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Les Brigades du Tigre (1974-1983)

BONUS

1. 8ème salon des séries TV et du cinéma

2. Les Brigades du Tigre : les limiers des temps modernes

3. Les Brigades du Tigre dans Génération Séries


1. 8EME SALON DES SÉRIES TV ET DU CINÉMA

Les éditions Yris

Michelle Roussel - Didier Liardet

Je me suis rendu au 8ème salon des séries TV et du cinéma organisé par Sérialement Votre qui se tenait à Paris le 19 novembre 2011, et j'ai eu la chance de rencontrer des gens intéressants du monde des séries.

Dans une des salles se trouvait un stand des éditions Yris et je me suis entretenu avec Michelle Roussel, d'abord du livre consacré aux Brigades du Tigre, qu'elle a coécrit avec Didier Liardet en 2008, puis des séries en particulier. Je sais maintenant pourquoi le livre a quelques imperfections. Didier Liardet et Michelle Roussel connaissent notre site et cette dernière se souvenait de ma critique du livre. Les erreurs de syntaxe sont dues aux impératifs de production : le livre devait sortir du vivant de Claude Desailly qui était déjà très malade lorsque Michelle Roussel l'a interviewé. Il n'y a donc pas eu de relecture contrairement aux autres ouvrages, et vu que le livre s'est bien vendu mais sans plus, il n'y a pas eu de nouvelle édition. Michelle Roussel m'a également évoqué une manifestation de séries dans le Var en juin 2012 avec la participation de Roy Thinnes et d''un acteur anglais de série policière'.

J'ai ensuite pu converser une bonne demi-heure avec Didier Liardet sur, entre autres, les difficultés d'écrire un livre sur les séries en France. Par exemple, de nombreuses photos sur Les Brigades du Tigre dorment dans des archives, mais les ayant-droits refusent qu'on les utilise contrairement par exemple aux sources pour la série V d'où la sortie du livre (avec deux fans clubs qui se chamaillent pour avoir leur nom dans l'ouvrage). Didier Liardet m'a confié que Jean-Claude Bouillon était stupéfait qu'un livre aussi épais avait pu être élaboré à partir de l'interview. Un livre sur les séries françaises n'est donc plus d'actualité vu les difficultés et il n'y aura pas d'ouvrage sur Vidocq. Les prochains ouvrages à sortir sont basés sur des thématiques comme l'espionnage (déjà sorti) ou les séries policières (à venir). À noter aussi que la cinquième édition du livre sur Chapeau melon et bottes de cuir sortira l'année prochaine. J'en ai profité pour faire dédicacer par l'auteur mon exemplaire des Brigades du Tigre.   

En tout cas, souhaitons que les quelques ouvrages encore à sortir de ces deux auteurs sympathiques aient du succès. Le tout est de faire des livres abordables m'a dit Liardet avec du texte intéressant. Le livre du cinquantenaire des Avengers est beau mais les photos ne sont pas inédites et on n'y apprend rien. La difficulté aussi de sortir de bonnes collections DVD en France ; ainsi, TF1 sortit Les Envahisseurs sans bonus et il a fallu toute la détermination de Didier Liardet pour que la soucoupe volante des DVDs soit celle de la série et non pas une empruntée à un autre film ! Quand on voit comment Eléphant sort des séries à des prix exorbitants pour une piètre qualité… Idem pour les Brigades du Tigre dont l'image DVD est celle de la VHS tout simplement.

Rencontre avec les Brigades du Tigre

François Maistre - Claude Bolling

Cette journée était marquée par plusieurs rencontres et celle de 16h à 17h30 était consacrée aux Brigades du Tigre. Une vingtaine de personnes étaient présentes pour s'entretenir de la série avec les acteurs François Maistre (Faivre dans la série) et Jean-Claude Bouillon (le commissaire Valentin), le compositeur Claude Bolling et son fils, et les auteurs Michelle Roussel et Didier Liardet.

Les Brigades du Tigre est une série de 36 épisodes (6 saisons de 6 épisodes) qui fut diffusée sur Antenne 2 de 1974 (programmes de Noël) à 1983. Elle raconte l'évolution de la police de 1907 (premier épisode) aux années 30 à travers trois policiers qui évoluent avec leur temps et les nouvelles techniques.

Il y régnait une excellente ambiance avec des participants aussi enjoués que lors du tournage de la série. Les différents invités ont tous été formidables de naturel et de truculence. Une vraie complicité s'est d'ailleurs immédiatement formée entre eux et le public. François Maistre fut le premier arrivé puis vint Claude Bolling et enfin Jean-Claude Bouillon qui excusa Jean-Paul Tribout, retenu au théâtre. François Maistre a expliqué toujours tirer avantage auprès des agents de la circulation d'avoir été Faivre. Maistre ajouta qu'il avait reçu de très touchants courriers lors de la disparition de Pierre Maguelon, disant qu'il avait perdu l'un de ses hommes. La société Telecip avait demandé à Claude Bolling de faire une composition aussi bonne que celle de Borsalino et, en définitive, les responsables ont trouvé que 'c'était mieux que Borsalino'. Jean-Claude Bouillon n'était pas le premier acteur pressenti pour incarner Valentin. En fait, le choix de Victor Vicas était déjà fait pour un autre interprète, et c'est la femme du réalisateur, qui regardait à la télévision allemande Alexandre bis, qui a convaincu son mari de changer d'acteur.

Michelle Roussel commença par rappeler les origines de la série. Pierre Bellemare voulait faire une série de grande envergure (150 épisodes étaient prévus !) et la faire ressembler aux Incorruptibles, série américaine à succès des deux côtés de l’Atlantique. Le projet capota mais Claude Desailly garda l'idée dans ses cartons. Michelle Roussel évoqua ensuite les adaptations faites pour que les Brigades du Tigre ne soient pas, comme dans la réalité, confinées aux arrestations de voleurs de poules. Jean-Claude Bouillon se souvenait à l'occasion du premier épisode (Ce siècle avait 7 ans...) lorsqu'il circulait en vélo. Desailly sut utiliser les évènements et les personnages historiques de cette époque pour construire des scénarios plausibles. De plus, certaines histoires permettaient de coller aux actualités des années 70 (l'avortement) et 80 (la peine de mort). Jean-Claude Bouillon rappelait pour l'occasion que Claude Desailly avait toujours été engagé et qu'il vendait L'humanité un certain temps. La tâche était facilitée par le fait qu'il n'y avait pas de censure ou de directives imposées sur les personnages, pas de politiquement correct directif. Jean-Claude Bouillon a notamment comparé, avec beaucoup de pertinence, les conditions de tournages et de productions entre les séries françaises contemporaines et celles de l'ORTF. Particulièrement instructif… et révélateur ! La particularité des Brigades : un seul scénariste, un seul réalisateur, serait impossible de nos jours.

Jean-Claude Bouillon

Le succès ne fut décelé que lors de la deuxième saison et Jean-Paul Tribout avait d'ailleurs baptisé la série : Les Trigades du Bide. Les tournages de chaque saison duraient de trois à quatre mois et c'était une véritable récréation pour les acteurs malgré le perfectionnisme de Victor Vicas qui voulait toujours donner du mouvement dans les images. Ainsi, il demandait aux acteurs d'être sans cesse en mouvements. Il surveillait tout cela dans son objectif, et un jour, un des comparses y avait mis de la suie ce qui a donné l'illusion que Victor Vicas avait un coquard. Le succès de la série fut assuré par la réelle camaraderie qui s'est tout de suite installée dans l'équipe. D'ailleurs, les acteurs sont toujours restés en contact depuis le tournage. Chacun des personnages avait 'son' épisode et François Maistre se souvenait de celui dans lequel Faivre tombe amoureux d'une jolie femme à la grande risée de ses inspecteurs.

On a eu droit à de nombreuses anecdotes sur le tournage de cette série, pour beaucoup complètement inédites. Ainsi, Victor Vicas, d'origine hongroise, ne maitrisait pas le français parfaitement et il voulait un plan sur une mouette, et l'acteur Pierre Maguelon, décédé le 10 juillet 2010, lui a dit que le véritable nom était un 'échandon'. Plus tard, au repas, l'acteur sortit une bouteille de …'Moët & Chandon' ! Le réalisateur, qui prenait tout au premier degré, fit la gueule pendant deux jours. Une autre fois, Vicas cherchait un acteur pour jouer Clemenceau et demanda conseil au trio qui fit venir… un acteur de couleur !

La série manquait terriblement de moyens et toutes les mémorables scènes entre Valentin et M. Faivre ont été tournées, non pas en studio, mais dans les locaux de la production. Juste à côté, les acteurs jouaient à la pétanque entre deux prises et, parfois, lors des scènes d'intérieur, on peut entendre les carreaux ! Il pouvait y avoir aussi quatre épisodes tournés en même temps car si un lieu était intéressant, on en profitait pour tourner plusieurs scènes (Jean-Claude Bouillon a répondu lui-même à cette question que j'ai posée). Les tournages en extérieur ont eu lieu dans la région d'Orléans, Namur (ndlr : La Main noire), La Rochelle (ndlr : Le vampire des Karpates, Le réseau Brutus) et vers Carpentras (ndlr : Le réseau Brutus). Le remplacement de François Maistre est dû à la coproduction avec l'Allemagne mais les scènes n'avaient plus la même envergure. Il régnait, en effet, une complicité parfaite entre François Maistre et les trois acteurs, Jean-Claude Bouillon, Jean-Paul Tribout et Pierre Maguelon. Cela fut facile à Jean-Claude Bouillon de se raser la moustache pour les deux dernières saisons car c'était le seul à porter un postiche !

L'épisode préféré de Jean-Claude Bouillon semble être Le cas Valentin, et l'acteur a évoqué le fan canadien qui lui a écrit plusieurs fois. Après trois/quatre lettres, il l'invitait chez lui en lui envoyant des photos et en lui disant qu'il changerait dans le logement ce que l'acteur voulait. Il a reçu des lettres de toutes sortes, Pierre Maguelon recevait surtout des spécialités culinaires.

Joe Dassin aurait souhaité interpréter la célébrissime chanson, mais cela n'a pu se faire pour des raisons de maisons de disques (c'est Philippe Clay qui la chanta), et Jean-Claude Bouillon précise que certaines personnes lui entonnent les airs de la musique en le rencontrant, preuve que le générique est toujours dans les mémoires. Claude Bolling précisa que la musique était composée après le tournage ce qui lui laissait la possibilité d'avoir accès aux images. Victor Vicas était friand de certaines compositions (Somnifère entre autres) et il était prêt à la glisser très souvent. Le compositeur a fait évoluer sa musique au rythme des époques.

Les comédiens ont reçu un entrainement pour les techniques de combat avec le champion de boxe française de l'époque Claude Simonot ; Jean-Claude Bouillon s'est souvenu du nom sans consulter le livre, précisant qu'après tout, quarante ans, ce n'était pas si vieux ! Les combats se sont modifiés suivant la période et ils sont devenus de plus en plus violents. Lors d'une scène de bagarre, Jean-Paul Tribout fut bien amoché, mais Victor Vicas insista pour terminer de tourner la scène (de l'autre côté) avant qu'il ne soit recousu !

Les automobiles étaient des vedettes à part entière et les louer coûtait aussi cher qu'un acteur (dixit Jean-Claude Bouillon). À la fin de la journée, cela faisait les biscotos et Pierre Maguelon était le spécialiste de la manivelle de ces vieux tacots.

Il n'y eut aucune relation entre les comédiens et Antenne 2. Ils ne connaissaient que leur employeur Telecip, une filiale de Phillips à l'époque. Bouillon a d'ailleurs été surpris quand il a vu les DVD puisque ceux-ci commencent par « TF1 et AB productions présentent ». Jean-Claude Bouillon a précisé qu'il touchait quelque chose des ventes DVD et qu'il en vit encore, mais que son salaire à l'époque, bien que confortable dans les années 70, n'avait rien de comparable avec ceux pratiqués maintenant ; un peu la différence entre le franc et l'euro a-t-il précisé.

Une septième saison était en préparation et Claude Bolling a encore les scénarii qui tenaient la route, mais le changement de directeur de chaîne (déjà la médiocrité du service public) a jugé le projet dépassé alors que les acteurs s'attendaient à reprendre du service. Un retour dans les années 90 avait été envisagé : Valentin aurait pris la place de Faivre, Pujol aurait ouvert un cabinet de privés et Terrasson aurait été cafetier et il aurait demandé de l'aide à ses anciens collègues. Ce projet n'a pas vu le jour.

Jean-Claude Bouillon a dit qu'il avait été sollicité pour le film (une scène d'entrainement de boxe) mais il a décliné devant les imperfections du scénario. Il donna beaucoup d'explications sur le bide prévisible du film, notamment par le rejet de la série dont il prétendait s'inspirer. Dès le début, la voix-off fait mention de Moscou comme capitale russe (alors que c'est Saint-Pétersbourg), les moteurs des voitures d'époque avaient été modifiés pour que la vitesse soit perceptible et les armes faisaient des gros trous. Le scénario écrit par Desailly n'a pas été pris en compte et l'auteur a demandé que son nom n'apparaisse pas au générique. En voyant le film, Jean-Claude Bouillon a compris pourquoi. Tout cela ne respectait pas l'époque contrairement à la série. L'acteur a fait mention de son passage à Plus belle la vie où rien n'est coordonné : quatre réalisateurs pour quatre scènes différentes et tous les liens se font au montage. Jean-Claude Bouillon a d'ailleurs précisé que les tournages ont changé : avant, l'acteur était au centre du tournage, maintenant, chacun fait ce qu'il a à faire de son coté et on leur tourne le dos car tout est surveillé sur écran. Tout est maintenant formaté. Il a d'ailleurs cité un exemple révélateur : durant un tournage, un metteur en scène a eu l'idée de mettre une caméra au balcon d'un immeuble surmontant la scène, pour donner un effet adéquat. Fureur de la production devant ce coût imprévu et lettre comminatoire lui sommant de se justifier. Aucune marge de création n'est permise durant ces tournages à la chaîne. Apparemment des stagiaires sont là en permanence, avec pour mission de rapporter à la production la moindre liberté prise par le réalisateur.

À la fin de la réunion, séance de signatures et j'en ai profité pour faire dédicacer mon livre par Jean-Claude Bouillon et François Maistre (c'est devenu un collector avec trois dédicaces) et le double CD de la musique par Claude Bolling. Une excellente après-midi. La rencontre a été un très beau et chaleureux moment et donnait une véritable envie de redécouvrir cette série mémorable.

Bonus : la septième saison

Évoquée lors de la réunion, voici les ébauches de cette septième saison :

Le roi de pique

1931   Les brigades vont avoir à faire avec une bande de jeunes bourgeois agissant sous les ordres d'un mystérieux chef…

Maria et les oustachis

1934  Des terroristes yougoslaves prennent en otages les membres de l'ambassade à Paris. Parmi les personnes retenues contre leur gré se trouve… Valentin…

Pickpocket saga

1931  Valentin va affronter une famille de pickpockets très particulière…

Le coup du six février

1934  Profitant que la police est occupée par des émeutes, une bande de malfaiteurs veut commettre le casse du siècle. Mais Valentin, Pujol et Terrasson veillent…

Stratagèmes

1935  Les brigades doivent protéger un savant, spécialiste des fusées, qui a fui l'Allemagne…

Les disparus de Ville-d'Avray

1933 Des enlèvements liés à une mystérieuse clinique forcent les brigades à envoyer sur place pour enquêter… Madame Terrasson… 

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2. LES BRIGADES DU TIGRE :
LES LIMIERS DES TEMPS MODERNES

Écrit par Didier Liardet et Michelle Roussel et préfacé par Jean-Claude Bouillon.

Publié en octobre 2008 aux Éditions Yris ; 256 pages, 350 photos couleur et noir & blanc, format 17 x 24,5 cm.  

Cet ouvrage est le premier livre de référence consacré à la série culte française diffusée pour la première fois à Noël 74 et qui occupera nos petits écrans pendant une décennie (du 21 décembre 1974 au 11 novembre 1983).

Attendu par les fans encore nombreux, ce livre a beaucoup de qualités, mais également, malheureusement, des défauts récurrents, mais il constitue le seul et unique ouvrage de référence sur cette série française mythique. J'ai eu l'explication des imperfections lors du 8ème salon de séries TV et cinéma du 19 novembre 2011. J'ai eu en effet la chance de m'entretenir longuement avec Michelle Roussel. Les erreurs de syntaxe sont dues aux impératifs de production : le livre devait sortir du vivant de Claude Desailly qui était déjà très malade lorsque Michelle Roussel l'a interviewé. Il n'y a donc pas eu de relecture contrairement aux autres ouvrages, et vu que le livre s'est bien vendu mais sans plus, il n'y a pas eu de nouvelle édition. Avec ces explications, le lecteur est beaucoup plus indulgent pour ce livre qui reste, malgré ces erreurs, un ouvrage de référence et de qualité.

Points positifs

- Un découpage clair en six chapitres correspondant aux six saisons avec un récit chronologique des évènements de tournage pour chaque saison. Les personnalités importantes de la série ont des passages propres : Claude Desailly, Victor Vicas, Claude Bolling, François Maistre… Chaque chapitre se termine par les résumés et anecdotes des épisodes, un guide commenté très intéressant.

- Les témoignages passionnants de Jean-Claude Bouillon (avec préface), Jean-Paul Tribout et François Maistre.

- Les nombreuses photographies en n&b et couleur de l'ouvrage, très souvent inédites ou peu utilisées. Un véritable régal pour les yeux ! Tous les épisodes sont ainsi richement documentés en photographies.

- On apprend beaucoup de choses sur les véhicules utilisés, le tournage (qui durait trois mois par saison avec deux premières semaines consacrées au tournage de toutes les scènes en intérieur), le peu d'humour de Victor Vicas, l'engueulade Vicas/Maistre (qui aboutit au remplacement du commissaire Faivre)… une quantité d'anecdotes qui étaient restées inconnues des fans, pour la plupart, pendant plus de trois décennies !

- La critique du film sans langue de bois. Jean-Claude Bouillon refusa, avec juste raison, d'en faire la promo au journal de 20h.

- Le chapitre 8 intitulé 'Les hommes du Tigre' retrace la carrière des trois acteurs principaux.

- L'annexe sur tous les produits dérivés sortis sur la série depuis 1974.

Points négatifs

- Le défaut le plus dérangeant concerne les nombreuses fautes de syntaxe et d'orthographe. C'est assez surprenant pour une édition qui se veut de référence et de qualité, mais l'explication des auteurs fait 'passer la pilule'.

- Les seconds rôles sont passés au crible avec une liste fastidieuse et rébarbative de leurs films et participations TV. Connaître, par exemple, tous les films de Jacques Legras (sans que sa participation à La caméra invisible ne soit mentionnée) lasse. Il aurait été plus intéressant de retrouver les acteurs encore vivants et de recueillir un témoignage succinct de leur participation à la série (comme Jean-Pierre Julémont).

- Le chapitre 7 est quelconque. On aurait préféré une partie plus détaillée concernant les Brigades Mobiles et leurs nouvelles techniques évoquées dans la série plutôt que des leçons d'histoire concernant le Maroc, les Balkans, la révolution bolchevique…Ce chapitre est aux deux tiers du remplissage n'ayant qu'un rapport lointain avec la série. Une évocation détaillée des lieux de tournage dans le Loiret, La Rochelle ou en Région Parisienne aurait été beaucoup plus intéressante.

Conclusion

Un ouvrage au potentiel de 4 étoiles sans les nombreuses fautes d'orthographe et de syntaxe. Plus d'anecdotes pour chaque épisode et un chapitre consacré aux lieux de tournages aurait été la perfection. En l'état actuel, il reste néanmoins le livre de référence sur cette prodigieuse série et les fans peuvent s'estimer heureux qu'il ait vu le jour. Lors du salon, Didier Liardet m'expliqua les difficultés d'écrire un livre sur les séries en France. Par exemple, de nombreuses photos sur Les Brigades du Tigre dorment dans des archives, mais les ayant-droits refusent qu'on les utilise contrairement aux anglo-saxons, beaucoup plus conciliants. Jean-Claude Bouillon fut d'ailleurs stupéfait qu'un livre aussi épais ait pu être élaboré à partir de l'interview. Un livre sur les séries françaises est donc une réalisation proche de Mission : Impossible, et ne gâchons pas notre plaisir !

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3. LES BRIGADES DU TIGRE DANS GÉNÉRATION SÉRIES

Numéro 14 de Génération Séries (été 95) avec un dossier consacré aux Brigades du Tigre.

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Ce numéro est épuisé et il est très difficile de se le procurer étant donné que cet excellent magazine a cessé sa publication. Il serait dommage néanmoins que les fans de la série ne puissent pas avoir accès aux cinq témoignages des participants à la série. Les propos de Claude Desailly, Jean-Claude Bouillon, Pierre Maguelon, Jean-Paul Tribout et Claude Bolling ont été recueillis par Christophe Petit, Stéphane Lerouge et Marc Georges dans un dossier de vingt-cinq pages. Outre les cinq interviews illustrées de nombreuses photos couleur et n&b, le dossier comprend un article sur l’épopée des vraies Brigades du Tigre et un guide des 36 épisodes avec distributions, résumés et anecdotes.

Vous trouverez ci-dessous un résumé des thèmes abordés lors des cinq interviews citées ci-dessus.  

Claude Desailly

Le père des Brigades, qui a écrit les 36 épisodes, raconte qu’il a trouvé l’idée dans un livre que lui avait offert sa mère sur le commissaire Belin. La pagaille dans la police du début du XXe siècle avait amené à fonder les Brigades Mobiles.

Claude Desailly raconte la genèse des Brigades du Tigre que j’évoquais dans la présentation de la série, et les différentes personnes impliquées (positivement ou négativement) sur plusieurs années : Alain Decaux, Pierre Bellemare, Roland Gritti, Pierre Sabbagh et Claude Désiré. On retrouve aussi les évocations de la septième saison écrite mais jamais tournée, et du snobisme de la presse de gauche telle Libération.

Par contre, ce que j’ai appris et qui ne figure pas sur le site, est la pointe de frustration de Desailly de voir ses histoires réduites à moins d’une heure alors que le scénario aurait pu les faire durer une heure et demie.

Le remplacement de François Maistre était double pour Desailly. La dispute avec Vicas mais aussi la volonté de prendre un acteur allemand pour la coproduction. Desailly s’était mis en colère car Jean-Paul Tribout, pas très apprécié par la production, devait être sacrifié ! Le personnage écrit pour Pinkas Braun n’a pas été respecté et l’acteur était pâlot à côté des autres pour le scénariste.

