtre se conclure par un acquittement, malgré les lourdes charges pesant sur eux. Tous ont bénéficié des conseils du cabinet juridique des frères Lakin. En réalité ceux-ci, grâce à leurs vastes connaissances juridiques, planifient à chaque fois un crime contenant de multiples faits permettant l’acquittement de leur client, qui peut dès lors commettre son crime sans risques. Cathy Gale ayant découvert les relations de Steed avec la pègre, celui-ci fait appel aux frères Lakin, afin de l’assassiner. La machination réussit, Steed est acquitté après avoir accompli son forfait… puis, en compagnie d’une Mrs Gale ressuscitée, met fin aux activités du duo, tout ceci se révélant un stratagème destiné à faire tomber les frères Lakin dans leur propre piège !


CRITIQUES


Estuaire44 4 janvier 2008

Après le succès de Concerto, la saison 3 se poursuit idéalement avec ce magnifique épisode, appartenant assurément aux meilleurs de la série. En effet, après ses premières armes lors de la saison 1, Brian Clemens réalise ici un authentique coup de maître pour son premier scénario de la période Cathy Gale. Il conçoit une intrigue remarquablement intelligente, au déroulement aussi astucieux qu'implacable. La progression de l'histoire apparaît tout à fait originale, tranchant nettement avec le schéma traditionnel de la série.

Si le procédé paraît particulier, l'histoire en elle-même rejoint les meilleurs thèmes des Avengers. C'est avec une grande joie que l'on y retrouve les ingrédients du succès unique de la série : humour et fantaisie sont bien présents, ainsi qu'une succession de lieux insolites comme le cabinet hors du temps des frères Lakin ou le club de yoga aux multiples miroirs. Surtout, par sa critique caustique et particulièrement amusante d'un des piliers traditionnels de la société britannique, son système judiciaire, l'épisode annonce très clairement la tonalité de la brillante saison 4. Tout juste pourrait-on regretter une conclusion un tantinet accélérée, avec en particulier un retour bien rapide des frères Lakin lors du dénouement. Toutefois il ne s'agit que de peccadilles, face à l'excellence de ce scénario, l'un des plus astucieux et brillants de son prolifique auteur.

La qualité de cet épisode hors normes tient également à la rencontre de plusieurs talents, l'imagination brillante de Clemens se voyant particulièrement mise en valeur par la réalisation inspirée de Hammond. Ce dernier nous offre ici une de ses plus belles réussites, avec une caméra aussi fluide qu’alerte, trouvant toujours à coup sûr le meilleur angle de vue possible. Certaines scènes constituent d’authentiques exploits, comme le gigantesque chapeau melon coiffant Steed, l’apparition de Catherine Gale dans le public, ou l’exploitation des miroirs de la salle de yoga. La longue scène en extérieur du faux assassinat de Catherine Gale s’avère particulièrement spectaculaire et nerveusement filmée, malgré l’image demeurée de médiocre qualité et l’absence de son partiellement compensée par les traditionnels bruitages.

La mise en scène apparaît également rehaussée par les décors particulièrement évocateurs de James Goddard, que cela soit le pub très vivant, le tribunal présenté comme une arène, le cabinet encombré de meubles et de livres des frères Lakin ou les rues de leur quartier, que l’on imagine volontiers envahies par le brouillard londonien.

La réussite de Plaidoirie pour un meurtre ne serait pas totale sans ses magnifiques rôles secondaires, eux-mêmes incarnés par de splendides acteurs.

L’ensemble reste dominé par l’impayable duo des frères Lakin. Délicieusement excentriques, leur drôlerie fait véritablement merveille après une saison 2 marquée principalement par des adversaires très ancrés dans un grisâtre réel. Supérieurement intelligents et érudits, le dévoiement de leur art demeure d’essence ludique et mégalomane. La motivation crapuleuse demeure accessoire, cette pétillante originalité provoquera d’ailleurs leur perte du fait du diabolique stratagème de Steed ! Leur subtil procédé flirtant agréablement avec l’absurde rappelle irrésistiblement les Diabolical Masterminds des saisons suivantes, ce qui n’étonnera finalement guère de la part de Brian Clemens !

