États de choc (2007) Résumé : Au sein d’une mégapole contemporaine, les vies de personnages très différents vont s’enchevêtrer. Une jeune pop star, un gangster capable de prédire l’avenir, son employeur ultra violent, un médecin désespéré et un employé de banque dépressif vont ainsi se croiser au fil d’évènements dramatiques. Critique : Etats de choc, au titre français inutilement pompier, s’inscrit dans une lignée de films bâtis autour du thème des destins croisés et ayant marqué les années 2000 après le Crash de Cronenberg en 1996 : Traffic (2000), Collision (2004) ou encore Babel (2006), entre autres. Contrairement aux plus ambitieux et aboutis de ces films, on peut regretter que celui de Jieho Lee ne retienne pas l’option d’une narration pleinement chorale. Il opte au contraire pour une trop sage succession de passages organisés autour de protagonistes successifs. Malgré la présence de Trista et de Fingers en fil rouge, on converge ainsi vers la formule davantage usuelle et dramatiquement moins riche du film à sketchs. De ce fait le film connaît un souffle moindre qu’une œuvre symphonique et court le risque inhérent à ce genre de production : des segments inévitablement plus faibles que d’autres. Maladroitement Jieho Lee tente de rectifier le tir lors de la séquence finale en sortant du chapeau une pirouette connectant les différents personnages, mais de manière totalement gratuite et soudaine, en guise de conclusion à l’ensemble. Il s’agit sans doute de la séquence la plus artificielle du film, d’autant plus dommageable qu’elle se situe hors de son propos, bien davantage intimiste que centré sur des jeux du destin relevant davantage de L’effet papillon (2004). Au-delà de la référence initiale à un proverbe chinois, qui ne parlera fatalement que modérément au public occidental, tel quel, le sujet du film s’avère captivant. En effet le scénario propose une succession de portraits particulièrement émouvants, voyant les protagonistes rongés par la vacuité de leurs existences et se trouvant soudain une porte de sortie. Cette épiphanie s’avère toujours périlleuse, voire mortelle, mais la joie sourde et profonde avec laquelle le personnages font face à cette ordalie frappe le plus souvent au cœur. Les sujets s’avèrent également suffisamment variés pour parer à toute impression de répétition ou de système (l’employé modèle ne trouvant plus de sens à sone rxistence, le gangster dont les prédictions dirigent la vie, le médecin étant passé à côté de l’amour de sa vie, la pop star confrontée au mirage de la célébrité). En parfait contrepoint le gangster Fingers plastronne tout au long du récit mais reste aveugle quant au néant de sa destinée de prédateur, demeurant en cela bien plus captif que ses victimes. En tant que metteur en scène s’avère inégal. Il cède ainsi parfois à la tentation du sensationnalisme ou de l’esthétique de clip vidéo. De même, il filme Mexico City de manière particulièrement impersonnelle, la dépeignant comme une mégapole parfaitement interchangeable. Sans aller jusqu’à sombrer dans la carte postale, on apprécie toujours qu’un environnement soit caractérisé et qu’il apporte un supplément d’âme au récit, comme a pu l’accomplir Tokyo pour The Grudge. Le réalisateur manifeste toutefois quelques fulgurances (visions prophétiques, univers de la nuit, mobilité des angles de vue) et sait mettre en valeur ses merveilleux comédiens. Le talent de Jieho Lee apparaissait alors en devenir et se serait sans doute bonifié avec le temps, il reste dommage que le monumental bouillon pris par Etats de choc l’ait tenu depuis éloigné des caméras. Etats de choc demeure peut-être avant tout un film de comédiens, tous excellents et donnant le meilleur d’eux-mêmes. Certains déroulent sur un registre qu’ils connaissent sur le bout des ongles, comme Kevin Bacon en médecin plus qu’au bord de la crise de nerfs (séquence relativement prévisible) ou Andy Garcia en gangster extraverti et ultra violent, très inspiré de son Vinnie Corleone. Mais le plus marquant d’entre eux demeure Forest Whitaker, dont la force émotionnelle met d’emblée le film sur orbite, à l’occasion du premier segment. S’affranchissant a contrario de son emploi coutumier, Brendan Fraser quitte ici ses comédies burlesques pour orienter sa carrière vers des rôles davantage matures, avec un total succès. Original et captivant, son gangster introverti, descendant éloigné de Cassandre, fascine par son fatalisme