Desailly évoque aussi le coup de poker avec le journaliste de France-Soir à qui il révèle que la série pourrait passer sur TF1 pour une cinquième saison et cela fait changer d’avis les dirigeants d’Antenne 2. Le scénariste insiste sur les restrictions de budget malgré le succès de la série et des difficultés rencontrées sur L’ange blanc par exemple et les rapports tendus avec la production avec l’imposition (éphémère) d’un coscénariste. Une production qui voulait faire ‘évoluer les choses’ et modifier le cours de la série – en fait, un peu comme dans les séries contemporaines – ce qui a fait dire à Desailly : « J’avais à faire à des commerçants qui n’ont aucune fibre poétique. »

« Chaque épisode ne transforme pas l’Histoire mais s’en sert ».

http://theavengers.fr/index.php/hors-serie/annees-1970/les-brigades-du-tigre/presentation

Jean-Claude Bouillon

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Le commissaire Valentin à l’écran raconte comment il fut choisi après que Li Erben, la femme de Victor Vicas, l’a vu dans la série Alexandre bis à la télévision. Cette anecdote, ainsi que quelques autres, a été évoquée par Jean-Claude Bouillon lors du salon des séries en novembre 2011. Ainsi, les plaisanteries cocasses endurées par Victor Vicas de la part du trio (œilleton de la caméra enduit de cirage, la ‘mouette-échandon’ de Maguelon) figurent aussi dans l’entretien du magazine. Victor Vicas est dépeint comme lors de cette réunion : tel un instituteur avec ses élèves, sans humour, très anxieux et stressé par le tournage et le timing, ce qui ne lui permettait pas de parler aux acteurs.

L’acteur raconte ensuite qu’il a accepté le rôle sans trop se poser de questions, qu’il connaissait un peu Jean-Paul Tribout mais pas du tout Pierre Maguelon. Il pensait que la série devait durer six épisodes et elle fut reconduite à chaque fois. De cette période, Bouillon ne connaissait que les récits de son grand-père maternel.

Lors de la première saison, les personnages avaient un côté déshumanisé, un peu comme des robots. Claude Desailly expérimentait ses personnages et les dialogues n’étaient pas équilibrés. Ensuite, la complicité entre les acteurs a déteint sur l’écriture. Valentin a évolué : il est devenu plus humain avec de l’humour, il regardait les femmes… cela convenait mieux à l’acteur. François Maistre était exceptionnel, le côté hors-norme du personnage a contribué au succès de la série. Il eut souvent des disputes avec Victor Vicas, et son remplacement par Pinkas Braun a fait que cela ne fonctionnait plus pareil.

Le tournage d’un épisode durait entre 11 et 13 jours, 14 au grand maximum, et les contraintes budgétaires ont imposé des restrictions. Lorsqu’on accordait 20 ou 30 figurants pour une scène lors de la première saison (ndlr : voir la première scène de Ce siècle avait 7 ans…), on en accordait plus que 10 lors de la quatrième pour un tournage équivalent.

Victor Vicas faisait changer de veste aux figurants pour les faire paraître plus nombreux (ndlr : personnellement, j’ai lu un peu la même chose sur Les Incorruptibles). Pour Bouillon, le contraste entre la première et la sixième saison reste néanmoins acceptable.

Pour le décor, Vicas était très minutieux, une équipe était dédiée à la décoration. Il fallait dans le vieil Orléans cacher les antennes TV et les passages cloutés et mettre de gros arbres en plastique pour camoufler ce qu’on ne pouvait pas bouger. Vicas consultait souvent Desailly pour la reconstitution.

Pour Jean-Claude Bouillon, le succès de la série est dû à l’histoire proche, des époques des grands-parents ou des arrière-grands-parents, d’intrigues bien écrites et de la complicité entre les trois personnages. Des sortes de leçons d’histoire très agréables.

Au moment de l’interview (1995), Bouillon est prêt comme ses acolytes à reprendre leur rôle pour une septième saison se situant vers 1935. Cela fermerait la boucle et donnerait une cohérence à l’ensemble disait-il.

Il ne se passe pas un jour sans qu’on lui parle des Brigades (il l’a encore dit à la réunion de 2011 et lorsque je l’ai eu au téléphone en 2013), la série a marqué la mémoire populaire, chacun a sa référence précise liée à une période de sa vie. C’est touchant pour tous ceux qui ont contribué à la réussite de cette formidable série.

Ce qui est valable après 20 ans est donc valable après 40…

http://theavengers.fr/index.php/hors-serie/annees-1970/les-brigades-du-tigre/bonus#1

Pierre Maguelon

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Claude Desailly a écrit le personnage de Terrasson pour l’acteur. Le seul aspect qui l’ennuyait était qu’il l’avait surnommé ‘le colosse de Rodez’ alors qu’il ne ressemblait pas trop à cette description. Il trouve néanmoins que c’est le personnage que Desailly a le plus mal servi. À la demande des acteurs, le scénariste a écrit des épisodes pour chaque personnage. Celui de Terrasson est Le village maudit.

Pierre Maguelon explique son absence lors de la seconde saison par ses prestations au théâtre à Paris. Il ne pouvait donc pas se rendre tous les jours sur le tournage en extérieurs. Il cite La Rochelle et Carpentras (alors que je pense que ces deux villes n’ont pas été des lieux de tournage avant la cinquième saison). Pour les épisodes à Vierzon (ndlr: c’est la première fois que j’entends parler de cette ville comme lieu de tournage de la série) et Orléans, Maguelon faisait le trajet tous les jours au risque de s’endormir dans le train.

Pour l’acteur, c’est dans Faivre que Desailly a mis sa personnalité, et il fut navré par l’éviction de François Maistre dont il ne connaît pas le véritable motif. Avec Pinkas Braun, ce n’était plus le même humour.

Il raconte que pour entrer dans leur vieux tacot, il y avait un ordre précis et qu’après, on ne pouvait plus bouger. Il évoque aussi le budget de la production et la nécessité dans un épisode de se passer un révolver dans le dos car la production n’en possédait qu’un ! C’était pourtant un épisode de la fin de la série, mais plus la série avait du succès, moins on lui accordait de moyens. Il précise aussi que la complicité des personnages était le retranscrit de celle des acteurs.

Vicas voyait Les Brigades du Tigre comme Les Incorruptibles : sérieux et sans connivence entre les acteurs. Pour Maguelon, la série était un peu moins sérieuse et un peu plus française.

Lors des blagues aux répétitions, Vicas les appelait à tour de rôle pour connaître le coupable ! Il les amusait beaucoup. Maguelon avait collé dans sa veste un article de presse stipulant que les grosses vedettes acceptaient les petits rôles et le cameraman le filmait à chaque fin de prise. Il y avait une mauvaise compréhension avec Vicas au début, une barrière de la langue, mais cela s’est arrangé avec le temps.

Maguelon a tout de suite eu la certitude que la série allait marcher car il la comparait aux Incorruptibles et il refusa un beau rôle dans un téléfilm.

Il avait la satisfaction d’avoir un travail et il évoque ensuite le projet de Desailly intitulé Bureau 407 dans lequel il devait interpréter le petit-fils de Terrasson enquêtant sur des phénomènes expliqués.

Comme Bouillon, Pierre Maguelon était prêt en 1995 à repartir pour six nouvelles aventures mais il ne se montrait pas très optimiste soulignant que la télévision ne produisait plus ce genre de séries. C’est pour cela qu’il s’était tourné vers le théâtre. 

Jean-Paul Tribout

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L’acteur avait une trentaine d’années au début du tournage avec déjà 7-8 ans de métier. Il avait déjà travaillé pour la société de production Telecip (La demoiselle d’Avignon, L’homme qui revient de loin). Lors de la seconde production, Tribout rencontra pour la première fois Claude Desailly. C’est Michel Wynn qui devait réaliser les Brigades. Tribout a hésité car il devait jouer dans deux épisodes d’Arsène Lupin et il ne pensait pas que la série allait s’étaler sur dix ans. Ce fut un succès énorme avec six épisodes tous les deux ans, ce qui permettait de ne pas être cantonné dans la série. Pour le public, le trio a l’étiquette Brigades du Tigre jusqu’à la fin de leurs jours, mais c’était une télé de qualité et les Brigades font partie d’un passé culturel commun comme Tintin ou ‘Y a bon Banania’. Personne n’a pu échapper à la série et Tribout a revu quelques épisodes (en 1995) et cela fonctionne toujours bien. Cela est dû à l’unité dans les acteurs, réalisateur, scénariste, musicien.

Au début de la série, l’écriture était concentrée sur l’histoire et moins sur les personnages. Les seconds rôles étaient même plus intéressants que les rôles réguliers.

Pour Tribout, le trio était en fait un seul personnage. Valentin était le héros, beau et c’est le chef. Mais deux morceaux de lui s’étaient détachés : Terrasson la force, le bon sens, la France rurale  et Pujol  l’astuce, l’héritier de Gavroche, et le séducteur de la bande. Desailly a scindé le personnage en trois pour le rendre plus humain. À partir de la deuxième saison, Desailly a commencé à écrire pour les acteurs, car il savait comment le trio jouait la comédie. C’est aussi à partir de cette saison que trois épisodes sur six présentaient des rôles équivalents pour le trio et que les trois épisodes restants étaient dédiés à chacun des personnages. Tribout avoue avoir une préférence pour ceux où il est le plus impliqué.

Tribout connaissait un peu Bouillon et il n’y a jamais eu de rapports conflictuels en dix ans, personne n’a jamais cherché à tirer la couverture.

Faivre était un peu comme le capitaine Haddock dans Tintin. Le remplacer par Braun fut une erreur. ‘Bravo Valentin’ était une création et l’absence de Faivre fut un plus qui manque. Desailly écrivait seulement : ‘Bravo Valentin etc., etc.’ et François Maistre faisait le reste. Néanmoins, Maistre était moins lié avec le trio car il participait essentiellement qu’aux scènes en studio qui étaient tournées en huit jours, alors que les trois acteurs restaient ensemble trois mois. Il était par conséquent moins intégré contrairement à Vicas, le souffre-douleur, qu’ils considéraient comme un oncle.

Les acteurs se sentaient comme des gamins à 30 ans et il y avait un côté potache. Tribout n’envisageait pas d’être une vedette mais un comédien qui vit de son métier.

Pour une éventuelle septième saison, Tribout n’était pas contre mais il émettait des réserves et il pensait que la déception risquait d’être plus grande pour le public.

Il n’a pas d’épisode préféré mais il trouve que le duo Desailly/Vicas était plus à l’aise dans les épisodes de comédie et il cite Les demoiselles du Vésinet et La couronne du Tzar (ndlr : deux des épisodes que j’aime le moins !!).

Jean-Claude Bouillon recevait des lettres de femmes, Pierre Maguelon de la correspondance des gens du troisième âge (avec souvent du pâté fait maison) et Jean-Paul Tribout des lettres d‘enfants avec des dessins.

Pierre Maguelon, qui était surnommé ‘le colosse de Rodez’, devait défoncer les portes dans les premiers épisodes jusqu’au moment où il a dit : « Arrêtez, je me fais mal. »

Il n’a pas obtenu le statut de vedette avec Les Brigades du Tigre mais cela lui a permis de participer à des coproductions européennes. Il n’a aucun regret car il a eu la notoriété pour devenir metteur en scène de théâtre. 

Claude Bolling

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La complainte des apaches est un véritable emblème musical des Brigades. À l’époque, on pensait souvent à Claude Bolling pour les films de style rétro à cause du succès de Borsalino. Avant le tournage de la première saison, Telecip, la société de production, avait demandé un projet sur les caractères, l’époque et l’atmosphère de la série. Robert Velin, le producteur délégué, voulait quelque chose d’aussi bien que Borsalino et il fut enchanté car c’était pour lui mieux que Borsalino (Claude Bolling a raconté l’anecdote lors du salon des séries de novembre 2011).

Victor Vicas a demandé d’écrire toute la musique à partir de ce thème avec des motifs secondaires pour chaque épisode. Vicas était quelqu’un de méticuleux, il voulait une couleur musicale spécifique pour chaque épisode. Grâce à des combinaisons orchestrales particulières et à une très bonne prise de son, Bolling a pu donner l’impression de densité quand la situation l’exigeait. Il n’y avait pas de synthétiseur à l’époque, et il trouve que le son des instruments acoustiques apporte aux Brigades une chaleur réjouissante.

Le piège était de faire du ‘faux vieux’, la musique devait avoir un charme d’époque avec une écriture actuelle afin d’avoir une idée de modernité à l’intérieur de ce parfum rétro. Bolling avait aussi recours à des instruments modernes dans certains thèmes de suspense.

L’évolution dans le temps est un des points forts des Brigades du Tigre pour le musicien. Passer de 1907 aux années 20 offre un renouvellement. Néanmoins, Vicas utilisait souvent les thèmes qui lui plaisaient comme Inquiétude pour le suspense, ce qui pouvait donner l’impression d’un manque d’imagination ! Bolling a demandé à changer le générique au fur et à mesure de l’évolution de la série, et il adaptait le thème Valentin pour chaque époque. La demande serait la même pour une septième saison (ndlr : en 1995, le projet n’est pas enterré) avec une musique pour les années 30-35. Claude Bolling précise que les Brigades est une expérience privilégiée par sa longévité et son ambition et l’échange permanent qui le liait à Victor Vicas. 

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 saison  saison

Les Brigades du Tigre (1974-1983)

SAISON 6 (1983)


31. LES PRINCES DE LA NUIT

Résumé :

1925  Les Brigades Mobiles sont chargées de démanteler un trafic de cocaïne à Montparnasse, quartier très prisé durant ces années folles et fréquenté par des artistes peintres. Valentin devient gérant d’un bar et il s’attire les faveurs d’une modèle, qui est mêlée au trafic.

Critique :

Les artistes peintres du monde entier ont choisi le quartier de Montparnasse pour se retrouver, travailler et vivre ensemble. Une concentration d’artistes unique en son genre, devenue célèbre sous le nom d’École de Paris’. Un faubourg à la mode qui attire fêtards et noctambules, un étonnant mélange de bohême, de folie, de luxe et de misère. La vie nocturne y est trépidante et excessive, et l’art paye un lourd tribut à l’alcool et la drogue ravageuse, mais la collectivité de Montparnasse refuse aussi bien le passé que l'avenir pour vivre le présent intensément.

Après le nouveau décès d’un artiste par overdose, le secrétaire d’État aux Beaux-Arts demande l’intervention des Brigades pour enrayer la propagation de la cocaïne, un véritable fléau à Montparnasse, mais le quartier bénéficie d’un réseau à part, difficile à infiltrer. Le commissaire Valentin contraint le patron du bar ‘le Mikado’ à lui céder sa place. Sous le nom de Paul, il fait la connaissance d’un modèle, Maya, qui lui sert de guide dans la jungle parnassienne, et le policier tombe sous le charme de la jeune femme, mais les inspecteurs, Pujol et Terrasson, découvrent qu’elle réceptionne la drogue dans les toilettes pour dames du Mikado. Éprise de Valentin, elle accepte d’aider le commissaire à coincer le fournisseur.

L’entame de l’ultime saison est tout aussi brillante que la conclusion de la précédente. C’est un superbe épisode avec l’atmosphère de l’époque parfaitement rendue. La galerie impressionnante d’excellents personnages du bar-cabaret symbolise le Montparnasse des années vingt, qui est admirablement dépeint par ces individualités dans une sorte de huis-clos : le couple d’Américains extravagants (très bonne Joanna Pavlis avec son pistolet à balles à blanc, pour son premier rôle), le vieux baron, les deux homosexuels et surtout Solokine, le peintre bagarreur, et Maya, une modèle très déshabillée. Elisabeth Margoni interprète à la perfection ce personnage espiègle mais ambigu, qui est au centre de l’intrigue.

L’ambiance dramatique n’empêche pas l’humour d’avoir une place non négligeable ; Terrasson déclare : ‘J’aurais dû me faire gigolo moi aussi’, et Valentin à Terrasson et Pujol, déguisés en Romains pour le bal : ‘Vous avez pas l’air couillon mais, rassurez-vous, vous ne serez pas les seuls !’, sans oublier la scène de jalousie des homosexuels dans le final. L’épisode est un excellent plaidoyer contre la drogue ; ainsi, lorsque Solokine vend enfin deux tableaux et touche une somme conséquente, il achète immédiatement de la cocaïne à Maya et, par ce passage, on découvre le positionnement des personnages et leur vulnérabilité, quels qu’ils soient, face à ce fléau. Le suspense est une autre force de l’intrigue, car il est maintenu jusqu’à l’ultime instant avec deux fausses pistes dans la dernière scène !

Les meilleurs passages sont la première scène (excellent monologue de Maya), Pujol et Terrasson découvrent le Mikado dans une longue séquence de présentation des personnages, l’échauffourée Valentin/Solokine, le peintre et Maya en modèle déshabillée, la rencontre des trois policiers pour la révélation, le bal déguisé et le final au suspense préservé (dispute de jalousie des homos, voiture des Américains). Comme dit Terrasson : ‘Je trouve que les gens d’ici ne sont pas ordinaires !’. Un début de saison prometteur.

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 7 octobre 1983 sur Antenne 2.

o Elisabeth Margoni (1945), Maya, a joué dans Le corps de mon ennemi et Le professionnel, deux succès de Bébel. Elle a participé pour la télévision aux séries Un juge, un flic, Les enquêtes du commissaire Maigret, Les maîtres du pain et à l’excellent téléfilm Jeanne Poisson, marquise de Pompadour entre autres.

o Maurice Barrier (1934), Solokine, a commencé sa carrière en 1966, et il a joué avec les plus grands : Gabin, Belmondo, Delon, ainsi que Pierre Richard et Gérard Jugnot. Il est l’époux d’Hélène Manesse, qui a joué dans Les vautours de la première saison.

o Gérard Lecaillon (1949), le balafré homosexuel, est l’impressionnant Louis Lacombe dans le second épisode de la série, Nez de chien. Il a participé aux Enquêtes du commissaire Maigret, Boulevard du palais, Une femme d’honneur, Paris enquêtes criminelles, Commissaire Valence entre autres.

o Jean Champion (1914-2001), le baron, est Henri Chaumette, le directeur du journal Le Vélo dans L’ange blanc, dernier épisode de la quatrième saison. 

o Guy Grosso (1933-2001), le secrétaire d’État aux Beaux-Arts, est l’inspecteur Bertouin dans trois épisodes de la seconde saison : L’auxiliaire, Les compagnons de l'Apocalypse, et Le défi.

o René Havard (1923-1987), Serge Loriquet, le patron du Mikado, est Gustave Lemaire, le mécanicien piégé dans Les vautours de la première saison.

o Bernard Salvage, Olaf le libanais, l’ami homosexuel du balafré, est Clarence, le spécialiste en faux, dans La confrérie des loups (saison 1) et Monsieur Jean dans Les compagnons de l’Apocalypse (saison 2).

o René Morard, Justin, est Melé-cass, le cafetier, dans Le cas Valentin et la taupe dans Made in U.S.A.

o Claude Bolling a réarrangé une nouvelle fois le ‘Thème Valentin’ du générique avec un rythme plus rapide que le précédent et un parfum de charleston qui annonce la période des "Années folles".

o Gabrielli, sans sa barbe, a l'air d'un poulet déplumé.

o Il n’y a pas beaucoup de scènes en extérieur, restrictions budgétaires obligent, mais l’ambiance des années vingt est, néanmoins, superbement recréée. Gérard Lecaillon m’a d’ailleurs révélé :  ‘La 'boite' était filmée dans un restaurant loué, et nous avons même tourné de nuit. La forêt était celle d'Orléans.’ (Ndlr : dans le scénario, le final est supposé se dérouler en forêt de Meudon, au carrefour de la Femme sans Tête, qui existe réellement).

o Solokine dit à Alvarez : ‘Il a raison Mondrian’. Pieter Cornelis Mondrian, appelé Piet Mondrian à partir de 1912, est né le 7 mars 1872 à Amersfoort aux Pays-Bas et mort le 1er février 1944 à New York. Il est un peintre néerlandais reconnu comme un des pionniers de l’abstraction (Source : wikipedia).

o On entend au bar, lors de l’échauffourée : ‘Tzara, aux chiottes’. Tristan Tzara, de son vrai nom Samuel Rosenstock, est né le 16 avril 1896 à Moinești, Roumanie, et mort le 25 décembre 1963 à Paris. Il est un écrivain, poète et essayiste de langue roumaine et française et l'un des fondateurs du mouvement Dada dont il sera par la suite le chef de file (Source : wikipedia).

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32. RITA ET LE CAÏD

Résumé :

1927  Deux frères de la pègre corse éliminent tous les opposants à leur mainmise sur Paris. Une prostituée se rebelle et abat un des deux truands. Le milieu et la police la recherchent activement d’autant plus qu’elle a en sa possession des documents compromettants pour les mafieux mais, aussi, des politiciens.

Critique :

La fin des années vingt est marquée par l’apparition au grand jour de plusieurs scandales politico-financiers ; des politiciens affairistes véreux s’appuient sur la corruption, l’escroquerie et la collusion avec la pègre pour assurer leur pouvoir.

Les frères Santucci, à la tête d'un gang corse de Marseille, montent à Paris et bâtissent un empire dans la prostitution et le racket. Alex Santucci, redoutable truand, agit d'autant plus librement qu'il est protégé par ses ‘amis’, hommes d'affaires et politiciens. Les concurrents des Santucci sont éliminés sans pitié lors d’exécutions sommaires. Le journaliste Bruno Clément dénonce ces faits et essaie de rallier à sa cause Robert Delcroix, un maquereau parisien, qui possède un dossier compromettant sur le milieu corse et ses appuis, dont le député Sénéchal et l’affairiste Brigaud. Clément est tué, et Delcroix, soucieux de sa sécurité, fait appel à Valentin, mais le commissaire ne peut empêcher son assassinat ; cela lance la chasse aux documents que Rita, prostituée et veuve du proxénète, récupère auprès d’un clochard. Battue à son tour, elle abat le jeune frère Santucci, Ange, en pleine rue, et fuit à la campagne chez son ancien fiancé, où elle se croit en sûreté. 

Un excellent épisode, haletant d’un bout à l’autre. Les politiciens et les truands se confondent dans une aventure qui ressemble, par certaines scènes assez violentes, à un film noir de haute volée. La prostituée et le clochard semblent bien isolés face à la pègre. Trahie, la jeune femme se réfugie à la campagne, apparemment un havre de paix comparé à la sinistre ville ; néanmoins, la violence s’y invite et le final est grandiose. La qualité de cet épisode se retrouve dans les dialogues percutants, le rythme effréné et la superbe musique de Bolling, différente des premières saisons, mais efficace surtout lors du dénouement à la ferme. L’excellente interprétation, avec de nombreux acteurs déjà vus dans d’autres aventures, est essentielle à la réussite d’un tel épisode. Jean-François Rémi (Alex Santucci) et Béatrice Agenin (Rita) monopolisent l’attention, mais tous les seconds rôles contribuent à l’excellence de l’aventure. Ils ont en effet tous leur importance, que cela soit Arsène le clochard, Delcroix le souteneur, Ginette la prostituée… J’ai une préférence pour le cynique Ange (Hervé Jolly) et le tueur Luigi, superbement interprété par Pierre Koulak. La violence a rarement été aussi présente dans Les Brigades du Tigre Rita en sang, l’assassinat de Delcroix au rasoir, l’agression de Rita par les deux tueurs –, mais elle est indispensable au récit. Les seuls reproches qu’on peut formuler sont la candeur de Valentin après le meurtre du proxénète et l’effacement des Brigades Mobiles, qui ne participent même pas au final, néanmoins parfait.

