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LES SORCIERS

( THE MEDECINE MEN)

Tournage : novembre 1963

Diffusion : ITV, 23 novembre 1963 – 13ème Rue, 30 avril 1998

Scénario : Malcolm Hulke

Réalisation : Kim Mills

Peter Barkworth (Geoffrey Willis), Newton Blick (John Willis), Harold Innocent (Frank Leeson), Joy Wood (Miss Dowell), Monica Stevenson (Fay), John Crocker (Taylor), Peter Hughes (Edwards), Brenda Cowling (Masseuse).

Résumé

Une femme est assassinée aux bains turcs, alors qu’elle enquêtait à propos d’un réseau de contrefaçons de produits anglais au Moyen-Orient. Steed et Cathy mènent l’enquête et apprennent que la principale société victime de ces agissements, le groupe pharmaceutique Willis-Sopwith, désire changer d’emballage pour contrecarrer leurs concurrents peu délicats. Or le concepteur de la maquette, un artiste peintre, s’associe avec un imprimeur pour en faire des copies à destination des contrefacteurs. Steed découvre alors le véritable but de la manœuvre, commanditée par une puissance étrangère : sous couverts de médicaments prétendument anglais, faire circuler du poison pour détruire l’influence de la Grande-Bretagne dans cette région riche en pétrole. Les Avengers parviennent à infiltrer l’organisation, puis à mettre hors d’état de nuire ses différents membres, dont le propre PDG de Willis-Sopwith !


CRITIQUES


Estuaire44 10 juin 2008

La première chose qui attire l’attention dans Les sorciers demeure l’originalité de son scénario. Voir les Avengers s’intéresser à une histoire de contrefaçon médicamenteuse n’est certes pas banal, d’autant que, d’une manière tout à fait inattendue, l’intrigue rebondit par une tentative d’expulser la Grande-Bretagne du Moyen-Orient !

Cette fantaisie bienvenue n’apparaît certes pas exempte d’un nombre non négligeable d’invraisemblances. On ne comprend guère l’intérêt pour Willis de comploter contre sa propre entreprise, le micro dissimulé saute aux yeux, la découverte de Fay et son témoignage suffiraient à en finir avec une affaire durant encore tout un acte etc. Mais qu’importe au fond ce manque de réalisme, le temps n’étant plus aux stricts récits d’espionnage de la saison 2. La fantaisie commence désormais à occuper une place prépondérante : on ne s’en plaindra certes pas et cela justifie une certaine tolérance en la matière. C’est d’autant plus vrai que par ailleurs l’intrigue se déroule de manière fort claire, sans aucune digression inutile.

Malheureusement ce pétillement se trouve compromis par la mise en scène de Kim Mills. Celui-ci tente bien ici ou là quelques mouvements de caméra intéressants (notamment dans l’imprimerie et l’atelier de peinture), mais l’ensemble demeure tout de même singulièrement empesé. L’accumulation de passages silencieux s’avère particulièrement pénible, avec pour effet que la musique d’accompagnement de Johnny Dankworth a rarement parue aussi répétitive. Les scènes de combat semblent également pauvrement filmées et peu mises en valeur. L’épisode bénéficie cependant de décors forts réussis, notamment celui de l’imprimerie. Ce dernier nous vaut ainsi une jolie leçon avec un Steed exécutant avec précision les différentes étapes d’une impression.

Du fait de sa réalisation peu enlevée, l’épisode pourrait parfois sembler longuet mais, fort heureusement, il jouit de la présence d’excellents comédiens. On éprouve ainsi un vif plaisir à retrouver un Peter Barkworth marquant Les sorciers par une prestation aussi divertissante que celles qu’il nous offrira durant les saisons ultérieures. Il déploie tout son panache dans ce rôle de patron sarcastique, manifestant un mordant plein de morgue envers son entourage. Ses scènes avec Steed puis Cathy demeurent particulièrement réussies. On regrette par contre que l’auteur ne fournisse pas plus d’explication sur le déroutant retournement final, d’autant plus que le personnage de la secrétaire suffisait à justifier les fuites d’informations.

L’autre figure clef de l’épisode reste le peintre Leeson. Harold Innocent apporte tout son métier à cet artiste avide et imbu de lui-même. Sa suffisance et sa vénalité amènent beaucoup de drôlerie à l’épisode. Elles apparaissent de plus en filigrane comme une satire de l’art contemporain et de ses pratiques. On retrouve ici en germe la brillante veine caustique de la saison 4 à venir. Les autres personnages secondaires paraissent plus anodins, mais demeurent plaisants et bien interprétés.

Les Avengers apparaissent en grande forme dans cet épisode. Cathy Gale, outre quelques scènes assez suggestives, se montre alerte et particulièrement élégante dans une tenue de cuir lui seyant à ravir. Elle retrouve ses piques mordantes envers Steed, désormais bien plus teintées d’humour que durant la saison précédente. Elle n’hésite pas à infliger à son partenaire une savoureuse leçon de golf en appartement, au grand effarement de ce dernier ! La série n’a pas encore versé dans la fantaisie la plus totale puisque Cathy concède ne pas connaître l’Arabe. On peut se demander si Mrs Peel n’aurait pas répondu par l’affirmative ! On reste quelque peu dubitatif devant le bandeau fort peu esthétique dont Honor Blackman se trouve affublée durant la dernière partie de l’épisode, alors qu’à l’accoutumée les associées de Steed sortent de leurs combats sans la moindre égratignure. La seule raison semble bien consister en la chute finale, ce qui demeure tout de même fort disproportionné.

Steed lui aussi se montre à son avantage dans cet épisode. C’est avec un grand plaisir que nous le retrouvons pratiquer son golf si particulier. Néanmoins le meilleur moment de l’épisode reste bien sa composition d’un fort improbable acheteur islandais de peinture. Ce passage s’avère particulièrement hilarant, avec un Patrick Macnee éblouissant de drôlerie. Son accent caricatural à plaisir, ses mimiques accentuées et jusqu’à son accoutrement extravagant font de cette excellente scène de comédie l’égale des grands numéros dont Steed nous régalera dans la saison suivante. Décidemment en verve, nous le voyons ici se servir de son pistolet, non pour abattre froidement un homme comme dans La trahison (saison 2), mais au contraire pour donner lieu à une savoureuse réplique. On mesure le chemin parcouru !

EN BREF : Un épisode imaginatif et fort réussi, auquel ne manque qu’un metteur en scène plus alerte pour retrouver le ton des grands moments de la saison 4. D’autant que Steed y apparaît particulièrement en verve !


VIDÉO


Steed, l’acheteur venu du froid !


INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Tournage


Continuité  

o Durant la bagarre dans l’imprimerie, les combattants heurtent une cloison qui se met alors à vibrer fortement. On se rend parfaitement compte qu’il s’agit d’un décor ! (35’19’’)

o Un instant après Steed assomme son adversaire avec un coffret métallique, mais en fait Patrick Macnee heurte un élément du décor, ce qui s’entend fort distinctement. (35’37’’) :

o Un fil particulièrement évident apparaît au bas de l’image dans la dernière scène de l’épisode et le générique de fin.


Détails

o Cathy se rend aux bains turcs Recency.

o Le groupe pharmaceutique Willis Sopwitch produit ses médicaments sous son propre label, mais utilise la marque LILT pour ses produits de beauté.

o Lors de la scène finale, Fay donne du John à Steed, chose rarissime dans la série. Faut-il en déduire que Steed a su consoler l’éplorée modèle ? En tout cas Cathy ne manifeste aucune jalousie, en aurait-il été de même avec Mrs Peel ?

o Steed déclare avoir un handicap au golf de 24, tandis que celui de Cathy s’élève à 12. En compétition, à chaque parcours correspond un nombre idéal de coups nécessaire pour le terminer : le par (difficulté, longueur…). Le handicap définit le niveau du joueur en indiquant le nombre de coups en plus du par qu’il est autorisé à employer pour rester dans les points. Plus le golfeur est performant, et plus son handicap est faible, voire négatif pour les plus grands champions. Cathy apparaît donc bien meilleure que Steed, qui emploie il est vrai des méthodes de jeu peu orthodoxes, comme on le verra dans Le jeu s’arrête au 13 (saison 4) !

o Cathy demande à Steed s’il joue sur le green de Gleneagles. Il s’agit dune vallée écossaise, fameuse pour sa beauté naturelle et son hôtel de grand luxe. Ce palace, siège du sommet du G8 de 2005, se trouve effectivement doté d’un grandiose parcours de golf, dont le tournoi annuel compte parmi les compétitions européennes les plus prestigieuses. Cathy ironise aussi bien sur le snobisme que sur les médiocres capacités de golfeur de son partenaire !

