Harvard Story (2001) Résumé : A Harvard, Alan est un brillant étudiant et le meneur de l’équipe de basket universitaire, mais aussi un drogué entretenant une liaison avec sa professeure de philosophie, Chesney. Il couche également avec une des pom-pom girls, or celle-ci, Cindy Bandolini, s’avère être la fille d’un mafieux. Elle propose à Alan de truquer les matchs contre rémunération, ce qu’il accepte, ses parents venant de perdre leur maison. Mais des agents du FBI sont sur l’affaire, dont la redoutable bisexuelle Kelly. La situation se complique quand Alan s’offre un trip massif au LSD. Chesney sauve la situation en trouvant un étrange neuropsychiatre sauvant Alan, et en organisant une partie fine à laquelle participe Kelly, ce qui permet la prise de photos compromettantes. Critique : Le 10 mai 2001 est présenté au Festival de Cannes cet authentique OVNI que constitue Harvard Story. Malgré ses fausses allures de romance estudiantine, ce film, lui-même copieusement irrigué à l’acide lysergique, s’avère rapidement un thriller passablement démentiel, aussi déroutant par sa forme que par son fond. Ce dernier présente un indéniable intérêt, car développant les points de vue très particuliers du scénariste et réalisateur Jack Toback concernant l’existence, tout au long d’un récit largement autobiographique. Survivant des drogues psychédéliques si populaires sur les campus américains du Summer of Love et des années 60 tardives, Toback est toujours demeuré une figure singulière parmi les scénaristes d’Hollywood, alternant films à gros budgets et œuvres indépendantes en marge du système, volontiers provocatrices. Il délivre ici comme un manifeste des idéaux de la Contre-culture de jadis, au sein de ces années 2000 débutantes et déjà bien davantage matérialistes. Outre de multiples réflexions et citations existentialistes judicieuses, Chesney la professeure de philosophie, en exprime la quintessence d’une phrase : « Nous sommes sur Terre pour quatre secondes, alors autant en jouir un maximum, sans faire de mal à personne ». Howard Story revêt dès lors des allures de quasi documentaire, que le choc entre deux époques rend plaisamment étranges. Le monde que dépeint Toback, avec ses personnages, étudiants, professeurs, gangsters ou agents fédéraux, tous obsédés par leurs plaisirs sexuels très divers et la consommation de drogues également diverses, mais non violents et plutôt sympathiques, séduit par son originalité amorale et iconoclaste. Lors de la toute dernière scène, Toback prend néanmoins la précaution bienvenue (et élémentaire) de rappeler que jouer avec le LSD n’est jamais sans conséquences. Si le fond séduit par sa vitalité et son originalité volontiers scandaleuse (y compris lors de dialogues décapants), la forme suscite des sentiments davantage mêlés. Avec son alliage de superbes morceaux de musique classique réorchestrée et ses airs hip hop, la bande son s’avère fort plaisante. Elle résulte elle-même aussi déstructurée que le scénario, mélangeant allègrement divers moments du récit et totalement foutraque. Tout se passe comme si Toback voulait imprimer au maximum la marque du LSD à son film, à travers sa forme narrative, mais aussi sa mise en scène multipliant à l’envie les faux raccords grossiers, entre les scènes mais aussi à l’intérieur de celles-ci. Outre de belles vues du campus d’Harvard, tout ceci amuse volontiers durant le premier quart d’heure du film, comme un Jean-Luc Godard filmant un crossover entre The Shield et The Sopranos. Mais ensuite on se lasse rapidement, tant le numéro s’avère répétitif. Surtout Toback s’offre un plaisir nostalgique en accordant beaucoup trop de temps