Frankenweenie (2012) Résumé : Victor Frankenstein ne se console pas de la perte de son chien Sparky. Il utilise la science pour ramener Sparky à la vie. Il essaye de cacher sa créature mais Sparky s’échappe et tout le monde va en subir les conséquences. Critique : Un film globalement décevant. On a certes de bons moments, quelques bonnes idées (pour redonner de l’énergie à Sparky, Victor le branche sur le secteur !) mais le scénario est très linéaire, très prévisible. Une nette sensation que Burton bégaye ses précédents films domine et les références à d’autres films du même genre manquent de subtilité. C’est en préparant l’exposition qui lui était consacré par le Musée d’art moderne de Los Angeles en 2008 que Burton tomba sur des croquis datant de 1984. Cette année-là, il avait réalisé un court-métrage de 29’ appelé « Frankenweenie » pour Disney. Jugé trop sombre, il n’était finalement sorti qu’en complément de Batman, le défi (1992). Tourné à Londres de juillet 2010 à fin 2011, ce film de marionnettes animé grâce au procédé image par image (200 au total) coûta 39 millions de dollars et en rapporta 81. Il veut rendre hommage aux films de genre tant d’horreur que des Kaijus nippons mais le résultat est ambivalent. En effet, les références sont vraiment trop évidentes et semblent n’avoir qu’un effet « décoratif ». Une tombe dans le cimetière pour animaux (sinistre certes mais peu effrayant) porte le nom de « Shelley », la romancière qui écrivit Frankenstein…dont le prénom est Victor justement. La fillette qui chante à la fête s’appelle Elsa Van Helsing. Le nom complet d’Edgar est Edgar E. Gore (subtil !). Plus amusant est le recyclage des anciens films de Burton qui s’insère plutôt bien dans la narration. La maison des Frankenstein et le quartier sont tirés de Edward aux mains d’argent. Tout le décorum hollandais et surtout l’incendie du moulin sont directement pompés sur Sleepy Hollow. Hommage ou nostalgie ? Tout cela est amusant certes mais cela ne donne pas un scénario pour autant. Passés la tendre scène d’ouverture, où on perçoit en écho le regret de Tim Burton qui aurait voulu avoir une famille qui accueille favorablement son besoin artistique, et la résurrection de Sparky, le film ne développe plus grand-chose. Le concours de sciences comme moteur de l’action est un prétexte un peu court. De même, le spectateur n’est pas vraiment surpris que tout le monde finisse par connaître l’exigence du prodige (comme dans Edward d’ailleurs), ni même que les expériences des autres enfants tournent mal. C’était inévitable pour créer une perturbation dramatique. Les problèmes sont résolus avec brio par Victor sans trop de difficultés quand même. Il n’y a pas d’antagoniste ; le maire s’avérant moins antipathique qu’envisagé. Sans s’ennuyer, le spectateur ressort de là avec l’impression d’un film sincère certes, mais vite vu, vite oublié. Anecdotes :
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Big Eyes (2014) Résumé : Au début des années 1960, le peintre Walter Keane connaît un succès phénoménal avec ses toiles représentant des enfants aux grands yeux. Bateleur né, il sait se vendre et se vendre bien. La seule chose qu’il ne sait pas faire, c’est peindre car c’est sa femme Margaret qui est la véritable artiste. Critique : Après Ed Wood, Big Eyes constitue le second film biographique réalisé par Tim Burton et, à nouveau, c’est à un artiste qu’il le consacre car, ce qui intéresse Burton, c’est moins l’artiste que le processus créatif qu’il essaye de représenter. A nouveau, le sujet présente un artiste singulier ayant le besoin vital de créer mais aussi des rapports houleux avec la critique. Si on ajoute cette phrase, « Il s’en dégage un certain trouble, de la tristesse ainsi que de la noirceur, de l’humour et de la couleur », Big Eyes constitue en fait une définition de l’art burtonien ! En outre, le film a le mérite de montrer la condition féminine dans les années 50/60 et la difficulté pour une femme seule de subvenir à ses besoins et d’être prise au sérieux, quand elle est artiste qui plus est ! « L’art féminin n’est pas très pris au sérieux » dira Walter et il a hélas