o La contrefaçon, fléau économique mondial, provient effectivement le plus souvent de Chine et du Sud-Est asiatique, comme décrit dans l’épisode. Elle touche désormais l’Europe de plein fouet, dans des domaines très divers, et non plus seulement le luxe. La contrefaçon médicamenteuse connaît un important accroissement dans les pays en voie développement (particulièrement l’Afrique), dont la population n’a pas les moyens de s’offrir les produits des grands groupes pharmaceutiques. Au lieu de poison, il s’agit généralement de placebo, mais les effets n’en demeurent pas moins dramatiques pour ces régions subissant de graves maladies et des conditions sanitaires précaires.

o Le Karim reste un état imaginaire, mais de nombreux sultanats du Golf demeuraient Protectorats britanniques au moment du tournage de l’épisode. Ils acquirent leur totale indépendance au cours des années 60 ou au début des années 70 : Koweit, Bahrein ou encore Oman.

o Plusieurs mots français sont entendus au cours de l’épisode : Steed décrit Cathy comme étant très avant-garde et lance un amical au revoir au petit chien de Fay. Leeson parle lui de ses collages avec Cathy.

o Au début de la dernière scène (49’14’’), on reconnaît une publicité pour Michelin sur le journal, tandis que l’on s’aperçoit que l’entrefilet concernant l’accord sur le pétrole du Karim a été manifestement collé sur la page ! Sans doute s’agit-il d’un papier blanc collé sur les pages saumon du Financial Times !

o Dans leur discussion sur l’art, Steed et Leeson opposent le Formalisme et l’Expressionnisme. Il s’agit en effet de deux écoles très différentes, le Formalisme s’appuie sur l’esthétisme des formes jusqu’à la pure abstraction, tandis que l’Expressionnisme déforme la réalité pour inspirer au spectateur une réaction émotionnelle, selon des symboles souvent inspirés par la Psychanalyse.

o Durant cette conversation, où il conserve étonnamment son nom, Steed compare malicieusement Cathy Gale à une Reine des Neiges (Snow Queen) !

o Financial Times : Steed suit le cours de ses actions en lisant le Financial Times. Cette institution de la presse britannique, lue dans le monde entier, a été fondée en 1888. Référence de la presse économique et financière, le journal décortique les grands courants de l’économie mondiale ainsi que l’actualité des entreprises. Il est publié simultanément dans 23 villes à travers le monde. Historiquement imprimé sur du papier couleur saumon, il lance ainsi une mode dans toute la presse financière, par exemple les pages économiques du Figaro. L’équivalent du CAC 40 à la Bourse de Londres s’appelle le FTSE 100, déterminé conjointement par le journal et l’institution (Financial Times Stock Exchange). Steed consulte sans doute le FTSE All Share Index, qui retrace le cours des actions de l’ensemble des entreprises britanniques. Ce tableau de bord vient justement d’être créé en 1962.

o Lord Beaverbrook : Steed définit ses mystérieux commanditaires islandais comme représentant ce que Lord Beaverbrook fut au Nouveau Brunswick. Max Aitken (1879-1964), premier Baron Beaverbrook, originaire du Nouveau Brunswick (Canada), émigra en Angleterre où il mena une formidable double carrière dans les affaires (il fut propriétaire de Rolls Royce, entre autres) et la politique. Membre de plusieurs gouvernement et grande figure du Parti Conservateur, il fut notamment l’artisan de l’entrée du Canada dans la Grande Guerre. Anobli par George V, ce personnage controversé, grand ami de Churchill, forgea un véritable empire de presse, ce qui lui valut le surnom de Premier Baron de Fleet Street, la fameuse rue contenant les sièges des grands journaux anglais. Richissime, il devint un important bienfaiteur du Nouveau Brunswick, dans de nombreux domaines. C’est à cela que Steed fait allusion car Aitken fonda une prestigieuse fondation à Fredericton, capitale de la Province, pour héberger sa fabuleuse collection personnelle de peintures, puis les peintres canadiens les plus célèbres. Steed entend flatter Leeson et lui faire miroiter de superbes perspectives financières ! Lors du tournage de l’épisode, Lord Beaverbrook figurait de nouveau dans l’actualité pour avoir épousé en juin 1963, à 84 ans, une autre milliardaire, de trente ans plus jeune !

Acteurs – Actrices

o Peter Barkworth (1929-2006) a participé à trois autres épisodes de la série : Kill the king (saison 1), Les meurtres distingués (saison 5) et Le matin d’après (saison 6). Enseignant à la RADA (Royal Academy of Dramatic Art, l'équivalent du Conservatoire français), il fut l’auteur de plusieurs ouvrages sur le théâtre.

o John Crocker (1925) a également participé aux épisodes Combustible 23 (saison 2) et Le vengeur volant (saison 5). Il a également été aperçu dans de nombreuses séries de l’époque (Le Baron, Adam Admant lives !, Le Saint…)

o Harold Innocent (1935-1993) participa également à l’épisode Du bois vermoulu (saison 6). Il occupe une multitude de seconds rôles dans les séries britanniques (Z Cars, Callan, Doctor Who, Les Professionnels, Inspecteur Morse…). Au cinéma, il apparut notamment dans Robin des Bois, prince des voleurs (1991).

o Peter Hughes (1922) apparaît également dans l’épisode Les espions font le service (saison 4). Tout en jouant régulièrement au théâtre, il participa à de nombreuses séries (Les Professionnels, Bergerac, Z Cars, Poirot…). Au cinéma il fut Franco dans Evita (1996). Passionné de cricket, il dirigea longtemps l’important club d’Ealing. Son fils fut d’ailleurs joueur professionnel, tandis que sa fille Bettany est connue pour une série d’émissions historiques à succès.

À noter que…

o La scène de golf en appartement trouve son équivalent dans Cœur à cœur (saison 4), où Steed apparaîtra pareillement maladroit. Là où Mrs Cathy Gale se montre agacée, Mrs Peel continue imperturbablement à jouer du tuba ! La série gagne en fantaisie durant la saison 3, mais il s’agit bien encore d’une transition vers la période Emma Peel.

o L’introduction marquée par l’étouffement d’une femme tourné en gros plan rappelle trait pour trait celui de Festin de pierres (saison 2).

o Après La cage dorée évoquant clairement Goldfinger, il paraît amusant de trouver le thème de femmes recouvertes de peinture, idée également présente dans le film sous un aspect plus macabre. Goldfinger y assassine en effet une traîtresse en la faisant intégralement peindre par une substance dorée l’asphyxiant. Et c’est bien entendu pour ce James Bond qu’Honor Blackman quitta la série en 1964.

o Kim Mills (1931-2006) a réalisé de nombreux épisodes de diverses séries anglaises des années 60 (Public Eye, Mystery and Imagination, Armchair Theatre…) avant de débuter une carrière de producteur dans les années 70 (Zodiac, The Rivals of Sherlock Holmes…). Il a en tout réalisé 10 épisodes des Avengers : Le grand penseur, La boîte à trucs, L’homme dans le miroir, La baleine tueuse (saison 2), Concerto, Mort à la carte, Mort d’un ordonnance, Les sorciers, La grandeur qu’était Rome et Le quadrille des homards (saison 3). Il a eu ainsi l’honneur de conclure chacune de ces deux saisons !

o Malcom Hulke (1924-1970) a participé à l’écriture de neuf épisodes : Mauritius Penny, Inter-crime, La naine blanche (saison 2), Concerto, Les fossoyeurs, Les sorciers, Le cheval de Troie (saison 3), Les fossoyeurs (saison 4) et Homicide et vieilles dentelles (saison 6). Il a également contribué à d’autres prestigieuses séries : Pathfinders (en collaboration avec Eric Paice), Gideon’s Way, Destination Danger… Il a principalement collaboré à Dr Who (13 épisodes, sept novélisations). Auteur d’un livre référence, Writing for television in The 70’s, il fut également un ami personnel de Terrance Dicks à qui il mit les pieds à l’étrier avec l’écriture conjointe de Mauritius Penny .

Fiche des Sorciers des sites étrangers :

En anglais
http://theavengers.tv/forever/gale2-9.htm
http://www.dissolute.com.au/avweb/ gale/316.html
http://deadline.theavengers.tv/GaleS2-09-MedicineMen.htm

En flamand
http://home.scarlet.be/~pvandew1/avengers/gale36.htm

 

Retour à la saison 3

 
 

LA CAGE DOREE

( THE GILDED CAGE )

Tournage : Octobre 1963

Diffusion : ITV, 9 Novembre 1963 – 13ème Rue, 23 Avril 1998

Scénario : Roger Marshall

Réalisation : Bill Bain

Patrick Magee (J.P. Spagge), Edric Connor (Abe Benham), Norman Chappell (Fleming), Margo Cunningham (Wardress), Frederic Abbott (Manley), Alan Haywood (Westwood), Martin Friend (Hammond), Terence Soall (Peterson), Geoff L’Cise (Gruber), Douglas Cummings (Barker), Neil Wilson (Groves).