à décrire par le détail les visions d’Alan durant son trip au LSD occupant un bon quart du film, tandis que les autres personnages brassent de l’air. Certains effets sont réussis, comme la Polynésienne de Gauguin s’animant et quittant son tableau, ou les yeux distordus de Kelly dans le rétroviseur, mais la plupart du temps on en reste à des trucages vidéo bas de gamme. De très fade, le jeu d’Adrian Grenier devient alors grotesque, sa faible prestation nuisant beaucoup au film. Les dames s’en sortent beaucoup mieux, Joey Lauren Adams campant une lumineuse et sereine professeure de philosophie, volontiers canaille à l’occasion, clairement l’idéal féminin de Toback. Rebecca Gayheart s’amuse visiblement beaucoup avec le rôle de Kelly, l’agente fédérale bisexuelle tout feu tout sexe, donc nous aussi. Les amateurs des X-Files reconnaîtront également avec plaisir le regretté John Neville (l’Homme aux mains bien manucurées) dans le rôle de l’intrigant et classieux neuropsychiatre sauvant Alan du piège du LSD. L’un de ces caméos que le grand acteur affectionnait au soir de sa carrière, dès lors qu’un projet l’intéressait. Si la promotion du film, notamment en vidéo, tourna beaucoup autour de la présence de Sarah Michelle Gellar, force est de constater que l’actrice ne tient ici que l’un des seconds rôles. Sa présence au sein d’un film aussi scandaleux (son premier indépendant) s’explique sans doute par une volonté réitérée de casser son image et d’aborder de nouveaux types de rôles. La période 2000-2001 voit Buffy contre les Vampires être menacée au cours de sa cinquième saison, jusqu’à susciter la mort de la Tueuse (le programme survivra finalement, en passant de The WB sur UPN), tandis que Sarah Michelle Gellar, en partie pour être cataloguée comme héroïne, voit lui échapper plusieurs opportunités au cinéma. Parmi les rôles qu’elle visait, la Malicia des X-Men sera ainsi interprétée par Anna Paquin et la Mia Torreto de Fast and Furious par Jordana Brewster. De fait, le but de s’encanailler sous la direction du sulfureux James Toback se verra pleinement atteint. Un film voyant Sarah fumer un joint un peu moins long qu’une baguette de pain, se rouler littéralement dans le fric, s’adonner à des scènes de sexe très explicites (dès le générique ou plus tard en forêt) ou encore décocher des phrases du genre Why don’t you suck my dick ? à la très bi Kelly ne saurait laisser indifférent. On note au passage que la rude confrontation entre Cindy et Kelly reste sans doute la scène la plus électrique et érotique du film, avec un subtext... Non, sans vraiment de subtext, en fait. On s’amuse franchement, mais Sarah Michelle Gellar ne se limite pas à ce rafraichissant défilé d’élégances. Dans la droite ligne du film, elle apporte sympathie et humanité à Cindy, filoute finie mais non violente, cherchant en définitive surtout à s’affirmer devant son père. On se surprend à aimer cette truqueuse éhontée, mais si radieuse et juvénile, animée par la vitalité joyeusement indigne de cet éternel étudiant Flower Power qu’est James Toback. Anecdotes :
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Scooby-Doo (2002) Résumé : Du fait de querelles internes, la fameuse équipe de Mystère et Cie, Fred, Daphné, Véra, Sammy et Scooby-Doo, décide de se séparer. Elle se reforme néanmoins pour répondre à l’appel d’Emile Mondavarious, propriétaire de l’île de Spooky Island et de son immense parc d’attraction. Il a en effet observé plusieurs phénomènes inexplicables et inquiétants ; Mystère et Cie débute alors une enquête qui va rapidement se transformer en une aventure particulièrement dangereuse, révélant un sinistre complot.