Il faut les voir dans leur repaire, supputant avec délices à quels obscurs précédents ils vont pouvoir recourir ou tissant leurs scenarii avec délectation… Un authentique régal ! Le vertige de la virtuosité qui finit par les saisir s’avère par contre inquiétant au possible, grâce à l’intensité qu’insufflent les talentueux comédiens. Le trouble saisit alors le spectateur qui se surprend à se demander si tout ceci demeure bien loin de la vérité…

Harold Scott est excellent dans le rôle du bredouillant mais toujours malicieux Miles (fasciné par la Bossa Nova !). Mais c’est surtout John Laurie qui impressionne, incarnant avec son panache coutumier le flamboyant Jasper, la tête pensante et le plus sombre membre de la fratrie. Il s’impose véritablement comme l’un des plus grands comédiens de la série !

Miss Prim représente quant à elle une excentrique encore peu expansive, mais tout de même sympathique. Helen Lindsay campe avec talent et conviction une ardente avocate, représentative de cette époque où les femmes commencent à accéder à des professions traditionnellement réservées aux hommes. Wescott et son écervelée compagne demeurent plus anecdotiques.

Nos deux héros sont à la hauteur de cet excellent épisode. Cathy Gale ne s’est guère adoucie d’une saison à l’autre, n’hésitant pas à réveiller son partenaire à coup de pied ! Elle continue à ne pas lui épargner sa cinglante ironie, pour notre plus grand plaisir ! Honor Blackman arbore toujours aussi élégamment ses jolis chapeaux, mais la perruque brune lui va aussi bien que la blonde à Linda Thorson… Elle donne toujours autant de présence et de crédibilité à son personnage.

Toutefois Catherine Gale reste relativement en retrait dans cet épisode, dont la grande vedette demeure John Steed. C’est avec une grande joie et une authentique délectation que nous voyons le spadassin parfois abrupt de la saison précédente prendre ici les traits du brillant personnage que nous connaissons. Steed développe en effet un brillant humour durant tout l’épisode et montre toute sa classe proverbiale, notamment lors des face-à-face avec les frères Lakin. Patrick Macnee nous offre un brillant numéro, très dans le ton de la quatrième saison là aussi. Il triomphe sans brutalité, en utilisant la ruse et un machiavélisme de bon aloi des plus réjouissants ! Ce passage d’étape se voit symbolisé par le triomphe du chapeau melon, qui supplante définitivement le triste feutre trop souvent aperçu durant la deuxième saison. Même si, en compagnie de sa partenaire, il fête encore son succès autour d’un alcool fort plutôt que d’une coupe de champagne, c‘est bien le Steed définitif qui transparaît ici, à l’orée d’une saison trois s’annonçant ainsi très prometteuse !

EN BREF : Plaidoirie pour un meurtre constitue un épisode exceptionnel, auquel il ne manque sans doute que d’appartenir à une saison plus popularisée pour constituer un grand classique des Avengers. Steed se révèle particulièrement affûté au début d’une saison 3 qui ne pouvait rêver meilleur commencement !


VIDÉO


Le procès de John Steed !


INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Tournage


Continuité

o Un bruit de chute se fait distinctement entendre quand Steed rejoint Wescott et Dicey au bar (8’51’’).

o L’encrier doit être vide, car la plume utilisée par Cathy Gale pour signer son contrat ne fait visiblement qu’égratigner le papier, sans déposer d’encre ! (41’03’’) :

 


Détails

o Steed lit The Sollicitors Gazette ; l’équivalent de ce côté-ci de la Manche en est La gazette du Palais, journal suivant l’évolution doctrinale et jurisprudentielle du droit français depuis 1881. Sollicitor ne désigne pas un plaignant mais un avocat-conseil, soit exactement le rôle tenu par les frères Laskin dans l’épisode. L’avocat à la cour, réalisant la plaidoirie, (Barbara Kingston, ici) est nommé barrister. En droit anglais les deux fonctions sont clairement distinguées.

o Le journal que lit Mrs Gale s’intitule North London Weekly.

o Dans le pub, un panneau indique We regret any inconvenience caused to patrons during redecoration.

o L’ancienne réglementation évoquée par Cathy (44’20’’) contraignant les "pubs" (public houses) à fermer de bonne heure (souvent 21h30) a été levée en 2005, devant les troubles causés par les ruées vers le bar en fin de périodes autorisées et les migrations vers les établissements bénéficiant d’horaires plus tardifs selon les quartiers de Londres. L’interdiction de fumer est par contre promulguée en juillet 2007…

o Bizarrement Steed présente Cathy Gale comme une géologue et non pas une anthropologue.