Résumé

Une recrudescence de spectaculaires cambriolages s’observe à travers tout le pays. Steed soupçonne Spagge, un ancien spécialiste du genre à la retraite pour raison de santé, d’avoir en fait repris du service. Pour obtenir une preuve il monte une souricière en lui faisant miroiter un important vol de lingots d’or d’Etat, Cathy se faisant passer pour une fonctionnaire du Trésor corrompue. Spagge mort à l’hameçon et ses complices enlèvent Mrs Gale pour mener l’opération en toute sécurité. Spagge découvre que Steed travaille avec Scotland Yard et décide de le faire abattre, mais celui-ci échappe à un tireur d’élite grâce aux vitres blindées de son appartement. Un fois le coup réalisé le gang décide d’en finir également avec Mrs gale, mais Steed surgit à temps et les Avengers mettent les malfaiteurs hors d’état de nuire.


CRITIQUES


Estuaire44 9 juin 2008

La cage dorée apparaît avant tout comme un épisode d’acteurs. En effet ceux-ci apportent tout leur talent à une galerie de portraits faisant tout le prix de cette histoire.

C’est d’abord le cas avec l’incroyable duo formé par Spagge et Fleming, aussi hilarant que mal assorti. Par sa présence et sa force de conviction, Patrick Magee donne beaucoup d’intensité à un Spagge déplaisant au possible, mélange réussi de Scrooge et du Professeur Moriarty. Mais la meilleure surprise de l’épisode provient de Fleming, aussi élégant et précieux que son employeur parait rustre et discourtois.

Ce personnage nous vaut non seulement le plaisir de retrouver l’excellent Norman Chappell, mais constitue également une anticipation fort réussie de ces majordomes si amusants des saisons ultérieures. On le croirait formé à la Butler’s and Gentleman’s Gentlemen Association de Les espions font le service (saison 4) ! Ecouter sa description avertie de Steed représente un authentique plaisir. On peut aller jusqu’à voir un symbole dans le fait que Spagge tombe mais pas lui. Les bandits traditionnels quittent la scène mais les personnages délicieusement excentriques ont tout leur avenir devant eux.

A côté de ce duo, Abe présente un réel intérêt pour la bonhomie décontractée d’Edric Connor, que ne gâche pas son talent limité de comédien. On apprécie cette ambiance enthousiaste et joyeuse dans la bande finalement assez sympathique de cambrioleurs, à laquelle il contribue puissamment. La relation amicale qui s’établit entre lui et Cathy Gale demeure également plaisante à suivre, mais de débouche finalement sur rien, ce qui constitue une des limitations de l’intrigue.

Une autre faiblesse de l’histoire, plus gênante, réside dans le grand trou d’aire séparant la rencontre entre Cathy et le gang, puis la réalisation du cambriolage. Les scènes de dialogue entre elle et Abe quoique plaisantes, s’étirent trop au détriment d’une action faisant du surplace au point de donner l’impression de se figer. On demande à Edric Connor d’assumer un trop grande espace dans le déroulement de l’histoire, alors qu’il n’a pas assez à apporter en termes d’intensité de jeu. Pour tenter de maintenir la tension dramatique l’auteur tâche d’exploiter la tentative d’assassinat de Steed, mais ceci demeure aussi périphérique que téléphoné. Même la parenthèse carcérale débouche sur un dénouement finalement prévisible. Cependant l’intrigue rebondit en fin de parcours avec une attaque du dépôt et une confrontation finale fort alertes.

La relative faiblesse de l’argument se voit d’autre part plus que compensée par une prestation haut de gamme des Avengers. On s’amuse bien sûr beaucoup de retrouver Honor Blackman dans une histoire étonnamment proche de Goldfinger, mais elle parvient par ailleurs à donner beaucoup de vie à son personnage en passant avec conviction à travers toute une gamme de sentiments au long de l’épisode. La cage dorée met particulièrement en évidence Cathy Gale, qui prouve une fois de plus qu’elle a l’étoffe suffisante pour occuper le premier plan.

Si, hormis la scène finale réussie, Steed participe moins à l’action que sa collaboratrice, il se révèle néanmoins précieux par sa classe et son humour, particulièrement brillants ici. Sas confrontations avec Spagge s’avèrent fort plaisantes ! Conjointement, le raffinement de Fleming et le brio de Steed annoncent clairement les temps à venir et installent déjà pleinement le ton Avengers dans la saison 3.

L’épisode bénéficie également d’une réalisation efficace même si peu innovatrice, avec quelques moments de bravoure, tels l’attentat perpétré contre Steed ou le combat final réussi. Les décors ne comptent pas parmi les plus inoubliables de la saison, mais demeurent néanmoins évocateurs, à l’image de cet épisode plaisant et prometteur mais ne parvenant pas à enthousiasmer tout à fait.

EN BREF : Un épisode alerte et plaisant, avec une Cathy Gale occupant parfaitement le devant de la scène dans une histoire étonnamment proche de Golfinger !

Critiques

Steed3003

Critique à venir!


VIDÉO


Comme une attaque de Fort-Knox…


INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Tournage


Continuité

o Un plan de l’appartement de Steed apparaît un instant durant la conversation entre Spagge et Fleming (9’45’’).

o Le sous-titrage commet une erreur en évoquant Bornemouth (31'22’’). La correcte orthographe est Bournemouth.

o Lorsque le gang veut actionner la commande ouvrant la porte dont sur les lingots, cet élément du décor se détache subitement et tombe au sol (40’55’’). Stupéfaits les acteurs montrent une vraie nervosité et fixent l’équipe technique et lui font frénétiquement signe, jusqu’à ce que la porte finisse tout de même par être actionnée.

o Un reflet lumineux apparaît au passage de Fleming et Spagge (45’58’’) :


Détails

o Cathy Gale utilise le terme d’Irlande du Sud (Southern Ireland) pour désigner la République d’Eire, proclamée en 1949. Cette dénomination tout à fait obsolète correspond à la situation administrative du début des années 20, mais demeure effectivement encore aujourd’hui couramment utilisée au Royaume-Uni.

o Abe réalise un buste de Cathy, Clare Prendergast en fera de même pour Mrs Peel dans La poussière qui tue (saison 4).

o La scène montrant Cathy Gale jouant à la maîtresse d’école en tenue de cuir et baguette à la main trouvera également son équivalent, dans Voyage sans retour (saison 4), où Mrs Peel commente ainsi devant Steed les diaboliques projets des adversaires du jour.

o Cathy Gale prétend vouloir s’embarquer pour l’Irlande depuis Anglesey. Il s’agit d’une petite île située sur la côte nord-ouest du Pays de Galles, dont elle n’est séparée que par un étroit chenal traversé de ponts suspendus. Ile sacrée des cultes druidiques, elle ne comporte pas moins de 28 cromlechs. Anglesey demeure effectivement une des principales voies d’accès vers L’Irlande depuis la Grande-Bretagne, grâce à un important trafic de ferries allant jusqu’à Dublin.

o Fait rare, Cathy ne maîtrise pas d’emblée les connaissances monétaires nécessaires à sa couverture. Elle doit les mémoriser grâce à un imposant magnétophone et à un livre intitulé Gold reserves and American market. Vénus Smith procède de même pour apprendre le Chinois, quoique avec un tourne-disque plus modeste, dans Le Clan des grenouilles (saison 2).

o Fragilité ton nom est femme, déclame Spagge à propos de la traîtresse Marianne. Le grand comédien shakespearien que fut Patrick Magee connaissait certainement ce vers car il s’agit d’une citation d’un des plus fameux monologues d’Hamlet (1601) où le Prince d’Elseneur se lamente à propos l’inconstance de sa mère (Acte I, scène 2).

o Les Accords de Bretton-Woods auquel l’épisode fait souvent allusion, avaient déjà été évoqués dans La Toison d’or.

o Le gang tente de faire croire à Cathy qu’elle est enfermée dans la sinistre prison féminine d’Holloway. Cet établissement était déjà apparu dans Inter-crime (saison 2), la tueuse professionnelle Hilda Stern y séjournant avant son évasion.

o La fausse gardienne de prison affirme à Cathy que les crimes passionnels bénéficient d’acquittements en France!

o Dans ses cartes postales Cathy prétend séjourner à Bournemouth (31’22’’), où Steed aimerait également s’installer à sa retraite. Bournemouth constitue de fait une station balnéaire réputée, grâce à une immense plage de sable fin. Située sur la côte sud de l’Angleterre, de nombreux retraités viennent effectivement y séjourner pour la douceur de son climat. En 2007, Bournemouth était désigné par sondage l’endroit le plus agréable à vivre de Grande-Bretagne ! De nombreux écrivains y prennent traditionnellement villégiature, dont Tolkien des décennies durant. Il y décèdera en 1973.

