À nous les garçons (1985) par Sébastien Raymond Résumé : Deux jeunes filles tombent amoureuses d’un même garçon. L’une plus expérimentée et sûre d’elle même entend vivre cette relation amoureuse avec le plus d’éclat possible, alors que sa copine nourrit ses sentiments en secret, sans oser l’afficher ouvertement. Lors d’un séjour de vacances en Bretagne, le triangle amoureux est formé pour le meilleur comme pour le pire. Critique : Je l’ai revu récemment, avant de revoir son aïeul L'hôtel de la plage. La revoyure de ce dernier m’a rappelé combien A nous les garçons devait à son devancier. Et donc dans une certaine mesure, comment Michel Lang a peut-être tenté de se répéter pour retrouver le succès. Mais le regard tout neuf (n’ayant pas vus ces deux films depuis belle lurette), le visionnage de A nous les garçons m’a procuré un certain plaisir. Je dois concéder que je ne m’y attendais pas du tout. Mes souvenirs, aussi parcellaires fussent-ils, évoquaient plutôt un ennui : le seul point qui restait positif dans ma mémoire était l’émoi qu’avaient suscité Valérie Allain et surtout Sophie Carle qui représentaient pour l’ado que j’estois l’archétype de la beauté féminine. Ce doux souvenir s’accompagnait de celui de la participation de Sophie Carle à la série Edouard et ses filles, souvenir sans doute plus brumeux, attendu que je n’ai jamais pu mettre la main (ou la rétine en l’occurrence) sur cette série et la revoir au moins une fois. Quoiqu’il en soit, même si la mécanique des gags et le fil narratif ne sont des plus originaux, j’ai eu quelque plaisir à revoir certains acteurs pas mauvais du tout. Je citerais volontiers Amélie Prévost, Claire Vernet, Henri Guybet et un excellent Roland Giraud. Je ne sais si ce sont toujours les yeux de l’amour, mais chez les jeunes, les deux filles Valérie Allain et Sophie Carle ont un jeu sans doute moins assuré, mais qui est plus que correct. Le pauvre Franck Dubosc est très mauvais, manquant d’assurance et de coffre encore à l’époque, toutefois Jean-Noël Brouté est sans doute pire, très irritant en roquet. Chez les jeunes gars, on retiendra plutôt Eric Elmosnino; déjà très sûr. Il apporte beaucoup de gaité et d’humour dans les séquences où les jeunes comédiens sont de la partie. Mais les histoires des parents, bien que très vaudevillesques, sont tenues avec davantage de maîtrise. C’est aussi indéniable que cruel pour la jeune génération. Ils ont le talent et l’expérience manifestes pour donner ici ou là de l’émotion. Parfois - peut-être trop rarement d’ailleurs? - le film arrête sa course aux gags, généralement volant pas bien haut, avouons-le, et se penche plus sérieusement sur les personnages, leurs atermoiements, leurs défaillances. Et c’est une douce respiration qu’il faut savoir savourer. A nous les garçons n’est pas une grande comédie, loin de là, mais au détour d’une scène, un acteur, une actrice réussissent à nous cueillir, se renvoyant la balle avec une certaine adresse, à faire sourire ou bien à attendrir. C’est déjà fort appréciable. Anecdotes :
Séquences cultes : Qui c'est celui là ? |
Scout toujours (1985) par Sébastien Raymond Résumé : Le fils d’un chef scout hors pair se voit contraint de mener une troupe de jeunes fort turbulente. Sans grande autorité, sans aucune expérience, l’épreuve devient vite un parcours d’enfer. Il perd contrôle mais c’est bien dans l’adversité qu’on se découvre. Critique : Scout toujours est un film qui vieillit plutôt bien. Je l’ai vu plusieurs fois avant cette dernière revoyure et je n’avais pas aperçu les excellents points sur lesquels il convient aujourd’hui que je revienne pour expliquer que je trouve l’ensemble du film assez bon. Je n’avais pas une bonne image de ce film. Et je me rends compte que c’est particulièrement injuste. Je crois même que tout part du fait que j’ai de Gérard Jugnot une idée trop approximative. Je ne le vois pas en cinéaste. Or, même si je n’ai pas revu d’autres de ses films, celui-ci prouve à l’évidence qu’il réussit à créer un univers, à conduire son récit avec habileté et quelque finesse. De cette comédie a priori basique émerge une certaine poésie, oui, empreinte d’une véritable sensibilité, voire d’une mélancolie. Bref, ce n’est pas une