o Fin gastronome, Steed varie le nombre de sucres selon les breuvages : ici deux avec le thé (India, of course), tandis qu’il en prend trois avec le café, comme révélé dans Ne m’oubliez pas, saison 6.

o Au lieu des inserts assurant les liaisons entre diverses scènes, l’épisode a recours à des diaporamas de Londres, montrant des scènes de rue et des bâtiments, dont l’Old Bailey.

o Miles Lakin se passionne pour la Bossa Nova, alors en vogue parmi la jeunesse. Effectivement ce genre musical naît au Brésil à la fin des années 50 mais triomphe réellement en 1963, année de l’épisode, avec le succès mondial de The girl from Ipanema, d’Astrud Gilberto. L’album Getiz/Gilberto, sorti la même année, contient tous les standards du genre (Corcovado, O grande amor, Desafinado…), jamais détrônés depuis. En France, c’est Henri Salvador qui contribue au succès de la Bossa Nova durant les années 60. À ce titre il est décoré en 2005 par le Président Lula ! La Bossa Nova est un dérivé de la Samba, avec moins de percussions et des harmonies davantage développées.

o L’avocate Barbara Kingston nomme le juge « My Lord » : seuls les magistrats du siège de l’Old Bailey et des autres Hautes Cours du Royaume ont droit à ce privilège. L’appellation normale est « Your honor », voire simplement « Sir » pour les tribunaux de plus petite instance.

o La phrase apparaissant au fronton de l’Old Bailey (30’18’’) existe réellement, son intitulé complet est "Defend the Children of the Poor & Punish the Wrongdoer"

o Old Bailey Désigné avec fierté par Wescott au début, et lieu où se déroulent les procès de l'épisode, il s'agit du surnom populairement attribué à la Haute Cour Criminelle de Londres. Le terme Old Bailey [Vieux chemin de ronde], nom de la rue où il se situe, fait référence à l'origine médiévale de l'institution. L'édifice actuel, situé près de la cathédrale St-Paul, en plein cœur historique de Londres, a été inauguré en 1907, sur le site de la tristement célèbre prison de Newgate (en activité de 1188 à 1904). On y traite des crimes les plus graves commis dans l'enceinte du Grand Londres. Le célèbre dôme est surmonté d'une grande statue dorée, aperçue dans l’épisode, représentant la Justice, avec ses traditionnels attributs de l'épée et de la balance. L'Old Bailey, un des bâtiments les plus célèbres de Londres, apparaît à de multiples reprises dans la culture populaire anglaise. La série Rumpole of the Bailey (1975-1992) s'inspire d'un célèbre avocat y ayant accompli de nombreuses plaidoiries.

Acteurs – Actrices

o John Laurie (1897-1980), a connu une brillante carrière de comédien shakespearien au théâtre. Ami très proche de Laurence Olivier, il apparut ainsi régulièrement à l’Old Vic. Laurie a également joué dans de nombreux films dès les années 30, dont Les 39 marches et Q Planes qui a inspiré le personnage de Steed à Patrick Macnee. Il a participé à trois autres épisodes de la série : Mort d’un grand danois (saison 2), Une petite gare désaffectée (saison 5) et Pandora (saison 6). Son rôle le plus populaire demeure James Frazer, personnage récurrent dans Dad’s Army (1968-1977).

o Harold Scott (1891-1964) Le rôle de Miles Lakin fut pratiquement le dernier de cet acteur dont la carrière avait débuté au début des années 30. À travers de nombreux rôles, il participa avant-guerre aux premières adaptations théâtrales de la télévision britannique. Il demeure surtout dans les mémoires pour son rôle récurrent de Duffy Clayton dans 18 épisodes de Dixon of Dock Green (1956-1962).

o Helen Lindsay est également apparue dans Nightmare (saison 1). Elle participa à de nombreuses séries tout au long e sa carrière, dont Police Surgeon, Public Eye, Armchair Theatre, Thirty-minute Theatre, Poirot... Elle interprète également de nombreux rôles aux théatre.

o Alec Ross est également vu dans Le document disparu (saison 6). Après avoir servi dans la RAF durant la guerre, il participe à de nombreuses séries des années 60 (Detective, No hiding place, Gideon's way, Dixon of Dock Green, Z Cars...). Il décède d'un cancer en 1971. Depuis 1956 il était l'époux de Sheila Hancock, prestigieuse comédienne du West End, apparaissant souvent également à la télévision.