résigné, puis sa renaissance. Cette distribution très relevée s’enrichit encore de nombreux visages connus (Julie Delpy, Kelly Hu, John Cho, Clark Gregg…), dans des seconds rôles souvent aussi savoureux que météoriques. Unique protagoniste féminin au sein d’un ensemble extrêmement masculin, Trista s’érige toutefois en véritable point central du film, comme point de convergence des différentes histoires, mais aussi, et surtout, grâce à la bouleversante composition de Sarah Michelle Gellar. Celle-ci rend réellement palpable le désarroi profond, quasi existentiel, de son personnage face au dévoilement de la dimension factice du vedettariat et au dénouement tragique de sa romance inattendue avec Pleasure (grande complicité avec Fraser). L’intensité du jeu de l’actrice permet d’aisément passer outre à ce que l’empilement des malheurs s’abattant sur Trista pourrait comporter de mélodramatique. On apprécie que le personnage soit suffisamment complexe et non irréprochable pour ne pas devenir une énième incarnation unidimensionnelle de Fantine. Les esprits facétieux pourront également s’amuser de voir Trista manquer de périr en chutant du sommet d’un immeuble, une coutume des personnages de Sarah Michelle Gellar (Buffy, Scream 2, The Grudge 2). Mais on ne peut qu’applaudir sa volonté de trouver des rôles forts au-delà de ce qu’un Hollywood toujours très formaté pourrait lui réserver, quitte à opter toujours davantage pour le cinéma indépendant. Un choix exigeant et courageux, privant sa carrière de succès faciles. Anecdotes :
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Possession (2009) Résumé : Jeune avocate, Jess assure la défense d’un criminel violent, Roman. A cette occasion elle tombe amoureuse du frère de celui-ci, le sculpteur Ryan. Tous deux vivent en couple quand Roman sort de prison. Au grand déplaisir de Jess, Roman décide alors d’héberger son frère. Suite à un accident de voiture Roman et Ryan se trouvent ensuite plongés dans le coma. Roman en émerge mais affirme alors qu’il est en fait Ryan, dont l’âme a changé de corps. Jess est alors rongée par le doute, se demandant s’il s’agit d’un phénomène paranormal ou d’une manipulation de Roman. Critique : Sorti directement en vidéo après une gestation difficile, caractéristique des vicissitudes récurrentes affrontées par le cinéma américain indépendantes, Possession dut faire face à une difficulté supplémentaire : l’inadéquation de sa présentation au public. Contrairement à ce que pourrait faire croire on affiche ou son support DVD, il ne constitue en rien un film d’épouvante relevant du Fantastique horrifique. Il résulte même davantage éloigné de ce genre qu’avait pu l’être en son temps The Return, autre film avec Sarah Michelle Gellar, pour qui il ne s’agissait que d’un prétexte afin de filmer la vie et les panoramas du Texas profond. Bien à rebours on trouve ici un pur thriller psychologique, sinon amoureux, centré sur les sentiments éprouvés par Jess envers les deux frères. On devine rapidement que c’est bien là que va résider le choix de la jeune femme, bien davantage que dans la résolution d’une simili Affaire non classée à la Mulder et Scully. De fait l’intrigue joue d’entrée la carte du romantique. Le scénario de Michael Petroni et Won-mi Byunne ne déploie d’ailleurs guère de fulgurances, voire originalité. On ne se situe pas dans le champ du cinéma d’acteur mais plutôt dans une série B solide et de bon aloi. Le texte présente en effet l’avantage d’être méthodique. Les auteurs n’hésitent pas à consacrer toute une longue première partie à installer les personnages et leur relationnel, préalablement à l’accident et aux phénomènes surnaturels, ou supposés tels. Cet effort permet d rendre crédible la force du sentiment amoureux au sein du couple Jess/Ryan et le désarroi profond dans lequel demeure immergée Jess après l’accident, tout en suscitant également un fort sentiment de sympathie envers l’héroïne. Le procédé fonctionne, avec, par moments, de vrais accents de comédie romantique hollywoodienne un tantinet sucrée. Roman ne se voit as négligé pour autant, impulsant déjà une sourde menace venant heureusement contrebalancer un bonheur qui, trop parfait, deviendrait ennuyeux. Ce segment du film comporte indéniablement de la substance, bénéficiant de fondements en rien artificiels. L’inévitable contrepartie en demeure la lenteur du rythme, qui décevra sans nul doute le public venu chercher a rasade