Critique : Le 14 janvier 2002 paraît à l’affiche Scooby-Doo, La Warner Bros a doté d’un imposant budget (84 millions de dollars) cette production constituant un authentique pari : transposer en film et en images de synthèses ce dessin animé devenu un monument de la culture populaire américaine depuis sa création en 1969 par Hannah-Barbera. La cible visée s’affiche clairement : la jeunesse adorant les aventures de Mystères & Cie ainsi leurs parents nostalgiques. Scooby-Doo reste un film destiné au public jeune et familial, bien davantage proche de Disney Channel et de Cartoon Network (qui, caractéristiquement, produira les téléfilms postérieurs) que de HBO ou Showtime, et c’est bien à cette aune qu’il doit être jugé. Les parents connaisseurs des vieux dessins-animés s’amuseront de la décapante version des héros proposée par le film, sans doute une survivance d’un premier projet visant une lecture autrement plus corrosive de Scooby-Doo. Daphné, l’éternelle Damsell in Distress aux innombrables enlèvements a pris des cours de karaté et est devenue une redoutable combattante, triomphant d’un catcheur mexicain. Véra, l’intello à lunettes, n’a plus honte de révéler son corps, tant s’en faut (une scène coupée reprise dans les suppléments la montrera d’ailleurs dans une saisissante danse en maillots de bain). Fred le héros se voit, lui, mué en bellâtre fanfaron et stupide. Sammy et Scooby résultent plus fidèles aux personnages du dessins-animé, même si leur énergie (et leur gloutonnerie) se voient démultipliées ! Scrappy-Doo, le si parfait et adorable neveu de Scooby, vire à la joyeuse caricature de Diabolical Mastermind exerçant son effroyable vengeance. Cet aspect sarcastique se révèle souvent amusant, d’autant que les comédiens jouent pleinement le jeu. Les enfants ou adolescents seront-eux à la fête, ce film leur est dédié. Reproduisant les couleurs saturées et acidulées du dessin animé des années 70 au sein de plateaux souvent spectaculaires, l’onéreux travail de production (décors, costumes, maquillages, animations…) reconstitue une atmosphère d’Halloween tropical qui plaira à coup sûr au jeune public américain, mais ans doute aussi européen, avec cette tonalité particulière d’épouvante qui fait rire. Destinée aux enfants, l’animation de Scooby-Doo reconstitue finalement assez bien le personnage du dessin-animé, dont les traits sont eux aussi assez simplistes. L’animation se montre également expressive et bien supérieure à ce que proposeront ultérieurement les téléfilms. Sa simplicité même lui permet de plutôt bien supporter l’usure du temps. Le scénario se voit également calibré pour le jeune public. Après que la séparation de Mystères et Cie eut au moins permis d’instaurer un point de départ structuré, tout se résume très vite un défilé quasi ininterrompu de cavalcades sonores et spectaculaires, ponctuées de gags gentillets, voire relevant parfois d’un humour de pétomane apprécié des enfants. Le scénario ne développe quasiment rien, hormis des conspirations nébuleuses et contradictoires destinées uniquement à susciter courses poursuites et trucages (dont certains très réussis, comme la vasque aux âmes). Tout en incorporant une dose de vrai fantastique plus dans l’air du temps, de ce point de vue le film recrée fidèlement l’esprit cartoon du dessin animé originel, jusqu’au rituel de la révélation du vrai coupable « qui aurait réussi si ces garnements n’étaient pas intervenus ». Sympathique et sans prétentions, le film remplit sa mission : divertir son public. L’adulte n’étant pas un fan convaincu de Scooby-Doo risque par contre de se lasser avant la fin de ce cartoon étiré sur une heure et demie, tant il saturera devant le déferlement visuel et sonore. La distribution constitue un autre atout de ce film, avec des comédiens judicieusement choisis à l’image des héros du dessin animé. La fadeur traditionnelle de Freddy Prinze Jr. convient fort bien à cette vision d’un Fred bien moins affirmé et reluisant que dans le dessin animé. La très belle Linda Cardellini apporte de la sensualité et du sentiment à cette Véra fendant, sinon l’armure, du moins son épais pullover orange. La sensation