 

À noter que…

o Les personnages du Dr. King et de Vénus Smith disparaissent dans cette saison, au profit de Catherine Gale qui devient l’unique partenaire de Steed.

o La saison 3 débute ici avec un nouveau générique, où les visages des personnages sont remplacés par une silhouette courant dans la lettre G du titre The Avengers. Les noms des interprètes principaux apparaissent ensuite sur fond noir. La musique évolue également, avec l’introduction de quelques percussions insufflant davantage de rythme. Il ne s’agit toutefois pas du générique définitif. Celui-ci, plus long, apparaît à l’épisode suivant et voit la silhouette parcourir toutes les lettres du titre se découpant sur un fond noir. Les dessins de ce personnage remplacent également ceux des personnages sur les cartons séparant les différents actes.

o Les opinions diffèrent à propos du choix de l’épisode débutant cette saison, Concerto est parfois cité. En effet si Plaidoirie pour un meurtre constitue bien le premier épisode diffusé de la saison 3 (le 29 septembre 1963, contre le 02 mars 1964 pour Concerto), la question paraît moins tranchée quant aux dates de tournage. Si le 26 avril 1963 demeure clairement établi pour Concerto, les dates fluctuent entre le 12 avril et le premier mai pour Plaidoirie pour un meurtre, sans doute du fait de la réalisation distincte des scènes extérieures. Merci à Marc pour ces précisions.

o James Goddard débute comme dessinateur de décors au commencement des années 60 (City beneath the sea, 1962). Il travaille alors principalement pour les Avengers, dont il conçoit les décors de 10 épisodes : Dance with Death, Double Danger, The tunnel of fear, A change of Bait (saison 1), Festin de pierres, Le grand penseur, Missive de mort, L’argile immortelle, Le clan des grenouilles (saison 2) et Plaidoirie pour un meurtre (saison 3). À partir des années 70 il devient réalisateur pour diverses séries, sous le pseudonyme de Jim Goddard (Inspecteur Morse, Rumpole of The Bailey, Callan, Public Eye…).

o Peter Hammond (1923-2011) est une figure importante de la série car il a réalisé pas moins de 19 épisodes, durant les saisons 1 (neuf épisodes, dont Passage à tabac), 2 (Warlock, Le point de mire, Mort d’un grand danois, Les œufs d’or, La loi du silence) et 3 (Plaidoirie pour un meurtre, La toison d’or, Ne vous retournez pas, Le piège à rats idéal, Seconde vue). Il a participé à de nombreuses autres séries (Rumpole of The Bailey, Shades of greene…). Plus récemment il a tourné neuf épisodes du Sherlock Holmes de Jeremy Brett.

Fiche de Plaidoirie pour un meurtre des sites étrangers :

En anglais
http://theavengers.tv/forever/gale2-1.htm
http://www.dissolute.com.au/avweb/ gale/302.html
http://deadline.theavengers.tv/GaleS2-01-BriefForMurder.htm

En flamand
http://home.scarlet.be/~pvandew1/avengers/gale28.htm

 

Retour à la saison 3

 
 

CONCERTO

( CONCERTO)

Tournage : avril 1963

Diffusion : ITV, 7 mars 1964 – 13ème Rue, 13 juin 1998

Scénario : Malcolm Hulke & Terrance Dicks

Réalisation : Kim Mills

Nigel Stock (Zalenko), Sandor Eles (Stefan Veliko), Dorinda Stevens (Darleen), Bernard Brown (Peterson), Geoffrey Colville (Burns), Carole Ward (Receptionist), Valerie Bell (Polly White), Leslie Glazer (Robbins).

Résumé

Dans un contexte de détente politique et d’importantes négociations commerciales entre Grande-Bretagne et Russie, Veliko, un jeune pianiste virtuose russe, vient donner une série de concerts à Londres sur l’invitation du Conseil Culturel Britannique. Il est accompagné et chaperonné par Zalenko, un agent secret d’élite, bien connu de Steed. Ce dernier assure également la sécurité du pianiste, en compagnie de Mrs Gale qui est membre du Conseil. Les agents des deux bords vont devoir collaborer car un mystérieux parti, hostile à la Détente, va s’en prendre au jeune pianiste pour saboter les pourparlers en cours. L’entente cordiale existant entre Steed et Zelenko permet de triompher de ce complot dirigé par le corrompu directeur du Conseil, après que Cathy eut risqué la mort dans une partie de roulette russe à sens unique !