bête comédie populaire. Ce n’est pas pour rien que l’histoire se déroule en 1965. Il est évident que le scénariste-réalisateur Jugnot a voulu rendre hommage à sa propre histoire. Cette France de 1965, avec sa Piste aux étoiles, ses vieilles voitures, sont sans doute des réminiscences d’un passé, d’une jeunesse plutôt heureuse. Il y a de la nostalgie dans ce film, quelque chose plein de tendresse pour cette époque, ces personnages. Et c’est plutôt joliment dessiné, avec une grande délicatesse. En mettant un personnage très naïf dans les rails d’une histoire chaotique, le confrontant à toutes sortes d’avanies, le scénario nous raconte une histoire il est vrai conventionnelle. Cependant, son parcours se révèle plus riche qu’on l’on pourrait le supposer de prime abord. Le film ne craint pas, par exemple, de toucher à des problématiques aussi controversées que celle de ce scout homosexuel qui vit si mal sa sexualité qu’il en vient à frôler la pédérastie. Un film qui ose cela ne peut pas être affublé du terme peu glorieux de banale comédie populaire, désolé. Dans la distribution, je retiens bien entendu la très belle prestation de Gérard Jugnot. Là encore, j’ai une image du comédien trop collée à ses comédies mordantes du Splendid. Ici, il livre une performance beaucoup plus nuancée. Toujours sobre, malgré un rôle qui pourrait facilement le faire choir dans le ridicule, il réussit à créer un personnage de doux gentil naïf sans pour autant perdre en crédibilité. Défi compliqué mais relevé avec efficacité au final. Son jeu reste naturel. Voilà un qualificatif qui irait aussi bien à Jean-Paul Comart dans un tout petit rôle que je trouve néanmoins remarquable. Et puis, ne pas oublier le grand Jean Rougerie également avec une participation très courte mais succulente. Encore un de ses acteurs secondaires, voire tertiaires dont on reconnaît facilement la trogne mais dont la plupart ne connaissent pas le nom. Et c’en est presque scandaleux tant ils sont importants et souvent talentueux. Avec son physique guindé, son personnage de vieux propriétaire agricole coincé lui va comme un gant. Tout ce que je viens de signaler ne signifie pas pour autant que Scout toujours est un grand film, mais je tenais à souligner que ce n’est pas non plus une médiocre comédie sans aucun intérêt. Le film constitue un assez agréable spectacle, bon enfant, gentil mais pas con. Anecdotes :
Séquences cultes : Tout se paiera ! C'est laquelle votre tente ? C'est à quelle heure le PDDM ? |
Mes meilleurs copains (1989) par Sébastien Raymond Résumé : Une bande de copains se réunit dans la maison de campagne de l’un d’eux, le temps d’un week-end. C’est aussi l’occasion pour eux de retrouver celle qui faisait partie de leur groupe, du temps de leur jeunesse. Elle est devenue une star du rock, mais elle ne les a pas oubliés. Les retrouvailles vont bousculer les souvenirs, faire ressurgir des émotions du passé. Avec plus ou moins de bonheur. Critique : Mes meilleurs copains souffre d’un certain mépris aux yeux de quelques critiques, alors qu’au contraire, beaucoup d’autres le tiennent en très haute estime, en en faisant même un “film culte”, représentant l’apogée d’une génération d’acteurs. Autant dire d’entrée que je me situerais volontiers dans la tranche laudative, mais je peux bien sûr entendre quelques arguments rétifs à défaut d’y adhérer entièrement. J’écarte évidemment ceux qui sont totalement inacceptables, quasiment ad hominem sur les noms de Jean-Marie Poiré et de Christian Clavier et leurs impies désirs de se colleter à une comédie plus humaine, à l’italienne, lorgnant vers la fresque de grands copains qui rappelle le diptyque d’Yves Robert ou plus gravement certains films de Claude Sautet. On les réfute ces faux arguments car si telles étaient les ambitions de Poiré et Clavier, elles sont parfaitement louables. Il est amoral même d’interdire à un artiste de vouloir moduler son registre habituel pour se rapprocher de celui de ses pairs ou d’une tradition qu’il chérit. Bien entendu, cela n’a pas été explicitement commenté de cette manière, mais le snobisme ne se permet pas souvent d’être honnête et franc, préférant sous-entendre qu’exprimer ouvertement. Et puis, il n’y a qu’à dire