raison. A travers l’histoire de Margaret Keane, c’est aussi un jalon dans l’histoire des femmes qui est posé. Le projet venait des scénaristes Larry Karaszewski et Scott Alexander qui y travaillaient depuis dix ans et avait gagné la confiance de Margaret Keane. Ils voulaient que ce soit Burton qui produise le film ; ce qu’il fit avant de décider de le réaliser. La première scène – une sinistre banlieue pavillonnaire – montre d’emblée qu’on est bien dans un Burton ! Tim Burton voulait travailler avec de nouveaux acteurs aussi toute la distribution est-elle inédite. Amy Adams avait refusé le rôle en 2011 se jugeant trop jeune. Elle accepta cette fois-ci, désireuse de tourner avec Burton. Elle reçut des conseils de la véritable Margaret Keane qui vint fréquemment sur le plateau. Amy Adams est prodigieuse et très juste surtout quand elle montre la douleur de son personnage obligée de mentir à sa propre fille. Tout au long du film, elle saura incarner ces petites ruptures, ce progressif enfoncement dans le mensonge et la honte qui ne va cesser de la ronger ainsi que son isolement croissant. Symboliquement, il n’y a que deux moments où elle montre Margaret souriante : quand elle commence et recommence une nouvelle vie sans Walter. Le choix de Christoph Waltz pour incarner cet escroc est là aussi magistral. Depuis Inglourious Basterds qui le fit connaître, l’acteur autrichien est reconnu comme un maître pour incarner les pires salauds ayant de la classe ; des manipulateurs de génie et des raconteurs d’histoires. La scène où Walter séduit Margaret est un modèle de technique commerciale : se montrer modeste soi-même et flatter l’autre. Christoph Waltz joue parfaitement les deux facettes de Walter Keane : le séducteur en public et l’oppresseur en privé mais aussi un mondain se plaisant à faire la roue en public mais maîtrisant mal ses nerfs dès lors que l’on froisse son orgueil. Et c’est ce monstrueux orgueil qui sera la cause finale de sa chute. Face à ces deux acteurs éblouissants, les seconds rôles pourraient faire de la figuration mais chacun s’en tire assez bien. Kristen Ritter hérite certes à nouveau du rôle de la meilleure amie (comme dans Confessions d’une accro du shopping) mais le joue avec finesse et en dégageant une grande empathie. Elle montre à la fois la proximité entre les deux personnages et son incompréhension devant une situation qui lui paraît étrange car Margaret ne paraît pas aller bien. Désireuse de soutenir Margaret, DeeAnn se montre trop curieuse et sa visite cause un malaise qui dégénère en crise. Cette fracture entre les deux amies aggrave l’isolement de Margaret mais crée aussi les conditions de sa future libération. Surtout, Burton a confié le rôle du critique hostile à Keane à un monstre sacré du cinéma britannique, Terence Stamp. Une classe altière, un charisme impressionnant ; en peu de scènes, l’acteur s’impose et chacune de ses lignes de texte est un jet d’acide qui ronge la statue de Walter Keane. Le clou étant la confrontation entre Waltz et Stamp. Le premier rend magnifiquement l’impuissance à laquelle est finalement réduit Walter en quelques secondes de joute verbale. La parole a créé Walter Keane et c’est la parole qui le perdra. « Qui a vécu par l’épée périra par l’épée » (Mt 26,52) et la référence biblique n’est pas incongrue puisque ce sont les Témoins de Jéhovah qui vont finalement décider Margaret à parler et à dire la vérité. Walter a longtemps dominé Margaret par la parole, en mentant, en la faisant chanter, en la menaçant même et Amy Adams a montré l’effacement progressif, la soumission douloureuse de celle-ci. Mais, dans les scènes du procès, quad Christoph Waltz montre toute la suffisance de son personnage, Amy Adams montre, elle, toute la dignité retrouvée du sien. Anecdotes :