du film demeure toutefois Matthew Lillard, pour l’effarante perfection de la reconstitution de Sammy. Il n’est pas étonnant qu’il ait, depuis lors, toujours été choisi comme voix du personnage d’animation, tant sa performance est saisissante. Rowan Atkinson apparaît a contrario en pesanteur et guère motivé, se contentant de recréer vaguement des attitudes de Bean ou de Vipère Noire selon les moments du film. Contrairement à plusieurs de ses films précédents, Sarah Michelle Gellar ne cherche manifestement pas à s’affranchir de son image de Buffy. Le fait que l’interprète de la meneuse du Scooby-Gang se retrouve dans ce film constitue d’ailleurs un joli gag en soi, tandis que Daphné, propulsée championne es arts martiaux prend plus souvent qu’à son tour des allures de Buffy. Le combat contre le catcheur mexicain constitue par ailleurs une vraie performance et l’actrice reste sans doute celle qui paie le plus de sa personne durant les scènes d’action. Sarah Michelle Gellar apporte de la personnalité à Daphné (on n’ose dire du chien), mais ce n’est certainement dans ce film qu’elle sollicite le plus ses talents de comédienne. On applaudit par contre sa puissance de travail, parvenant à concilier avec professionnalisme ce tournage avec une sixième saison de Buffy très riche, comportant notamment le fameux épisode musical Once More, With Feelings. Sans doute Sarah a-t-elle saisi au vol l’occasion d’un séjour australien ensoleillé (et rémunérateur) auprès de son promis, qui l’en blâmera ? Anecdotes :
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Scooby-Doo 2 : Les monstres se déchaînent (2004) Résumé : Mystère et Compagnie assiste à l’ouverture d’un musée dédié à leurs exploits. Mais un mystérieux adversaire parvient à animer les statues représentant les anciens ennemis de Scooby-Doo. Ces monstres répandent rapidement la terreur dans la ville et nos amis, d’abord humiliés, se lancent dans une périlleuse enquête afin de détruire la menace. Tandis que Velma vit une romance avec Patrick, l’intrigant conservateur du Musée, l’ambitieuse journaliste Heather s’acharne à ridiculiser nos héros. Critique : A l’affiche le 20 mars 2004, Scooby-Doo 2 doit faire face à plusieurs défis. Ainsi il ne bénéficie plus de l’effet de surprise dû à la transposition de personnages de dessins-animés en film classique, qui avait suscité une vraie curiosité autour du premier opus. Après le munificent tournage australien de Scoobi-Doo, on en revient ici à des normes plus étriquées à Vancouver. Il faudra faire aussi bonne chère avec (relativement) moins d’argent. Comme toute suite, le film doit aussi démontrer qu’il développe un authentique projet, autre que celui d’exploiter un filon. Face à cette problématique, le scénariste James Gunn réagit intelligemment en apportant une ambition nouvelle à l’intrigue, afin d’au moins diminuer l’impression de se tenir face à un doublon. De fait, celle-ci résulte nettement plus structurée que lors du premier opus, où, après la mise en place du décor, elle se résumait essentiellement à accumuler les courses poursuites spectaculaires. Ici, sans prétendre à une originalité folle ou à de la complexité, on assiste au déroulement d’une véritable enquête, liant aux scènes d’action la découverte d’indices, l’installation de suspects potentiels considérablement plus développés, ainsi que du relationnel. Evidement ce mouvement ne demeure que partiel, les deux films s’adressent avant tout au même jeune public et l’on retrouve donc à profusion des gags extrêmement visuels et des poursuites similaires, voire l’humour à base de prouts si cher aux enfants. Il n’en reste pas moins que l’on apprécie cette volonté de ne pas se reposer sur ses lauriers, en se contentant de dupliquer des situations. Par ailleurs James Gunn sait s’adresser à l’autre grand public potentiel du film : les adultes amateurs nostalgiques des aventures de Scooby-Doo, dont les premiers dessins-animés remontent au début des années 70. Convoquer les grands antagonistes de jadis leur parlera bien davantage qu’aux enfants découvrant cet univers, avec une vraie valeur ajoutée. De même, l’auteur a su conserver l’aspect