Cette histoire de scandales politico-financiers, toujours d’actualité, est sombre et bien jouée. Les meilleurs passages sont la première apparition de Rita (après une correction de son mac), l’anniversaire des Brigades, Terrasson et les filles du bordel (‘Venez nous voir un de ces soirs, poulets, on vous fera des prix’), Ginette qui se fait passer pour Rita, et le final, un des meilleurs de la série. L’excellence des deux premiers opus de cette dernière saison ne se poursuivra pas, malheureusement, car une telle qualité ne reviendra que lors de l’ultime épisode.

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 14 octobre 1983 sur Antenne 2.

o Béatrice Agenin (1950), Rita, a débuté en 1976. On l’a vue dans Commissaire Moulin, La 7ème cible (avec Lino Ventura), Itinéraire d’un enfant gâté (avec Belmondo) et elle a un rôle récurrent dans Avocats & associés et Une famille formidable.

o Jean-François Rémi (1927-2007), le mafieux corse Alex Santucci, qui ne boit que du lait, est Monsieur de Sermeuse, le chef de La confrérie des loups dans la première saison. Il était effectivement d’origine corse comme son personnage de l’épisode. Il a un rôle récurrent dans la série Aux frontières du possible (avec Pierre Vaneck) et il joue dans La 7ème cible avec Ventura et Béatrice Agenin ! Il a été jusqu'à sa mort président de l'Association des comédiens combattants.

o Hervé Jolly, Ange Santucci, est Liébert, l’anarchiste de la bande à Bonnot qui a un compte à régler avec Valentin dans Bonnot & Cie, saison 3. Il est spécialisé dans le doublage et, au décès de Jean-Claude Michel, il est devenu la voix française attitrée de Clint Eastwood. L’acteur me précisa qu’après un essai, il fut choisi par Eastwood lui-même, qui désirait une voix plus jeune que lui !

o Gabriel Cattand (1923-1998), le député véreux Sénéchal, a commencé sa carrière en 1950 ; vu au cinéma dans I comme Icare, Le marginal et à la télévision dans Les nouvelles aventures de Vidocq, Joseph Balsamo, Les enquêtes du commissaire Maigret entre autres.

o Jacques Giraud, Julien Berthier, est Lucien Petit-Breton dans L’ange blanc de la quatrième saison. Il est aussi le gendarme dans Bonnot & Cie et le sergent de ville dans L’homme à la casquette.

o Gérald Denizot, Arsène, le clochard témoin, est Bollich, l’indic abattu, dans Ce siècle avait 7 ans… et Arthur Ferras dans Les enfants de la Joconde. 

o Fernand Guiot (1932), Brigaud, est le commis-voyageur assassiné dans la première scène du Défi (saison 2). Lors de mon appel téléphonique, l’acteur s’est remémoré d’avoir joué une sorte d’avocat, avec Gabriel Cattand, aujourd’hui disparu, et il se souvenait parfaitement de la scène autour du court de tennis.

o Pierre Koulak, le tueur Luigi, est l’homme de main Gaston dans Les enfants de la Joconde. Il a joué au cinéma dans Le pacha, Borsalino, Les aventures de Rabbi Jacob, Borsalino and Co. Il a écrit un livre sur Fernand Raynaud en 2013. 

o Michel Fortin (1947-2011), Robert Delcroix, le souteneur patron du Lotus bleu, est Zavatter dans la série Nestor Burma.

o Christine Laurent (1948), Ginette, la prostituée qui trahit Rita, est actrice, réalisatrice, scénariste, scénographe, costumière et maquilleuse.

o Jean-Guillaume Le Dantec, décédé en 2009, est le journaliste Bruno Clément. Il est l’opérateur dans Le vampire des Karpates.

o Yves Gabrielli, le tueur Pietro, est un inspecteur américain dans Made in U.S.A.

o Bernard Cazassus, le chauffeur du camion, a un autre petit rôle dans Le complot (le gardien-cuisinier).

o Gérard Couderc, le paysan, est le gardien de nuit assassiné dans Le vampire des Karpates. 

o La voix-off du générique fait allusion à l’arrestation pour escroquerie d’un ancien ministre de Clemenceau, Louis-Lucien Klotz (1868-1930), celui-là même qui avait contresigné le décret de création des Brigades du Tigre. Le 12 juillet 1929, à la suite de spéculations boursières hasardeuses, il fut condamné pour chèques sans provision et escroquerie à deux ans de prison. Il dut démissionner de son siège de sénateur le 14 décembre 1928 et mourut moins d'un an après sa condamnation, le 15 juin 1930. Dans ce naufrage, il devait entraîner sa famille, qui vit saisir l'hôtel du n° 9 rue de Tilsitt qui avait appartenu à son frère.

o Lorsque les Brigades Mobiles fêtent leur vingt ans d’existence, les policiers se souviennent de leur première affaire, la bande des Charbonniers, effectivement évoquée dans le premier épisode, Ce siècle avait 7 ans… Avec cette célébration, les Hommes du Tigre n’apparaissent qu’à la treizième minute de film.

o Lorsqu’Alex Santucci joue au billard et boit un verre de lait, la TSF relate la traversée de l’Atlantique par Charles Lindbergh. Charles Augustus Lindbergh (1902-1974) est un pionnier américain de l'aviation. ‘L'aigle solitaire’, comme on le surnommait, entre dans la légende en devenant le premier pilote sans escale et en solitaire à relier New York à Paris entre le 20 et 21 mai 1927 en 33 heures et 30 minutes, à bord de son avion Spirit of Saint Louis (Source : wikipedia).

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33. LA GRANDE DUCHESSE TATIANA

Résumé :

1922  Un officier russe découvre dans les bois une jeune fille hébétée qui ressemble à un membre de la famille du tzar Nicolas II, exécutée à proximité.

Critique :

En octobre 1917 commence la révolution soviétique qui va renverser le tzar Nicolas II. Ce dernier est massacré par les Rouges avec toute sa famille à Iekaterinbourg le 17 juillet 1918. Quelques jours plus tard, la ville est reprise, et Lojkine, un officier, découvre une jeune fille hagarde, errant dans les bois, à proximité des lieux de la tuerie. En 1922, exilé en France, Lojkine a ramené chez lui, en secret, la jeune femme prostrée, pensant qu’elle est rescapée du massacre. L’importante colonie de Russes blancs, qui vit à Paris depuis 1917, rêve de reconquérir le pouvoir. Avec l'aide occulte de la France et de l'Angleterre, un débarquement en Crimée doit être assuré par le général Lioubov. Les Brigades Mobiles sont chargées de le protéger, mais celui-ci disparaît et un journaliste est retrouvé assassiné peu après. Les Brigades se rendent finalement au domicile de Lojkine, qui ne supportant pas d’être séparé de ‘sa Tatiana’, a éliminé les deux personnes au courant du secret. 

Bavarde, lente, ennuyeuse, sans intérêt : les mots manquent pour qualifier cette aventure au scénario inexistant qui, comme la mauvaise Couronne du Tzar, tourne autour de la Russie. Tels Pujol et Terrasson dans leur voiture, on attend que quelque chose se produise. Ajoutez à cela des échanges en russe rarement sous-titrés et vous comprendrez qu’on peut passer à l’épisode suivant sans regret, malgré la très jolie Christiane Jean et la voix de Columbo !

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 21 octobre 1983 sur Antenne 2.

o Michel Vitold (1915-1994), le général Lioubov, est Pavel Pavlovich dans La couronne du Tzar, saison 2. Il était un acteur et metteur en scène français d'origine ukrainienne.

o Igor de Savitch, le lieutenant Lojkine, est Igor dans La couronne du Tzar, saison 2.

o Christiane Jean (1959), Tatiana, est surtout connue pour l'interprétation du rôle de Claire dans les séries télévisées : Les filles d'à côté , Les nouvelles filles d'à côté et sa participation au film L'amour braque. Elle a, en 2003, coécrit un livre de cuisine intitulé Hot Cuisine sur le thème de la cuisine aphrodisiaque (Source : wikipedia).

o Serge Sauvion (1929-2010), le journaliste Desvignes, est la voix française du lieutenant Columbo alias Peter Falk.

o Charles Millot (1921-2003), le général Koutiepov, est le colonel Dimitrijevitch dans La Main noire de la première saison. Il est le colonel Stanislav de l’épisode en deux parties des New Avengers : Le long sommeil.

o Maurice Travail (1929-1994), le commandant Léotard, est Dervaux dans Le cas Valentin de la troisième saison.

o Wladimir Ivanovsky, le lieutenant Gregori, est un des ravisseurs de Marthe dans Le temps des garçonnes de la cinquième saison. L’acteur, compositeur à l’époque, chante à la guitare et il me confia au téléphone qu’il était même prévu de faire le générique en russe pour l’occasion, mais Claude Bolling refusa.

o Après plus de neuf minutes, la voix-off de Jacques Thébault revient, cas unique, pour resituer l’histoire et réveiller le téléspectateur assoupi !

o Parmi toutes les critiques parcourues, seul Didier Liardet trouve cette histoire passionnante dans son livre Yris. Il faut souligner que tous les épisodes sont considérés comme excellents dans ce livre !

o Valentin et les Brigades n’apparaissent qu’après plus de douze minutes de film.

o Édouard Herriot (1872-1957) est un homme politique français, membre du Parti radical. Il a été président du Conseil à trois reprises : de 1924 à 1925, pour deux jours en 1926, et en 1932. (Ndlr : il y a donc une petite erreur de scénario car, en 1922, Herriot n’est pas président (Source : wikipedia).

o Fidèles au tzar Nicolas II de Russie ou au régime du gouvernement provisoire, les Russes des armées blanches luttent contre l'Armée rouge et contre les « armées vertes ». Ces contre-révolutionnaires sont menés par d'anciens cadres de l'armée impériale : Koltchak, Denikine et Wrangel. Ils ont notamment reçu l'aide de troupes britanniques, françaises et américaines pour lutter contre le « communisme de guerre ». Si la Russie est à ce moment-là très affaiblie par la Première Guerre mondiale, la guerre civile qui oppose les « Rouges » communistes et les « Blancs » tsaristes a généré huit à dix millions de morts. La coalition des armées blanches étant mal coordonnée et peu soutenue par la population, la guerre civile est perdue et la majorité des Russes blancs s'exile dans le reste de l'Europe et du monde (Source : wikipedia).

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34. LES FANTÔMES DE NOËL

Résumé :

1927  Le juge américain qui a condamné Sacco et Vanzetti passe Noël en France dans le château d’un journaliste. L’apparition des fantômes des deux anarchistes exécutés suscite rapidement l’émoi parmi les invités.

Critique :

L’affaire politico-criminelle Sacco et Vanzetti bouleverse le monde et, malgré une mobilisation internationale, les deux anarchistes italiens sont condamnés à mort pour le meurtre de deux convoyeurs de fonds et exécutés le 22 août 1927. 

Le juge Webster Thayer de Boston, qui a prononcé la sentence, vient en France avec sa famille pour passer les fêtes de Noël et échapper à la vindicte anarchiste de son pays. Il est invité par Alphonse Moulin, directeur d’un journal royaliste, au Château de Sermoise. Les Brigades du Tigre sont chargées de ‘jouer les Pères Noël’ et d’assurer la protection des deux personnages. Pujol, engagé comme extra pour une meilleure surveillance, est au centre de l’intrigue, car de mystérieuses apparitions fantomatiques des deux condamnés se produisent bientôt dans le château. Suivent de petits cercueils en bois et les disparitions de la femme et de la fille du juge, avant que Pujol ne finisse par découvrir le passage secret de la bâtisse qui mène aux ravisseurs.

Une intrigue farfelue et guignolesque qui côtoie le fantastique. Rien d’exceptionnel dans un scénario assez convenu, et le whodunit se rattrape par de beaux extérieurs et intérieurs, un peu de suspense et d’action, telle la fusillade engendrée par la fausse piste et des passages de cuisine à la Downton Abbey. L’interprétation est solide et on remarque surtout Jacques Dacqmine et la truculente Madeleine Barbulée. Les quelques répliques et scènes cocasses, et l’attirance de Pujol pour Paulette, la domestique du château, permettent d’oublier l’histoire saugrenue d’un épisode qui aurait pu être plus palpitant. Cette aventure reste néanmoins un programme gentillet de réveillon pour toute la famille.

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 28 octobre 1983 sur Antenne 2.

o Jacques Dacqmine (1923-2010), Alphonse Moulin, s'est illustré dans de nombreuses tragédies comme PhèdreŒdipe ou dans Hamlet, et il avait aussi fait sensation sur grand écran dans Germinal, La neuvième porte ou encore Un crime au Paradis.

o Yves Beneyton (1946), Michel Moulin, a joué dans de nombreux films et séries dont Le retour de Sherlock Holmes avec Jeremy Brett ; dans l’épisode La deuxième tache, il est l’espion assassiné. Il est le mari d’Elisabeth Margoni, vue dans Les princes de la nuit.

o Le juge Webster Thayer est interprété par l’acteur anglais Stanley Meadows (1931) qui a joué dans Chapeau melon et bottes de cuir (Le tigre caché), mais aussi Amicalement vôtre, Le Saint (trois épisodes), Paul Temple , Poigne de fer et séduction, Regan, Les professionnels... Quelques rôles au cinéma : Ipcress, danger immédiat (avec Michael Caine), et La septième cible (avec Lino Ventura).

o Madeleine Barbulée (1910-2001), Émilie, est l’une des deux Demoiselles du Vésinet, saison 4.

o Van Doude (1926), le psychiatre Jocelyn, est Malcolm Young, le Mormon, dans L’auxiliaire, saison 2.

o Annie Savarin (1944), Armande, est l’employée de banque dans Le cas Valentin, saison 3.

o Henri Villerouge, Albin, était l’adjoint au maire dans Les demoiselles du Vésinet et le patron de l’auberge dans Le réseau Brutus.

o Michel Motu, Barnabé, le reclus qui fabrique des bombes, est décédé en 2008. On l’apprend sur un site syndical à l’époque : ‘Nous venons d'apprendre la mort accidentelle de Michel Motu, syndicaliste de l'UD-CGT 75. C'est en rentrant à pied de la permanence RESF que Michel Motu s'est fait renverser par un scooter ce mardi 28 octobre 2008’.

o Sylvain Lévignac (1929-1994), le brigadier, a participé à trois autres épisodes de la série : Le défi, Bonnot & Cie, et Le réseau Brutus. Il était acteur et cascadeur.

o On note quelques passages en anglais non sous-titrés.

o La musique du Vampire des Karpates a été réutilisée.

o La voix-off donne quelques explications pour la compréhension de l’intrigue en fin d’épisode (la porte fermée).

o L’affaire Sacco et Vanzetti est le nom d'une controverse judiciaire survenue dans les années 1920 aux États-Unis. Elle implique les anarchistes d'origine italienne Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti (Source : wikipedia).

o Le juge Webster Thayer (1857-1933) était un juge de la Cour supérieure du Massachussetts, connu pour être le juge de l’affaire. En 1932, sa maison fut dynamitée et sa femme blessée. Il passa le reste de sa vie étroitement gardé. Il mourut sur le siège des toilettes d’une embolie cérébrale, ce qui fit dire à un anarchiste italien : ‘His soul went down the drain.’

o L’épisode est tourné au magnifique château de Ferrières. Il est situé en Seine-et-Marne sur les communes de Ferrières-en-Brie; il a été aménagé à partir de 1829 par Joseph Paxton pour le baron James de Rothschild. Le château fut inauguré le 16 décembre 1862 par Napoléon III. Un souterrain, équipé de rails pour passer les plats sur de petits chariots, relie le sous-sol à une maison voisine à l'angle nord-est, où se trouvaient le fourneau et la batterie nécessaires pour préparer les repas. Ce souterrain est visible dans l'épisode; il sert de cache aux ravisseurs.

o Irène à Emma, la femme du juge : ‘Une pâle dorure. Jaunit les coteaux froids. Le trou de ma serrure. Me souffle sur les doigts’. Ces vers proviennent du poème Va-t’en, me dit la bise de Victor Hugo, tiré du recueil Les chansons des rues et des bois publié en 1865.  

o Pujol déclare que Xavier, chauffeur et secrétaire de Moulin, a été recruté aux Camelots du Roi. La Fédération nationale des Camelots du Roi est un corps de militants royalistes spécialisés dans le coup de force. Les Camelots du Roi sont rattachés à l’Action Française. Ils sont actifs entre 1908 et 1936 (Source : wikipedia).

o On peut distinguer des allusions très nettes à une autre affaire que celle de Sacco et Vanzetti, en l'occurrence celle du fils d’Alphonse Daudet, Léon, qui était devenu anarchiste en réaction aux idées "Action française" de son père. Ici, c'est un notable royaliste incarné par Jacques Dacqmine qui connait la même désillusion. Ce n'est sûrement pas un hasard si Alphonse Moulin se nomme ainsi ; une référence vraisemblablement à Alphonse Daudet, l'auteur des Lettres de mon moulin... (Source : PhilDLM).

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35. LA FILLE DE L'AIR

Résumé :

1925  Valentin, Pujol et Terrasson sont chargés de surveiller deux aviatrices soviétiques soupçonnées d’espionnage. Celles-ci reçoivent pour mission de participer à l’enlèvement d’un ingénieur dissident au pays.

Critique :

Alors que l’aviation prend soudain un essor triomphal, l’URSS est reconnue par la France après bien des hésitations. Pour fêter l'ouverture d’une ambassade soviétique à Paris, les Russes proposent un raid aérien qui doit relier Moscou à Paris, un trait d’union entre les deux pays. De crainte qu'il ne s'agisse d'une opération d'espionnage sous couvert de manifestation sportive, le gouvernement français demande aux Brigades de surveiller les aviateurs soviétiques pendant leur séjour à Paris. Notre trio est censé représenter une délégation de pilotes français chargés de guider leurs collègues soviétiques, qui s’avèrent être de superbes jeunes femmes, Olga et Natacha. Cela se complique (dans la bonne humeur) lorsque des agents du FBI et l’enlèvement d’un dissident se mêlent au scénario.

Et de trois ! Après La Couronne et Tatiana, cet épisode termine la trilogie russe des Brigades du Tigre. Aussi ennuyeux que les deux autres, on est en droit de se demander si l’annulation de la série n’est pas due à la baisse flagrante de qualité de certaines aventures. La comédie tourne au ridicule, mais les acteurs ont bien dû s’amuser lors du tournage au détriment des téléspectateurs ! Cela nous fait regretter les ‘comédies russes’ des Avengers, même si Natacha est plus jolie qu’Olga. Personnellement, l’unique bon moment de l’intrigue est le passage de la vodka droguée où, seul, Terrasson reste lucide, et le petit mot final : Avec les compliments des Brigades du Tigre.

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 4 novembre 1983 sur Antenne 2.

o Katia Tchenko (1947), Natacha, a commencé sa carrière en 1967 dans J’ai tué Raspoutine. Elle a conquis la notoriété et l'amour du public populaire grâce au théâtre et à la télévision. Elle a tourné plus de 80 films, dont des rôles déshabillés dans des nanars style Mon curé chez les nudistes

o Yves Peneau, Janovitch, a participé à deux autres épisodes de la série, excellents contrairement à celui-ci : Le cas Valentin, saison 3, et Bandes et contrebandes, saison 4. À chaque fois, il joue le rôle d’un méchant. À noter que cet épisode est son dernier rôle à ce jour.

o Charles Charras (1920-2010), Aristide Briand, occupe la fonction de secrétaire de Charles Dullin de 1946 à 1949. Il devient également professeur à l'école de théâtre Charles Dullin, où il a notamment pour élèves Jean-Claude Drouot, Jean-Louis Trintignant, Pierre Santini, Romain Bouteille, Pierre Richard, ou encore Robin Renucci. L’un de ses recueils de poèmes, Le Cœur dans le chapeau, reçoit le prix de l'Académie française en 1981 ainsi que le prix de la Maison de la poésie en 1988 (Source : wikipedia).

o Valentin rappelle qu’il a été pilote de chasse pendant la guerre, ce qui est évoqué dans S.O.S. Tour Eiffel de la cinquième saison.

o Une nouvelle référence aux Incorruptibles lorsque Terrasson déclare aux Américains : ‘Et moi, je suis Eliot Ness !’.

o On a un peu d’anglais et beaucoup (trop) de russe dans cette aventure.

o La voiture de collection ne fut pas immergée mais maquillée de façon à le faire croire. Lorsque celle-ci est censée plonger dans le fleuve, on a un gros plan sur Janovitch, et lorsqu’on la tire hors de l’eau, elle est déjà sortie, avec un peu de paille détrempée pour donner le change.

o La scène de l’agression des aviatrices fut tournée au Parc de St Cloud, à proximité du Bassin des Chiens.

À la radio, le prix Nobel de littérature attribué à Bernard Shaw en 1925 fait partie des informations.

o Sur le site Le magazine des séries, il y a un témoignage intéressant d’une figurante de l’épisode, Agnès Boutonnet. On y apprend que le tournage dura trois jours dans une guinguette en bord de Marne durant l’automne 82, et la température n’excédait pas dix degrés. Elle tourne dans les scènes de danse et, d’après la description (petite robe noire sans manche, perruque), je pense qu’elle apparaît deux ou trois fois avec un matelot. Elle se souvient que, la voyant frigorifiée, Jean-Paul Tribout lui a galamment posé sa veste sur les épaules. Elle se rappelle aussi que Pierre Maguelon devait essayer d‘arrêter de fumer, car il lui demandait des cigarettes de temps à autre. Par contre, Agnès Boutonnet précise qu’il y avait une femme d’âge mûr aux cheveux gris, jouant avec un fort accent russe, et elle l’identifie à la ‘grande duchesse Tatiana’. Elle ajoute même qu’il arrivait à la grande duchesse de sécher sur son texte, et donc ils recommençaient la scène. En fait, je pense que la figurante n’a participé qu’à l’épisode La fille de l’air et pas à Tatiana. La description faite par Agnès Boutonnet correspond à Olga Valery ; le personnage a écouté la conversation en russe et conseille à Terrasson de ne pas boire la vodka. Olga Valery (1903-2002) était d’origine ukrainienne et avait déjà 79 ans au tournage ; rien à voir avec Tatiana, qui est jouée par Christiane Jean (23 ans au tournage).

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36. LACS ET ENTRELACS

Résumé :

1931  La disparition d’un diplomate canadien fortuné, coureur de jupons, mène les Brigades à une agence matrimoniale très particulière. Terrasson se fait passer pour un riche célibataire et trouve l’âme sœur.