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Miss Peregrine et les enfants particuliers (2016) Résumé : Autrefois, le grand-père de Jake lui racontait des histoires parlant d’un foyer pour des « enfants particuliers » sous l’autorité de Miss Peregrine. Plus tard, Jake a rejeté ces histoires mais la mort de son grand-père dans des circonstances étranges le pousse à se rendre au Pays de Galles où tout se serait passé. Et il rencontre effectivement Miss Peregrine et les enfants particuliers ! D’ailleurs, lui-même en est un ; ce qui va leur être particulièrement utile.. Critique : Un grand film où la patte de Tim Burton transforme une recherche de deuil en célébration de la vie, en ode à la différence. « Beaucoup de gens se sentent étrange » dit justement le réalisateur, en s’incluant dans le lot. Il leur donne à tous un miroir et un espoir. Bien que l’histoire ne soit pas une création originale de Burton, le grand réalisateur en a fait son œuvre par l’emploi de thèmes, de séquences, de marqueurs « burtonien ». Cela commence par l’ouverture en Floride (mais ce pourrait être n’importe où) avec cette architecture urbaine qui le répugne ; avec ces parents qui ne comprennent rien à leur enfant et l’emmène chez le psy plutôt que de l’écouter (que ce soit le père qui soit particulièrement visé n’est pas un hasard non plus) mais également dans l’architecture du foyer qui paraît issu d’un conte de fée (alors que le bâtiment existe bel et bien), la présence d’une fête foraine, plusieurs séquences horrifiques et bien entendu la mise en présence de deux mondes, le soi-disant « réel » qui est à périr d’ennui et le soi-disant « imaginaire » bien plus chaleureux. Le film s’articule en deux parties encadrées par une introduction et une conclusion. L’introduction présente Jack, son grand-père (interprétation sensible, pleine de classe et de tendresse de Terence Stamp, que Burton retrouve après Big Eyes) et insiste sur l’ancienne proximité entre eux qui n’a pas totalement disparu. Elle prend fin avec le départ de Jack pour le Pays de Galles. Symboliquement, on retrouvera le même duo pour la conclusion. La boucle (temporelle) sera bouclée. La première partie est une présentation de Miss Peregrine et des Enfants particuliers avec visite du foyer. Faite sous une belle lumière diurne, cette séquence est édénique et culmine avec le renouvellement de la boucle temporelle qui les protège tous. S’y ajoute le point noir que les enfants ne peuvent sortir de la boucle sous peine d’être rattrapé par le temps qui a passé. Nous sommes en effet en 1943 ! A cette première partie s’ajoute la scène dans l’épave (très beau décor sous-marin avec une pincée de macabre) entre Jack et Emma dans une optique clairement romantique mais empêchée par la différence des époques. C’est là aussi que Jack découvre sa particularité : il peut voir les monstres. C’est là la seconde partie : il existe une menace contre les enfants particuliers et elle vient de « particuliers malfaisants » appelés Sépulcreux menés par un certain Barron à qui Samuel L. Jackson donne un allant particulièrement menaçant, classieux mais dangereux. La lutte contre eux, qui culmine lors de la fête foraine, est le moment noir, plein d’action où Jack se révèle, surmonte la peur qui l’habitait, fait montre d’inventivité (d’imagination) et sauve à la fois les enfants et Miss Peregrine. Pour donner corps à ce monde, Tim Burton a fait appel pour la seconde fois à Éva Green qui campe fièrement Miss Peregrine et lui donne à la fois belle allure, autorité et amour pour les enfants dont elle a la garde. Même fumer la pipe, elle le fait avec une élégance aristocratique qui colle tout à fait avec le cadre et le personnage. Tim Burton définissait le personnage comme une « Mary Poppins effrayante » ! Ella Purnell incarne Emma avec délicatesse, beaucoup de sensibilité mais aucune sensiblerie. Asa Butterfield manque un peu de personnalité et de charisme pour pleinement faire ressortir toute la gamme d’émotions par lesquelles passe Jack. Mais il se défend plutôt bien et est très crédible lorsqu’il commande la bataille et face à un Samuel L. Jackson qui se régale à jouer une ordure de la plus belle eau. L’histoire se passe en 1943, une époque particulièrement tragique, et, du coup, certains éléments résonnent différemment. Ainsi les « enfants particuliers » ne pourraient-ils pas être une référence aux enfants juifs que certains ont caché pendant la guerre (Miss Peregrine serait ainsi une Juste) ? Abe, le grand-père, vient de Pologne et a passé sa vie à traquer les « malfaisants » ; comme une métaphore de Simon Wiesenthal qui traqua les nazis à travers le monde. Le film pourrait donc se lire à la fois comme une allégorie et un conte de fée ; les deux enseignant que la réalité n’est pas forcément ce que l’on croit, que les monstres existent et que l’on peut triompher d’eux. Anecdotes :