CRITIQUES


Estuaire44 13 janvier 2008

Concerto offre le grand intérêt, outre ses qualités intrinsèques, d’éclairer admirablement l’ensemble de la saison 3. Celle-ci représente en effet la transition entre l’espionnite de la saison 2 et la joyeuse fantaisie de la saison 4.

Cette évolution se dénote clairement chez Steed. En effet il semble ici réellement proche de celui des années Emma Peel, manifestant un enthousiasme de chaque instant, mêlé à un humour très incisif. Steed s’amuse véritablement beaucoup (y compris au Stud…) et nous fait partager son entrain, loin des situations parfois figées de la saison précédente. On perçoit un Patrick Macnee beaucoup plus à l’aise dans cette version du personnage, qu’il interprète avec un réel éclat. Le chapeau melon s’impose comme seul couvre-chef et Steed est complimenté par Zalenko pour son joli coup de parapluie… Tout un symbole !

Mrs Gale participe également à cette évolution, d’autant qu’elle délaisse en partie ses strictes tenues habituelles pour un ensemble XVIIIe fort seyant ! On assiste à la mise en place d’une relation relativement plus apaisée avec Steed (qui poursuit tout de même ses cachotteries…), même si Cathy continue heureusement à se montrer mordante à l’occasion. Ce rapprochement vers la série que nous connaissons se trouve conforté par la capture de Cathy, sauvée in extremis par Steed. Ces scènes très ritualisées n’arrivent finalement que rarement dans la saison 2, où l’héroïne a coutume de se tirer d’affaire toute seule (La baleine tueuse, Les œufs d’or, La loi du silence…), voire en compagnie de son partenaire. Elles foisonneront par contre dans les saisons suivantes. Notons également que l’intrépide aventurière paraît logiquement éprouvée d’avoir frôlée la Mort, tandis que Mrs Peel demeurera le plus souvent sereine et spirituelle… La série n’a pas encore rompu avec le réalisme, il s’en faut !

Les seconds rôles ne sont pas en reste, en particulier l’excellent Zalenko. Remarquable partenaire, à l’humour caustique, il compose réellement l’alter ego de Steed à l’Est. On apprécie vraiment sa présence, d’autant que la série nous offrira par la suite une succession de personnages russes caricaturaux, certes amusants, mais d’un intérêt plus limité (Olga, Brodny, Shaffer…). Les scènes avec Steed sont piquantes à souhait, avec une réelle complicité s’installant entre de vieux adversaires ayant tant de choses en commun. Les deux comédiens s’entendent à merveille, Macnee et Stock savent parfaitement restituer cette relation si particulière. La conséquence inéluctable consiste en une certaine mise à l’écart de Cathy Gale, mais demeurant toute relative.

Peterson campe, lui, un méchant stylé et très anglais, tandis que Burns incarne l’homme de main accompli, violent et satisfait de lui-même. La très belle Dorinda Stevens apporte une touche d’émotion dans cet univers vraiment masculin, mais son personnage demeure absolument convenu et prévisible. Sandor Eles interprète parfaitement bien son personnage, pas si effacé qu’il n’y paraît.

L’épisode bénéficie d’une intrigue astucieuse, distillant un habile suspense. D’entrée on reste séduit par une remarquable séquence d’introduction, réellement l'une des plus surprenantes de la série, avec un formidable coup de théâtre à la clef. Par la suite le rythme ne ralentit pas, l’action virevoltant d’un endroit à l’autre, nous délivrant quelques scènes marquantes, comme la visite de Steed au Stud , ou la terrible séance de roulette russe. De plus les dialogues demeurent percutants durant tout l’épisode.

Concerto bénéficie d’une réalisation soignée de la part de Kim Mills, qui retrouve le talent ayant été le sien dans La boîte à trucs pour la description du Londres "chaud". Les décors apparaissent magnifiques, du Stud au salon de réception. La saison 3 est aussi celle où les budgets deviennent plus conséquents, cela se voit à l’écran. La musique est bien entendue admirable, avec les superbes Polonaises de Chopin…

Mais ce qui fait avant tout le prix de l’épisode demeure son témoignage de ce moment enchanté que constitua l’avènement de la Détente. Les terreurs de la Guerre Froide s’amenuisent et les contemporains se prennent à espérer un futur plus fraternel. Cette sensation de bousculement d’un ordre glacé que l’on croyait immuable se retrouve tout au long de cette histoire plus farfelue et dynamique que d’ordinaire. Ce sentiment est couronné par l’irrésistible scène finale où l’on contemple Steed et Zalenko fraterniser autour du (des) verre(s) de l’amitié et aller jusqu’à échanger leur chapeau ! Même Cathy Gale, qui ne manque d’habitude jamais une occasion de fustiger le goût de Steed pour le brandy, se laisse aller à l’euphorie et à un sourire attendri… Décidemment, voici les lendemains qui chantent !