Critique :

Les Brigades Mobiles enquêtent sur la mystérieuse disparition d’un diplomate canadien, amateur de jolies femmes. La piste féminine est envisagée quand d'autres hommes, portés sur les aventures faciles, demeurent introuvables : des cavaleurs aisés qui ont vidé leur compte bancaire peu avant de disparaitre. Valentin et ses inspecteurs orientent leurs investigations vers une agence matrimoniale tenue par une femme étrange, une certaine Marie Bonheur, car tous les disparus s’y sont rendus.

La série se termine avec cette savoureuse comédie, un genre qui n’avait pas produit que des épisodes inoubliables jusqu’alors, loin s’en faut. Tout vient à point à qui sait attendre car, ici, les dialogues sont cocasses et l’humour omniprésent, sans être ridicule. L’arrivée tardive des Brigades laisse la place au diplomate canadien Léon Desfossés, superbement interprété par Philippe Brigaud, l’homme aux cinq rôles (record) de la série. L’acteur se rendit au centre culturel de l’ambassade canadienne pour se faire conseiller sur l’accent à emprunter et il me confia qu’il considère ce rôle de coureur de jupons comme le plus intéressant et amusant des cinq. Les dix premières minutes somptueuses, avec l’attaché de l’ambassade chaud lapin baratineur au journal intime bien rempli, sont en effet un grand moment de la série avec ses répliques truculentes, tel Desfossés devant une impressionnante collection de photos de jeunes femmes : ‘Défends-toi, ma biche. Tu y passeras comme toutes les autres’.

Terrasson repère de suite sa dulcinée sur le tableau de chasse du diplomate, en ‘espérant bien qu’il ne l’a pas eue, celle-là’. L’enquête conduit l’inspecteur à l’agence matrimoniale où il décrète, après avoir parcouru un catalogue : ‘Je les trouve plutôt tartignoles !’. Terrasson fait la connaissance de Jeanne, qui a connu certains disparus, et il se rend finalement en sa compagnie à la maison du lac, où une douzaine de célibataires a disparu. Leurs économies servaient à financer le comité des droits de la femme ! Terrasson, amoureux, est à l’honneur car il se marie au terme de l’aventure.

L’épisode est peuplé de personnages pittoresques incarnés par des acteurs irréprochables, et les femmes y sont machiavéliques, comme Jeanne la rabatteuse innocente et les deux excentriques particulièrement savoureuses : la directrice de l’agence, Marie Bonheur, qui abhorre les gros mollets avec des fixes chaussettes, et surtout Tante Mélanie, propriétaire d’une maison de campagne près d’un lac, la destination finale, qui coule son ciment pour envoyer les soupirants de sa ‘nièce’ au fond de l’eau. C’est réconfortant que le dernier épisode soit une aventure pour Terrasson, car Pierre Maguelon est touchant de sincérité en amoureux habillé tout en blanc, avec un chapeau de paille, ce que l’acteur avait demandé à ses amis de porter à ses funérailles. La série réussit où beaucoup ont échoué : finir en beauté ! Le mot de la fin pour Terrasson : ‘À la santé des Brigades du Tigre !’. 

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 11 novembre 1983 sur Antenne 2.

o Annick Blancheteau (1946), Jeanne Bertin, est actrice et metteuse en scène. Elle a débuté en 1968 et on a pu la voir dans de nombreuses séries, dont dernièrement Clem dans le rôle de Solange Boissier.

o Jacqueline Fontaine, tante Mélanie, est la couturière dans Collection 1909 et Mariette, l’habilleuse, dans Le vampire des Karpates. Tante Mélanie est, de loin, le meilleur des trois rôles.

o Philippe Brigaud, Léon Desfossés, a tourné dans quatre autres épisodes de la série : Visite incognito, Collection 1909, Don de Scotland Yard et Les demoiselles du Vésinet. Avec cinq participations à la série, il est l’acteur le plus souvent invité, et c’est ce rôle de diplomate canadien qui est le meilleur, un avis également partagé par l’artiste.

o Liliane Coutanceau, Lucette, est Marie-Céleste dans Le crime du sultan de la troisième saison.

o Viviane Gosset (1908-1996), la directrice du comité, est Mme Soligny, la mère d’Henriette, dans L’homme à la casquette et Mme Demellier dans Les demoiselles du Vésinet. Elle avait commencé sa carrière en 1936 et c’est son dernier rôle d’après sa fiche imdb.

o Alain Flick (1949), le garde-barrière, est l’avocat dans Made in U.S.A.

o Le Chasseur Français, évoqué au début de l’épisode, est un magazine mensuel essentiellement tourné vers la chasse, la pêche, le bricolage, les traditions françaises, et connu pour ses petites annonces matrimoniales. Il fut fondé en 1885.

o L’invention de l’épisode est le téléphone automatique, opérationnel dans quelques quartiers de Paris pour commencer.

o Terrasson et Jeanne sortent du Cinema Majic où ils ont été voir Les lumières de la ville (City Lights), de et avec Charlie Chaplin. Le film est sorti en France le 7 avril 1931.

o Pour la seule fois de la série, Terrasson est appelé par son prénom, Marcel, par sa future épouse.

o Claude Desailly se souvient : « J’avais un ami dont la femme ne m’aimait pas beaucoup. On lui demanda un jour, en mon absence : « Pourquoi n’aimez-vous pas Claude ? » Prise de court, elle répondit : « Parce qu’il a de gros mollets ! ». Je n’ai pas raté l’occasion d’utiliser l’anecdote dans cet épisode. Dans notre métier, on se ressert de tout ! » (Source : Génération Séries, été 95).

À la fin, la voix-off laisse la porte ouverte à une éventuelle septième saison. Ainsi, devant la photo des Brigades à ses débuts : ‘Cela, c’est le passé. Et l’avenir ? En un pareil jour, il ne convient pas encore de répondre à cette question…’ Et pourtant, Jean-Claude Bouillon a précisé qu’à la fin du tournage de la sixième saison, le trio était persuadé de se revoir car, contrairement aux saisons précédentes, les scénarii de la septième étaient déjà commandés et payés à Claude Desailly.

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Captures réalisées par Denis Chauvet.

Crédits photo : TF1 Vidéo.

 

 saison  saison

Les Brigades du Tigre (1974-1983)

SAISON 4 (1978)

 


19. LE VILLAGE MAUDIT

Résumé :

1913 Faivre envoie Terrasson dans un village où d’étranges évènements se produisent. Les habitants le désertent, pensant qu’une malédiction frappe la nature et les hommes. Les brigades du Tigre consultent une revue de géographie et envisagent une solution plus cartésienne.

Critique :

Des événements inexplicables surviennent dans un petit village d'Auvergne, et leur caractère surnaturel ne manque pas d'impressionner une population encore empreinte de croyances moyenâgeuses : les bêtes meurent, la végétation se dessèche, les cloches de l'église sonnent toutes seules. Maudru, un bougre simple d’esprit qui vit dans la montagne, est capturé par les villageois, qui veulent le brûler sur un bucher, car ils pensent qu’il est un sorcier et la cause de leur malheur. Sous l'identité d'un journaliste, l'inspecteur Terrasson, envoyé en mission par Faivre, découvre un village en proie à une véritable psychose. Parmi les villageois, seuls l'instituteur Thévenin, sa femme Blanche et Madame de Castro tentent de réagir contre ce climat de peur et de fantasmes collectifs.

Un des meilleurs épisodes de la série toutes saisons confondues, qu’on ne peut oublier à la rediffusion. Terrasson enquête seul la première demi-heure dans le village mystérieux, où il doit faire face aux habitants superstitieux et renfrognés, et à un ‘fantôme’ dans l’église. À l’arrivée de Valentin et de Pujol, il a disparu, enlevé. Un superbe épisode, avec son ambiance fantastique prenante, la présence du scénariste Claude Desailly en simple d'esprit, mais aussi la volonté de donner un rôle plus consistant à Terrasson, jusqu'alors éclipsé. De très belles scènes de bagarres et un scénario bien construit s'ajoutent à un suspense qui monte en puissance jusqu'à l’excellente séquence finale. Le jeu des acteurs est, comme toujours, pertinent (remarquable Claude Marcault), les lieux de tournage sont splendides  une véritable carte postale pour la région  et la musique particulièrement envoutante. Le seul reproche serait le mauvais casting de l’instituteur, bien trop âgé pour être le mari de Blanche. Les meilleurs passages sont la capture de Maudru (début), le petit truc de Terrasson pour piéger le fantôme de l’église, l’humour du policier avec le curé, la scène du cimetière bien filmée et le final. La meilleure séquence est néanmoins l’affrontement à la savate entre Valentin/Jean-Claude Bouillon et Daniel Vérité, l’homme de main. On n’avait plus vu de tels combats depuis le final de La Main noire avec Jean-Pierre Julémont.

Du mystère et de l’action tels que la série nous revient en mémoire, mais cela ne fut pas, malheureusement, toujours le cas (voir l’aventure suivante). C’est l’épisode Terrasson (avec Lacs et entrelacs), qui est décrit comme maniaque par Pujol. On note aussi le côté bon vivant du personnage (et vraisemblablement de l’acteur), déjà vu dans Don de Scotland Yard, lorsque Terrasson émiette son pain dans sa soupe comme un vrai paysan du cru, et qu’il souligne à ses collègues, toujours porté sur le bien-manger, qu'ils ne sont pas regardants sur la bouffe’. Heureusement d’ailleurs que Valentin ne se jette pas sur le poulet…

Cette aventure est un excellent hommage à Pierre Maguelon, dont la présence est centrale, mais également au scénariste Claude Desailly, convaincant en bougre reclus.

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 21 avril 1978 sur Antenne 2.

o Claude Marcault, Blanche Thévenin, a surtout joué au théâtre et à la télévision depuis ses débuts en 1965. Elle a participé à La princesse du rail, Les enquêtes du commissaire Maigret, Commissaire Moulin. Elle a arrêté sa carrière suite à une chimiothérapie en 1982.

o Claude Desailly (1922-2009), le scénariste de tous les épisodes de la série, tient le rôle conséquent de Maudru, un homme exclu de la société qui vit retiré dans la montagne. L’auteur est décédé le 26 avril 2009 à Gordes.

o Sébastien Floche, le curé, est Lampel dans L’homme à la casquette et Jérôme dans Le temps des garçonnes.

o Pierre Londiche, Norbert, est plus en vue en prince de Galles dans Visite incognito de la première saison.

o Emmanuèle Bondeville, la libraire, est une comédienne spécialisée dans le doublage. Elle est, entre autres, la voix française principale de Michelle Pfeiffer.

o Francis Rousseff, le laborantin des Brigades Mobiles, reviendra dans deux épisodes : Le temps des garçonnes et Made in USA, où il jouera une scène avec son idole de jeunesse, Eddie Constantine.

o Daniel Vérité, l’homme de main, fut conseillé à la production par Jean-Claude Bouillon, qui le connut sur le tournage d'Alexandre bis. La scène de combat devant la grotte, réalisée sans doublure, fut chorégraphiée par Daniel Vérité. Le cascadeur fut le coordinateur des combats également sur les deux dernières saisons.

o L’épisode fut tourné dans le village médiéval de Tournemire dans le Massif Central. La commune est membre de l'association des Plus beaux villages de France. Tournemire est célèbre pour son château (XVe siècle - XVIIe siècle), son église (XIIe siècle), pour une épine de la Couronne du Christ qui au Moyen Âge perlait une goutte de son Sang chaque vendredi saint, et son petit village médiéval, dont les maisons les plus anciennes possèdent des fondations romanes, des murs en pierres volcaniques et des toits en lauze. On reconnait de nombreux lieux dans l'épisode, lieux qui n'ont guère changé vu que le village est classé. On remarque notamment l'entrée du cimetière et le grand rocher qui le surplombe, une petite place de la commune où les habitants veulent brûler le fameux sorcier qui porterait malheur au village, ou encore le château d'Anjony où se déroule la bataille finale. (Source : wikipedia).

o Le château d’Anjony, où plusieurs scènes furent filmées, se trouve sur la commune de Tournemire. Construit par Louis d'Anjony, compagnon de Jeanne d'Arc ayant reçu du roi Charles VII mission de protéger les alentours, le donjon d'Anjony est toujours là, intact et fier, exemple très caractéristique des petites forteresses de montagne du XVème siècle. Son histoire fut tumultueuse aux XVème et XVIème siècles, car une véritable "vendetta" opposa la famille d'Anjony à celle des Tournemire, trop proches voisins et rivaux. Au XVIIIème, on ajouta à l'austère construction médiévale un corps de logis plus accueillant et plus conforme aux goûts de l'époque. Les riches intérieurs sont décorés de remarquables fresques du XVIème et le mobilier est de diverses époques de la vie du château. La demeure est toujours habitée par la même famille depuis l'origine.

o Quant aux scènes de l'église, elles sont censées se dérouler à l'église de Tournemire, mais c'est à celle de Girgols qu’elles ont été tournées, à quelques kilomètres de Tournemire.

o Valentin et Pujol n’apparaissent qu’après 27 minutes de film.

o C'est en recherchant tous les produits contenus dans la pechblende, un minerai découvert en Allemagne, que Marie Curie découvrit en 1898 le polonium puis le radium. En effet, Marie Curie, à l'époque jeune thésarde embauchée par Henri Becquerel pour étudier les rayons uraniques, travailla d’abord sur l’uranium puis sur la pechblende, dont le rayonnement bien plus intense venait d'être remarqué. Elle mit en place une méthode radiochimique afin de déterminer l’origine précise du rayonnement de la pechblende : diviser, puis purifier, puis précipiter. Cette méthode était censée permettre d'isoler la particule élémentaire seule responsable du rayonnement. En 1898, furent ainsi mesurées l’activité d’un atome de radium, puis celle du polonium. Pour ces travaux, Henri Becquerel et Pierre et Marie Curie obtinrent le prix Nobel de physique en 1903 (Source : wikipedia).

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20. LES DEMOISELLES DU VÉSINET

Résumé :

1913  Deux vieilles folles enlèvent quatre députés et les séquestrent dans la cave de leur maison minée. Elles veulent une loi promulguant le vote des femmes.

Critique :

Deux vieilles demoiselles excentriques enlèvent quatre députés de diverses tendances politiques dans des conditions mystérieuses. Aucune nouvelle n'est donnée et aucune rançon n'est réclamée. Rapidement, Valentin et ses hommes font le recoupement car ces vieilles dames ont été aperçues sur les lieux de chaque kidnapping. Quelques temps plus tard, les deux femmes, Gertrude et Rosemonde Petitpont, se rendent au bureau de Faivre et menacent de se faire sauter dans leur maison du Vésinet avec les députés. Nostalgiques des suffragettes anglaises, elles exigent pour leur libération une loi instituant le droit de vote aux femmes ; sinon, elles mettront leur menace à exécution. Le ministre de l'Intérieur prend cette affaire au sérieux et le commissaire Valentin est chargé de résoudre le problème.

Un épisode très léger voire cul-cul la praline, pire que l’équivalent de Chapeau melon et bottes de cuir, Homicide et vieilles dentelles. Une aventure loufoque, sans mystère ni suspense, avec beaucoup de baratin puéril. Le summum du ridicule est la scène où Gertrude joue le mot de passe, Au clair de la lune, à la flûte ! Personnellement, je ne conçois pas Les brigades du Tigre comme cela. Heureusement, cet épisode est coincé entre deux excellents qui, eux, ne dénaturent pas la série. Certes, il y a quelques bons moments comme les enlèvements d’Achille et d’Hubert, les répliques de Faivre : ‘C’est un monde tout de même : mes brigades tenues en échec par deux vieilles folles !’ et l’idée décisive de Terrasson.

Les amoureux de comédies y trouveront néanmoins leur compte mais, si l’aventure avec sa parodie politique de l’époque amuse à la première diffusion, elle sera zappée à une rediffusion, tant son traitement diffère de l’image de la série.

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 28 avril 1978 sur Antenne 2.

o Madeleine Barbulée (1910-2001), Gertrude, sera Emilie dans Les fantômes de Noël.

o Philippe Brigaud, le colonel de Villedieu, a tourné dans quatre autres épisodes de la série : Visite incognito, Collection 1909, Don de Scotland Yard et le dernier de la série, Lacs et entrelacs.

o Viviane Gosset (1908-1996), Mme Demellier, est Mme Soligny, la mère d’Henriette, dans L’homme à la casquette. Elle jouera également dans le dernier épisode, Lacs et entrelacs.

o Pierre Plessis, Achille Demellier, jouera dans Le réseau Brutus.

o Henri Poirier (1932-2005), Villaut-Delaroche, reviendra dans Le temps des garçonnes.

o Henri Villerouge, l’adjoint au maire, sera le patron de l’auberge dans Le réseau Brutus et Le complot, et Albin dans Les fantômes de Noël.

o Il n’y a pas de voix-off, comme à l’accoutumée, avant le générique du début.

o Le nom du chauffeur est… Schumacher, mais, à l’époque, on ne pouvait pas le savoir… Par contre, Gertrude évoque Schumacher à Faivre dans ces termes : ‘Un homme merveilleux, dévoué comme personne’. Un clin d’œil à l’acteur car l’homme à tout faire est interprété par Fred Personne !

o Gertrude évoque Emily Davison, une suffragette britannique née en 1872 et décédée en 1913. Elle s’est rendue célèbre par ses protestations en faveur du vote des femmes. Le 4 juin 1913, elle tenta d'arrêter le cheval du roi George V, qui participait à un Derby d'Epsom. Elle mourut de ses blessures quatre jours plus tard. Le 18 avril 2013, une plaque fut dévoilée à Epsom pour commémorer le centième anniversaire de sa mort. 

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21. BANDES ET CONTREBANDES

Résumé :

1912  Une confrérie secrète juge et exécute des repris de justice qui ont obtenu une peine trop clémente. Les destins d’une anarchiste et d’un notable vont se croiser.

Critique :

Au printemps 1912, plusieurs délinquants sont retrouvés assassinés, tués avec la même arme. Ils n'ont apparemment rien à voir entre eux, pourtant la délinquance et la répression sont un cercle vicieux, qui pose des problèmes à la justice. L’assassinat maquillé de l’anarchiste Louis Thellier implique les Brigades, mais la veuve a déjà des soupçons sur l'identité des meurtriers. Lorsque Clara Thellier apprend du commissaire Valentin que d’autres condamnés ont subi un sort similaire – un truand et un chevalier d’industrie –, elle se fait engager comme secrétaire sous une fausse identité par un bureau de bienfaisance pour nécessiteux afin d'enquêter sur le directeur, Xavier Hoeffler. Les Brigades la prennent en filature vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais la femme possède un coup d’avance sur la police. Clara Thellier prend des risques lors d’une réunion au sommet chez Hoeffler et, démasquée, elle précipite la fin d’une liaison impossible. 

Un excellent épisode, dramatique et passionnant d’un bout à l’autre, à l’instar des histoires impliquant des révolutionnaires. Louis Thellier est décrit comme l’un des derniers grands anarchistes dans la nature ; tels Lacombe, le dernier de la bande à Bonnot (Nez de chien), et Liébert, l’ultime théoricien (Bonnot & Cie). Les seconds rôles sont particulièrement convaincants et la tension palpable. Nita Klein, dans le rôle de Clara, la femme anarchiste, fournit une composition très émouvante et elle forme un duo impeccable avec Michel Herbault (Xavier Hoeffler). Ils éclipsent les Hommes du Tigre, surtout dans la seconde partie de l’épisode, lorsque leur contraire les fait s’attirer.

D’autres personnages, très bien joués, sont aussi à noter, comme Julien et le tueur. Le thème musical mélancolique, qui accompagne Clara Thellier et Xavier Hoeffler jusqu’à leur destin tragique, est superbe. Force est de constater que les Brigades Mobiles ne sortent pas victorieuses, n’ayant pu empêcher cette fin funeste et inégalée dans la série. Les meilleurs passages sont l’évasion de Louis Thellier et les retrouvailles avec sa femme dans la planque de la forêt (notez le soupçon d’érotisme, surtout pour l’époque), la crispante réunion dans la maison de Hoeffler, les scènes de tribunal, la capture de Clara, l’ultimatum et, bien entendu, le final, car l’absence de happy-end fait la force du récit, comme pour Le défi.

Le seul bémol est l’indice de l’agenda de Hoeffler : Trauer veut dire ‘deuil’ en allemand et le trio met beaucoup trop de temps à percuter, surtout que Deuil-sur-Seine n’existe pas, mais Bandes et contrebandes n’en demeure pas moins le meilleur épisode de la quatrième saison.

Anecdotes :

o Cet épisode fut diffusé le 5 mai 1978 sur Antenne 2.

o Nita Klein, Clara Thellier, fut révélée au cinéma par Muriel ou le temps d'un retour en 1963, et elle a surtout mené une carrière théâtrale et télévisuelle. En 2012, elle écrivit À l’écoute de Jean Klein, un hommage à son père, disparu en 1998, pour le centième anniversaire de sa naissance. Il était un des plus célèbres maîtres spirituels du XXe siècle. Nita Klein connaissait très bien Claude Desailly, le scénariste de la série, car ils vivaient dans le même village, Gordes.

o Yves Peneau, Delaroche, était le traître dans Le cas Valentin de la saison précédente. Il reviendra dans l’ultime saison, dans La fille de l’air.

o Alain Halle-Halle, Julien, est Charles Bary dans le premier épisode de la série, Ce siècle avait 7 ans... Il reviendra dans S.O.S. Tour Eiffel.

o Jean Saudray (1928-2002), un des tueurs, était un habitué des seconds rôles au cinéma.

o Elisabeth Kaza (1924-2004), Mme Vignoux, sera la gouvernante dans Le réseau Brutus.

o Bernard Lajarrige (1912-1999), Lerrimeux, est Masson dans Ce siècle avait 7 ans... Il est Joseph, le planton de la PJ, dans Les enquêtes du commissaire Maigret.  

o La voix-off, sans dessin, est placée après le générique.

o Clara Thellier annonce à son mari, Louis, qu’elle a presque terminé la traduction de Malatesta. Errico Malatesta (1853-1932) fut un propagandiste et un révolutionnaire anarchiste italien très actif tout au long de sa vie. Il se réclama plus particulièrement de la tendance de l'anarchisme communiste. Il occupe une place importante dans le mouvement anarchiste, du fait de sa capacité critique et pratique (Source : wikipedia).

o Lorsque Clara Thellier précise qu’elle a un baccalauréat de philosophie, Mme Vignoux, l’employée d’embauche, déclare : ‘Mais c’est très rare pour une femme’. Le baccalauréat était initialement destiné aux garçons de la bourgeoisie. La première femme à passer le baccalauréat est Julie-Victoire Daubié en 1861. Mais c’est à partir de 1924, lorsque les programmes secondaires pour garçons et filles deviennent identiques, que le baccalauréat s’ouvre largement aux filles (Source : wikipedia).

o La gouaille de Terrasson, après son enquête sur la fondation et Hoeffler : ‘La fondation, il n’y a pas mieux depuis l’armée du salut. Hoeffler, ce n’est pas un p’tit rigolo. C’est un Alsacien, une cerise à l’eau de vie pour lui, c’est déjà la débauche’.

o Valentin se saisit d’un livre dans l’appartement de Clara Thellier : Dieu et l’État, l'œuvre la plus connue du penseur anarchiste russe Mikhaïl Aleksandrovitch Bakounine (1814-1876).

o Le lieu du tribunal est vraisemblablement le même qui sert de rendez-vous dans De la poudre et des balles, en saison 2.