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Dumbo (2019) Résumé : Max Medici, directeur de cirque, se retrouve avec un éléphanteau aux oreilles disproportionnées, dont il confie la charge à Holt Frasier, revenu de la guerre et qui a beaucoup de mal à comprendre ses enfants. Ceux-ci découvrent que l’éléphanteau nommé Dumbo peut voler ! Il attire l’attention d’un entrepreneur de spectacle qui veut se faire beaucoup d’argent avec lui.. Critique : On a connu Tim Burton plus emballant et plus inspiré. La faute certainement à une histoire qui se prête mal à un long-métrage car, et c’était déjà le cas en 1941 avec le dessin animé, il y a très peu de choses à raconter : Dumbo, éléphant de cirque, est séparé de sa mère. Il se découvre la capacité de voler. Il retrouve sa mère. Ajoutez quelques péripéties pour faire durer le spectacle et c’est tout. La progression dramatique n’est pas non plus très convaincante. On a l’impression que l’histoire ne progresse que grâce à des accidents comme le baptême de Dumbo notamment qui est tragicomique. La première représentation de Dumbo tourne mal mais attire l’attention de Vandevere, le promoteur de spectacles. C’est encore la première entre Dumbo et Colette, la trapéziste, qui manque de tourner au fiasco mais qui fait pencher la jeune femme vers les « gentils », ulcérée qu’elle est par la prise de risque inconsidéré que son amant, qui fait fort peu de cas d’elle et s’est abstenu de la mettre au courant. Cette répétition ôte une grande partie de la tension et du suspens. Enfin, la dernière partie est sans surprise puisqu’elle se concentre sur l’opération de libération de Dumbo et de sa mère. C’est plein d’allant certes mais on connaît le dénouement. Tim Burton se montre également fort peu subtile lorsque, dans la conversation entre Vandevere, le banquier et Max, on entend le distinguo entre le « rêve » (le monde du cirque) et les « faits » (celui de la banque). Le premier, déjà mis en scène par Burton mais qui relève d’un thème qu’on peut faire remonter à Tod Browning (Freak, 1932), est bien sûr nettement valorisé. Le réalisateur consacre beaucoup de temps, parfois trop, aux numéros ; ce qui ralentit le rythme d’un film qui manque d’en devenir trop long. Du côté du casting, c’est équilibré. Nouveau venu, Colin Farrell, est moyennement convainquant. Peu charismatique, il n’est pas habité par son rôle et dégage très peu de chaleur humaine. Il ne parvient pas à créer la connexion avec le personnage de Colette, incarnée avec sa maestria habituelle par Éva Green, alors que c’est un élément important dans la dramaturgie. C’est parce que Colette est touchée par la famille Holt, sa sincérité, sa tendresse envers Dumbo, qu’elle bascule de leur côté alors que sa première apparition en faisait la cocotte de Vandevere. Finley Hobbins (Millie) est la plus convaincante des deux enfants et celle dont le rôle est le plus développée. Les scènes entre les enfants et l’éléphanteau en images de synthèse sont les plus belles que réalisent Burton ; elles dégagent de l’émotion. Globalement, sur ce chapitre, le réalisateur réussit son coup. Il fait aussi appel à des habitués. Danny DeVito joue à nouveau un directeur de cirque (comme dans Big Fish) avec conviction et tendresse ; Mickael Keaton retrouve Burton presque trente ans après et il est impeccable dans ce rôle de « méchant ». A travers le personnage de Vandevere, on peut lire une critique virulente de quelqu’un comme Barnum et de la marchandisation de ce monde du rêve qu’est le cirque ainsi que des mauvais traitements infligés aux animaux. Le sort réservé à Dreamland, quand on sait que Disney produit le film, laisse songeur quant à son interprétation. Anecdotes :
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