de frissons, images choc et autres Jump Scares. A l’instar du scénario la caméra de Joel Bergvall et Simon Sandquist ne brille pas par son imagination se dépare pas d'un bon niveau de film de genre. La scène de l’accident, tournée avec un vrai sens du sensationnel apporte ainsi une césure nécessaire pour projeter le spectateur dans un deuxième temps tout à fait différent. La mise en scène accompagne efficacement l’action réussit réellement l’exploit de faire passer Vancouver pour San Francisco, avec il est vrai, de nombreuses scènes tournées en intérieur. La photograpgie appraît finement travaillée, mais a contrario on regrettera une musique trop envahissante Cette structuration du scénario résulte certes quelque peu prévisible, mais l’ensemble fonctionne, grâce à une seconde partie plutôt intelligemment menée. Le film demeure cohérent en refusant tout effet facile d’épouvante et en développant un mystère qu’il sait entretenu jusqu’à son terme. L’adjonction d’une posture fantastique classique (le métempsychose) , ou de sa simple possibilité, ne prend pas du tout le pas sur l’analyse psychologique des deux protagonistes, ce qui pourrait courir le risque d’apparaître gratuit. L’amateur de Fantastique pur, éventuellement attiré par la présence emblématique de Sarah Michelle Gellar ou la communication du film risque toutefois là aussi une déception, car le volet paranormal de l’intrigue se voit réservé la portion congrue de l’intrigue. Mais le film réserve une part logique à ce qui, dans son optique, ne représente qu’un prétexte. Malheureusement Possession va échouer au port, après un parcours convaincant, correctement écrit et réalisé à défaut de relever d’un véritable brio. En effet la conclusion résulte très téléphonée et relevant pour le coup franchement de la série B. C’est d’autant plus regrettable que le film coréen avait su opter pour une décision de Jess aussi audacieuse que subtilement dérangeante. D’ailleurs la fin alternative présente dans les suppléments du DVD et reprenant la solution coréenne se montre bien supérieure à celle finalement retenue, le film aurait sans doute pu de la sorte recevoir un meilleur accueil. Possession sait également s’appuyer sur un impeccable duo de comédien, d’autant plus remarquable qu’autant Sarah Michelle Gellar que Lee Pace se montrent chacun admirablement convaincants sur un double registre, une Jess radieuse puis rongée par le doute et , bien entendu, un Roman à la double personnalité. L’alchimie entre les comédiens valide pleinement l’inclinaison très romantique du film. A leurs côtés les seconds rôles se montrent le plus souvent à la hauteur, dont un William B. Davis que l’on s’amuse à découvrir dans une séance d’hypnose rappelant fortement celles vues dans X-Files. Au total, sans constituer un chef d’œuvre, Possession sait maintenir l’intérêt du spectateur jusqu’à une fin hélas décevante. Il aura jusque-là proposé une histoire prenante, portée par un duo de comédiens talentueux et émouvants. En outre ce film confirme la tendance marquée de la seconde partie du parcours cinématographique d’une Sarah Michelle Gellar optant décidément pour le cinéma indépendant, mais aussi des rôles assombris. Son ultime film à ce jour, Veronika décide de mourir, va d’ailleurs représenter une apothéose en la matière. Anecdotes :
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Veronika décide de mourir (2009) Résumé : A New York, Veronika, jeune femme à qui tout semble se lasse d’une vie qu’elle trouve absurde et ennuyeuse. Un soir elle ingère une dose mortelle de médicaments, mais se réveille dans un étrange institut psychiatrique, dirigé par un médecin non conventionnel. Celui-ci lui apprend que sa tentative de suicide a gravement affaibli son cœur et qu’elle n’a désormais plus que quelques semaines à vivre. Dès lors elle reprend goût à l’existence, tout en se liant à un autre patient, demeuré silencieux depuis des années. Critique : Veronika décide de mourir apparaît comme un film non dépourvu d’éminentes qualités, mais souffrant de grands déséquilibres et d’une approche parfois naïve de la psychologie des personnages. Ainsi le film frappe d’emblée très fort avec la scène inaugurale du suicide entrepris par Veronika, film avec une froideur clinique ajoutant encore à l’horreur profonde de l’entreprise. Mais les causes de ce passage à l’acte ne se voient nullement explicites, hormis un bref préambule très passe partout quant