o La scène d’introduction voyant Steed et Cathy franchir plusieurs sas sécurisés se retrouve de manière très similaire dans Le Cocon, où c’est cette fois Steed qui fait visiter les lieux à sa partenaire.

o Dans son rôle de prêtre Abe déclare Tout est possible à celui qui croit, en indiquant qu’il s’agit d’une citation de Marc. L’érudite Cathy Gale le reprend, la citation est en fait tirée de Mathieu 2-3 : Jésus dit : Si vous pouvez ! Tout est possible à celui qui croit !

o « Honest Abe » est effectivement un surnom populaire du célèbre Président américain Abraham Lincoln (1809-1869) qui remporta la guerre de Sécession et abolit l’esclavage.

o Abe, qui affirme lire beaucoup et vient de réaliser le buste de Cathy, évoque devant celle-ci des bronzes de Napoléon dissimulant de l’or. Il s’agit d’une référence au classique de Conan Doyle Les six Napoléons (1904) où Holmes et Watson recherchent dans tout Londres, dans des maçonneries comme celle où Abe s’est installé, un buste de Napoléon contenant une célèbre perle volée. Un assassin fait de même en fracassant les statues les unes après les autres. La tentative d’assassinat sur Steed fait également songer à La maison vide, la vitre blindée se substituant au mannequin imaginé par Conan Doyle !

o Cathy habite au 14, Primrose Hill. Il s’agit d’une colline de Londres, haute de 78 m, située près de Regent Park. Célèbre pour son point d e vue sur le centre de la capitale, ses alentours constituent un des quartiers les plus sélects (et chers !) de la ville. Très réputé, Primrose Hill apparaît à de nombreuses reprises dans la culture populaire anglaise et accueille de nombreux artistes (dont récemment Eva Green), mais aussi Friedrich Engels jadis ! Hormis Cathy Gale, sa résidente la plus fameuse demeure cependant Miss Tara King, habitant à deux pas, au 9, Primrose Crescent.

o Fleming s’extasie (entre autres !) sur le chapeau melon de Steed réalisé à St-James. Il s’agit d’une rue de Londres donnant sur Piccadilly, aux nombreuses boutiques de mode très cotées et connue pour accueillir nombre de Clubs pour Gentlemen parmi les plus réputés de la capitale. D’une manière générale St-James est synonyme de l’élégance traditionnelle britannique.

o Le faux commissaire déclare pour incriminer Cathy que le meurtre de Spagge a été commis par un 25 Beretta, l’arme des Dames. Beretta est une manufacture d’armes italienne, dont les origines remontent à 1526, ce qui fait d’elle une des plus anciennes entreprises existantes. La qualité de ses armes est réputée dans le monde entier, elle est ainsi un des très rares fournisseurs étrangers de l’armée américaine. Le 25 Beretta connaît effectivement le succès auprès du public féminin pour ses dimensions réduites permettant une prise en main rapide et une dissimulation dans un sac à mains.

o Fort Knox : Ce camp militaire situé dans le Kentucky contient la réserve d’or fédérale américaine depuis 1937. La quantité d’or conservée connaît une constante érosion : de 20205 tonnes à son somment durant la Guerre, elle ne représente plus que 8800 tonnes selon Cathy Gale et ne s’élève plus aujourd’hui «qu’à 4570 tonnes. Le Trésor américain a en effet développé de nouvelles installations à travers le pays. Fort Knox contient également les structures centrales de l’arme blindée américaine, ainsi qu’un musée dédié à Patton. Le général Henry Knox était le Secrétaire d’Etat à la Guerre durant la Guerre de Sécession.

o Scotland Yard : Scotland Yard fait autorité pour Steed comme pour le gang. Le Yard, service de police en charge du Grand Londres, représente une des gloires du pays. Créé en 1829 à White Hall dans une rue nommée Great Scotland Yard, cette administration bénéficia alors de l’assistance du fameux Vidocq et des méthodes de la Sûreté parisienne. Au fil des déménagements elle a pris le nom officiel de New Scotland Yard et se situe aujourd’hui à deux pas du Parlement. Elle occupe un édifice moderne, au célèbre panneau rotatif apparaissant dans bien des films et séries. Le Yard a toujours été à la pointe des techniques d’investigation et conserve encore de nos jours une réputation d’excellence unique. Grande figure de la culture populaire britannique, ses représentants les plus célèbres demeurent les Inspecteurs Japp et Lestrade, amis respectivement d’Hercule Poirot et Sherlock Holmes. L’immense base de données criminelle rassemblée par l’institution s’intitule d’ailleurs Home Office Large Major Enquiring System : HOLMES ! Son didacticiel se nomme pareillement Elementary…

Acteurs - Actrices
o Patrick Magee (1922-1982) : Débutant à Londres en 1957, il intègre la Royal Shakespeare Company dès 1964. Au cinéma il tourna régulièrement dans les productions de Roger Corman ou de la Hammer. Il fut notamment le Mr. Alexander apparaît également dans l’épisode La cage dorée (saison 3). Bien que participant à de nombreuses séries (Dixon of Dock green, Z Cars, Les Champions…) il demeure avant tout un comédien de théâtre et acteur fétiche de Samuel Beckett, qui écrivit spécialement une pièce d’Orange mécanique. Sa presque homonymie avec Patrick Macnee a parfois provoqué des méprises. C’est ainsi que Macnee raconte dans ses mémoires avoir reçu des félicitations au téléphone de Lord Laurence Olivier pour son rôle dans la série, le grand comédien le rappelant ensuite pour lui annoncer qu’il l’avait confondu avec Magee…

o Clifford Evans (1912-1985) a participé à pas moins de six épisodes de la série : Dead of winter, Dance with death (saison 1), La cage dorée (saison 3), Meurtre par téléphone (saison 4), Le village de la mort (saison 5) et Brouillard (saison 6). Il apparaît de plus dans Police Surgeon. Il fut un figure familière des séries anglaises, tenant de nombreux seconds rôles le plus souvent humoristiques (L’Aventurier, Ghost Squad, Carry on laughing !...).

o Margo Cunningham débuta après-guerre comme danseuse de cabaret, avant de connaître une grande renommée comme artiste de pantomime où elle se spécialisa dans les rôles de fée. Elle connut également une belle carrière au théâtre classique, appartenant notamment au National Theatre de Laurence Olivier. Elle participa de plus à plusieurs séries anglaises (Maigret, Z Cars, Les Professionnels, Crossroads…).

o Edric Connor (1913-1955): Originaire de Trinidad, il fut avant tout un interprète de Calypso, cet air traditionnel des Caraïbes dont Vénus Smith entonne un passage dans L’école des traîtres (saison 2). Emigrant en Grande-Bretagne en 1944, il participa à de nombreuses émissions de radio de la BBC où il contribua à faire connaître la Calypso et la culture des Caraïbes. Il connut également un belle carrière au théâtre (dont Pericles avec la RSC) et au cinéma. Il tourna ainsi dans 18 films, son rôle le plus connu demeurant l’imposant Daggoo dans Moby Dick (1956). Il apparaît dans plusieurs séries télé des années 60 (Destination Danger, L’homme à la valise…) avant de disparaître prématurément à 52 ans.

A noter que…
o Du fait des fameuses règles édictées par Brian Clemens à partir de la saison 4, il faudra attendre Un dangereux marché (saison 6) pour revoir un personnage important joué par un Noir, Johnny Skka y interprétant le Colonel Nsonga.

o Honor Blackman quitte la série pour intégrer le tournage de Goldfinger en 1964. Or ce film traite également d’une attaque sur une réserve d’or, Fort Knox, d’ailleurs abondamment cité dans l’épisode ! La coïncidence parait d’autant plus forte que les gardes doivent pareillement y être neutralisés par gaz. Abe demeure plus humain qu’Auric Goldfinger, utilisant un composant soporifique plutôt que mortel !

o Dans Faites de beaux rêves (saison 4) Steed reçoit une carte de vœux envoyée par Cathy depuis... Fort Knox. Il se demande d’ailleurs ce qu’elle est bien allée faire là-bas devant une Mrs Peel quelque peu agacée !

o Steed perd son sang froid quand sa partenaire est en danger, comme le montre l’interrogatoire musclé de Fleming. Cela demeurera une constante durant toue la série, même avec un personnage devenu plus suave au fil du temps. Il connaîtra ainsi une réaction similaire dans Interrogatoires (saison 6), concernant Tara King.

o Bill Bain (1930-1982) réalisa pas moins de 7 épisodes des Avengers : Les Fossoyeurs, Le cinq novembre, La cage dorée, Mandrake, Les Charmeurs (saison 3) et Les espions font le service (saison 4). Il participa régulièrement à plusieurs séries à succès : Armchair Theatre, Tne Duchess of Duke Street, Upstairs,downstairs… Pour cette dernière série, il remporta l’Emmy Award de la meilleure mise en scène, en 1975.