que c’est là une interprétation personnelle du dédain dont souffre le film que j’exprime. Ce film s’accorde la liberté de poser un regard nostalgique et mordant sur une période, une génération. Il exprime une critique empreinte de tendresse pour les errements de jeunesse, les espoirs déçus, les petites trahisons intimes. Et Jean-Marie Poiré, le cinéaste du Père Noël est une ordure, du Papy fait de la Résistance ou des Visiteurs, un cinéaste bourgeois, n’aurait pas le droit d’avoir une vision critique de sa propre jeunesse parce qu’il a eu du succès, parce qu’il s’est installé au sommet du box-office ? Aberration intellectuelle et morale que je ne veux en aucun cas suivre une seconde de plus. Passons donc. Reste qu’il est difficile d’écarter le regard critique et politique de ce film. A ceux qui diront que ce n’est qu’une comédie et que la politique n’a rien à voir là-dedans, je répondrais que la comédie est très souvent politique, par son essence même subversive, puisqu’elle attaque parfois les fondements de la société. Or, Mes meilleurs copains fait cela de façon évidente. Et c’est d’abord le fourvoiement de la génération 68 qui est visé. Qu’on soit d’accord avec cette vision ou pas n’a pas d’importance. A titre personnel, je la trouve très exagérée, mais est-ce qu’elle n’en est pas moins comique ? Non, le film est très drôle, qu’on le veuille ou non. D’ailleurs, il n’exprime pas non plus un rejet de cette époque et des valeurs qui sont encore aujourd’hui au coeur de notre culture française, humaniste et tolérante (dans la meilleure des conjonctures, on est d’accord que ce n’est pas toujours le cas). Le fourvoiement de cette engeance qui avait 20 ans en 68, c’est d’abord celui de la jeunesse tout court. Je suis né en 72, mon adolescence a touché les années 80-90 et j’ai cependant le sentiment profond que ce film me parle autant qu’aux autres. Cette génération n’est que l'illustration et le cadre d’un phénomène récurrent, une ritournelle simplement humaine, le passage difficile à l’âge adulte, un temps de désillusions bien souvent violent pendant lequel les mensonges du passé apparaissent dans toute leur crudité, un temps d’adaptation cruel qui, avec le temps, est un peu édulcoré grâce à la nostalgie. Les rêves étaient si forts, si passionnants, si pleins d’énergie qu’à 40 ou 50 ans, ils deviennent plus doux. Mes meilleurs copains raconte bien tout ça. Sa structure linéaire marquée par de nombreux flash-backs montre bien le fossé entre souvenir et réalité, entre passé et présent, l’évolution des hommes en somme, mais surtout éclaire leur parcours d’une lumière très attendrissante. La critique peut paraître violente, mais le film est en fait foncièrement amoureux de ce temps perdu où l’on voulait refaire le monde. La révolution est belle, même si illusoire. D’ailleurs, illusoire, l’est-elle vraiment ? Je ne crois pas au fond. C’est peut-être en cela que je m’éloigne le plus du propos du film. Mais c’est un autre débat qui dépasse le film et n’est pas des plus intéressants finalement. C’est l’essence de la grande Histoire et non celle de ce film. Laissons cela. Par conséquent, Jean-Marie Poiré et Christian Clavier ont eu toutes les bonnes raisons et la légitimité à faire ce film plus personnel que les autres. Et pour le spectateur, cet engagement inédit donne un résultat formidable. De drôlerie d’abord, j’ai déjà dit la richesse comique du film. Dans le contraste entre passé et présent, dans les dialogues, l’interaction entre les personnages, mais également dans le pittoresque des caractères et des attitudes. Encore que… peut-être que voilà un petit bémol qui surgit selon moi : certains personnages sont un poil excessifs dans leur caractérisation. Je pense surtout à celui de Philippe Khorsand dont l’obsession et la mauvaise foi sont trop caricaturales pour rendre son rôle tout à fait crédible. Mais d’autres, comme celui de Jean-Pierre Bacri sont bien mieux dessinés et surtout montrent bien que l’écriture peut être plus subtile. Le personnage de Christian Clavier est très juste. L’acteur y met ce qu’il faut de sensibilité, restant très sobre (ce qui a pu désorienter chagriner ses fans de l’époque). Gérard Lanvin déroule, à son habitude, une