Malheureusement, comme d’accoutumée chez Hulke et Dicks, la vive imagination et l’enthousiasme ne vont pas sans certaines facilités scénaristiques. Les motivations des adversaires demeurent très floues et l’on ne perçoit pas clairement en quoi l’échec d’une tournée musicale pourrait compromettre des négociations commerciales. Chaque acte se conclut par un Avenger menacé d’un révolver, ce qui semble tout de même quelque peu téléphoné. Peterson crache le morceau devant Darleen, et, surtout, est persuadé que Veliko va commettre un vrai meurtre, en public, pour échapper à la fausse accusation d’en avoir perpétré un autre…

Qu’importe ces quelques faiblesses, Concerto demeure un excellent épisode, augurant très favorablement de la suite de la saison !

EN BREF : Concerto nous offre une ouverture Allegro de la saison 3, dont la mélodie apparaît plus imaginative qu’auparavant. Steed devient Steed et donne le "la" à cet épisode très divertissant !


VIDÉO


Le verre de l'amitié !


INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Tournage


Continuité  

o Durant tout l’épisode le sous-titrage indique Melle Gale, au lieu de Mme.

o Le sous-titrage appelle le chien de Steed Junior et non Junia (3’13’’).

o Lors de la scène des alcools (19’10’’), Nigel Stock reste soudain silencieux, tandis que Macnee jette des coups d’œil perplexes à l’équipe technique. On peut supposer un trou de mémoire passager de Stock. Macnee ressert une tournée et fait durer, le temps nécessaire à son partenaire pour retrouver son texte. Quel sang froid !

o Le micro est visible à la droite de Zalenko (30’05’’) :

o Lors de la scène de la roulette russe, l’image devient subitement floue (41’57’’) :

o Durant cette même scène, les statistiques délivrées par Burns sont hautement fantaisistes (4 pour 1, 2 pour 1), un barillet contenant six balles…


Détails

o Steed a un troisième chien, Junia succédant à Freckle et Sheeba.

o La boîte d’allumettes de Zalenko est ornée de l’Étoile Rouge, ainsi que de la Faucille et du Marteau.

o Zalenko déclare avoir appris ses clefs de bras en regardant la télévision anglaise le samedi. L’épisode a été diffusé le sept mars 1964, soit, bien entendu, un samedi…

o En 1948, Steed était dans le Herefordshire.

o Steed taxe son nouvel ami Zalenko de coquin, quand celui-ci évoque les « droskies » (49’17’’). Un drosky est un traditionnel attelage ouvert, typiquement russe, où le passager s’assoit les jambes écartées sur un axe surélevé. La vitesse peut effectivement soulever quelques jupes…

o Le bureau de Peterson s’orne d’un buste de Mozart, ce qui peut détonner au Conseil Culturel Britannique, le grand musicien étant Autrichien et n’ayant guère séjourné à Londres !

o Zalenko déclare qu’aucun assassinat politique n’a eu lieu en Grande-Bretagne depuis 1812. Effectivement, le 11 mai 1812, le Premier Ministre Spencer Perceval est abattu en plein Palais de Wesminster, alors qu’il se rendait à la Chambre des Communes. Son assassin, un déséquilibré l’accusant de l’avoir ruiné, sera pendu la semaine suivante. D’origine écossaise, Perceval a fait face au Blocus Continental de Napoléon et c’est sous son gouvernement que la traite des esclaves a été abolie. Il est à ce jour l’unique Premier Ministre à avoir été assassiné.

o Le concerto est un genre musical se caractérisant par le dialogue entre un ou plusieurs solistes et le reste de l’orchestre. L’intitulé du concerto indique l’instrument isolé. On s’aperçoit donc que le titre de l’épisode ne fait pas référence au récital, en solo, de Veliko mais bien aux efforts conjoints de Steed et Zalenko travaillant... de concert !