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22. CORDIALEMENT VÔTRE

Résumé :

1909  Malgré la surveillance des Brigades Mobiles, un ingénieur de l’Amirauté disparaît. Les services secrets allemands sont suspectés, mais les Anglais ont-ils joué franc-jeu ?

Critique :

La Première Guerre mondiale n'est pas loin et la course à l'armement fait rage ; les marines de tous les pays s’intéressent à une nouvelle forme de vaisseau de guerre que la technologie moderne rend possible : les sous-marins. La suprématie des mers est en jeu et la Kriegsmarine du Kaiser semble avoir pris quelques avances techniques. La France et l'Angleterre décident alors d'unir leurs efforts pour construire un submersible. William Husby, un chercheur anglais, rejoint dans sa propriété Maxime Laubeuf, un ingénieur maritime français, afin de partager leurs travaux. Husby reçoit des lettres de menaces, et les services secrets allemands semblent avoir l'intention de l’enlever. Les Brigades Mobiles sont chargées de sa protection. Cependant, malgré les précautions prises, l'ingénieur britannique est kidnappé. Cet incident pourrait bien ternir les relations entre les deux pays, et les brigades du Tigre ont quarante-huit heures pour retrouver le savant. Valentin s’aperçoit progressivement que les Anglais ont joué double jeu, dans le but de s’approprier le fruit des travaux de Laubeuf sans contrepartie.

Les épisodes se suivent et ne se ressemblent pas. Celui-ci est une grosse farce sur fond d’espionnage qui pourrait s’intituler Baratinement vôtre ! Voir Terrasson s’escrimer à monter une tente ou Pujol perché dans un arbre peut être cocasse, mais l’épisode est vite lassant, car il ne se passe pas grand-chose : beaucoup de stéréotypes (les Allemands et la bière), de dialogues et très peu d’action. La réplique de l’aventure est à mettre au crédit de Valentin : ‘Les Allemands sont réputés pour être de rudes adversaires.’ Il y a une belle brochette de personnages excentriques, tels Schutz et Hoss, mais les méchants ne sont pas ceux qu’on croit. Le dénouement avec les faux Allemands sympathiques est peut-être une volonté des coproducteurs bavarois. Il n’est pas non plus déplaisant que les Anglais, et pas les Allemands, soient derrière cette machination, en montant les Brigades contre des détectives privés… alsaciens ! Après Jeanne d’Arc et Napoléon, il était temps de montrer la Perfide Albion sous son vrai jour !

Les meilleures scènes sont la rencontre de Schutz avec Valentin et Pujol à l’auberge, l’enlèvement du détective et l’assaut rocambolesque des policiers alsaciens déguisés en Allemands pour libérer les prisonniers, sans oublier les somptueux extérieurs, voitures et costumes, comme à l’accoutumée.

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 12 mai 1978 sur Antenne 2.

o L’Entente cordiale est déjà évoquée dans l’épisode Visite incognito, en saison 1. Vernon Dobtcheff, qui a participé aux Avengers, joue dans les deux épisodes. Il est l’inspecteur Howard dans Visite incognito et Sir Francis Bertie, l’ambassadeur britannique en France, très roublard, dans celui-ci.

o Michel Muller, Schutz, a joué aussi dans Le temps des garçonnes.

o Maxime Laubeuf (1864-1939) est un pionnier de la construction navale et il est considéré comme un des pères des premiers sous-marins modernes — le Narval et l'Aigrette — à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Sous-ingénieur en 1887, ingénieur en 1891, il travailla à Brest à la mise au point de submersibles et conçut les premiers sous-marins modernes en 1904. Deux ans plus tard, il quitta la marine pour poursuivre la construction de sous-marins dans l'industrie privée. Ses innovations furent adoptées par toutes les marines du monde (Source : wikipedia).

o Contrairement aux premières saisons, il y a des sous-titres, lorsque des personnages parlent dans une langue autre que le français ; ainsi le major Fitzberry et sa fille Dorothy.

o Lorsque Schutz parle de la bière, meilleur breuvage avec ses titres de noblesse en Alsace, le détective déclare : ‘Hélas, quand retrouverai-je ma patrie ?’ Valentin lui répond : ‘C’est la question que se posent tous les Français.’ En 1909, l’Alsace-Lorraine (en allemand Elsaß-Lothringen) correspond au Reichsland Elsaß-Lothringen , territoire annexé par l'Empire allemand en application du traité de Francfort, signé le 10 mai 1871 après la défaite française. Si l'annexion ne concerne pas l'intégralité des territoires lorrain et alsacien, elle ampute la France des trois quarts du département de la Moselle, d'un quart de celui de la Meurthe, de quelques communes situées dans l'est du département des Vosges, de cinq sixièmes du département du Haut-Rhin et de l'intégralité du Bas-Rhin (divisions administratives de l'époque). Sur la place de la Concorde à Paris, la statue représentant la ville de Strasbourg fut fleurie et voilée d'un drap noir jusqu'à l'armistice de 1918 (Source : wikipedia).

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23. LES ENFANTS DE LA JOCONDE

Résumé :

1912  Un homme est assassiné devant le siège des Brigades avant qu’il n’ait pu contacter Valentin. L’enquête mène les Hommes du Tigre en province, sur la piste d’une organisation spécialisée dans le vol d’œuvres d’art.

Critique :

À deux pas du bureau des Brigades, un homme est renversé par une automobile et meurt sur le coup. Accident de la circulation ou meurtre ? La seconde hypothèse est rapidement retenue, car André Ferras rendait visite au commissaire Valentin, comme l’accrédite un morceau de papier retrouvé dans sa main crispée. Pujol se rend à Evreux, lieu de résidence du défunt, et il rencontre Arthur Ferras, photographe et frère de la victime, et surtout Viviane, prostituée et soi-disant amie d’André. Ils dressent un portrait surprenant du mort, et une reconnaissance à la morgue confirme à Valentin que les Brigades ont mis le doigt sur une grosse affaire. Pujol retourne à Evreux et remonte la filière en compagnie de Viviane : ils suivent le photographe et le chef du gang jusqu’à une chapelle, et l’inspecteur découvre qu’un habile travail de photographies permet à des faussaires de dérober des œuvres d’art et de les remplacer par des copies. 

L’inspecteur Pujol enquête pratiquement seul à Evreux, mais il est aidé par une prostituée, ce qui rend l’aventure pleine d’humour, en particulier lors des dialogues au café et le retour à Paris. On découvre des morgues à l’ancienne et le final avec l’abbé est croustillant. Pujol affronte physiquement deux truands de la bande des faussaires dans des combats de savate toujours aussi spectaculaires, même si le policier y laisse des plumes. Un bon divertissement qui allie histoire ‘sérieuse’ et humour corrosif dans de superbes dialogues.

Les meilleurs passages de cet épisode Pujol sont le début (le meurtre et la profusion de vieux tacots), la première rencontre Pujol/Viviane, la scène de la morgue, le combat dans le labo du photographe, et l’atmosphère de l’époque si bien reconstituée avec la présence des vieux métiers de rue. Néanmoins, la première visite de Pujol chez le photographe est un peu longuet, la fête au bar de La chouette aussi, et les passages Pujol/Viviane deviennent abusifs et redondants, sans compter que le plan de l’inspecteur ‘de se jeter dans la gueule du loup’ pour pénétrer l’organisation est peu crédible. De plus, l’enquête s’avère bâclée, car l’identité du propriétaire de l’automobile, qui a renversé la victime, est connue dès le début, sans que cela soit vérifié !

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 19 mai 1978 sur Antenne 2.

o Monique Tarbès (1934), Viviane, est une actrice et chanteuse, qui a travaillé aussi bien pour le cinéma que pour la télévision et le théâtre. Elle a joué dans Le magnifique avec Belmondo.

o Robert Party (1924-2011), Léo, jouera dans S.O.S. Tour Eiffel. Il est Louis d’Evreux (coïncidence ?) dans Les rois maudits et Fouché dans Les nouvelles aventures de Vidocq.

o Claude Legros (1932), l’abbé, est le paysan dans Bonnot & Cie et le cireur dans Don de Scotland Yard.

o Gérald Denizot, Arthur Ferras, est Bollich, l’indic abattu, dans Ce siècle avait 7 ans… Il jouera aussi dans Rita et le caïd.

o Pierre Koulak, Gaston, reviendra dans Rita et le caïd. Il a joué au cinéma dans Le pacha, Borsalino, Les aventures de Rabbi Jacob, Borsalino and Co. Il a écrit un livre sur Fernand Raynaud en 2013. 

o Robert Lombard (1921-2003), Tharamis, était le sénateur Martin-Touffier dans Collection 1909.

o Il n’y a pas de voix-off, comme à l’accoutumée, avant le générique du début.

o Les scènes de combats sont chorégraphiées par Claude Carliez.

o La mention ‘Evreux’ n’apparaît pas sur la carte d’identité de la victime, André Ferras. Il est simplement précisé qu’il est né à Villeurbanne.

o L’humour de Terrasson, lorsqu’il apprend que la voiture du chauffard appartient à un marchand de tableaux : ‘C’est pour ça qu’il l’a si bien encadré, le type !’.

o Terrasson n’est pas le seul à faire d’exquises réparties. Ainsi, Viviane au sujet de Dédé, censé être son souteneur : ‘Gentil, régulier, jamais une baffe, enfin pas souvent’, et Pujol à Maistre, qui croise Viviane : ‘C’est un souvenir de voyage pour Valentin. Il adore les spécialités locales !’.

o Faivre : ‘La photographie en couleurs existe déjà depuis une trentaine d’années.’ Charles Cros et Louis Ducos du Hauron présentent à l'académie des sciences le principe de la photographie en couleurs indirecte en trichromie soustractive en 1869, nécessitant l'exposition de trois images correspondant aux trois couleurs primaires. Le procédé sera utilisé à grande échelle par Prokudin-Gorskii entre 1900 et 1918. Une étape importante fut ensuite le premier procédé véritablement pratique de photographie en couleurs, l’« autochrome », inventé par les frèresLouis et Auguste Lumière en 1903 et commercialisé à partir de 1907 (Source : wikipedia).

o À la fin, le vol de la Joconde durant l’été 1911 est évoqué. Le 22 août 1911, le peintre Louis Béroud se rend au Louvre pour y faire un croquis de sa prochaine toile Mona Lisa au Louvre, mais à la place de La Joconde se trouve un grand vide. Le tableau a bel et bien été volé la veille. Le criminologue Alphonse Bertillon découvre une empreinte de pouce sur la vitre abandonnée ; il décide de relever les empreintes digitales des 257 personnes travaillant au Louvre. En vain. Le vol est revendiqué par plusieurs mythomanes. La Société des amis du Louvre offre une récompense de vingt-cinq mille francs. Le voleur était l'Italien Vincenzo Peruggia, un vitrier qui avait participé aux travaux de mise sous verre des tableaux les plus importants du musée. Il conserve le tableau pendant deux ans dans sa chambre à Paris. De retour en Italie, il propose de le revendre le 10 décembre 1913 à un antiquaire florentin, Alfredo Geri, qui prévient la police. Peruggia n'est condamné qu'à 18 mois de prison. Le 4 janvier 1914, après des expositions à Florence et à Rome, le tableau revient solennellement au Louvre, dans un wagon première classe spécialement affrété à cette occasion. Il est désormais placé sous une surveillance accrue (Source : wikipedia).

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24. L'ANGE BLANC

Résumé :

1908  La sixième édition du Tour de France est marquée par des assassinats de coureurs que revendique un mystérieux ‘ange blanc’ dans des lettres anonymes. La surveillance des Brigades Mobiles n’empêche pas que le directeur du journal Le Vélo soit retrouvé mort dans sa chambre d’hôtel.

Critique :

Dès la fin du XIXe siècle, la pratique de la petite reine prend un essor inégalé et, en 1903, le Tour de France voit le jour. Cela devient l’évènement sportif de l’année et la sixième édition se déroule en 1908 : une grande épreuve sportive, prônée par les uns, vilipendée par les autres. Souvent par le passé, les adversaires du sport ont semé des clous sur les routes du Tour mais, cette fois, des évènements bien plus dramatiques ont lieu. Après quelques étapes, deux coureurs sont assassinés en pleine compétition. Un anonyme revendique les crimes en envoyant des lettres signées « L'ange blanc » au journal Le Vélo. Un vif débat s'ouvre pour savoir si l'on poursuit la course, et les organisateurs du Tour font appel aux Brigades Mobiles pour assurer la sécurité des participants.

Cet épisode moyen met un terme à la série qui ne reviendra que quatre ans plus tard, avec des modifications. Il y a beaucoup de longueurs dans cette aventure où, malgré la fausse piste de Fulbert, on devine le coupable après seulement un quart d’heure de film (en tout cas pour moi, mais je ne dévoilerai rien). L’accumulation de crimes pour brouiller les pistes est un procédé très connu et rend le mobile, l’ambition, somme toute banal. L’adaptation et la reconstitution de l’épreuve n’ont pas dû être choses faciles vu le budget réduit octroyé à la série. Néanmoins, Victor Vicas recrée, comme toujours, l’atmosphère adéquate et la course cycliste est bien rendue. Cela justifierait d’ailleurs la rediffusion de cet épisode pour le centenaire du Tour, comme me le suggéra Jacques Bouanich, qui joue un coureur. D’excellents seconds rôles compensent la longueur de quelques scènes, tels la nuit d’attente à l’hôtel et un final quelconque. Malheureusement, Faivre, pour sa dernière apparition, est pratiquement absent de l’aventure.

Les meilleurs moments sont l’attaque sur Petit-Breton occupé à réparer sa bicyclette et l’arrivée inopinée de Valentin, et le mystère autour de la mort de Chaumette, le directeur du Vélo, mais si on a écouté attentivement les dialogues, on devine facilement ce qui s’est passé.

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 26 mai 1978 sur Antenne 2.

o François Dunoyer (1946), Armand Sabatier, est Arsène Lupin dans la série Le retour d’Arsène Lupin et Verdon dans Julie Lescaut.

o Jess Hahn (1921-1998), l’ancien boxeur Fulbert, est un acteur d’origine américaine, mais il a fait sa carrière en France. Dans les années 70, il avait un rôle marquant dans le feuilleton adapté de L’île mystérieuse.

o Jean Champion (1914-2001), Henri Chaumette, est Le Baron dans Les princes de la nuit.

o Jacques Giraud, Lucien Petit-Breton, est le gendarme dans Bonnot & Cie et le sergent de ville dans L’homme à la casquette. Il participera aussi à Rita et le caïd.

o Paul Hébert (1924), le rédacteur, a participé à L’homme à la casquette de la troisième saison.

o Marc Lamole, le commissaire de course, a joué dans de nombreux films de Belmondo : Flic ou voyou, Le professionnel, L’as des as, Joyeuses Pâques, Le solitaire.

o Jacques Chevalier, le brigadier, est l’infirmier dans Bonnot & Cie.

o La voix-off, sans dessin, est placée après le générique.

o Valentin s’adresse au moniteur en l’appelant par son véritable nom : ‘Bonjour Simonot’.

o Valentin fait allusion, à la fin de l’épisode, à ‘deux morts gratuites’. En fait, on en compte trois à part Henri Chaumette, le directeur du journal : les deux coureurs et Fulbert.

o Valentin évoque le Ku Klux Klan, lorsque Terrasson manipule la cagoule retrouvée (Terrasson : ‘Pour se mettre ça sur la tête, il faut être complètement fada.’).

o La morgue est le même décor que lors de l’épisode précédent, Les enfants de la Joconde.

o Le journal Le Vélo a réellement existé. Ce titre, qui était omnisports, fut publié de 1892 à 1904 et cessa sa parution suite à la montée en puissance de L'Auto, journal concurrent fondé en 1900. Un procès met alors aux prises Le Vélo et L'Auto-Vélo pour contrefaçon du titre, et Le Vélo gagne la partie, mais dès l'été 1903, le vent tourne, avec la mise en place par L'Auto du Tour de France, qui lui assure l'hégémonie sur le marché des quotidiens sportifs. En 1904, Le Vélo stoppe ses activités (Source : wikipedia).

o Lucien Georges Mazan, dit Lucien Petit Breton (1882-1917), est un cycliste français, mort pour la France. Un autre coureur s'appelant « Breton », il décide, afin d'éviter toute confusion, de se faire appeler « Petit Breton », pseudonyme qu'il transmettra à son fils. Vainqueur de la première édition de la classique Milan-San Remo en 1907, il gagne deux Tours de France en 1907 et 1908, enlevant deux étapes sur la Grande Boucle 1907, cinq en 1908. Lucien Petit-Breton est le premier cycliste à remporter deux fois le Tour de France. Il meurt à l'hospice de Troyes des suites d'un accident d’automobile sur le front en 1917, alors qu'il est soldat au 20e escadron du train. Sa dépouille repose au cimetière de Pénestin dans le Morbihan (Source : wikipedia).

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Captures réalisées par Denis Chauvet.

Crédits photo : TF1 Vidéo.

 saison  saison

Les Brigades du Tigre (1974-1983)

SAISON 5 (1982)

 


25. S.O.S. TOUR EIFFEL

Résumé :

1919 Des héros de la Grande Guerre ont beaucoup de mal à se réinsérer à la vie civile. Pour tromper le quotidien et l’oisiveté, certains n’hésitent pas à rechercher le danger et les émotions fortes dans des actions incroyables sur des lieux symboliques.

Critique :

Après quatre années d’un conflit impitoyable, la paix est enfin revenue. Une nouvelle ère commence, une nouvelle forme de délinquance aussi, plus difficile à contrôler, pour tous ceux à qui la guerre a ouvert les portes de l’aventure et de la violence et qui n’ont pas pu se réadapter à la vie civile. Les Brigades du Tigre sont chargées d'une enquête concernant de curieux délits perpétrés par cette nouvelle catégorie de délinquants : des anciens combattants, qui se prennent pour des chevaliers, adeptes de l’acte gratuit et absurde ! ‘Absurde, c’est le mot !’. Valentin et ses inspecteurs ne prennent pas trop au sérieux ces méfaits, jusqu’au jour où une banque est saccagée et son directeur, Ribaud-Duval, blessé. Peu après, le fils de celui-ci, Maxime, est enlevé et les ravisseurs exigent que ‘le vieux crocodile’ fasse abattre tous ses chevaux de course pour la libération. Pour preuve de leur détermination, ils font parvenir au père une oreille tranchée du kidnappé. C’est un carton d’allumettes sur le corps d’un boiteux, membre de la bande, qui mène la police à une boite de nuit, lieu de retrouvailles de la clique. Les dissensions père/fils et l’identité du complice attisent le doute. Pujol se rend à la boite, file Maxime après sa libération et confirme les soupçons du commissaire. Capturé, il apprend la dernière lubie de la bande : la destruction de la Tour Eiffel !

Le retour des Brigades débute par un épisode solide. Une ambiance lugubre sur des airs de charleston dépeint l’état psychologique des anciens combattants après cette guerre traumatisante, mais l’intrigue présente peu de suspense, même dans le dernier quart d’heure, et une incohérence : les retrouvailles de Pujol avec ses camarades font perdre une botte à l’épisode par son irréalisme ; une photo dans l’appartement de Maxime montrant une église désaffectée, reconnue immédiatement par Valentin ! Pourtant, malgré cette faiblesse de scénario, une des rares de la série, l’histoire est prenante et le dénouement tragique surprend par sa conclusion abrupte et radicale. À noter aussi une agréable scène de comédie avec Valentin et Terrasson qui lancent des fléchettes sur le portrait de leur nouveau chef ; une bouffée d’oxygène dans la noirceur ambiante !

L’interprétation est, comme lors de la première période, la force de la série, même des épisodes plus faibles. Ainsi, le regretté Bruno Devoldère, en jeune aventurier exalté, est superbe ; les autres acteurs, plus discrets, mais déjà vus dans la série, sont aussi convaincants. Les décors et les voitures se sont adaptés à l’époque, mais n’ont rien perdu de leur lustre. Les meilleurs passages sont l’attaque de la banque, Ribaud-Duval père assis sur une chaise, sursautant à chaque exécution d’un de ses chevaux, et Pujol obligé de jouer à la roulette russe dans la grande scène de l’épisode (il aura en définitive deux fois la chance avec lui en comptant le final). Néanmoins, sur le même thème, Les chevaliers de la mort de Chapeau melon et bottes de cuir est plus convaincant.  

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 1er janvier 1982 sur Antenne 2.

o Gabrielli, amateur de thé et gâteaux, est le nouveau commissaire divisionnaire et remplace Faivre: ‘Un p’tit gâteau, messieurs ?’

o Robert Party (1924-2011), Ribaud-Duval, avait un rôle plus important dans Les enfants de la Joconde, en saison 4.

o Marion Game (1942), qui interprète la barmaid dans trois courtes scènes, était Thérèse, l’ancienne petite amie de Valentin, dans Visite incognito, saison 1. Depuis 2009, elle est Huguette dans Scènes de ménages.

o Alain Halle-Halle, l’homme de main Mischka, est Charles Bary dans le premier épisode de la série, Ce siècle avait 7 ans... et Julien, l’ami de Clara Thellier, dans Bandes et contrebandes. 

o Le titre est dorénavant Les Nouvelles Brigades du Tigre.

o La voix-off est celle de Jacques Thébault, comme pour Les Incorruptibles, et remplace celle de Claude Dasset des quatre premières saisons.

o Au générique, l’ordre alphabétique est respecté, sauf pour le nouveau commissaire divisionnaire, Pinkas Braun ; ‘Et Pinkas Braun, dans le rôle de Gabrielli’.

o La salle de gym est toujours là, mais Claude Simonot a disparu.

o Il y a un portrait de Faivre au mur et le trio évoque le ‘bon temps’. Terrasson s’exclame : ‘Formidable, on dirait qu’il va parler’. Et Pujol d’ajouter : ‘Sûrement pour nous engueuler !’. Valentin croit savoir qu’il passe son temps à la pêche.

o On apprend que Valentin fut pilote de chasse pendant la guerre, lors de la discussion avec Maxime : ‘À nos ailes brisées’.

o L’aérodrome de la première scène de l’épisode est celui de Cerny-La Ferté-Alais dans l’Essonne. C’est ‘la gendarmerie de Ris-Orangis’ (même département) qui retrouve le corps du boiteux, tué d’une balle dans la tempe, dans une clairière. 

o Maxime Ribaud-Duval fut lieutenant dans l’escadrille des Cigognes et compagnon de Guynemer. Le groupe de combat n° 12 appelé aussi escadrille des Cigognes est une célèbre unité aéronautique de l'armée française, dont les appareils d'escadrilles étaient ornés d’une cigogne. Elle fut le berceau de grandes figures de l’aviation de chasse française. Georges Guynemer (1894-1917) est l'un des pilotes de guerre français les plus renommés de la Première Guerre mondiale. Capitaine dans l'aviation française, il remporta 54 victoires homologuées, plus une trentaine de victoires probables en combat aérien. Volant sur différents types de Morane-Saulnier, de Nieuport, de SPADVII, SPAD XII canon, et sur SPAD XIII sur lequel il fut abattu (S504), il connut succès et défaites (il fut abattu sept fois), affecté durant toute sa carrière à l'escadrille N.3, dite « escadrille des Cigognes », l'unité de chasse la plus victorieuse des ailes françaises en 1914-1918. Ses avions étaient habituellement peints en jaune et baptisés « Vieux Charles ». Le 11 septembre 1917, Guynemer ne rentre pas d'une mission de combat (Source : wikipedia).

o Maxime Ribaud-Duval lit Les caves du Vatican, un roman d’André Gide paru en 1914. Un des personnages, le jeune Lafcadio, a quelques points communs avec Maxime Ribaud-Duval. Prisonnier de sa mystique de l'acte gratuit, avec la même indifférence, il sauve un jour la vie de deux jeunes enfants et, un autre, tue le pauvre Amédée Fleurissoire, sans mobile réel (Source : wikipedia).