o Roger Marshall (1934) fut un des auteurs les plus importants des Avengers. Il écrivit pas moins de quinze épisodes, de la saison 2 à la saison 5, donnant naissance à quelques uns des plus beaux moments de la série. Il a ainsi écrit : Tueurs à gage, Mort d’un grand danois, La loi du silence (saison 2), La toison d’or, Mort d’un ordonnance, La cage dorée, La mandragore (saison 3), Meurtres par téléphone, Avec vue imprenable, La poussière qui tue, L’heure perdue, Maille à partir avec les taties, Les chevaliers de la mort (saison 4), Une petite gare désaffectée et Un petit déjeuner trop lourd (saison 5). En 2000, il réalisera également un documentaire sur la série : Avenging the Avengers. Il a participé à l’écriture d’autres séries : Public Eye, Armchair Theatre, Lovejoy

Fiche de La Cage dorée des sites étrangers :

En anglais
http://theavengers.tv/forever/gale2-7.htm
http://www.dissolute.com.au/avweb/ gale/315.html
http://deadline.theavengers.tv/GaleS2-07-GildedCage.htm

En flamand
http://home.scarlet.be/~pvandew1/avengers/gale34.htm

 

Retour à la saison 3

 
 

LE MARCHAND DE SECRETS

( THE SECRETS BROKER)

Tournage : Octobre 1963

Diffusion : ITV, 1 Février 1964 – 13ème Rue, 28 Mai 1998

Scénario : Ludovic Peters

Réalisation : Jonathan Alwyn

Avice Landon (Mrs. Wilson), Jack May (Waller), Ronald Allen (Allan Paignton), John Stone (Frederick Paignton), Patricia English (Marion Howard), John Ringham (Cliff Howard), Brian Hankins (Jim Carey), Jennifer Wood (Julia Wilson), Valentino Musetti (Bruno).

Résumé

Un confrère de Steed est assassiné alors qu’il participait à l’élaboration d’un système révolutionnaire de détection sous-marine. Steed envoie Cathy enquêter au laboratoire, tandis que lui même suit une piste le conduisant à s’intéresser à un marchand de vin au comportement suspect. Il découvre qu’en réalité ce Waller dirige un réseau d’espions utilisant le chantage pour dérober les secrets militaires du pays. Alors que l’organisation tente une nouvelle une fois de s’emparer des plans de cette nouvelle invention en manipulant l’épouse du directeur du projet, Steed et Cathy interviennent et mettent hors d’état de nuire l’ensemble du gang.


CRITIQUES


Estuaire44 28 mai 2008

Le marchand de secrets peine réellement à retenir l’attention du spectateur La faute en revient principalement à une intrigue particulièrement convenue et prévisible en tous points. En effet aucun suspens ou effet de surprise ne subsiste dans ce récit cousu de fil blanc, recourant à tous les poncifs les plus éculés de l’espionnage et accumulant de surcroît les maladresses d’écriture. C’est ainsi que plusieurs éléments distincts de l’intrigue nous sont présentés successivement sans que l’auteur ne se préoccupe de leur liaison. Le spectateur ressent ainsi la désagréable sensation de ne pas tout saisir, d’autant que la scène de spiritisme ouvrant le récit disparaît totalement par la suite, ne refaisant surface qu’en fin de parcours ! On reste d’ailleurs bien perplexe sur l’utilité réelle de ce procédé inutilement théâtral. Quel intérêt pour le gang d’ainsi se compliquer la vie ? La complexité de l’histoire, source de nombreuses incohérences, tourne d’ailleurs à vide, ne présentant aucun enrichissement pour l’épisode, bien au contraire. On peut aussi s’interroger sur la menace prétendument représentée par cette organisation et son manque d’efficacité manifeste par ailleurs. Le manque de crédibilité et d’intérêt du sujet, ainsi que la mauvaise exposition d’un scénario cherchant à abuser le spectateur sur sa faiblesse par une complication artificielle, condamnent sans recours ce récit d’espionnage vraiment bas de gamme.

Tout comme L’école des traîtres (saison 2), dont l’argument apparaît finalement très proche, l’épisode souffre également d’une mise en scène incroyablement statique, Alwyn filmant platement des scènes, qui , il est vrai, ne méritent pas le plus souvent un autre traitement. Rien n’est jamais tenté pour insuffler un semblant de vie à cette succession de bavardages, le manque d’inventivité de l’histoire, trouvant comme naturellement écho dans celle de la réalisation. Les décors semblent également parfaitement quelconques, notamment la cave. Les scènes de dégustation s’y déroulant, quoique clairement les plus plaisantes de l’épisode, achèvent en fait de mettre en faillite Le marchand de secrets par la comparaison qu’elles induisent avec leurs équivalentes dans Meurtre par téléphone (saison 4), autrement plus relevées et enthousiasmantes. De plus le son apparaît régulièrement exécrable (plusieurs scènes demeurent à la limite de l’audible), tandis que l’image semble bien médiocre et subissant de nombreux à-coups.

Face à ce néant les talentueux comédiens font leur possible pour permettre à leur personnage d’exister. Si Jack May présente un jeu trop marqué et frôle dangereusement le cabotinage, Ronald Allen et Patricia English paraissent convaincants en couple adultère et passionné. Avice Landon donne à Mrs Wilson l’onctuosité perverse qui convient. Son jeu du chat et de la souris avec ses victimes offre à l’épisode quelques unes de ses scènes les plus marquantes. Jennifer Wood a de la présence, Julia demeure cependant bien trop anecdotique après avoir beaucoup promis pour rien durant la scène d’introduction. Une incongruité de plus et un personnage inutile dont l’intrigue aurait pu faire judicieusement l’économie.

« L’homme du Ministère a son utilité après tout » déclare Jim Carey et on ne peut certes lui donner tort tant Steed se révèle indispensable à l’épisode. Le manque d’intérêt rend précieux les quelques éléments de fantaisie et d‘humour que Patrick Macnee parvient à distiller. Grâce à Steed les scènes tournant autour du vin demeurent plaisantes, même si pauvrement filmées. Il se montre également amusant lors de la scène des diapositives mais souffre lui aussi de l’insigne faiblesse d’écriture de l’épisode. On reste ainsi confondu devant sa fade et quelconque présentation de l’affaire à Cathy Gale, lui qui déploie coutumièrement des trésors de finesse et de panache dans cet exercice. Surtout Steed conserve un ton bien policier durant cet épisode, certes réaliste mais dans lequel il perd une grande partie de son charme. Lors de sa discussion avec Carey à propos de l’alibi de ce dernier on apprend ainsi qu’il est lié à la surveillance des réunions des partis d’opposition… Ce n’est pas vraiment dans de domaine qu’on le préfère ! On doit également évoquer la scène passablement ridicule où Cathy le surprend dans la cave de Waller au point qu’il s étale sur le sol. On se demande d’ailleurs bien pourquoi Steed avait dissimulé cette intrusion à Cathy ! Encore un tumulte inutile pour tenter de combler quelque peu le vide de l’intrigue…

Cathy Gale subit un sabotage similaire, perdant ici son fort caractère si irrésistible, demeurant bien passive durant tout l’épisode. Steed vient perturber son travail lors de la préparation d’une importante conférence et elle ne cille même pas, se contentant d’obéir sans mot dire ! Son rôle parait également bien effacé durant le combat final où seul Steed a la vedette. Elle ressort en fait comme la principale victime de l’inutile inflation de personnages secondaires car dépouillée de tout espace véritable au cours de cette histoire.

Cet irrespect du personnage achève de nous faire sentir à quel point Ludovic Peters, auteur de polars à l’éphémère participation aux Avengers, n’a de fait rien compris à l’esprit de la série. Il se contente en réalité de maladroitement plaquer ses schémas d’écritures coutumiers à des personnages autrement plus brillants et originaux, condamnant dès lors l’épisode à un échec fracassant.

EN BREF : Ludovic Peters se contente de perpétuer sans subtilité les conventions de ses récits d’espionnage, ce qui ne convient plus à des Avengers ayant désormais commencé à emprunter d’autres voies. Un fastidieux retour en arrière où la sauce (marchand de vin) ne prend vraiment pas !


VIDÉO


Steed fait ses emplettes!


INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Tournage


Continuité

o Steed sort la carte de visite avant même que Waller ne le lui demande. Patrick Macnee ne peut éviter un cours instant d’embarras ni de jeter un bref coup d’œil à l’équipe technique (10’37’’) :

o Howard éteint la lumière avant de quitter son travail, mais aucune différence ne se fait remarquer. En fait la lampe n’était pas allumée ! (28’35’’) :

o Un bruit de chute particulièrement sonore se fait entendre durant la conversation entre Cathy et Marion (37’19’’).

o Comme souvent le sous-titrage indique Melle Gale au lieu de Mme.

o La fameuse porte coulissante de l’appartement de Cathy se referme à l’arrivée de Steed. Celui-ci intercale son parapluie tandis que Cathy se précipite pour lui ouvrir. Honor Blackman et Patrick Macnee improvisent à merveille, ne laissant transparaître qu’un léger sourire. (23’44’’) :

o L’image connaît de violents à-coups à de multiples reprises au cours de l’épisode (24’43’’, 39’26’’, 45’05’’, etc.).