o Steed préfère Van Cliburn à Veliko. Il s’agit en effet d’un prestigieux pianiste américain, né en 1934. Il accède à la renommée mondiale en 1958, lorsqu’il remporte la première édition du concours international de musique classique Tchaïkovski, organisé par l’URSS en pleine Guerre Froide. Devant son éclatant talent, les juges soviétiques ne purent faire autrement que de lui discerner le premier prix mais non sans en avoir au préalable demandé la permission à Nikita Kroutchev. L’acceptation de celui-ci est généralement considérée comme un signal annonçant la prochaine Détente. Van Cliburn eut droit à la une de Time et à une parade triomphale dans New-York ! En 1962, un an avant l’épisode, il retourna en URSS pour une série de grands concerts donnés dans tout le pays. Il refit régulièrement le voyage par la suite. En 1987, il donna un récital à la Maison Blanche lors de la visite de Gorbatchev à Reagan, marquant la fin de la Guerre Froide.

o Pour son récital, Veliko répète une Polonaise de Chopin. Ce grand compositeur et pianiste (1810-1849) s'était exilé à Paris lors de l'écrasement de la rébellion de Varsovie, alors possession Russe. Son nationalisme affiché empêchera toujours son retour et sa nostalgie désespérée lui inspirera cette fameuse série de Polonaises. Il y reprend des airs traditionnels polonais, en les sublimant par son exquise écriture pianistique. La Polonaise en La bémol Majeur, entendue dans l’introduction de l’épisode et évoquée plus tard (6’22’’), est l'une des plus célèbres, connue sous le nom de Polonaise Héroïque (Opus 53, 1842). Elle est réputée comme exigeant un haut degré de virtuosité chez son interprète !

o Dénommée The Stud, (« L'Étalon »…) la boîte de strip-tease se situe dans Soho, le quartier chaud de Londres. Situé à deux pas du West End et de Westminster, il regroupe de nombreux pubs, sex-shops et autres officines. Tel le Marais à Paris, on y trouve la majorité des bars homosexuels de la ville. Le Chinatown de Londres se situe au sud de ce quartier. Soho fut longtemps un petit village ; le terme de « Soho » serait un cri traditionnel poussé durant les chasses qui s'y déroulaient.

o British Council : Fondé en 1934, le British Council est un organisme public visant à promouvoir les relations culturelles avec les pays étrangers, dans un but d'amélioration des relations internationales. Basé à Londres, dépendant du Foreign Office mais conservant une large autonomie, il est implanté dans 110 pays et se consacre principalement à l'enseignement de la langue anglaise, à l'offre de bourses à des étudiants étrangers et à la participation à des événements culturels ponctuels. Des connexions avec le MI5 ont parfois été évoquées. Le BC connaît actuellement une crise avec la Russie qui désire réduire son implantation au minimum, dans un contexte diplomatique tendu avec la Grande-Bretagne. L'équivalent français en est l'Alliance Française.

Acteurs – Actrices

o Nigel Stock (1919-1986) apparaît également dans l’épisode L’économe et le sens de l’histoire (saison 4). Formé à la Royal Academy of Dramatic Art, il connaît une très brillante carrière au West End et à Broadway. Durant la Guerre il sert brillamment dans l’armée des Indes, avec deux citations. Il se lance ensuite au cinéma (La Grande Évasion, 1963) et à la télévision (Police Surgeon, Doctor Who, Le Prisonnier, Destination Danger, Adam Adamant lives !...). Son rôle le plus connu demeure celui du Dr. Watson dans deux séries (1965 et 1968) de Sherlock Holmes, avec Peter Cushing dans le rôle principal, autre prestigieux invité des Avengers.

o Sandor Eles (1936-2002) participe également à l’épisode La dynamo vivante (saison 5). D’origine hongroise, il émigre en Grande-Bretagne durant les événements de 1956. Son accent exotique lui vaut de jouer les étrangers dans de nombreuses séries anglaises (Les Professionnels, Jason King, Le Saint, Le Baron…), particulièrement... les Français ! Au cinéma son rôle le plus connu demeure celui du Français Paul, dans And soon The darkness (1970), réalisé par la future équipe des TNA (Brian Clemens, Terry Nation, Albert Fennel, Laurie Johnson, Robert Fuest).

o Dorinda Stevens (1932) est une figure régulière des séries anglaises. Elle est aperçue notamment dans Le Saint, No hiding place, Destination Danger, Interpol Calling

o Geoffrey Colville (?-2006) joue aussi dans l’épisode Le village de la mort (saison 5). Il est principalement connu pour son rôle de Perry dans Doctor Who – Evil of The Daleks (1967).