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26. LE TEMPS DES GARÇONNES

Résumé :

1926  Un groupe de ‘garçonnes’, jeunes et jolies femmes émancipées, escroque les hommes fortunés. Tout se complique lorsque des papiers confidentiels sont dérobés. Valentin se fait passer pour un riche planteur colonial, collectionneur de bijoux.

Critique :

L’après-guerre a profondément modifié les mœurs de la société et en particulier le comportement féminin. La jolie Marthe est une ‘garçonne’ : elle est émancipée et passe son temps à berner les hommes aisés pour asseoir son indépendance, mais aussi pour se distraire. Avec trois amies, elle a mis au point un stratagème simple et efficace lui permettant de s'assurer rapidement des revenus confortables et un appartement cossu avec vue sur la Tour Eiffel : pendant que l'une d'elles séduit un homme riche et le sort en ville pour danser le charleston et échapper à la ‘dinette’, une autre en profite pour cambrioler la demeure du ‘pigeon’. Tout se complique lorsqu’un soir, une des voleuses s'empare de documents compromettants dans le coffre d'un diplomate polonais. Suivie par deux individus, Marthe est enlevée et séquestrée.

Cette comédie légère, truffée de bons mots et d’humour, met en valeur la superbe Catherine Alric, actrice très en vue à l’époque. En fait, l’épisode est taillé sur mesure pour la comédienne, qui éclipse complètement tout le reste de la distribution. D’ailleurs, Valentin n’apparaît qu’après une vingtaine de minutes et deux vols savamment exécutés ! L’aventure fait penser à Arsène Lupin et n’a pas grand-chose à voir avec les épisodes sombres de la première période. Valentin cabotine et se prend d’amitié, sinon plus, pour la belle croqueuse de diamants. Il va jusqu’à trouver des excuses aux agissements de la ravissante équipe. Malheureusement, Terrasson est absent (à part une scène d’intérieur sûrement tournée au préalable), ce qui est regrettable dans une aventure où ses railleries auraient fait merveille ; il est remplacé par plusieurs policiers dont un duo particulièrement corniaud.

Les quelques scènes mémorables sont le choix des pendentifs à la bijouterie Place Vendôme, cocasse lorsque le commissaire montre sa carte de police – on le devine  au bijoutier en guise d’adresse de livraison, le jeu du chat et de la souris Marthe/Valentin (‘jaloux au point de me suivre comme un vulgaire policier’), et la rencontre du quatuor en petite tenue pour une séance d’essayage, mais c’est surtout la joyeuse ambiance communicative que l’on retient, car le tournage s’est passé dans la gaité aux dires des acteurs que j’ai contactés. Une exquise comédie pas du tout représentative de la série. Pourtant, le divertissement, sans prétention, est à voir, surtout pour Catherine Alric, malicieuse, charmante et drôle : ‘Merci pour tout, commissaire Valentin’.

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 8 janvier 1982 sur Antenne 2.

o Un des trois épisodes co-écrit par Claude Desailly et Loup Durand. Ce dernier se retira judicieusement pour la suite de la saison.

o Catherine Alric (1954), Marthe Villeret, a souvent été comparée à Catherine Deneuve pour son physique, mais sa carrière fut loin d’être aussi remarquée. Après de nombreux films dans les années 70 et 80 (films de de Broca entre autres), elle a peu à peu, malheureusement, sombré dans l’oubli. Elle débuta en 1975 dans L’incorrigible avec Belmondo. Elle est apparue dernièrement dans Sous le soleil et Camping paradis.

o Friedrich von Thun (1942), Joseph, le diplomate polonais, est un acteur autrichien qui a joué, entre autres, dans Le renard, Derrick, et Tatort.

o Henri Poirier (1932-2005), Bourtillot, est Villaut-Delaroche dans Les demoiselles du Vésinet.

o Carina Barone, Virginie, a joué dans trois épisodes de la série allemande Tatort.

o Sébastien Floche, Jérôme, est Lampel dans L’homme à la casquette et le curé dans Le village maudit.

o Wladimir Ivanovsky, le ravisseur, reviendra dans La grande duchesse Tatiana, épisode pour lequel il a composé une chanson.

o Michel Muller, le second inspecteur, est le détective Schutz dans Cordialement vôtre.

o Francis Rousseff, le vendeur de la bijouterie, est le laborantin des Brigades Mobiles dans Le village maudit, et il sera aussi un bijoutier dans Made in USA, où il joue une scène avec son idole de jeunesse, Eddie Constantine.

o La Garçonne est un roman publié en 1922 par Victor Margueritte : Monique, une jeune femme, apprenant que son fiancé la trompe, décide de mener à son tour une vie libre, avec des partenaires multiples, aussi bien masculins que féminins. Le roman fut considéré à l'époque comme choquant, à un point tel que Victor Margueritte se vit retirer sa Légion d'honneur à la suite du scandale causé (Source : wikipedia).

o Gabrielli fait référence à Ubu Roi ou les Polonais, une farce en cinq actes en prose d’Alfred Jarry (1873-1907) écrite en 1896. Le personnage d'Ubu concluant la pièce par la citation : "S'il n'y avait pas de Pologne, il n'y aurait pas de Polonais".

o Gabrielli évoque des papiers pour un complot contre le maréchal Pilsudski. De l'indépendance de la Pologne en novembre 1918 à 1922, Pilsudski fut le chef de l'État polonais. En 1923, face à l'opposition de plus en plus forte des nationaux-démocrates dans le gouvernement, il se retira de la politique. Trois ans plus tard, un coup d'État lui permit de revenir au pouvoir et il devint de facto le dirigeant de la Pologne. Pilsudski avait espéré un putsch sans violences mais le gouvernement refusa de se rendre ; 215 soldats et 164 civils furent tués et plus de 900 autres furent blessés (Source : wikipedia).

À noter que Valentin porte souvent sous sa veste le pullover aux tons gris déjà vu tout du long de l’épisode précédent. Cela est dû à ce que plusieurs épisodes étaient tournés simultanément.

o Pujol commence la filature de Marthe sans casquette, mais il en porte une au plan suivant lorsque la voiture plus puissante de la jeune femme sème ses poursuivants.

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27. LE VAMPIRE DES KARPATES

Résumé :

1928  Le cinéma parlant remplace le muet ; un comédien, forcé au chômage, se suicide et, peu après, ses relations sont assassinées par un individu déguisé en vampire, son rôle de prédilection.

Critique :

En 1928, le cinéma, déjà reconnu comme septième art, aborde une mutation décisive avec le parlant. Chaque jour, le cinéma parlant conquiert du terrain et annonce la fin d’une époque, ce que certains acteurs ne tolèrent pas. En effet, cette révolution entraîne une crise grave pour beaucoup de vedettes du muet qui, incapables de s'adapter au changement, se retrouvent brutalement au chômage, tel Lucien Désormes. Ce dernier a incarné pendant douze ans le personnage du Vampire des Karpates et il préfère le suicide à l'oubli. Pourtant, peu de temps après sa mort, l’entourage du comédien est décimé par un mystérieux criminel, qui accomplit ses méfaits déguisé en vampire.

La série s’aventure dans le fantastique mais l’épisode ne démérite pas, malgré la surprise initiale (je l’ai d’ailleurs réévalué). Le masque en caoutchouc très kitsch, le M sanglant sur le front style M le maudit et les morsures dans le cou sont un peu difficiles à avaler, pourtant l’intrigue finit par séduire. Certes, l’omniprésence de l’énigmatique journaliste Raimbaud est pesante et l’épisode est long à démarrer (le tournage, la loge, le suicide, l’enterrement), mais le mystère s’épaissit au fur et à mesure, et le suspense va crescendo avec l’accumulation de meurtres rituels : le veilleur de nuit, le médecin, l’actrice ‘à la cuisse légère’, le jeune amoureux. Le vampire disparait tel un fantôme à chaque crime et défie le rationnel. Est-ce la doublure de Désormes, qui agirait pour se venger, comme semble le croire le journaliste ?

Une visite de Valentin au cimetière apporte la solution, toute cartésienne… Le plus intéressant reste le franc-parler et la drôlerie de Terrasson (superbe entrevue avec Mariette) et quelques scènes telles que l’entame (au premier visionnage), la reconstitution du meurtre avec la cape et, bien entendu, le combat final impressionnant de vampires opposant le criminel et Valentin. Néanmoins, plusieurs questions restent sans réponse : qui est le jeune assassiné pour le tueur ? Quel est le mobile de la mascarade ? Un épisode original, mais en aucun cas un classique de la série, qui doit à Claude Desailly cette capacité incroyable à varier les genres. 

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 15 janvier 1982 sur Antenne 2.

o Arthur Brauss (1936), Lucien Désormes, est un acteur allemand, qui a joué dans des productions allemandes (Derrick, Tatort, Siska, Le renard), mais également françaises (Navarro) et internationales (L’homme de Vienne).

o Jacqueline Fontaine, Mariette, est la couturière dans Collection 1909 et elle participera au dernier épisode de la série, Lacs et entrelacs.

o Bernard Spiegel, le réalisateur, jouera dans Les princes de la nuit.

o Jean-Guillaume Le Dantec, l’opérateur, jouera dans Rita et le caïd.

o Gérard Couderc, le gardien de nuit, sera le paysan dans Rita et le caïd.

o Cet épisode est un des trois de la cinquième saison à avoir été filmé à La Rochelle. Les scènes ont été tournées dans le centre ville, reconnaissable par ses arcades : lorsque Mariette se rend chez Désormes, à l’assassinat du médecin et lorsque des jeunes ont mis des masques pour faire peur à une passante. Le bureau du journaliste Raimbaud est situé dans les locaux du Muséum d'Histoire Naturelle de La Rochelle au jardin des plantes.

o Le chanteur de jazz (The Jazz Singer) est un film musical américain d'Alan Crosland sorti en 1927. Il est communément considéré comme le premier film parlant, plusieurs scènes chantées et quelques dialogues étant insérés au milieu des scènes muettes, qui restent cependant les plus nombreuses (Source : wikipedia).

o Gabrielli compare le vampire à Jack l’Éventreur, qui sévit à Londres à la fin du XIXe siècle.

o Le Journal est vendu à la place du Gaulois des épisodes de la première période. Le Journal était un quotidien français qui parut entre 1892 et 1944. Il est lancé le 18 septembre 1892 par le journaliste Fernand Xau (1852-1899), ancien imprésario de Buffalo Bill lors de la tournée française du Buffalo Bill's Wild West Show. Son projet est de créer un « journal littéraire d’un sou » destiné aux petits commerçants, aux instituteurs, aux ouvriers et aux employés (Source : wikipedia).

o Valentin porte encore le fameux pull gris vu dans les deux épisodes précédents !

o On reconnait (enfin) un air musical de la première période lors des deux visites de Valentin chez Martemore.

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28. MADE IN U.S.A.

Résumé :

1929  Capone envoie un de ses lieutenants en France pour contrôler l’importation d’alcool français. Les Brigades Mobiles le surveillent dès son arrivée à La Rochelle, puis l’arrêtent ; pourtant, les crimes perdurent.

Critique :

Depuis dix ans, le règne de la prohibition aux États-Unis rend particulièrement lucratif le commerce de l'alcool clandestin. À la tête déjà d’un empire, Al Capone s'intéresse à la production française de spiritueux fins, et le chef de la mafia de Chicago envoie en France Johnny Cosmano, l'un de ses lieutenants. Prévenues par Eliot Ness en personne, les Brigades Mobiles prennent cette affaire très au sérieux mais, après quelques jours d'étroite surveillance, les soupçons de Valentin et de ses inspecteurs se dissipent, car Cosmano ne fait aucune rencontre suspecte et semble n'être venu que pour se distraire. Le gangster est pourtant sur le territoire français afin d'organiser sur place un réseau de commerce frauduleux de champagne et de cognac onéreux à destination des États-Unis. D’ailleurs, beaucoup de productions indépendantes sautent les unes après les autres dans le pays, et l’importation clandestine d’alcool français a triplé vers les USA.

Cet épisode est un hommage appuyé à la série culte américaine, renforcé par la voix de Jacques Thébault, également narrateur des Incorruptibles. Beaucoup moins rythmée que la référence, cette aventure est de facture moyenne. Cosmano mène une vie de fêtard et on suit les événements par les rapports de Valentin à Gabrielli et les filatures de Pujol. Un peu monotone, mais le récit s’anime quelque peu avec le piège de la fausse monnaie à la bijouterie, qui permet d’incarcérer Cosmano. 

J’ai revu cet épisode et, fait rarissime, je constate que mon appréciation était surévaluée, aussi bien pour l’intrigue que pour l’interprétation. La supercherie de la mèche naturelle ou décolorée est… tirée par les cheveux (je ne la révèle pas, jugez par vous-même) et s’apparente plus à du vaudeville qu’à une série policière. L’interprétation d’Eddie Constantine, qui n’était plus au zénith de sa gloire, est quelconque et la jeune Isabelle Mergault  les seins brièvement nus dans une scène – donne un peu de punch à l’ensemble. Les meilleurs passages sont le règlement de comptes sur le pont (première scène), le mitraillage de l’entrepôt (avec la même voiture et le signe de croix), Terrasson en journaliste et Pujol en plombier, et la fusillade finale, qui est néanmoins moins réussie que celles des Untouchables. Les quelques séquences d’action s’associent parfaitement aux pointes d’humour (Pujol et la standardiste), ce que la série US n’avait jamais pu ou su intégrer.

Un cross-over avec Jean-Claude Bouillon et Robert Stack aurait été magnifique ! Surtout que les deux acteurs pouvaient parler aussi bien en anglais qu’en français.

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 22 janvier 1982 sur Antenne 2.

o Eddie Constantine (1917-1993), Johnny Cosmano, est connu au cinéma particulièrement pour son rôle d’agent secret Lemmy Caution dans douze films. Il avait obtenu la nationalité française.

o René Morard, la taupe, est Melé-cass, le cafetier, dans Le cas Valentin. Il a joué dans deux autres épisodes des deux dernières saisons : Le complot, Les princes de la nuit.

o Alain Flick (1949), l’avocat, sera le garde-barrière dans Lacs et entrelacs.

o Francis Rousseff, le vendeur de la bijouterie, est le laborantin des Brigades Mobiles dans Le village maudit, et il est aussi un bijoutier dans Le temps des garçonnes. Ici, il joue une scène avec son idole de jeunesse, Eddie Constantine. 

o Yves Gabrielli et Erick Desmarestz, les inspecteurs des USA, reviendront respectivement dans Rita et le caïd et Le réseau Brutus.

o Quelques passages en anglais lorsque Valentin s’entretient au téléphone avec un certain Eliot Ness : ‘I would like to speak with Mr Eliot Ness’.

o Le système de transmissions de photographies est mis en avant, lorsque la police américaine fait parvenir aux Brigades la photographie de Johnny Cosmano.

o La TSF est aussi à l’honneur (Gabrielli : ‘Belle invention que la TSF, n’est-ce pas ?’). Pujol y entend que les remboursements de dettes de guerre de l’Allemagne dureront 59 ans, ce qui mène à… 1988 ! Également présents, les micros (bien volumineux pour dissimuler dans la chambre d’hôtel) et l’enregistrement des conversations téléphoniques sur des bandes de… quatre minutes.

o C’est le môle d'escale du port de La Pallice de La Rochelle qui a été utilisé pour le débarquement d'Eddie Constantine. (Source : site, Le magazine des séries).

o Le Royal Picardy était un grand hôtel de luxe au Touquet-Paris-Plage qui fut construit en 1929 sur les plans des architectes Louis Debrouwer et Pierre Drobecq, et qui fut détruit à la fin des années 1960. Avec ses 500 chambres, 120 salons et boudoirs, ce fut en son temps le plus grand et le plus luxueux hôtel du monde (Source : wikipedia).

o Le combat Thil/Jacovacci eut effectivement lieu le 27 mars 1929. À cette occasion, le français Marcel Thil déposséda le boxeur italien de la ceinture européenne. Le combat permet indirectement aux Brigades de localiser la planque de Cosmano.

o Dans les scènes de bureau avec Gabrielli, Valentin porte son éternel pullover gris – quatrième épisode d’affilée – ce qui souligne le découpage du tournage de la série.

o Dolly (Isabelle Mergault) déclare à Pujol : ‘Mon ami en rentrant va vous faire une grosse tête’. Assez drôle quand on sait que l’actrice est devenue sociétaire des Grosses Têtes de Bouvard !

o La courte scène qui se passe à Carpentras a dû être tournée en même temps que Le réseau Brutus.

o Terrasson/Pierre Maguelon est absent de quelques scènes, mais plus présent que lors de l’épisode précédent.

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29. LE RÉSEAU BRUTUS

Résumé :

1925 Un éminent professeur et sa fille se réfugient en France pour échapper à la répression du Duce et rejoindre le réseau Brutus, constitué d’opposants au régime fasciste.

Critique :

Cela fait plus de deux ans que Benito Mussolini a pris le pouvoir en Italie à la suite de sa marche sur Rome. Une vague de répressions déclenchée par les ‘chemises noires’ déchire les rangs de l’opposition. Beaucoup d’opposants quittent clandestinement la péninsule mais ils sont traqués par les services secrets du Duce dans toute l’Europe. Le professeur Francesco Montovani, une importante personnalité socialiste, parvient à s'échapper vers la France avec sa fille Lisa. Mais, à peine la frontière franchie, le professeur est enlevé par un commando fasciste, juste avant l’arrivée des Brigades chargées de sa protection. Dans sa fuite, Montovani a emporté avec lui d'importants documents destinés à une organisation de lutte clandestine baptisée le réseau Brutus, et Valentin compte sur Lisa pour récupérer ces papiers vitaux. Mais elle fausse compagnie à la surveillance policière et les Brigades se lancent à sa recherche, ainsi que les membres du réseau, pour la retrouver avant les services secrets fascistes. L’enquête du commissaire et de ses inspecteurs piétine, alors que les Italiens clandestins interceptent et cachent la jeune femme. Les partisans de l’organisation meurent les uns après les autres et un numéro d’immatriculation relevé par un agent de la circulation remet les Hommes du Tigre sur la piste…

Une bonne intrigue gâchée par un rythme lent et des bavardages superflus, telle Lisa racontant sa vie à Valentin au bord du lac. Les longues séquences dans le bureau de Gabrielli, envahissant et bien pâlot à côté de Faivre, cassent également le déroulement du récit. Les nombreux passages en italien (non sous-titrés) sont ennuyeux et la musique, si caractéristique lors des quatre premières saisons, est devenue quelconque la plupart du temps. Même la scène d’action de l’enlèvement du professeur, mal jouée, n’est pas à suspense (et la musique complètement inadaptée). Pour les bons points, notons un Valentin bien guilleret sous la douche, les extérieurs magnifiques, l’énigmatique Lisa et la tentative de kidnapping de la jeune femme près de la rivière, mais ce qui sauve surtout l’épisode de la monotonie est la prestation exceptionnelle de la ravissante Marie-Catherine Conti et le fabuleux coup de théâtre final. Néanmoins, cela ne compense pas toutes les critiques d’un bon scénario initial truffé de longueurs.

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 29 janvier 1982 sur Antenne 2.

o Marie-Catherine Conti, Lisa Montovani, a joué dans les séries Les cinq dernières minutes, Julie Lescaut, Les Cordier, juge et flic, Nestor Burma, Commissaire Moulin. Elle a retrouvé Jean-Paul Tribout au théâtre.

o Elisabeth Kaza (1924-2004), la gouvernante, est Mme Vignoux dans Bandes et contrebandes.

o Pierre Plessis, le professeur Montovani, est Achille Demellier dans Les demoiselles du Vésinet.

o Sylvain Lévignac (1929-1994), le paysan chez qui demeure Lisa, est le père de Catherine Barré dans Le défi et le fermier rançonné dans Bonnot & Cie. Il était un acteur et un cascadeur français. Il a tourné aussi dans Les fantômes de Noël de la dernière saison.

o Henri Villerouge, le patron de l’auberge, était l’adjoint au maire dans Les demoiselles du Vésinet. Il sera de nouveau le patron de l’auberge dans l’épisode suivant, Le complot, et Albin dans Les fantômes de Noël.

o Erick Desmarestz, un inspecteur, a participé à l’épisode Made in U.S.A.

o Un des trois épisodes co-écrit par Claude Desailly et Loup Durand. Les autres sont Le temps des garçonnes et Le complot. 

o L’épisode fut tourné dans le centre-ville de La Rochelle. Le restaurant, tenu par un Italien, Chez Giuseppe, s’y trouve, et Pujol le surveille depuis les arcades. Lisa Montovani est poursuivie le long d'une petite rivière et elle est récupérée par les antifascistes dont la voiture est sur un pont. La scène fut tournée dans le parc Charruyer à La Rochelle. (Source : site, Le magazine des séries).

o Les scènes hors milieu urbain (enlèvement, ferme) furent tournées dans le Vaucluse, près de Carpentras.

o Il est précisé dans l’épisode que le professeur Francesco Montovani est le successeur de Giacomo Matteotti (1885-1924). Celui-ci était un député socialiste italien. Son assassinat par un groupe fasciste et les événements qui suivirent sont considérés comme l'un des tournants majeurs du régime mussolinien vers une forme plus autoritaire de gouvernement (Source : wikipedia).

o Valentin porte encore le pull gris : va-t-il faire toute la saison ?

o Où est Terrasson, absent également de l’aventure des Garçonnes ? Il n’est pas dans les voitures des Brigades qui arrivent juste après l’enlèvement de Montovani, ni présent lors de la fusillade finale.

o On retrouve un thème musical familier à deux brèves reprises : quand la gouvernante de Rossi se fait agresser dans la maison, puis lorsque le ‘passant’ s’est fait renverser.