Détails

o Durant les années 60 la publicité devait déjà être interdite dans œuvres de fiction : à deux reprises le nom d’un négociant en vin de Chelsea apparaissant sur des cartons a été effacé (22’36’’ et 49’48’’).

o Le père de Steed serait mort d’avoir renoncé aux vins du Rhin (sans doute une boutade), suite à la disparition d’un vignoble imaginaire nommé Harteinsch. Dans ses mémoires, Steed rapporte au contraire les graves problèmes d’alcoolisme connus par son père sa vie durant.

o Comme toujours lorsqu’il s’agit vin ou de grande cuisine, Steed se laisse aller au français. Il lance ainsi un vibrant « touché » à Cathy le surprenant dans la cave et prononce à merveille les noms français des divers vins évoqués.

o Mrs Wilson évoque Les liaisons dangereuses, à propos de l’adultère. Il s’agit du célèbre roman épistolaire de Choderlon de Laclos (1782), mettant en scène le libertinage, et ses conséquences funestes, autour de la marquise de Merteuil et du Vicomte de Valmont. Lors du tournage de l’épisode cette histoire reste bien présente dans les esprits, pour sa récente adaptation au cinéma par le jeune Roger Vadim (Les liaisons dangereuses 1960, 1959). Le film provoqua en effet un scandale considérable (il fut un temps interdit) par son évocation explicite des pulsions sexuelles des personnages, dans un cinéma pré Nouvelle Vague encore bien chaste.

o L’épisode s’illustre par une impressionnante succession de vins français.

o Steed apprécie le Chambertin 1952, dont il cite le cépage encore une fois en excellent français : le pinot noir. Le Chambertin est un Grand Cru de Bourgogne (la plus haute distinction), situé dans la commune de Gevrey-Chambertin. Il en existe neuf clos, comportant tous le pinot noir comme cépage, comme d’ailleurs tous les grands vins de Bourgogne. Le millésime 1952 est effectivement considéré comme une grande année, les bouteilles pouvant se vendre à 1200 Euros sur Internet. Le Chambertin était le vin préféré de Napoléon, qui veillait toujours à en disposer durant ses campagnes militaires !

o Par contre Steed goûte fort peu les Sauternes, hormis le Château d’Yquem. Le Sauternes est un vin de Bordeaux liquoreux, obtenu grâce à un champignon minuscule propre à la région. Il se divise en plusieurs crus de diverses qualités, un seul d’entre eux atteignant la classification prestigieuse de Grand Premier Cru, l’élite des vins de Bordeaux. On l’a deviné, Steed est connaisseur, il s’agit du Château d’Yquem. En 2006 un lot « vertical » de 135 ans, soit une bouteille par millésime de 1960 à 2003 en a été vendu à Londres pour 1,5 million de Dollars ! Le Château de Reyne-Vigneau, également cité dans l’épisode, constitue un Premier Cru, donc un Sauternes de très grande qualité, même si moins réputé.

o Waller se vante de ne vendre que des rieslings comme vins du Rhin. Le Riesling constitue de fait le vin de Rhin et Moselle le plus réputé. Outre sa consommation directe, il est fréquemment utilisé en gastronomie pour ses arômes aussi fruités que variés. Les connaisseurs recherchent ses arômes minéraux, une des caractéristiques du Riesling., en particulier ceux de pétrole !

o Steed déclare que le Lafite Rothschild représente plus que du vin : une inspiration. Il s’agit d’un des vins de Bordeaux les plus fameux. L’histoire de ce Premier Grand Cru mondialement réputé remonte au XVIIième siècle, les Barons de Rothschild faisant l’acquisition du Château en 1868. Les millésimes les plus côtés sont 1921, 1945 et 2000, mais 1961, année de création des Avengers constitue également une année particulièrement appréciée ! Les bouteilles de Château Lafite Rothschild peuvent atteindre plusieurs milliers d’Euros l’unité…

o Sonar : Le dispositif de détection sous-marine décrit dans l’épisode correspond au Sonar (SOund Navigation and Ranging). Ce dispositif a été inventé durant la Grande Guerre par le Français Paul Langevin, pour permettre de détecter mines et navires allemands. La légende veut que Langevin ait débuté ses travaux suite au drame du Titanic, il visait alors le repérage des icebergs! Une onde sonore est émise par l’appareil, dont la réflexion et son écho permettent de mesurer la distance avec l’objet atteint. Des modèles plus modernes assurent une écoute directe des bruits sous-marins. Outre ses applications militaires, le sonar permet de mesurer la profondeur des fonds marins, ou de détecter les bancs de poissons. Comme indiqué dans l’épisode, la Grande-Bretagne occupa toujours un place de premier rang dans le développement du sonar. La Royal Navy fut ainsi la première flotte au monde à en avoir généralisé l’emploi, dès les années 20. Elle offrit cette technologie aux Américains durant la Deuxième Guerre Mondiale, assurant aux Alliés la prédominance durant les grandes batailles maritimes.

Acteurs - Actrices

o Patricia English est, comme son nom ne l’indique pas, d’origine américaine. Elle apparaîtra également dans Mission à Montréal (saison 2) et sera surtout la remarquable Dr James de Interférences (saison 5). Par la suite elle participera à plusieurs séries (Les Champions, Department S), avant de se retirer au début des années 70.

o Valentino Musetti est apparu dans un total impressionnant de cinq épisodes des Avengers : Le Décapode (saison 2), Mort à la carte, Le marchand de secrets, Le retour du traître et Le quadrille des homards (saison 3). Dans Le Décapode il est par erreur crédité sous le prénom Valentine ! Il mène une double carrière comme acteur (Doctor Who, Cosmos 1999, Mission casse-cou, Batman…) et cascadeur (Amsterdamned, Alien, plusieurs James Bond…).

o John Stone (1924) est un acteur gallois. Il a participé à deux autres épisodes de la série : Le Joker (saison 5) et Du bois vermoulu (saison 6). Vu également à la télévision dans Le Saint, Les Champions, Amicalement vôtre

o Jack May (1922-1997) a participé à un grand nombre de séries (UFO, Dr. Who, Adam Adamant lives ! où il interprétait le rôle récurrent du majordome William E. Simms…) et a également connu une belle carrière au cinéma (L’homme qui voulut être roi, 1975). Il rencontra un vif succès en tant qu’acteur de voix, dans de nombreux dessins animés et émissions de radio. Il interprète ainsi le roi Théoden de Rohan dans la version radio à succès du Seigneur des Anneaux de la BBC en 1981. Son rôle le plus connu demeure cependant celui de Nelson Gabriel dans The Archers, le plus long soap radio n’ayant jamais existé, avec plus de 15 000 épisodes d’un quart d’heure déjà émis par la BBC. Le feuilleton a débuté en 1950 et continue à être diffusé aujourd’hui !

o Ronald Allen (1930-1991), diplômé de la Royal Academy of Dramatic Arts, débuta au théâtre, jouant notamment à l’Old Vic et au cinéma. Il accéda à la renommée avec le rôle de David Hunter (1969-1985), un des propriétaires de l’hôtel donnant son nom à Crossroads. Il fut également une figure régulière du Dr. Who et participa à bien d’autres séries (Destination Danger, Bergerac…).Quelques mois avant de décéder d’un long cancer, il se maria avec Sue Lloyd (apparue dans Dans sept jours le déluge, saison 4, mais aussi l’adaptation au théâtre des Avengers en 1971) son épouse à l’écran de Crossroads et amie de longue date.

o John Ringham (1921) participa également à l’épisode L’économe et le sens de l’histoire (saison 4). Il tourna dans une multitude de séries (Yes Minister, The Tripods, Dixon of Dock Green…). Il fut notamment une figure importante du Dr. Who, apparaissant dans plusieurs périodes de la série. Il connaît également une belle carrière au théâtre ainsi que dans la publicité. Il pasticha ainsi avec succès Indiana Jones en 1981 pour les chocolats Terrys !