prestation correcte, efficace, sans excès. Jean-Pierre Darroussin est le sujet d’un miracle : il parvient à créer un personnage hors norme, mais drôle et émouvant. En effet, ce héros a tout de la caricature hippie-stone, un type en dehors des clous en permanence, inclassable. Autant dire que le rôle est déraisonnable, de quoi se brûler les ailes et tomber dans la clownerie la plus brutale, or, Jean-Pierre Darroussin arrive par je ne sais quel prodige à le rendre humain malgré tout, bien palpable, un allumé, un excentrique touchant, dans le réel, véritablement incarné. Chapeau! Faire ce voyage dans le passé, se retrouver auprès de ces personnages se révèle très plaisant. Cette génération dorée ayant eu le privilège de vivre avec intensité (et avec le plein emploi) dans un monde qui promettait tant, s’interroge avec malice sur ses choix de vie, sans doute se rendant progressivement compte qu’elle a été gâtée par la fortune d’une époque bénie et que les générations suivantes n’auront pas ces mêmes opportunités. En cela la nostalgie se mêle d’une sorte de reconnaissance et de vague à l’âme. C’est pourquoi le film, même s’il porte quelques coups d’incisives, n’en est pas moins apaisé, du bonheur des veinards. L’équilibre du scénario entre critique et nostalgie, rire et mélancolie, paraît maîtrisé, judicieux. La mise en scène de Jean-Marie Poiré s’accorde au sujet et à la tonalité contemplative du récit : elle est plus sereine que dans ses autres comédies, plus énergiques allant même jusqu’à une sorte d’hystérie. C’est logique, naturel. Mes meilleurs copains n’a peut-être pas la force et la subtilité des comédies d’Yves Robert, ni la méchanceté des comédies italiennes, mais reste un film marquant, rare dans la filmographie de ses auteurs, un très bon film à ne pas manquer. Anecdotes :
Séquences cultes : Ce que tu veux mon grand ! Toi, t'es hors concours ! Si les problèmes ont 18 ans et des gros seins, ça l'intéresse encore plus ! |
La vie est un long fleuve tranquille (1988) par Sébastien Raymond Résumé : Deux familles, l’une de la grande bourgeoisie et l’autre issue du sous-prolétariat, sont bouleversées par la nouvelle que l’un de leurs enfants a été échangé à la naissance : le petit Le Quesnoy, Maurice a été élevé par les Groseille, alors que la petite Bernadette Groseille a vécu chez les Le Quesnoy. Explosion sociale garantie ! Critique : Ce film a été et reste pour un certain nombre de spectateurs un film culte, un film qui a marqué son époque. Malheureusement pour moi, je suis resté sur le bas-côté de cette route. Aujourd’hui encore je revois ce film sans en être embarrassé mais sans grand plaisir non plus. Est-ce que je peux dire qu’il me laisse froid ? J’aime bien le numéro de Patrick Bouchitey, son enthousiasme presque effrayant. J’aime beaucoup la lente érosion mentale à laquelle Hélène Vincent donne une note comique redoutable pour son personnage. Je redécouvre aussi la composition du personnage totalement débordé que nous livre André Wilms. Et pourtant, tout cela réuni ne parvient pas à créer pour moi une histoire et des enjeux cruciaux : je m’ennuie un peu. À la fin du film, je m’interroge sur le pourquoi fondamental : pourquoi Étienne Chatiliez et Florence Quentin ont écrit ça ? Ça veut dire quoi au juste ? Est-ce que c’est drôle de se moquer de cette famille de bourgeois béni-oui-oui et engoncée dans un univers hypocrite ? J’ai du mal à ressentir de l’empathie de la part du scénario pour tous ses personnages. Cela aurait dû me plaire, une satire sociale, mais je trouve l’humour du film un peu trop léger, pas assez mordant, peut-être pas suffisamment méchant (ou trop, je ne sais pas ? Je suis paumé devant ce peu de gaieté). En tout cas, il y a de la redondance et les personnages abusés font plus pitié que rire. Les hypocrisies des humbles répondent à celle des nantis ; l’idée du film est en fin de compte déprimante, manque de joie. Certes, ce sont les enfants qui se chargent de mettre de la vie là-dedans, mais est-ce que cela permet au film de sortir de sentiers déjà battus avec beaucoup plus de verve (Affreux, sales et méchants )? Je ne crois pas. Anecdotes :
Séquences cultes : Jésus revient Marie-Thérèse, ne jurez pas ! Oh la salope ! |