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30. LE COMPLOT

Résumé :

1926 Des spéculateurs peu scrupuleux décident de discréditer Raymond Poincaré, le président du conseil à l’origine de la remontée du Franc. Un groupe fasciste profite de l’occasion pour planifier un coup d’état et l’assassinat de Poincaré. 

Critique :

Au début de l’été 1926, la France se trouve au bord de la faillite. Le Franc est au plus bas face aux devises étrangères : écrasé par la livre anglaise, il perd chaque jour de sa valeur. Raymond Poincaré, nouveau président du conseil, provoque un miracle imprévisible et redresse la situation en rétablissant la confiance. Les gros spéculateurs, qui avaient misé sur l’effondrement continu du Franc, ne voient pas ce changement d’un bon œil, car ils risquent la ruine. L’accident fatal de Vergnol à la frontière suisse, alors qu’il passait des livres anglaises dans le pays helvétique, met les feux des projecteurs sur le banquier Metzinger et tous les spéculateurs du même acabit. Ces derniers ont joué contre la France et sont menacés dorénavant de grosses pertes. Poincaré est persuadé qu’ils ne reculeront devant rien et il demande à Gabrielli une enquête prioritaire et confidentielle des Brigades. Il ne se trompe pas, car les financiers ont décidé de ternir l’image du président afin de démonter la confiance que le pays a en lui. Ils chargent Durbeck et ses relations ultranationalistes de fomenter un plan, mais son ami Marc, chef des jeunesses patriotes, y voit l’occasion d’organiser un coup d’État. Metzinger, qui a fourni les fonds, est dépassé par les évènements et embrigadé dans une spirale qu’il n’avait pas prévue. Un tireur d’élite, bolchévique hongrois, est engagé pour assassiner Poincaré afin de faire porter le chapeau aux Rouges et de renverser le régime républicain. Quant aux Brigades, un ruban entourant les billets payés à Terrasson, infiltré dans une bande de mercenaires, les met sur la piste de Metzinger, mais dans cet excellent épisode, elles subissent plus qu’elles agissent.

Cet épisode sauve une saison moyenne car, sans retrouver certains aspects des premiers opus, il est indéniablement le meilleur des six. L’intrigue présente une histoire passionnante, qui mélange adroitement politique, finance et enquête policière. Les personnages, tous intéressants, sont très bien interprétés : le président intègre, le financier véreux, les homosexuels fascistes et le mercenaire taciturne. Certains ont des têtes connues, les acteurs ayant participé à d’autres épisodes. Georges Ser n’a malheureusement qu’un petit rôle en passeur foudroyé par une crise cardiaque (première scène), et il faut saluer la performance de Raoul Curet qui, après avoir été Clemenceau, joue Poincaré à la perfection. Lionel Vitrant, assistant aux cascades, endosse pour l’occasion le costume du tueur avec conviction. J’ai eu le privilège de m’entretenir avec ces trois acteurs sympathiques en 2013. L’interprétation est grandiose, particulièrement pour le duo homosexuel Marc/Durbeck, joué prodigieusement, qui crève l’écran par ses dialogues ciselés ; le repaire cossu continuellement dans la pénombre ajoute une atmosphère qui s’associe parfaitement au dessein funeste. L’opposition d’opinions est frappante, avec la photo de Lénine et le drapeau soviétique dans le local communiste, tandis que le membre des jeunesses patriotes écoute la Chevauchée des Walkyries sous un immense portrait de Mussolini, tout en sirotant du thé.

Il n’y a pas d’action, à part le combat sauvage aux Buttes-Chaumont et le final à l’inauguration du monument aux morts, mais l’atmosphère noire et glauque est particulièrement prenante, et soulignée par une musique inédite et de circonstance. Terrasson, en mercenaire baroudeur infiltré, est cocasse et se retrouve au centre de l’aventure, même si son action ne sert à rien en définitive. Les meilleures séquences sont le passage de Vergnol à la frontière, l’attaque de la permanence du parti communiste, l’entrainement de Terrasson en légionnaire, l’entrevue orageuse de Metzinger avec le duo dans l’appartement, la filature, l’entretuerie aux Buttes-Chaumont – scène forte de l’épisode – et le final, conventionnel, mais efficace. 

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 5 février 1982 sur Antenne 2.

o Un des trois épisodes co-écrit par Claude Desailly et Loup Durand. Les autres sont Le temps des garçonnes et Le réseau Brutus. 

o Patrice Alexsandre (1948-1998), Marc, a été victime d’un chauffard, qui a grillé un feu rouge, en 1998. Il avait 50 ans.

o Ivan Desny (1922-2002) est Metzinger, le banquier véreux. Il était Aimé Bonelli, directeur d’un cabaret, dans De la poudre et des balles, saison 2. Il a joué dans douze épisodes de la série allemande Tatort.

o Jacques Maury (1937-1985), le conspirateur Durbeck, a joué dans Le lion et la licorne des New Avengers. Il décéda d’une hémorragie cérébrale sur le tournage de Pirates aux Seychelles.

o Max Amyl (1921-1982), Flamant, est le docteur Carpentin dans Le défi et le général Lyautey dans Le crime du sultan.

o Raoul Curet (1920-2016), Raymond Poincaré, était Georges Clemenceau dans Collection 1909, saison 2.

o Georges Ser, Vergnol, est Guénaud, le secrétaire du sultan, dans Le crime du sultan.

o Lionel Vitrant (1937), Molnar, le tueur bolchévique, est un des assistants de Daniel Vérité sur les cascades de la cinquième saison. Il a joué dans un grand nombre de comédies en tant que second rôle (Borsalino & Co ...), et a été cascadeur dans de nombreux films, comme On a retrouvé la septième compagnie, La grande vadrouille, Divine enfant de Jean-Pierre Mocky.

o Bernard Cazassus, le gardien-cuisinier, aura un autre petit rôle dans Rita et le caïd.

o Bertrand Tribout, le douanier français du début de l’épisode, a-t-il un lien de parenté avec Jean-Paul Tribout ?

o Gabrielli reproche à Valentin de ne pas avoir le sens de l’anticipation, après avoir laissé partir Mme Vergnol, un personnage secondaire présent dans deux scènes – la première avec Valentin et la seconde avec Metzinger.

o Le Petit Parisien est un ancien journal français qui a existé de 1876 à 1944 et fut l'un des principaux journaux sous la Troisième République. Le Petit Parisien à ses débuts est plutôt de tendance anticléricale et radicale (gauche). Il devient assez rapidement populaire. En 1884, Jean Dupuy en devient le propriétaire. Dès lors, pendant plusieurs décennies, la famille Dupuy jouera à travers Le Petit Parisien un rôle politique important en France. Le journal, sous son impulsion et avec un positionnement politique plus modéré, atteindra une très grande diffusion avec un million d'exemplaires vendus à travers la France dès 1900, puis plus de deux millions à la fin de la Première Guerre mondiale, alors le tirage le plus élevé au monde (Source : wikipedia).

o La résidence de Metzinger est le Château du Marais. Il est situé dans la commune du Val-Saint-Germain, près de Saint-Chéron, dans l'ancienne province de Hurepoix, aujourd'hui département de l'Essonne, à trente-six kilomètres au sud-ouest de Paris. Construit par l'architecte Jean-Benoît-Vincent Barré pour Jean Le Maître de La Martinière, trésorier général de l'Artillerie et du Génie, il est considéré comme l'un des plus remarquables exemples de château de style Louis XVI en région parisienne.

o Lorsque Pujol descend de l'avion, il dit : 'Merci Salis’ au pilote. Le pilote est Jean Salis, collectionneur d'avions anciens, très souvent sollicité pour le cinéma. (Source : site, Le magazine des séries). Le passage a été filmé à l'aérodrome de Cerny-La Ferté-Allais dans l’Essonne. À l’issue de cette scène, Valentin félicite Pujol pour son baptême de l’air. Il y a ainsi une continuité avec l’épisode S.O.S. Tour Eiffel. Dans ce dernier, Pujol révèle à la barmaid, qui lui propose une boisson corsée, qu’il n’a jamais volé.

o Marc annonce à Durbeck que le tueur est un tireur d’élite, ancien garde de Béla Kun. Celui-ci était un homme politique hongrois, principal dirigeant de l'éphémère République des conseils de Hongrie, le premier gouvernement d'inspiration communiste apparu en Europe après celui de la Russie soviétique. Il est mort en URSS, victime des Grandes Purges de Staline.

o La Ligue des jeunesses patriotes ou Jeunesses patriotes  (1924-1936) est une ligue d'extrême droite française de l'Entre-deux-guerres. En décembre 1924, les Jeunesses patriotes sont créées et se présentent comme la « section jeune » de la Ligue des patriotes de Déroulède. Elles sont parrainées par Jean Ybarnégaray et Pierre Taittinger. Son objectif est le renforcement du pouvoir exécutif et la « protection des institutions contre la gauche ». Les Jeunesses patriotes adoptent des rituels inspirés du fascisme italien (défilés militaires et saluts « à la romaine ») mais sont finalement plus fascistes dans leurs rituels que dans leur programme (Source : wikipedia).

o Le fils de Pierre Taittinger, fondateur des Jeunesses patriotes, essaya, en vain, de faire interdire l’épisode, prétextant qu’il nuisait à la mémoire de son père. Il fit une déclaration à l’Assemblée dans cette optique, mais fut débouté (Source : Génération Séries, été 95).

o Valentin porte son pullover ‘fétiche’ lorsque Terrasson revient du camp d’entrainement (scène studio tournée vraisemblablement en début de saison).

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Captures réalisées par Denis Chauvet.

Crédits photo : TF1 Vidéo.

 saison  saison

Les Brigades du Tigre (1974-1983)

SAISON 3 (1976/1977)

 


13. BONNOT & CIE

Résumé :

1913 Le théoricien de la bande à Bonnot, condamné par la tuberculose, s’évade de prison et forme un nouveau gang qui sème la terreur. Il a surtout un compte à régler avec le commissaire Valentin, responsable de son arrestation.

Critique :

Comme à chacune des deux premières saisons, l’ombre de Bonnot plane sur une histoire. Bonnot & Cie est le dernier opus de la trilogie après Nez de chien et Le défi.

Liébert, un des deux théoriciens de la bande, est atteint de tuberculose et purge sa peine de cinq années à l’infirmerie de la prison. Condamné à brève échéance, il s’évade en compagnie de Bel-œil, un jeune malfrat borgne et admirateur émerveillé. D’une planque dans l’Indre, Liébert prend la direction de la petite bande de Romarin, un truand proxénète, et organise des attaques chez les riches fermiers. Un excellent moyen pour l’anarchiste d’attirer l’attention et le commissaire Valentin dans un piège, qu’il a mûrement préparé. Romarin est le maillon faible, mais avant que les Hommes du Tigre aient pu l’interroger, Liébert le fait éliminer.

Tels les autres récits évoquant Bonnot, cet épisode est tragique et violent (la torture du fermier, la tentative de viol, l’exécution de Romarin). L’intrigue est parsemée de scènes intéressantes et la longue attaque de la ferme  avec ses deux passages violents évoqués plus haut  est le clou de l’épisode. À cette occasion, la fuite des bandits masqués est une réminiscence d’une scène de Ce siècle avait 7 ans… ; la puissante voiture faisant face aux chevaux des gendarmes. À noter aussi la première rencontre de Liébert avec l’’équipe’ de Romarin, qui est la prise de pouvoir du théoricien anarchiste (‘Les putes n’ont rien à faire ici, dis-lui de se tirer’), le cocasse repas des policiers à l’auberge et le piège du trio à Romarin. L’interprétation est également, comme presque toujours, l’élément majeur de la réussite de l’aventure. 

Les seconds rôles aux noms haut en couleur sont parfaits : Bel-œil, le truand admiratif, La Poule, la fille aux mœurs légères, une ‘pas-grand-chose’ aux dires de l’agent de police, Romarin, le julot casse-croûte poltron, et le truculent gendarme. Tous sont d’excellents faire-valoir à Liébert/Jolly, un des meilleurs méchants de la série. À lui seul, il fait de l’épisode un temps fort de la troisième saison. La ruse et l’efficacité de l’anarchiste (les masques portés lors des attaques, la fausse lettre anonyme) sont calculées face à la gravité de la maladie, qui est très bien retranscrite par le personnage frigorifié près du feu et les toux sanglantes.

Le seul bémol est le final, pas à la hauteur du reste, avec la fusillade quelconque sur une musique inappropriée. La qualité de l’ensemble compense et l’épisode garde son statut de quatre bottes, et complète la grandiose trilogie Bonnot de la série.

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 10 décembre 1976  sur Antenne 2.

o Hervé Jolly, Liébert, a joué dans Rita et le caïd.

o La Poule est interprétée par Macha Béranger (1941-2009), qui a animé l’émission Allo Macha sur France-Inter pendant une trentaine d’années, de 1977 à 2006.

o Claude Legros (1932), le paysan, reviendra dans Don de Scotland Yard et Les enfants de la Joconde.

o Sylvain Lévignac (1929-1994), qui joue le père de Catherine Barré dans Le défi, est le fermier rançonné dans cet épisode. Il était un acteur et un cascadeur français. Il a tourné dans deux autres épisodes : Le réseau Brutus, Les fantômes de Noël.

o Michael Schwarzmaier (1940), Romarin, est un acteur allemand qui participa aux séries germaniques Le renard, Tatort, Soko, brigade des stups

o Jacques Giraud, le gendarme, participe aux épisodes L’homme à la casquette, L’ange blanc, Rita et le caïd.

o Jacques Chevalier, l’infirmier, est le brigadier dans L’ange blanc.

À partir de cette saison, Jean-Claude Bouillon est en tête de distribution, et les autres acteurs apparaissent en ordre alphabétique : Pierre Maguelon, François Maistre, Jean-Paul Tribout.

o Bizarrement, l’introduction en voix-off de Claude Dasset est placée après le générique pour cet épisode.

o Valentin recoud les boutons de sa veste à son bureau. Le célibat du personnage est ainsi souligné. À l’auberge, il commande du saucisson et un bifteck frites.

À noter de faux raccords de lumière lors de la fusillade de la scène finale (source : Les Brigades du Tigre, les limiers des temps modernes, Éditions Yris). En fait, c’est surtout la musique, inhabituelle et inappropriée, qui est gênante !

o Les radiographies pulmonaires sont l’invention mise en avant de l’épisode. Les cheveux retrouvés sur le masque, prépondérants pour l’enquête, marquent les prémices des recherches ADN (Valentin : ‘Ça, pour nous, c’est aussi précieux qu’une empreinte digitale’). Il y a également le chien pisteur, utilisé dans L’auxiliaire, qui retrouve le corps de Romarin au fond du puits.

o Alors que Terrasson a repéré la fille qui s’éclaffe à une autre table (La Poule), Pujol, pas dupe, lui précise : ‘Des comme ça, tu en as autant que tu veux pour vingt sous, rue Quincampoix.’ La rue Quincampoix a été désignée populairement comme « rue des Mauvaises-Paroles » et comme « rue des Cocus ». La rue existe au moins depuis le 13e siècle.

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14. L'HOMME À LA CASQUETTE

Résumé :

1909  Des hommes, célibataires, sont retrouvés dans leur lit, nus et une balle dans la nuque. Un clochard a vu s’enfuir un individu avec une casquette. L’enquête mène les Brigades du Tigre vers une jolie blonde énigmatique dont le mari a mystérieusement disparu.

Critique :

Une série de meurtres étranges émeut l’opinion publique. Les victimes sont toujours des hommes et le mode opératoire est identique ; le meurtrier porte une casquette et hante, la nuit, les rues désertes de la capitale. Lorsque l'assassin perd son couvre-chef sur les toits après avoir échappé à une patrouille, l’enquête des Hommes du Tigre permet d'identifier le propriétaire : Joseph Mérical, un individu apparemment peu fréquentable. L’homme n’est pas retrouvé mais le commissaire Valentin se rend chez sa femme, Henriette. Celle-ci a rompu tout contact et vit séparée de son mari, mais elle se sent traquée par son époux jaloux et possessif. Surveillée par la police, Henriette se révèle et, malgré ses apparences puritaines et bigotes, la jalousie du mari semble se justifier amplement. Elle se dit fatiguée de toute cette affaire, de tous les hommes… Les prétendants de la belle succombent de mort violente les uns après les autres, et Paul Valentin décide de tendre un piège au mystérieux conjoint : il joue les jolis cœurs et séduit la ravissante Henriette, se prenant même au jeu, et ses soupçons se confirment…

Les meilleurs moments sont l’apparition de Claude Bolling en chanteur de rue, la poursuite de l’homme à la casquette par les deux policiers jusqu’à sur les toits (‘C’est pas encore demain qu’on sera nommé brigadier’), le face à face Valentin/Henriette au bureau de police qui jette le trouble, la scène de l’église et le final à l’auberge du mouton blanc.

Cet épisode mystérieux et original tient en haleine jusqu’à la scène finale… sauf si on l’a déjà vu car on ne peut l’oublier, même quarante ans plus tard ! Certes, la vérité effleure le téléspectateur avant le dénouement, car la silhouette frêle de l’homme à la casquette et le mari invisible laissent des doutes. Néanmoins, certains subterfuges, comme le ‘suicide’ par noyade de Mérical et le garnement boutonneux aux pieds nus providentiel, entretiennent le suspense. La dissolution des mœurs caractérise l’époque et Henriette, pieuse et renfermée, collectionne les amants ; la scène de drague à l’église est d’ailleurs magistrale. L’affaire s’éclaircit lorsque Terrasson découvre que Mérical fréquentait une prostituée dans un lupanar après son mariage. C’est une aventure incontournable des Brigades, comme quatre ou cinq autres histoires. Le récit, noir et tendu, flirte avec la psychologie et la folie, mais il n’empêche pas l’inimitable gouaille de Terrasson de s’exprimer dans des réparties savoureuses et indispensables. Une aventure très bien interprétée notez le jeu et les répliques de Viviane Gosset, la mère d’Henriette  sur des airs mélancoliques très subjectifs lors des apparitions d’Henriette, qui éprouve en même temps une haine des hommes et une attirance irrésistible vers eux, qui la fait se comporter en mante religieuse. 

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 17 décembre 1976  sur Antenne 2.

o Claude Bolling, le compositeur de la musique de la série, interprète le chanteur de rue. Il chante L’homme à la casquette, accompagné de l’accordéoniste Jo Courtin. Claude Bolling : « Avec Claude Desailly, nous avons écrit la chanson de L’homme à la casquette. Victor Vicas cherchait quelqu’un pour jouer un chanteur de rue comme il en existait au début du XXème siècle. N’ayant trouvé personne qui lui convenait, je lui propose de camper moi-même le personnage, accompagné à l’accordéon par Jo Courtin. On nous a grimés et habillés comme les chanteurs des rues que j’entendais dans mon enfance Square du Champ de Mars ! Et nous avons chanté en direct à l’image » (Extrait du livre Bolling Story, Editions Alphée, 2008, de Claude Bolling et Jean-Pierre Daubresse avec une préface d’Alain Delon).

o Michèle Grellier interprète Henriette Mérical, le personnage principal de cet épisode. Étonnant qu’on n’ait pas proposé à cette jolie femme le rôle d'Angélique, marquise des anges . Elle correspondait au personnage : blonde, sensuelle, diction parfaite, altière et sensible. Plus douée, aussi belle mais moins connue que ses concurrentes sans doute. Elle fut pensionnaire de la Comédie-Française de 1958 à 1961.

o Viviane Gosset (1908-1996), Mme Soligny, a joué dans les épisodes Les demoiselles du Vésinet et Lacs et entrelacs.

o Sébastien Floche, Lampel, reviendra dans Le village maudit et Le temps des garçonnes.

o Jacques Giraud, le sergent de ville, a participé aux épisodes Bonnot & Cie, L’ange blanc, Rita et le caïd.

o Dominique Zardi (1930-2009), le clochard témoin, est le souteneur Rafa dans le premier épisode, Ce siècle avait 7 ans… (une seule scène, au café avec Valentin). Il a souvent joué des rôles de truands dans des films de Claude Chabrol et Jean-Pierre Mocky.

o Pujol montre la casquette trouvée sur les toits à Henriette qui confirme qu’elle appartient à son mari. Elle est dans une enveloppe marron, mais l’inspecteur reprend la casquette en laissant l’enveloppe sur la table.

o Un mélange de vouvoiement et de tutoiement surprenant lorsqu’Henriette refuse les assauts empressés d’un amant et lui promet de le rejoindre le soir même : ‘Si vous voulez, ce soir chez vous, je vous promets’ puis : ‘Maintenant, va-t-en’.

o J. Lampel, le chapelier de Saint-Quentin, est proche d’un excentrique cher aux Avengers !

o Après Collection 1909, c’est la seconde fois que la police utilise un scaphandrier pour sonder les eaux.

o La voix-off de Claude Dasset fait référence au décès du président Félix Faure dans les bras de sa maitresse, Meg Steinheil. Le 16 février 1899 , le Président l'appelle au téléphone et lui demande de passer le voir en fin d’après-midi. Quelques instants après son arrivée, les domestiques entendent un coup de sonnette éperdu et accourent : allongé sur un divan, Félix Faure râle tandis que Marguerite Steinheil rajuste ses vêtements en désordre. Le chef de l'État meurt quelques heures plus tard. Officiellement, sa mort est due à une hémorragie cérébrale. Mais on connaît cet échange entre le prêtre et le planton : « Le président a-t-il encore sa connaissance ? — Non, monsieur l’abbé, elle est sortie par l'escalier de service. » Ce scandale est demeuré caché à l'opinion publique mais refait surface en 1908 lorsqu'une autre affaire  évoquée dans le pré-générique  touche Meg Steinheil, qui a entretemps gagné le cruel surnom de "pompe funèbre". (Source : wikipedia).

o Tirer le cordon, l’expression qu’emploie la concierge à Valentin, signifie bombarder en langage familier. 

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15. DON DE SCOTLAND YARD

Résumé :

1908Le plus grand escroc du Royaume-Uni, spécialisé dans le vol de bijoux, s’est ‘évadé’ de sa tombe et a trouvé refuge de l’autre côté de la Manche. Les Brigades Mobiles, chargées de le coincer, sont tournées en ridicule.

Critique :

Comme Visite incognito et La couronne du Tzar lors des précédentes, la troisième saison comporte un épisode léger, coincé entre deux excellents beaucoup plus noirs. Le corps de Tommy Bennett est transféré d’une prison de Woolwich, banlieue londonienne tristement célèbre, pour y être enterré dans un cimetière adjacent. C’est un subterfuge de l’insaisissable Arsène Lupin anglais, virtuose du déguisement et de l’évasion, et amateur de bijoux et de jolies femmes.