parodique qu’il avait précédemment insufflé aux héros de Mystère et Compagnie, mais là aussi en les rendant relativement moins caricaturaux et en développant le relationnel. Le réalisateur sait recréer les monstres des dessins animés grâce à moultes images de synthèse, recréant une atmosphère d’Halloween souvent très amusante et qui, là encore, plaira beaucoup aux enfants. Passer à d’authentiques entités surnaturelles permet de coller à un air du temps avide de spectaculaire. Il ne parvient pas toutefois à dissimuler que nombre de décors résultent moins spectaculaires que lors du premier opus. L’animation de Scooby-Doo ne marque pas non plus de progrès particulier. Mais les courses poursuites demeurent suffisamment entrainantes pour ravir le jeune public, notamment lors du spectaculaire affrontement final. Tout comme le premier opus, ce film distraira à coup sûr sa cible. Le film a également la main plus heureuse que son prédécesseur. L’excellente idée consistant à faire revenir, non seulement les monstres, mais aussi les méchants qui se dissimulaient derrière les déguisements, permet d’introduire plusieurs visages bien connus. Les amateurs des X-Files s’amuseront à reconnaitre Peter Boyle (Clyde Bruckman) dans un amusant rôle de savant fou. Alicia Siverstone et Seth Green s’impliquent pleinement dans leur personnage, parfaitement calibré pour servir de suspect. De son côté la distribution principale s’avère aussi performante que lors du premier opus, sachant de plus s’adapter à une version moins extravertie des protagonistes (hormis pour Sammy et Scooby, toujours aussi déchaînés). Outre l’amusante présence de son ami et complice Seth Green (elle va bientôt devenir l’une des voix régulières des Robot Chicken), Sarah Michelle Gellar prolonge la sensation Buffy contre les Vampires en créant derechef une irrésistible Daphné intégrant bon nombre des caractéristiques de la Tueuse de Sunnydale. Son duel contre le Chevalier Noir se montre particulièrement réjouissant de ce point de vue, tout en constituant l’un des sommets du film. Il n’en demeure pas moins que son rôle ne représente qu’un prolongement réussi de celui du premier opus. Au moment où s’achève Buffy, la suite de sa carrière, qu’elle désire orientée vers le cinéma, apparaît comme un grand point d’interrogation. Anecdotes :
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The Grudge (2004) Résumé : Avec son compagnon Doug, la jeune étudiante américaine Kristen suit des cours à l’université de Tokyo, tout en travaillant au pair. Elle va découvrir l’horreur quand elle se rend au domicile d’Américains, afin d’assister la grand-mère, en proie à la démence sénile. En effet la maison est hantée par une mère et son fils, qui y sont précédemment morts dans des circonstances horribles. Devenus des esprits habités par la haine, tôt ou tard ils tuent tous ceux qui pénètrent dans la maison, ne serait-ce qu’en simples visiteurs. Le compte à rebours de cette malédiction menace désormais Karen, alors même qu’elle découvre progressivement l’effroyable vérité. Critique : The Grudge est à l’affiche le 22 octobre 2004, s’inscrivant dans une vogue d’adaptations américaines de films d’épouvante japonais, avec The Ring (2002) en porte-drapeau mais aussi le captivant Dark Water (2005), ou encore Deux Sœurs (2003), pour un addenda coréen. Malgré ce contexte concurrentiel, The Grudge va s’imposer chez les amateurs du genre, jusqu’à acquérir un statut de petit film culte. Le film a la grande idée de demeure au japon là où les autres remakes déplacent l’action aux États-Unis. Son scénario se monte en effet habile, écrit en collaboration par Takashi Shimizu et l’Américain Stephen Susco, il va savoir transposer efficacement le récit originel, en incorporant une dimension américaine (ou occidentale au sens large) sans pour autant sacrifier la japonaise. C’est ainsi qu’une explication davantage explicite des avènements se fait jour, de même qu’une conclusion plus structurée, sans pour autant sacrifier l’ambiance morbide ni les effets horrifiques. Les manifestations des esprits divergent toujours agréablement de nos représentations occidentales usuelles, un