o Bernard Brown a participé à un grand nombre de séries, se spécialisant dans les rôles d’aristocrate ou d’officier : No Hiding Place, Gideon’s Way, Crown Court, Inspector Morse, Les Aventures du Jeune Indiana Jones

À noter que…

o Cathy Gale dispose du même appartement ultra moderne qu’à la fin de la saison 2. Aux portes coulissantes vient s’ajouter le gadget de l’échiquier amovible laissant place au téléphone !

o Une autre séance de roulette russe se déroulera dans Les chevaliers de la mort (saison 4), traîtreusement abrégée par Steed…

o L’épisode fait directement référence à l’actualité (La Détente). Cette pratique, régulièrement observée durant les années Cathy Gale, disparaîtra dans les périodes suivantes, du fait de l’influence de Brian Clemens.

o Les Échecs apparaissent régulièrement dans la série. On peut notamment citer la fameuse séance d’introduction de l’Échiquier, destinée aux Américains, l’hôtel de Avec vue imprenable (saison 4), les parties simultanées de Interférences (saison 6), la partie perdue par Steed dans Requiem (saison 6)… Une référence au Noble Jeu a également lieu dans le film de 1998.

o Steed refera cause commune avec le camp d’en face dans Meurtres distingués (saison 5), où Nutski portera lunettes et moustaches comme Zalenko, et échangera également quelques « souvenirs »avec Steed. Mrs Peel, comme Mrs Gale, saura de même parler Russe ! Le ton y sera tout de même davantage à la fantaisie, à l’image de ces deux saisons. Une nouvelle alliance verra le jour dans Le monstre des égouts (saison 7, TNA).

o Malcom Hulke (1924-1970) a participé à l’écriture de neuf épisodes : Mauritius Penny, Inter-crime, La naine blanche (saison 2), Concerto, Les fossoyeurs, Les sorciers, Le cheval de Troie (saison 3), Les fossoyeurs (saison 4) et Homicide et vieilles dentelles (saison 6). Il a également contribué à d’autres prestigieuses séries : Pathfinders (en collaboration avec Eric Paice), Gideon’s Way, Destination Danger… Il a principalement collaboré à Dr Who (13 épisodes, sept novélisations). Auteur d’un livre référence, Writing for Television in The 70’s, il fut également un ami personnel de Terrance Dicks à qui il mit les pieds à l’étrier avec l’écriture conjointe de Mauritius Penny.

o Terrance Dicks (1935) est un auteur important de la télévision britannique. Il commence à écrire pour le petit écran grâce à son ami Malcom Hulke, qui le lança avec l’écriture conjointe de Mauritius Penny. Ils écriront en commun trois autres épisodes : Inter-crime (saison 2), Concerto (Saison 3) et Homicide et vieilles dentelles (saison 6). Il collabore à d’autres séries comme Crossroads ou Cosmos 99 mais connaît la consécration avec Dr Who, dont il devient auteur et superviseur de l’écriture des scénarii de 1969 à 1980. Depuis 1980, tout en continuant à participer ponctuellement à la série, il produit de nombreuses émissions enfantines pour la BBC, en poursuivant conjointement une brillante carrière d’auteur pour la jeunesse, débutée par la novélisation de 64 épisodes du Dr Who !

o Kim Mills (1931-2006) a réalisé de nombreux épisodes de diverses séries anglaises des années 60 (Public Eye, Mystery and Imagination, Armchair Theatre…) avant de débuter une carrière de producteur dans les années 70 (Zodiac, The rivals of Sherlock Holmes…). Il a en tout réalisé 10 épisodes des Avengers : Le grand penseur, La boîte à trucs, L’homme dans le miroir, La baleine tueuse (saison 2), Concerto, Mort à la carte, Mort d’un ordonnance, Les sorciers, La grandeur qu’était Rome et Le quadrille des homards (saison 3). Il a eu ainsi l’honneur de conclure chacune de ces deux saisons !

Fiche de Concerto des sites étrangers :

En anglais
http://theavengers.tv/forever/gale2-24.htm
http://www.dissolute.com.au/avweb/ gale/301.html
http://deadline.theavengers.tv/GaleS2-24-Concerto.htm

En espagnol
http://losvengadores.theavengers.tv/cathy_concerto.htm

En flamand
http://home.scarlet.be/~pvandew1/avengers/gale51.htm

 

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