A noter que…

o Jonathan Alwyn (1940) a dirigé sept épisodes : Missive de Mort, Combustible 23, Festin de Pierre, Inter-Crime, L’école des traîtres (saison 2), Le marchand de secrets, Le retour du traître (Saison 3). Sa carrière de réalisateur (Armchair Theatre, The rivals of Sherlock Holmes…) et de producteur (Maigret, the rivals of Sherlock Holmes…) s’est prolongée jusque dans les années 90.

o Ludovic Peters (1931) Le marchand de secrets constitue sa seule participation aux Avengers, mais il a également écrit pour Crane, Dixon of Dock Green, The troubleshooters… Il est également l’auteur d’une dizaine de romans policiers, principalement durant les années 60 et 70. Ludovic Peters est un pseudonyme, l’auteur s’appelle en fait Peter Ludovic Brent.

Fiche du Marchand de Secrets des sites étrangers :

En anglais
http://theavengers.tv/forever/gale2-19.htm
http://www.dissolute.com.au/avweb/ gale/314.html
http://deadline.theavengers.tv/GaleS2-19-SecretsBroker.htm

En flamand
http://home.scarlet.be/~pvandew1/avengers/gale46.htm

 

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SECONDE VUE

( SECOND SIGHT)

Tournage : Octobre 1963

Diffusion : ITV, 16 Novembre 1963 – 13ème Rue, 23 Avril 1998

Scénario : Martin Woodhouse

Réalisation : Peter Hammond

John Carson (Marten Halvarssen), Judy Bruce (Eve Hawn), Peter Bowles (Neil Anstice), Ronald Adam (Dr. Spender), Steven Scott (Dr. Vilner), Terry Brewer (Steiner).

Résumé

Halvarssen, un milliardaire scandinave aveugle résidant à Londres, doit recevoir les cornées d'une amie mourante pour lui permettre de retrouver la vue. L'opération va se dérouler en Suisse, les greffons étant convoyés en Angleterre dans un caisson hermétique et opaque. Steed soupçonne rapidement que ce récipient pourrait bien contenir tout autre chose. Il envoie en Suisse Cathy Gale et le Dr. Spender, ophtalmologiste réputé, afin de suivre le déroulement des prélèvements. Spender, trop curieux, est assassiné et l'opération se déroule sans témoins. Les Avengers, désormais certains de l'existence d'un complot, pénètrent dans l'appartement londonien de Halvarssen. Ils découvrent que celui-ci et son entourage tramaient en fait l'entrée en fraude de diamants mondialement célèbres. Halvarssen, non informé de l'assassinat de Spender, se voit de plus trahi par les siens. Les Avengers et lui s'allient et parviennent à vaincre leurs adversaires dans un combat mené en pleine obscurité.


CRITIQUES


 

Estuaire44 16 mai 2008

Seconde vue pourrait laisser... à première vue une impression mitigée. En effet le spectateur reste quelque peu dubitatif devant la complexité de l'intrigue et le raffinement usité par les comploteurs dans ce qui demeure finalement un simple passage en fraude de diamants. Il semble étrange de développer un stratagème comportant la présence obligatoire d'un agent de l'Etat! Woodhouse ne se préoccupe guère de justifier une telle disproportion, se contentant d'esquisser de vagues considérations sur la psychologie de Halvarssen. Néanmoins cette histoire, pour invraissemblable qu’elle demeure, nous régale d’un vibrant suspens jusqu’à son terme.

De plus ces réserves se trouvent rapidement oubliées devant l'incroyable maestria manifestée, une fois de plus, par le grand Peter Hammond, tout au long de son dernier épisode réalisé pour la série. Avec une infaillibilité tenant du prodige, il trouve à chaque fois l'angle de vue parfait pour susciter une ambiance déstabilisante pour le spectateur. Les gros plans finement désaxés sur les visages, le jeu entre les différents plans d'une même image, une caméra admirablement mobile pour suivre les déplacements et repérages de la main de Halvarssen confèrent à Seconde Vue une délectable aura d'étrangeté, bien au-delà de la simple intrigue policière qu'il développe. Un épisode à montrer dans les écoles de cinéma, d'autant que la vive imagination de Hammond multiplie les audaces et les excellentes idées de mise en scène, comme la vision du gang se confrontant à Cathy, réfléchie dans une table miroir, ou la chute mortelle du Pr Spender reflétée dans les lunettes noires de son agresseur. Il parvient à transformer les contraintes du tournage en studio en tremplin pour sa créativité, orchestrant à merveille tous les moyens à sa disposition. Un remarquable exercice de style, particulièrement enthousiasmant.

Ce récital bénéficie également d’un autre chant du cygne, celui du dessinateur de décor Terry Green. Déjà auteur de plusieurs superbes compositions, il réalise son chef d'oeuvre lors de sa dernière participation à la série : l'appartement de Halvarssen. Celui-ci constitue en effet un exceptionnel décor, aussi bien pour ses qualités esthétiques que pour son étrangeté. Ses reliefs distordus nous font toucher du doigt l'univers mystérieux de la cécité. Ce n'est pas un hasard si Steed trébuche lors de son départ, s'identifiant ainsi à un spectateur troublé par cette expérience. Hammond en est si parfaitement conscient qu'il n'hésite pas à consacrer une longue scène silencieuse à la découverte de ce décor, lors de l'intrusion de Steed. Une jolie audace, une nouvelle fois payante. Décor et mise en scène concourent ainsi avec une rare éloquence à nous faire percevoir le véritable sujet de l’épisode : la terrible expérience de la cécité. L’auto-portrait, remarquable et aperçu à de nombreuses reprises, en résonne comme un lancinant rappel.

L'intérêt de Seconde Vue se trouve également rehaussé par une magnifique galerie de portraits.

Les amateurs des Avengers n'en seront guère surpris : Peter Bowles réalise une fois de plus une étonnante prestation. Anstice ne se contente pas en effet d'être un criminel classique : sa cruauté hilare et son orgueil délirant confine presque au dérèglement mental. Le comédien souligne habilement cette dimension, entre suavité et brusques accès de violence, annonçant clairement les futurs Harvey et Thyssen. Rarement le plaisir offert par la période Cathy Gale de découvrir les performances antérieures des grandes figures de la série n'aura été autant ressenti! Eve Hawn apparaît cependant nettement plus en retrait et dominée par son partenaire, d'autant que le jeu de la très belle judy Bruce semble assez limité. On regrette que sa confrontation avec Cathy ne produise pas plus d'étincelles.

Spender campe un médecin à l'ancienne, d'un machisme si pittoresque que même Cathy Gale finit par en sourire. L'épisode lui doit plusieurs passages particulièrement amusants, mais aussi une scène réellement intense, lors de son agression filmée en caméra subjective. Un procédé efficace, parfaitement réalisé par l'habile Hammond et que l'on retrouvera dans des opus aussi brillants que Le vengeur volant ou encore Le tigre caché.

Seconde vue représente également une nouvelle occasion de s'émerveiller devant le don de transformiste de John Carson, Halvarssen demeurant totalement méconnaissable du bouillonnant Ariston de Le clan des grenouilles ou du sinistre Fitch de Meurtre par téléphone. Outre ce talent, Carson confère également une intensité particulière à son personnage , s'imposant comme le centre de gravité de l'épisode. Les conversations avec Steed ou son soliloque triomphant constituent des scènes particulièrement fortes. Il y a quelque chose de très émouvant dans ce personnage volontaire, foudroyé par la cécité, dont toute la vie se résume à une lutte empreinte de fierté contre le handicap et qui doit finalement avouer sa faiblesse devant la menace du gang. Ce destin brisé émeut jusqu'à l'habituellement cynique Steed, qui personnifie encore une fois le spectateur dans sa sympathie envers Halvarssen.

Un duo d'Avengers particulièrement enthousiasmant parachève l'étonnante réussite de l'épisode. Leurs scènes communes paraissent toujours aussi toniques et distrayantes, d'autant que Steed cède encore une fois avec délectation à se manie de manipulation amicale de sa partenaire. La manoeuvre finit d'ailleurs par divertir la propre Cathy Gale, dont on perçoit bien que la contrariété n'est que de façade. Mais à leur brio coutumier, cet épisode finalement particulièrement sensible, apporte une dimension supplémentaire de grande humanité. Certes coutumière chez Cathy, il demeure tout de même significatif de voir celle-ci manifester une sympathie amusée face aux emportements misogynes d'un spender resté encalminé dans une époque révolue, alors qu'on la connaît autrement intransigeante sur ce point. Mais c'est surtout Steed qui surprend, lors de ses scènes superbement écrites avec Halvarssen, car il montre une rare empathie avec un potentiel adversaire et s'acharne jusqu'au bout à lui laisser sa chance. Patrick Macnee et Honor Blackman, magnifiques, concourent de tout leur talent au succès de cet épisode particulièrement dense et ambitieux.

EN BREF : Cette conjonction de superbes talents aboutit à une évocation particulièrement éloquente de la cécité, de ses mystères comme de ses misères. L’intrigue n’en constitue que le prétexte mais offre néanmoins un suspens de grande qualité. Peter Hammond s’impose définitivement comme le meilleur réalisateur des années Cathy Gale !