Scotland Yard fait savoir à Faivre que le plus célèbre malfaiteur anglais se trouve depuis peu sur le territoire français. Les policiers de Sa Majesté souhaitent que les brigades du Tigre puissent rapidement mettre la main sur le malfrat, avant qu'il ne commette un nouveau méfait. La tâche s’annonce ardue car Valentin et ses collègues ne savent pas à quoi ressemble Bennett. Les policiers espèrent le cueillir dans un château de Sologne où quatre joailliers doivent présenter leur collection au Marquis de Barempré.

Si le plan de l’escroc tient debout et est digne d’un bon Arsène Lupin (‘Your greatest achievement, Tommy’), le passage du maharajah est bien bancal. La confusion De Jong/Epstein est peu plausible et on se demande comment le commissaire ne reconnaît pas Bennett, déjà vu en marquis, étant donné que les déguisements sont plutôt grossiers. Edward Meeks est en fait très reconnaissable sous ses accoutrements et son personnage n’est qu’un plagiat d'Arsène Lupin.

Il y a beaucoup de longueurs, peu de suspense et l’aventure est très inégale ; cela donne l’impression d’une succession de vignettes disparates. Les points positifs de l’épisode sont les tournages en extérieurs, la profusion de vieux tacots, la gouaille de Maguelon/Terrasson (‘Je vous recommande le pâté en croute, fameux !’) et le bal masqué final à la propriété des Ducoroy. L’interprétation est bonne et on remarque surtout le couple Ducoroy dans la dernière partie : la jolie Christiane Krüger et Philippe Brigaud, l’acteur le plus souvent invité avec cinq participations à la série. Il me détailla la particularité de son costume de diable qu’il porte lors du bal costumé.

Le grand intérêt de l’aventure est de démontrer que la série a la capacité de varier les genres et, par conséquent, elle peut ravir les plus jeunes et les inconditionnels de comédies.

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 24 décembre 1976 sur Antenne 2.

o Edward Meeks (1934), Tommy Bennett, fut le partenaire d’Yves Régnier dans Les Globe-Trotters, une série française en 39 épisodes de 30 minutes, diffusée sur la première chaîne de l'ORTF de 1966 à 1967.

o Christiane Krüger (1945), l’énigmatique Myriam Ducoroy, est la fille de l’acteur Hardy Krüger. Elle a joué dans de nombreuses séries allemandes : Le renard, Un cas pour deux, Derrick (9 épisodes !), Tatort, Soko, brigade des stups, mais aussi britannique : Paul Temple. 

o Philippe Brigaud, Henri Ducoroy, a tourné dans quatre autres épisodes de la série : Visite incognito, Collection 1909, Les demoiselles du Vésinet et le dernier de la série, Lacs et entrelacs.

o Henry Djanik (1926-2008), Itzmir, était spécialisé dans le doublage. Il est la voix française mémorable de Telly Savalas de Kojak.

o Antoine Marin (1926-1994), Epstein, était Tavernier dans Les vautours de la première saison. 

o Claude Legros (1932), le cireur de chaussures, était le paysan dans Bonnot & Cie et sera l’abbé dans Les enfants de la Joconde.

o Jacques Legras (1923-2006), Chevreux, est connu pour l’émission populaire La caméra invisible. Il joua dans de nombreux nanars aux titres sympathiques : Sex-shop, Le trouble-fesses, Le jour se lève et les conneries commencent, Mon curé chez les Thaïlandaises, Comment faire l’amour avec un noir sans se fatiguer... sans oublier la série des Charlots.

o Les Jeux olympiques d'été de 1908, quatrième Olympiade de l'ère moderne, ont été célébrés à Londres du 27 avril au 31 octobre 1908 (NDLR : contrairement aux deux semaines évoquées en prélude à l’épisode). L’évènement se déroula dans le cadre de l'exposition franco-britannique commémorant l'Entente cordiale. Les Jeux olympiques de Londres se déroulèrent en quatre phases. Tout d’abord, les « jeux de printemps », de la fin avril à la mi-juin, regroupant les sports de raquettes et le polo. Ensuite, les « jeux d’été », durant le mois de juillet, accueillirent la majorité des sports olympiques au programme tels l’athlétisme, la natation ou la gymnastique. De la fin juillet à la fin août, des « jeux nautiques » regroupant la voile et l’aviron sont organisés à l’extérieur de la ville. Enfin, les « jeux d’hiver », quatrième phase du programme, permirent aux spectateurs de suivre les épreuves de patinage artistique, de boxe et de rugby pendant la deuxième quinzaine du mois d’octobre (Source : wikipedia).

o Contrairement à certains épisodes, des sous-titres apparaissent lorsque l’inspecteur Bright parle anglais (scène du cimetière).

o Pour donner l’illusion londonienne, remarquez Big Ben en carton-pâte en arrière-plan lorsque les voitures quittent le cimetière et le carillon entendu la nuit venue.

o Bennett mesure cinq pieds dix pouces, ce qui fait 1,78 m.

o M. et Mme Ducoroy jouent au croquet. Le croquet est un jeu d'extérieur pratiqué en principe sur gazon et occasionnellement sur terrain sableux. Le jeu est constitué de boules en bois poussées à l'aide de maillets à travers des arceaux. Il a été extrêmement populaire pendant la deuxième moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle et est aujourd'hui toujours pratiqué principalement au Royaume-Uni, au Canada et aux États-Unis (Source : wikipedia).

o L’expression ‘How do you do ?’ n’a pas d’équivalent français (on l’emploie parfois pour dire bonjour) et Valentin est déconcerté lorsque Mme Ducoroy lui demande : ‘Comment allez-vous ?’. Il répond : ‘Bien merci’.

À noter le toast ambigu de Faivre : ‘À la santé des bijoux de famille de monsieur Ducoroy !’

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16. LE CAS VALENTIN

Résumé :

1913 Le commissaire Valentin est soupçonné d’être corrompu par le milieu. Les preuves s’accumulent contre lui et il est obligé de démissionner.

Critique :

Le début de l’année 1913 est marqué par une recrudescence d’activités criminelles, et les gros bonnets de la pègre bénéficient d’une chance incroyable de passer entre les mailles des filets de la police. Après plusieurs mois d’enquête, les Brigades du Tigre parviennent à localiser le quartier général d’un des chefs du milieu, mais au moment de l’arrêter, la planque est vide. Un malaise profond règne dans les forces de police lorsque l’on découvre que les criminels possèdent des indicateurs. La suspicion existe désormais partout, même au sein des fameuses Brigades, pourtant réputées au-dessus de tout soupçon. Cependant, Dervaux, un directeur de cabinet, affirme, preuves à l'appui, que le commissaire Valentin est lui-même impliqué dans cette histoire de corruption : il aurait souscrit des emprunts russes pour une somme exorbitante et il serait en ménage avec une fille liée à la pègre. L'affaire prend de l'ampleur et, sur les conseils de sa hiérarchie, Valentin se voit bientôt dans l'obligation de donner sa démission.

Un excellent épisode à l’ambiance particulière, un des meilleurs de la série, toutes saisons confondues. Il y a peu d’action mais Jean-Claude Bouillon est omniprésent et remarquable : il est parfait en flic déchu au bord de la rupture. La machination est particulièrement bien montée et on se demande comment Valentin va s'en sortir, jusqu'à la surprise du dénouement. Les supputations de Pujol et Terrasson sont exquises (‘Comment ça peut changer un type une bonne femme, c’est pas croyable !’). On se doute que l’agence de détectives n’est qu’un coup monté mais l’intrigue n’est révélée qu’à la fin ; la voix-off donne même les ultimes explications concernant l’emploi de la ravissante Mira juste avant le générique. Il faut se repasser l’épisode une seconde fois pour connaitre le rôle exact de chacun, comme celui de la concierge, ou le but de la visite impromptue de Valentin à Mira avant le rendez-vous. Tous les acteurs sont excellents, depuis le regretté Armand Mestral jusqu'à Yves Peneau, le secrétaire mystérieux, sans oublier Sabine Glaser, qui joue la délicieuse Mira. A noter que Faivre/François Maistre a de nombreuses scènes en dehors de son bureau, ce qui est inhabituel.

Les meilleurs moments sont la descente de police au garage déserté (première séquence), le long passage de Valentin dans l’appartement de Mira (surpris par ses inspecteurs Pujol et Terrasson puis chloroformé), le coup monté de l’enquête de Valentin en détective privé, qui le compromet dans l’assassinat de l’encaisseur de banque, et le final mouvementé où l’identité du patron ‘au bras long’ est enfin révélée.

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé pour la première fois à la St Sylvestre 76 sur Antenne 2.

o Sabine Glaser (1946), Mira, est une actrice allemande. On a pu la voir dans les années 70 dans quelques productions dont Sex-shop, La femme en bleu, L’insolent, Les noces de porcelaine, Le faux-cul, L’homme qui aimait les femmes... et un épisode des Enquêtes du commissaire Maigret. Elle fait partie des quelques actrices ravissantes qui, sans avoir connu une grande carrière au cinéma, ont donné un certain cachet à la série.

o Armand Mestral (1917-2000), Louis Arnaudy, est le père de Marie-Claude Mestral qui joua dans L’auxiliaire (deuxième saison).

o René Morard, Melé-cass, le cafetier, a joué dans trois autres épisodes des deux dernières saisons : Made in USA, Le complot, Les princes de la nuit.

o Yves Peneau, Armand Guys, le secrétaire du directeur de cabinet, a participé à deux autres épisodes : Bandes et contrebandes, La fille de l’air.

o Maurice Travail (1929-1994), Dervaux, jouera aussi dans La grande duchesse Tatiana.

o Annie Savarin (1944), l’employée de banque, reviendra dans Les fantômes de Noël.

o Le commissaire Valentin doit se raser les moustaches pour passer incognito… un aperçu des saisons cinq et six, mais Jean-Claude Bouillon, contrairement à Jean-Paul Tribout et Pierre Maguelon, avait une fausse moustache. Jean-Claude Bouillon le confirma lors du salon des séries TV du 19 novembre 2011.

o Lors du salon des séries TV du 19 novembre 2011, Jean-Claude Bouillon déclara que cet épisode était son préféré.

o Le succès de la série tient au souci d’authenticité : notez le vitrier lorsque Valentin retourne à l’appartement de Mira.

o Le nom de la banque est Guimié, à l’orthographe proche du nom de l’administrateur de production, André Guimier. Alors que la banque où travaille l’encaisseur se nomme Seuret-Boulet. Louis Seuret est un assistant décorateur.

o Valentin découvre que la date du 12 juin a été entourée sur le calendrier du Petit Journal. Le Petit Journal est un quotidien parisien républicain et conservateur, fondé par Moise Polydore Millaud, qui a paru de 1863 à 1944. À la veille de la guerre de 1914-18, c'est l'un des quatre plus grands quotidiens français d’avant-guerre, avec Le Petit Parisien, Le Matin, et Le Journal (Source : wikipedia).

o Arnaudy à Valentin qui a apporté Le Gaulois : ‘Lisez plutôt Le Globe. Cela vous intéressera davantage.’ Le Globe, sous-titré journal littéraire, puis philosophique et littéraire, parut à Paris le 15 septembre 1824. En 1828, il devient aussi politique. Il fut fondé et dirigé par Pierre Leroux et Paul-François Dubois, ce dernier assumant le rôle de rédacteur en chef jusqu'en 1830. En janvier 1831, Le Globe devient le journal de la doctrine de Saint-Simon, puis en août de la même année le journal de la religion saint-simonienne. Il cesse de paraître le 20 avril 1832 (Source : wikipedia).

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17. LE CRIME DU SULTAN

Résumé :

1912  Un meurtre aurait été commis dans la propriété d’un ex-sultan réfugié en France et convoité par les Allemands. Des indices sont découverts, mais pas de cadavre.

Critique :

Deux ans avant le début du premier conflit mondial et un an après le ‘coup d’Agadir’, le Maroc est un sujet sensible de la rivalité franco-allemande. Le général Lyautey parvient à négocier l'abdication du sultan Moulay Hafid, dont les sympathies pour l'Allemagne sont notoires. Mais en dépit de l’exil à Enghien, Lyautey, qui ne fait pas confiance aux hommes du gouvernement, craint que le sultan ne soit récupéré par les Allemands, qui souhaitent le replacer sur le trône. C’est dans ce contexte qu’une jeune femme disparaît chez le sultan.

Cette histoire tient surtout par l’enquête pour retrouver la chanteuse de cabaret disparue. La disparition de Jeanne Méjean à la Renardière, résidence du sultan, mobilise les Brigades, mais, malgré la découverte d’une botte, de vêtements ensanglantés et d’un poignard, le corps demeure introuvable. Le reste de l’intrigue n’est pas sensationnel et le dénouement est même abracadabrant.

Les passages intéressants sont l’arrivée de Jeanne Méjean au château ; une scène savoureuse, surtout après les explications de l’actrice Virginie Vignon. Nos héros n’apparaissent qu’au bout de sept minutes, et l’enquête dans le parc du château est agréable, avec une participation active de Faivre à l’avancée des investigations, ce qui permet au personnage d’avoir des répliques caustiques. Le sultan qui attend en rase campagne sous la pluie est la dernière image comique de l’aventure, mais, avant cela, il y a quelques longueurs : des passages en allemand et en arabe non sous-titrés, le radiesthésiste et la découverte du chien. À noter que le sultan est interprété par Hans Wyprächtiger, un acteur germanique disparu en 2006. D’ailleurs, si le téléspectateur comprend l’allemand, il oriente ses soupçons sur une fausse piste dès le début, car Lambert donne le point faible du sultan à l’officier prussien (‘Die Weibe’, les femmes) et élabore un plan. Néanmoins, le stratagème d’Anna, la complice de Lambert, de la cure thermale en Suisse, ne convainc pas et l’accumulation de preuves contre l’ex-sultan est peu crédible (la lettre anonyme, le calepin dans le fiacre, le faux coupable, l’empreinte sur le poignard, le témoignage et la disparition de Marie-Céleste). L'épisode se laisse regarder mais n'atteint pas les  sommets. 

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 7 janvier 1977 sur Antenne 2.

o Max Amyl (1921-1982), le général Lyautey, était le docteur Carpentin dans Le défi. Il reviendra dans les années 80 dans Le complot.

o Liliane Coutanceau, Marie-Céleste, a joué dans le dernier épisode, Lacs et entrelacs.

o Dominique Delpierre (1948), Anna, tourna avec Philippe de Broca, Pierre Granier-Deferre, Joseph Strick grâce à qui elle fit la connaissance d'Henry Miller avec lequel elle entretiendra une longue correspondance. Elle entame une carrière d'écrivain et de romancière en 1975. Elle est l’hôtesse de l’air dans Le clan des siciliens.

o Virginie Vignon (1947), Jeanne Méjean, a débuté au cinéma en 1966 dans Tendre voyou dans le rôle de la fleuriste. Elle passe ensuite par le cinéma érotique dans les années 70 puis dans les films à succès Et la tendresse ? Bordel ! et L’été meurtrier. Elle est plus présente à la télévision où on la voit dans La dame de Monsoreau, Les faucheurs de marguerites et Les enquêtes du commissaire Maigret. De 1997 à 2003, elle tint le rôle de la greffière dans 16 épisodes de la série Les Cordier, juge et flic .

o Georges Ser, Guénaud, le secrétaire du sultan, a joué dans Le complot, mais il est surtout connu pour avoir joué Louis X le Hutin dans trois épisodes des Rois Maudits (1972).

o Le microscope est l’invention évoquée : il permet de différencier le sang humain de celui d’un lapin !

o En 1904, la France et la Grande-Bretagne concluent, contre l'Allemagne, un accord d’« Entente cordiale » : la France laisse les mains libres à la Grande-Bretagne en Égypte, et en contrepartie, peut instaurer un protectorat au Maroc. En mars 1911, le sultan Moulay Abd al-Hafid, menacé par une révolte, demande à la France de lui prêter main-forte. En mai, les troupes françaises occupent Rabat, Fès et Meknès. L'Allemagne, inquiète pour ses prétentions sur le Maroc, considère cette occupation comme une violation des accords d'Algésiras et décide de réagir (Source : wikipedia).

o Le général Lyautey (1854-1934) est un militaire français, officier pendant les guerres coloniales, premier résident général du protectorat français au Maroc en 1912, ministre de la Guerre lors de la Première Guerre mondiale, puis maréchal de France en 1921, académicien et président d'honneur des Scouts de France. Sa devise, empruntée au poète anglais Shelley, est restée célèbre : « La joie de l'âme est dans l'action ». En mars 1912, la convention de Fès établit le Protectorat français dans l'Empire chérifien, dont Lyautey fut le premier résident général. Il entreprit la « pénétration pacifique » du Maroc, malgré le début de la Première Guerre mondiale. C'est en tant que résident général qu'il laissera une trace profonde dans la société et l'urbanisme marocains. Il entreprit de nombreux travaux dans divers domaines, tels que dans l'agriculture, la foresterie (Source : wikipedia).

o Faivre dit à Valentin avoir été à Madagascar avec Lyautey en 97 (1897  évidemment !) : ‘Qu’est-ce que vous croyez mon garçon ? J’ai pas toujours eu le cul sur un fauteuil !’

o Lorsque le pacha s’accuse à la place du sultan, Terrasson s’exclame : ‘Il est fada.’ Réponse de Valentin : ‘Non, le dévouement féodal, ça existe là-bas.’

o Parmi les papiers que trouve Pujol dans la loge de Jeanne Méjean, notons La lisette de Béranger, souvenirs intimes de Bernard Thalès (1821-1873), publié en 1864.

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18. L'ÈRE DE LA CALOMNIE

Résumé :

1914 Un député, apparemment au-dessus de tout soupçon, est attaqué pour une histoire de mœurs. Bientôt, d’autres lettres, qui accusent l’homme politique de diverses malversations, arrivent aux quotidiens parisiens. Les Brigades Mobiles sont chargées de l’affaire.

Critique :

Peu avant que le premier conflit mondial n'éclate, la presse déclenche une violente campagne contre ce qui est convenu d’appeler la République des camarades : une guerre oppose le monde politique et la presse, qui se montre plus avide de sensationnel que de véritable justice. Germain Bergeval, un député réputé pour son intégrité, est victime d’une campagne de calomnies, l’accusant d’avoir fait avorter une jeune femme mineure. Aidé dans sa tâche par son frère Albin et son épouse Madeleine, Bergeval a créé un mouvement qui ne cesse de prendre de l'ampleur et attise les jalousies. Peu après, les journaux publient trois autres lettres manuscrites de l’élu. Dans ces documents, il apparaît sous un jour nouveau : mœurs dissolues, corruption, et sa réputation immaculée est mise à mal. L’enquête des Brigades du Tigre sur ces lettres prend une tournure particulière après les meurtres du soi-disant faussaire et de son comparse. L’analyse chimique de l’encre montrera à Valentin que rien de tel que l’accumulation d’accusations pour noyer le poisson.

Un très bon épisode clôture cette saison. La corruption des politiciens et la cupidité de la presse sont mises en avant, thèmes toujours d’actualité un siècle plus tard. Le mensonge politique et l’hypocrisie de ce milieu transpirent dans les dialogues ciselés. De plus, la description empruntée à Robert de Jouvenel dans le commentaire pré-générique est éloquente et sied parfaitement au monde politique contemporain : « un monde où les intérêts personnels priment parfois les intérêts publics, où la solidarité confraternelle l’emporte sur l’appartenance à un parti et favorise par un accord tacite l’étouffement des affaires gênantes. »

Il y a peu d’action et les Brigades n’apparaissent qu’après treize minutes, mais l’histoire est captivante et subit de nombreux rebondissements, surtout dans sa seconde partie. On a également beaucoup d’humour, durant les scènes traditionnelles d’entraînement sportif au gymnase et l’attirance de Faivre pour la belle Madame Bergeval sous les railleries de ses troupes (Terrasson : ‘Il ne va plus se sentir, le pépé !’). François Maistre avait évoqué ce passage lors de la réunion de novembre 2011.

Le jeu des acteurs est excellent, que cela soit le personnage principal, interprété par Alain Pralon (je l’aurais mal vu néanmoins en Valentin), mais également les seconds rôles : Albin (‘Ne te fie pas à l’opinion publique, elle a la versatilité de la femme’) et une mention spéciale au directeur du Globe, superbement joué par Albert Médina, disparu en 2009.

Malgré quelques lenteurs, l'enquête demeure intéressante, et la description des milieux de la politique et de la presse d'une parfaite justesse.

Anecdotes :

o Cet épisode a été diffusé le 14 janvier 1977 sur Antenne 2.

o Alain Pralon (1939), le député Germain Bergeval, fut le premier comédien pressenti pour être le Commissaire Valentin.

o Jean-Pierre Sentier (1940-1995), Blaise, est Julien Perrotey dans Les vautours de la première saison.

o Il y a une petite erreur dans le texte lu par Claude Dasset. Ce n’est pas le politologue Bertrand de Jouvenel qui a comparé l’univers fermé que constitue le petit monde parlementaire à une République des camarades. C'est son oncle, Robert de Jouvenel (1882-1924), un journaliste français, qui publia une enquête sur la politique française. Jouvenel fut aussi un polémiste de droite, proche des milieux nationalistes. Il laisse des ouvrages satiriques sur la bureaucratie et le gouvernement de la Troisième République, dont La République des camarades (1914).

o L’affaire Caillaux est évoquée dans le pré-générique. Tandis que Joseph Caillaux exerce la fonction de ministre des Finances dans le gouvernement Doumergue, il subit des attaques dont Le Figaro, dirigé par Gaston Calmette, se fait un relais actif. Dans un premier temps, ces attaques portent sur la politique. Mais Calmette aurait soudoyé la femme de chambre d'Henriette Caillaux pour qu'elle subtilise les lettres de Caillaux à son épouse. Il publie dans son journal plusieurs de ces lettres, écrites avant le mariage des Caillaux. Henriette Caillaux, décidée à défendre la réputation de son mari et la sienne, prend rendez-vous avec Calmette le 16 mars 1914 à la direction du Figaro. Après quelques mots, elle tire à bout portant sur Calmette. Ce dernier en décédera quelques heures après. Lors de son procès, Henriette Caillaux et son avocat plaident le crime passionnel. Fait exceptionnel, le président de la République fait une déposition et nombre de membres de la haute société de l'époque doivent aussi s'exposer. La défense convainquit le jury que le crime n'était pas le fait d'un acte mûrement préparé mais d'un réflexe féminin incontrôlé, transformant le crime prémédité en crime passionnel, et obtint ainsi l'acquittement le 28 juillet 1914 (Source : wikipedia).

o Une référence à Sherlock Holmes lorsque Pujol taquine Terrasson : ‘Terrasson, tu es un type du genre Sherlock Holmes en définitive !’.

o Valentin a recours à un expert graphologue pour l’aider à résoudre cette enquête.

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Captures réalisées par Denis Chauvet.

Crédits photo : TF1 Vidéo.