à l’absurdité de l’existence. Or l’on sait bien que les parcours menant au suicide sont toujours intimes, variant d’un individu à l’autre. Ce flou n’est pas seulement dommageable en soi, car pour l’essentiel, le film se consacre à la narration de la renaissance d’une Veronika retrouvant goût à la vie. Mais l’absence du diagnostic des racines profondes du drame entraîne mécaniquement que sa résolution ne peut elle aussi que se cantonner à des clichés. Et de fait les rencontres avec le psychiatre ou les autres patients se résument à quelques poncifs : prendre sur soi pour trouver un sens à sa vie, s’ouvrir au monde, etc. L’ensemble demeure très naïf, avec un vision rose bonbon d’un asile psychiatrique, où les patients tiennent de remarquables discours littéraires et font infailliblement preuve de sagesse. Citons la subtile conclusion du psychiatre : « je pense que la meilleure thérapie contre le suicide est de retrouver goût à la vie ». Pas mieux. Que Veronika s’en sorte en trouvant d’un coup d’un seul le grand amour chez l’un d’entre eux résulte désarmant de mièvrerie, alors que les fêlures profondes menant au suicide sont toujours autrement difficiles à guérir. Il reste aussi dommage que l’unique film de Sarah Michelle Gellar à être mis en scène par une réalisatrice tombe les deux pieds joints dans le cliché assez machiste selon lequel une femme a besoin de vivre en couple pour pleinement s’épanouir. Cela guérit également le muet, deux miracles pour le prix d’un seul. Manifestement, la vie de Veronika attendait ce sauveur pour réellement débuter, peut-être cette idée éculée passe-t-elle mieux dans son substrat littéraire, ici cela semble bien maladroit. D’autres naïvetés sont à pointer comme le stratagème mis au point par le psychiatre, présenté comme un twist à la fin du film, alors que l’on avait immédiatement compris le pot aux roses. De même, alors que Veronika avait dénoncé les « zombies du métro ayant renoncé à leurs rêves », de retour chez elle avec son amoureux tout y est devenu lumineux et souriant. Que la réalité se soit améliorée à l’unisson de son état d’esprit est absurde, il aurait été plus pertinent de la confronter à un réel demeuré tristement banal. Tout le film est de la même eau, avec un déroulement longuet de débats souvent irréalistes et d’un intérêt inégal, jusqu’à une résolution miraculeuse de la crise, au romantisme évoquant la collection Arlequin. On lui reconnaîtra toutefois l’important mérite de n’avoir jamais sombré dans le pathos. Et pourtant le film ne manque pas d’intérêt. La réalisatrice anglaise Emily Young fait preuve d’un vrai sens de l’image, notamment lors de passages clef telles la tentative de suicide ou la scène onirique se déroulant durant le coma de Veronika (le passage où elle se trouve sur la barque rappellera d’ailleurs Scully dans One Breath aux amateurs des X-Files). Le même soin se voit apporté à la photographie et aux décors. Le film parle toujours agréablement à l’œil jusqu’à parfois courir le risque de la préciosité, mais sans jamais y céder. On apprécie également le grand apport de la musique toujours aussi évocatrice de Murray Gold. Celle-ci a également le bon goût de magnétiquement habiller des scènes muettes sans jamais empiéter sur les dialogues. La distribution se montre de qualité, même si le film, exclusivement centré sur Veronika, réduit souvent les autres rôles à des silhouettes. Le principal atout de Veronika décide de mourir demeure bien la fascinante prestation de Sarah Michelle Gellar, totalement immergée dans le personnage. Veronika, rôle de la maturité, permet de mesurer pleinement le chemin parcouru par l’actrice durant cette quinzaine de films, depuis la Scream Queen à percutante des débuts. Au sommet de son art l’actrice embrasse pleinement l’humanité, tourmentée puis rayonnante, de Veronika. Elle accomplit l’exploit d’apporter une âme authentique à ce film par ailleurs continuellement superficiel et naïf dans son approche du suicide au féminin. Une magnifique manière de conclure une filmographie où, après les succès initiaux, la superbe et talentueuse actrice aura manifesté la louable ambition d’opter pour les rôles plus complexes et forts que lui proposait le cinéma indépendant. Inévitablement la qualité des œuvres varie, mais l’ensemble présente une intéressante variété de styles et de thèmes, un parcours à redécouvrir ! Anecdotes :
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