VIDÉO


Un rire bien cruel…


INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Tournage


Continuité

o Peter Bowles essaie d’ouvrir la porte de la salle de préparation, mais visiblement oublie qu’elle est fermée. Surpris, il se précipite alors pour tourner la clé (28’15’’) :

o A l’issue du combat final Steed demande que l’on rallume la lumière (49’58’’), mais au contraire elle s’éteint alors totalement ! Erreur de manipulation ou ultime évocation de la cécité ?

 


Détails

o On retrouve le portrait de l’ancêtre de Steed, R.K.J. de V. Steed (18’42’’), disposé de la même manière que dans Le Cocon.

o Les deux livres présentés par Steed à Cathy pour l’aider à rendre crédible sa couverture s’intitulent : Handbook of ophtalmic surgery et Visual optics.

o Cathy se plaint de toujours devoir déplacer ses congés au bon gré de Steed. Dans Le quadrille des homards, son ultime épisode, elle finira par effectivement partir pour des vacances à durée indéterminée…

o Steed craint une réaction du Royal College of Surgeons en cas d’intervention injustifiée (11’33’’). Cette institution dont les origines remontent au XIVième siècle fut formalisée en 1800 par charte royale. Elle remplit un rôle d’assistance et de surveillance des actes des chirurgiens et dentistes, dont elle supervise la formation. Son siège se situe en bordure du Lincoln’s Inn Fields, le plus grand jardin public de Londres et contient une superbe bibliothèque ainsi qu’un musée fort réputé consacrés à la chirurgie.

o La surcompensation, évoquée par Halvarssen (15’13’’) est un phénomène psychologique étudié par le psychanalyste autrichien Alfred Adler (1870-1937), selon lequel un individu cherche à contourner un sentiment d’infériorité par une autoglorification affirmée. Le soliloque du même Halvarssen (45’06’’) en constitue d’ailleurs un exemple des plus explicites !

o Steed et Cathy viennent d’assister à une course de stock-car (2’30’’). Steed décrit ce sport comme pratiqué par des particuliers. En effet il s’agit de courses automobiles, plus souvent pratiquées en circuit fermé qu’en rallye, où l’on utilise théoriquement des voitures de série. Cependant, le plus souvent, on ne conserve que la carrosserie originelle, tout le reste de la voiture étant optimisé pour la compétition. Peu répandu en France, cette discipline connaît une grande popularité en Grande-Bretagne mais aussi aux Etats-Unis et au Canada. La principale organisation de stock-car, le NASCAR, fut fondée aux Etats-Unis en 1948. Cette discipline se répand en Grande-Bretagne à partir de 1954, avec une particularité : les courses mettent alors principalement en œuvre des voitures des années 30 spécialement renforcées. On comprend ce qui y attire John Steed ! Les années 60 verront l’arrivée progressive des véhicules modernes.

o Greffe de la cornée : Cette très fine couche de cellules, épaisse de 500 à 600 micromètres, recouvre le centre de la surface de l’œil et joue un rôle primordial dans la diffraction de la lumière permettant la vue. Comme énoncé par Cathy Gale, ce type de greffe est de pratique ancienne et courante. La première réussie sur l’homme remonte à 1905, par l’ophtalmologiste viennois Zirm. Cette tradition d’excellence autrichienne perdure et se retrouve dans l’épisode à travers le Dr. Vilner. Les techniques s’améliorent progressivement et les années 60 marquent un progrès décisif par l’introduction des corticoïdes. En France 2700 cornées sont greffées chaque année, ce qui permet effectivement de guérir, ou d’améliorer grandement la situation des personnes atteintes de pathologies de cet organe, même s’il existe d’autres sources de cécité. La cornée reste un des organes les plus facilement transplantables, avec un faible taux de rejet. Le nombre de donneurs s’avère par contre insuffisant et 8000 patients demeurent en attente. Des solutions alternatives sont actuellement développées, comme l’utilisation de membranes de placenta, de cellules souches ou de cornées synthétiques.

Acteurs - Actrices

o Peter Bowles (1936) a tourné dans trois autres épisodes de la série : Meurtre par téléphone (saison quatre), Remontons le temps (saison 5) et Les évadés du monastère (saison 6). Il a tourné dans de nombreuses séries ITC des années 60 même si "elles rapportaient plus d'amusement que d'argent" : Le Saint, Destination danger, Département S, Amicalement vôtre, Cosmos 1999. Il est l'infâme A dans l'épisode A, B et C du Prisonnier. Très peu de films à son actif mais des sitcoms au début des années 80. Il s'est tourné vers le théâtre ces dernières années. Il participe régulièrement à des interviews et reportages sur la série.

o John Carson (1927) a également participé aux épisodes suivants : Le clan des grenouilles (saison 2), Meurtre par téléphone (saison 4) et Le baiser de Midas (saison 7, The New Avengers). Il a participé à une multitude de séries (Le Saint, Le Baron, Poirot…) mais c’est au cinéma qu’il a connu ses plus grands succès, jouant dans de nombreux films d’horreur, notamment dans les productions de la Hammer : The plague of the Zombies (1966), Taste the blood of Dracula (1969), Captain Kronos-Vampire Hunter (1974). Sa voix particulière l’a souvent fait comparer à Christopher Lee, une autre étoile de la Hammer.

o Judy Bruce : Sa participation à l’épisode représente le dernier rôle répertorié de sa très courte carrière (1958-1963).

o Ronald Adam (1895-1979) connut une remarquable carrière dans l’Armée de l’air : il eu le privilège d’être une des victimes du légendaire baron rouge durant la Grande Guerre, avant de devenir un important dirigeant de Service du Radar durant la Bataille d’Angleterre. Les historiens lui reconnaissent un rôle crucial dans le succès de la RAF. Membre d’une famille de comédiens, il connut une carrière fertile s’étendant sur quarante ans (1938-1978), au théâtre comme à l’écran : Public Eye, Gideon’s Way, Columbo… Pour son dernier rôle il interpréta le juge anglais de L’amour en en question d’André Cayatte.

A noter que…

o La présence de Starke se fait toujours sentir, on retrouve ainsi la coiffure conique très haute couture de Cathy Gale, tandis qu’apparaissent un nouvelle tenue de cuir particulièrement stylée Notre héroïne également arbore un pantalon de cuir fort suggestif,lui aussi mis en valeur par la caméra de Hammond qui s’y attarde quelque peu (4’03’’)… La mode devient décidemment une composante majeure de la série.

. Comme dans Mort d’un ordonnance, nous observons Steed utiliser son parapluie selon le mode usuel (2’13’’), de nouveau en le refermant en rentrant dans une pièce après avoir affronté la pluie. L’instant est encore une fois fugace ! Steed préfèrera toujours utiliser son fameux parapluie de mille et une autres manières !

o Avec le voyage de Cathy Gale, l’épisode renoue avec la grande tradition des périples en décors de la saison 2, la Suisse succédant à l’Amérique du Sud, l’Atlantique, la Grèce ou bien encore la Côte d’Azur.

o Peter Hammond (1923-2011) est une figure importante de la série car il a réalisé pas moins de 19 épisodes, durant les saisons 1 (neuf épisodes, dont Passage à tabac), 2 (Warlock, Le point de mire, Mort d’un grand Danois, Les œufs d’or, La loi du silence) et 3 (Plaidoirie pour un meurtre, La toison d’or, Ne vous retournez pas, Le piège à rats idéal, Seconde vue). Il a participé à de nombreuses autres séries (Rumpole of The Bailey, Shades of greene…). Plus récemment il a tourné neuf épisodes du Sherlock Holmes de Jeremy Brett.

o Martin Woodhouse a écrit le scénario de sept épisodes : Monsieur Nounours, Le grand penseur, les œufs d’or, Un cœur de grenouilles (saison 2), Seconde vue, Lavage de cerveau (saison 3) et L’économe et le sens de l’histoire (saison 4). Il est également connu pour sa participation à la série Supercars, dont il a écrit 22 épisodes (1961).

o Terry Green, concepteur de décors, interviendra dans sept épisodes de la saison 2 (Mission à Montréal, La trahison, Warlock, le décapode, Mr Teddy Bear , Un traître à Zébra, La naine blanche) et deux de la saison 3 (Ne vous retournez pas, Seconde vue). Ses créations seront toujours de bonne facture, voire excellente. Elles apporteront un attrait supplémentaire à ces épisodes, particulièrement crucial pour la série au moment où celle-ci est tournée quasi exclusivement en décors intérieurs, aux studios de Teddington.

Fiche de Seconde Vue des sites étrangers :

En anglais
http://theavengers.tv/forever/gale2-8.htm
http://www.dissolute.com.au/avweb/ gale/313.html
http://deadline.theavengers.tv/GaleS2-08-SecondSight.htm

En flamand

http://home.scarlet.be/~pvandew1/avengers/gale35.htm

 

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