zeste d’exotisme bienvenu au sein de l’horreur. Par ailleurs, si la trame narrative demeure relativement simple (en définitive l’on ne va guère au-delà de ce que peut proposer un épisode d’une série télévisée telle Supernatural), l’intrigue maîtrise à merveille l’art malaisé du dévoilement. Procédant à rebrousse-temps, la progressive révélation de l’horreur se montre énigmatique à souhait en nous prenant longtemps à contre-pied. La superposition de diverses temporalité s’effectue avec fluidité, jusqu’à la superbe scène d’immersion dans le passé par Karen. La mise à mort des victimes à l’extérieur de la maison permet de renouveler le procédé juste à temps pour éviter que les visites fatales ne virent au mécanique. Mais c’est avant tout la réalisation qui assure pleinement le succès de The Grudge. Quoique le budget demeure relativement modeste pour une production américaine, il apporte une amélioration considérable vis-à-vis du film japonais antérieur et Takashi Shimizu en tire le meilleur parti. Les deux esprits se montrent terrifiants et leurs apparitions, particulièrement suggestives (même si l’influence de The Ring - version nippone- se fait parfois ressentir), avec tout une mise en scène associant effets visuels et sonores, avec une grande variété de procédés. Le décor de la maison demeure un fascinant cas d’école des passerelles reliant architecture et cinéma, tant la disposition des pièces et escaliers, dans les trois dimensions, s’avère intelligemment pensée afin de servir de support optimal aux scénographies horrifiques. The Grudge reste bien un formidable film de maison hantée. Takashi Shimizu filme Tokyo et l’art de vivre japonais en introduisant suffisamment d’altérité pour séduire le public occidental friand de grande large cinématographie, mais sans tomber dans le piège de la carte postale ou du dithyrambe. Bien au contraire, sa mise en scène glaciale et aux angles subtilement biscornus insuffle un ton onirique immergeant spectateurs et personnages dans un cauchemar sans issue. Le choc entre réalité quotidienne et irruption du surnaturel suscite de vraies décharges d’adrénaline. Ce ton froid insuffle de fait d’autant plus d’effet de souffle aux authentiques déchirures du réel que constituent les apparitions horrifiques, alors même que celles-ci jouent pleinement la carte du suggéré. L’avant et l’après des atrocités nous sont révélés par le menu, mais l’acte même nous demeure toujours dissimulé. L’effroi se ressent comme rarement, du début à la fin du film. La distribution apporte pleinement sa pierre à l’édifice. La fadeur de Jason Behr ne pose pas réellement problème le rôle de Doug demeurant en définitive très marginal. Les autres acteurs américains expriment à merveille l’angoisse diffuse, puis exacerbée, de leurs personnages confrontés à une horreur émanant d’une culture profondément différente. Clea DuVall et Bill Pullman, en particulier, sont formidables. On apprécie également les acteurs japonais, dont Ryo Ishibashi, épatant en policier vétéran faisant face à la résurgence d’un cauchemar issu du passé. Takako Fuji et Yuya Ozeki crèvent l’écran avec leur formidable performance que constitue leur incarnation des esprits, en partie inspirée par la stylisation du théâtre Nô. Si elle est loin de figurer dans toutes les scènes, Karen s’impose comme la véritable protagoniste du récit En effet elle devient progressivement le fil rouge au travers duquel les différentes horreurs survenues dans la maison nous sont dévoilées avant de mener un combat semblant désespéré contre les esprits. Avec ce personnage présenté dès le départ comme tragique, Sarah Michelle Gellar a mécaniquement une palette relativement étroite de sentiments à exprimer, entre le doute et l’effroi mais aussi, in fine, le courage. Mais elle le fait avec une intensité réellement palpable et une véracité de chaque instant, s’affirmant comme l’un des atouts majeurs du film. On peut toutefois regretter qu’elle s’inscrive une nouvelle fois dans le registre fantastique, confirmant en creux sa persistante difficulté à réellement quitter Sunnydale. Anecdotes :
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